Archives quotidiennes : 27 août 2008

Présent!

Si vous ne me connaissez pas encore, je me présente, Renart L’éveillé, personnage qui épand ses idées par les mots sur le web depuis environ une année et la moitié d’une autre. J’ai accepté avec grande joie l’invitation de Pierre JC Allard de me joindre à ce groupe de blogueurs, qui tournera autour de la politique, sujet très, mais très vaste, et surtout très vague, si on ne se concentre pas trop sur sa mécanique, et ses potins…

Étant donné que la liberté me pousse à écrire sur tous les tons et beaucoup de sujets, cela sera mon nouveau défi hebdomadaire. Et j’adore travailler avec le carcan souple de ce genre de projet, qui fait converger la pensée multiple, éparpillée, comme notre monde.

Je me trouve ici bien plus par curiosité que parce qu’on m’y a invité, ou parce que je m’y dirigeais objectivement. C’est la beauté du hasard qui semble faire se placer les événements. Je ne suis donc pas un spécialiste et si j’en suis un, c’est seulement en art, de par la preuve de mes diplômes. Mais qui pense qu’un artiste ne peut pas avoir d’avis sur la politique, ce domaine qui entre autres domine? Je me classifierai donc seulement comme citoyen conscient de l’être, et bon amant de l’humanisme, dans son sens le plus relationnel, envers tout ce qui entoure l’aventure humaine.

Donc, voilà un peu où je me trouve, s’il faut me placer quelque part d’assez flou. La politique n’est pas très loin de la philosophie et j’aime bien faire résonner mes pensées entre ces deux pôles. Les quelques textes plus bas vont de ce côté, si j’ai assez réussi à vous mettre l’eau à la bouche!

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Un plan vigilant pour gagner notre liberté

Toujours en lien avec le political compass, j’aimerais poursuivre mon commentaire sur les options politiques — qui se base sur les notions de l’autoritarisme, de l’anarchisme, de la gauche et de la droite — et ainsi projeter ma pensée vers le futur. Au départ, avec mon texte « Pourquoi je ne suis pas libertarien (maisque je suis quand même quelque peu sous le charme) », j’ai exposé une lecture quand même assez positive du libertarianisme (qui est beaucoup dans l’air du temps) et élaboré une critique qui s’appuie sur le problème à court terme de cette philosophie, s’il y avait un changement sociétaire radical dans cette voie, qui prend pour acquis la responsabilisation de la population et ne propose pas de plan autre que de l’optimisme aveugle : faites-nous confiance, tout va bien aller si on fait disparaître l’État!

Aussi, avec mon texte « Uppercut de la gauche vers la droite : un peu de philosophie politique », j’ai désigné l’ennemi à abattre, le néo-libéralisme, en le plaçant en contradiction avec les positions libertariennes, anarcho-socialistes et socialistes. Donc, deux textes sur les droites en guise de point de départ pour un projet de société que je vais vous exposer plus en détail dans les lignes qui vont suivre.

Avant tout, pour le bien de l’exercice, je me dois de nous placer collectivement dans le quadrant et, pour se faire, je m’appuierai sur le résultat le plus près de nous, c’est-à-dire notre Très Cher Premier Ministre Stephen Harper. Étant donné qu’il n’a pas été élu majoritairement et que le Québec semble assez différent du reste du Canada, je nous placerai donc tout près du centre (voir le graphique plus bas), dans la partie droite en haut, plus près du milieu par rapport à l’axe gauche-droite et assez haut par rapport à l’axe étatisme-anarchisme, parce que bien sûr l’État est encore très présent dans nos vies, au grand dam de plusieurs, dont moi.

Ce positionnement est le plus objectif que je peux fournir, étant donné l’absence de données fiables et l’impossibilité de faire passer ce test à la société québécoise (ou plus largement aux sociétés occidentales) comme entité personnelle unique… J’aurais pu placer le point de départ ailleurs, à peu près dans coin-là, j’en conviens, c’est hasardeux : je l’ai choisi en tenant compte des autres points déjà existants. Même si ça semble pour certains assez accessoire, je tiens à utiliser ce graphique majoritairement pour sa qualité démonstrative, même si le test et le site d’où il provient ne semblent pas faire l’unanimité. Par contre, je maintiens ce choix de positionnement dans cette partie du quadrant, car il est clair que notre système est contrôlé en grande partie par le corporatisme, plus près de la droite néo-conservatrice que de la gauche socialiste, il faut l’admettre; et les positions anarcho-socialistes et libertariennes ne trouvent aucune correspondance comparative dans des sociétés actuelles, encore moins dans la nôtre.

