Les cités orientales et nous

Jean-Pierre Bonhomme

Images Flickr par UweBKK (α 550 on ) et Joses Pul Angelio

Il y a des gens, dont je suis, qui ont une haute opinion des civilisations orientales. Les cités d’Orient, du reste, ont un passé plus riche que le nôtre; nos cités ne peuvent se vanter que d’avoir deux cents ans d’histoire alors que celles de Chine, par exemple, en ont trois ou quatre mille!

Aussi serait-il logique de penser que l’Occident devrait, pour organiser sa vie urbaine, trouver modèle en Asie. Et c’est bien de cela que rêvait votre serviteur dans ses moments idéalistes. Les villes américaines, comme celles de Détroit ou de Dallas étaient-elles d’affreux dortoirs où la beauté et l’ordre ne trouve pas son compte? Qu’à cela ne tienne nous pourrions, pour corriger le tir, nous référer aux critères de beauté établis tout au long des millénaires : ceux des anciens empires de Chine ou de Thaïlande notamment. Il y a, du reste, une esthétique orientale, que des auteurs se font fort de rappeler au souvenir de tous. (Li Zhehou The Path of Beauty; a study of chinese esthetics) par exemple.

Mais tout cela n’est qu’un rêve. L’Orient, si nous voulons être près de la réalité, n’a choisi, pour aller vers le «progrès», que d’imiter les États-Unis, donc le Canada par conséquent. Et cela ne donne pas le bonheur, loin s’en faut. Tout ce que l’Asie avait comme merveilleuse complexité urbaine horizontale a été détruit ou négligé pour imiter les USA mais avec moins d’égards encore pour l’âme commune. Cela donne des centre-ville pour «les affaires» et des tours résidentielles immenses pour «les gens bien». Les masses n’ont qu’à se contenter de la périphérie ou de quelques quartiers oubliés. Et partout les sociétés livrent des combats acharnés contre le piéton, lequel n’arrive plus à traverser les rues sans risquer sa vie.

Ce n’est certainement pas cela le bonheur. C’est au point où l’Indonésie songe à déménager sa capitale Jakarta en des lieux plus doux, à Bornéo notamment, parce que la ville avec ses 9 millions d’habitants, a atteint son point de saturation. Les nombreux citoyens qui habitent la banlieue peuvent s’attendre, là, à voyager quatre heures par jour pour se rendre aux bureaux et revenir à la maison.

A Bangkok, ce n’est pas très différent. Les autoroutes à la Turcot tapissent la ville et les citadins piétons doivent emprunter des passerelles énormes pour traverser les boulevards, sinon c’est un sauve qui peut; l’automobile envahissante a ainsi préséance sur tout le reste.

Ainsi l’Asie fait ce que les États-Unis lui a dit de faire : vivre pour l’automobile! Ce qu’elle continue de faire aussi. Le président Obama n’arrive pas à convaincre son peuple qu’il serait bon – tant pour les «jobs» que pour l’environnement – de construire un réseau de trains rapides : l’auto est sacrée!

Vous croyez que j’exagère? Un ami a déménagé au Vietnam pour aller rejoindre sa femme. Voici ce qu’il me dit dans une lettre écrite sans réserve et sans arrière-pensée il y a quinze jours seulement :

Seuls quelques tronçons de rues possèdent parfois de larges trottoirs non encombrés et une partie des artères principales du centre-ville sont non hostiles au piétons… sinon tu marches à moitié dans la rue parmi les embouteillages et le stress. L’Asie, sauf le Japon et Hong Kong je crois, c’est le chaos total et l’anarchie d’une décadence urbaine dégénérée! J’te l’dis mon Jean Pierre, c’est plate à dire mais il n’y a rien de vraiment pertinent et de constructif à tirer de ces pays qui non seulement répètent les erreurs et l’inconscience de nos père – qui ont tout saccagé et tout détruit l’esprit des ville et le concept de l’urbanisme et de la vie en ville; mais ils en rajoutent d’avantage au bordel existant!

Les citoyens québécois, comme les Américains, sont allés vivre dans les champs de patate autour des villes. J’espère qu’ils ne s’imaginent pas qu’ils sont ainsi progressistes. En tout cas c’est cet exemple que les Asiatiques reproduisent à l’envie et qui est périlleux. Cela est plus dangereux que le réchauffement de la planète. Le désordre urbain, qui grignote sur la terre arable, pourra produire des inconforts et de violentes réactions.

Certes il y a de meilleures manières d’organiser la cité centrale pour y inclure les résidents. Et il est désolant de constater que les experts, que nous formons à grands coups de millions, à l’Université de Montréal et à l’Université McGill, par exemple, ne prennent pas beaucoup de bâton du pèlerin pour communiquer directement à la population les manières de procéder. Les professeurs ne se mouillent pas beaucoup pour nous dire comment les Monster Houses de la périphérie sont des catastrophes sur les plans de l’énergie et du goût.

Il est vrai que l’État n’a pas de ministère de la Ville pour engager le dialogue à ce sujet avec les enseignants. Mais quand même ne pourrions nous pas voir surgir quelques savants indignés qui nous mettraient la puce à l’oreille? Nous n’avons, pour le moment, que de savants propos dont le vocabulaire ne peut être digéré que par l’élite pensante réunie dans le sanctuaire du Canadian Center for Architecture. C’est mon ami qui a raison :

– (Les Asiatiques) copient tout ce qu’il y a de merdique (en Amérique) et font pire… Il reste que le seul endroit où se réfugier dans ces pays ce sont les « resorts » sur le bord des plages, les petits villages, les petite villes côtières et les îles presque vierges en périphérie… Les grosses villes sont à éviter à part quelques arrêts pour visiter certains trucs touristiques…. Il ne l’ont pas l’affaire JP… Les seuls endroits « civilisés », beaux et agréables dans ces pays «émergents» (je dirais plutôt décadents) ce sont ceux où il y a des vestiges d’anciennes colonisations européennes… c’est «plate» à dire mais c’est ce que je constate.

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