Donc, étant donné que les forces néo-libérales tentent de tirer la société de leur côté en se drapant pourtant de plus en plus de la philosophie libertarienne pour asseoir leurs acquis et leurs privilèges avec l’aide de l’État, ce qui est un non-sens, je crois qu’il serait urgent de se sortir de ce piège qui pourrait être fatal pour la cohésion économique, sociale et environnementale. Le plan que je propose, comme le démontre bien le graphique, serait de bifurquer à gauche tout en se débarrassant tranquillement de la coercition étatique, pour ensuite de se rendre vers une plus grande liberté.

Ce plan ne pourrait se faire à court terme, c’est évident, car il faut du temps pour armer la population du sens de la responsabilité. Alors, ce premier mouvement idéologique vers l’anarcho-socialisme modéré aurait pour but de mettre au diapason la population avec ses élites (débarrassées de ses avantages étatiques), si possible, de concerter les instances mondiales pour la survie de l’espèce humaine, en tentant aussi d’écorcher le moins possible la faune et la flore, et d’éduquer la population à une plus grande démocratie, à une conscience citoyenne, que la technologie permettra à coup sûr si la population s’en empare. C’est l’importance et la réussite de cette étape qui feront en sorte de nous mener ensuite vers la liberté.

Parce que si nous nous dirigeons trop rapidement vers l’anarchie et le libre marché, je crois que la tendance lourde des multinationales se poursuivra de plus belle (de par leur pouvoir déjà accumulé) et finira de gaspiller les ressources et d’engloutir les richesses dans l’inertie des coffres-forts, réels et virtuels. Sans la responsabilisation des citoyens (qui pourront par des mouvements de masse influencer l’éthique de l’entrepreneuriat et du commerce), il ne pourrait y avoir de justice dans l’anarchie, car l’accumulation de mauvaises décisions populaires et le laisser-aller ne pourront qu’avantager l’opportunisme des mieux nantis, armés de la convergence propagandiste des médias intéressés et prompts à se servir de la couardise des masses pour arriver à leurs fins. Notre société en est déjà un bon exemple : la course folle que nous impose nos élites afin de payer pour des désirs personnels très secondaires, en faisant fi des répercussions à long terme, avec l’intention implicite de maintenir artificiellement le système économique actuel en vie est un non-sens.

Pour ce qui est du but à atteindre, je le place au centre en bas, car il représente un équilibre sain à mon sens, et je ne saurais choisir entre les deux extrêmes anarcho-socialistes et libertariens dans une utopie si lointaine : chaque petit pas dans ce sens nous rapprochera d’une réponse plus pragmatique. Pour ceux qui me diraient qu’un vrai équilibre se trouverait dans le milieu de la cible, tout près de notre position actuelle, je leur dirais que le haut du graphique représentant les philosophies autoritaristes nous ont déjà bien prouvés leur inefficacité, et qu’il est temps de voir où l’humanité peut bien se rendre si on lui offre l’opportunité de se dépasser au niveau social avec l’alternative anarchiste. Qui voudra relever le défi?

Maintenant, la première tâche serait de changer la « mise en marché », l’imagerie de l’anarchisme, car je ne crois pas que le drapeau noir et le « A » entouré d’un cercle puissent plaire à la population en général…

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Uppercut de la gauche vers la droite : un peu de philosophie politique

Même s’il semble presque inutile pour certains, et surtout redondant, le débat concernant les concepts de la gauche et la droite restera toujours d’actualité à mon avis, comme en fait foi le dernier texte de Jimmy St-Gelais publié ici et qui a donné lieu à de bonnes discussions. Alors, j’aimerais ajouter une brique à ce mur puisque j’ai mes idées philosophiques sur le sujet, et ma découverte d’un test sur la position politique (political compass), qui inclut les positions de fascisme et d’anarchisme avec l’ajout d’un axe de haut en bas, est venue me replonger dans ces réflexions. (Mon résultat à ce test est ici.)

Concernant mes idées sur le spectre gauche-droite, je pressentais que la différence entre ces deux pôles pouvait s’expliquer par la logique sans toutefois pouvoir mettre le doigt dessus. Par un heureux hasard, la lecture d’un livre sur les grands philosophes m’ a donné la réponse. Le passage concernant le philosophe John Rawls (1921-2002) m’a beaucoup éclairé, lui qui s’est penché sur ces questions dans son ouvrage Théorie de la Justice, publié en 1971. La citation qui suit vient du livre sur les grands philosophes, non de son ouvrage :

La réflexion de Rawls sur la justice repose sur deux principes : un principe d’égalité concernant les libertés élémentaires; un principe de différence, admettant les inégalités sociales et économiques. Sur ce dernier point, il considérait que ces inégalités ne devraient être permises que pour profiter aux plus démunis; et qu’elles devraient être liées a l’égalité des chances. L’équité de ces principes, soutenait Rawls, tient à ce qu’on les choisirait même si nous nous trouvions dans une « situation d’originelle ignorance » : si nous devions choisir le genre de société dans laquelle nous voudrions vivre, mais sans savoir quelle place nous y occuperions — étant ignorant de notre sexe, de notre appartenance sociale, de notre système de valeur, de nos talents et du reste —, nous opterions pour une société où règne un maximum d’équité. Donc, nous admettrions les deux principes de Rawls.

Alors, après avoir examiné ce point de vue philosophique assez tranchant, il est difficile de ne pas s’avouer vaincu devant l’éloquence et, je pourrais dire, la transcendance du propos. Quiconque nierait cette logique serait louche puisqu’elle place les contextes (qui influenceraient normalement le point de vue) hors du champ analytique primaire, ce qui place obligatoirement toute la discussion au niveau d’où se situerait le « maximum d’équité » : sans que l’équité ne puisse devenir de l’iniquité à force d’argumentation… Mais je comprends qu’un exercice éthique de la sorte est difficile, étant donné que l’humain a la fâcheuse tendance à construire le monde selon la couleur et la transparence de sa bulle, mais il est essentiel à mon avis.

Ainsi donc, il semblerait bien que la différence entre les gens de droite et de gauche réside dans leur capacité ou non à intérioriser le concept de hasard — qui permet les inégalités dans la société —, de faire abstraction ou non de sa propre situation dans son raisonnement politique, et de sa capacité ou non à faire preuve d’empathie lorsqu’une opinion se forge par rapport à un groupe anonyme. Il serait donc facile de dire que la pensée de droite est illogique, car l’équité est le dernier de ses soucis, semble-t-il…

Cette citation de Mathieu Demers, un fier droitiste, qu’il a laissé en commentaire au texte 11 septembre de Louis, est très représentative d’un faux discours sur l’équité qui prend des airs de formule magique :

Je crois que le néo-libéralisme, c’est la seule vraie façon pour une société de prospérer économiquement. C’est le seul vrai moyen de réduire de beaucoup le taux de pauvreté, en donnant du travail, pas en distribuant de plus grandes prestations d’aide sociale.

Alors pour ceux qui croient, comme Mathieu, que la pensée de droite (ou plus spécifiquement le néo-libéralisme) est noble et qu’elle est la seule pensée qui peut régler les problèmes d’équité, je pourrais simplement dire que ce dogme ne date pas d’hier — ni d’avant hier d’ailleurs… — et qu’il n’a donc pas encore fait ses preuves comme régulateur de l’équité; au contraire, il semble plutôt provoquer des inégalités : mais qui pourrait me donner un exemple de société néo-libérale où une vraie équité existe, où la classe pauvre diminue de plus en plus?

Par contre, nonobstant la critique sur la pauvreté généralisée, nous pouvons affirmer sans hésitation que la société cubaine est plus équitable que la société états-unienne. Personnellement, je crois que la solution idéale ne se trouve pas dans ces deux exemples, et la social-démocratie québécoise est déjà en meilleure position pour l’atteindre, même si elle est fortement critiquée par beaucoup de gens, dont moi…

Donc, devant la présomption hypothétique d’un silence de mort à la question de trouver une société néo-libérale vraiment équitable, je vais revenir au sujet principal, mais en bifurquant vers le test que j’ai relaté au début. Il est très intéressant, car il partage les disparités idéologiques simultanément en quatre grands pôles, en ajoutant aussi les considérations de pouvoirs étatiques ou non dans la société. Par contre, il est clair que les alliances entre les gens de gauches et les gens de droite sont plus naturelles (puisqu’elles se basent sur des valeurs) qu’entre les autoritaristes et les anarchistes (puisque cette distinction se base plus sur les moyens « techniques » de diriger la société, entre le désir d’un état fort et contrôlant ou non).

Pourtant, en examinant les exemples de positionnement des personnalités dans les deux graphiques présentés sur la page About the political compass, il est évident que le gros du partage se situe dans la partie en haut (qui concerne les idéologies les plus étatistes — ou autoritaristes) et qu’il est facile de faire un lien causal entre les inégalités présentes partout et la position néo-libérale (plus à droite dans le graphique) de nos dirigeants occidentaux. Alors, il est clair que ma critique concerne principalement la portion en haut à droite et, comme on peut le voir, ils sont en complète contradiction avec de grands hommes comme Ghandhi, Nelson Mandella et le Dalaï-Lama. On repassera pour le message répétitif que la droite étatiste représente le changement…

Oui, le but de ce texte est surtout de mettre en perspective le déficit philosophique des tenants du néo-libéralisme — qui se regroupent en général sous l’appellation de la droite, puisque la position de droite anarchiste (en bas) repose plus sur l’anti-étatisme et est donc autant en contradiction avec eux que la gauche l’est. Mais je n’ai pas le choix étant donné que, tant dans la prémisse qu’apporte le questionnement logique de Rawls que dans l’ajout de l’analyse qu’apporte le « political compass », l’impression nette qui en ressort est qu’il y a un problème profond avec cette position politique, comme si elle occultait consciemment le fait que nous sommes maintenant dans un monde civilisé, et qu’elle prônerait plutôt une espèce de jungle mécanisée, où les pires instincts de l’homme sont mis de l’avant.

En conséquence, il me semble même que le simple fait de se proclamer de droite est « contre-nature », pas dans le fait d’avoir des idées de droite, puisque moi-même et beaucoup de mes amis gauchistes en ont quelquefois, sur certains sujets, mais plutôt dans le fait de monter aux barricades, affublé de ce constat clair et net sur sa propre position. C’est que la droite, en plus d’attaquer la gauche, attaque la population en général puisqu’elle la rejette d’emblée comme la première unité apte au bonheur et au confort (alors que le petit bonheur des plus démunis, et même la question de la survie de la classe moyenne, seraient quand même assujetti au grand bonheur et à la grande charité du patronat et de l’élite économique, si la théorie pouvait prendre forme dans la réalité de la meilleure manière possible, ce à quoi je doute fortement, étant pessimiste quant à la bonté naturelle des individus…).

Encore, je crois qu’il faut un équilibre entre une vision collective et une bonne dynamique individuelle, ce que la droite néo-libérale ne réussit pas à démontrer, tant dans ce qu’elle vise que ce qu’elle montre. Au contraire, elle fait la promotion d’une vision nihiliste des forces vives de la collectivité et d’une dynamique égocentriste qui encourage la rivalité dans son sens le plus malsain.

Je sais que je ne me ferai pas beaucoup d’amis ici, mais j’ai l’impression qu’il y a beaucoup de gens qui se considèrent de droite en réaction à une certaine idée qu’ils se font de la gauche (surtout axée sur la gauche étatiste). Alors si, après avoir fait le test et réfléchi objectivement à la réflexion de Rawls, vous vous considérez toujours fièrement droitiste, nous pourrons au moins continuer notre match de boxe intellectuel sur une base encore plus solide. Votre faiblesse éthique en sera encore plus évidente.

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Pourquoi je ne suis pas libertarien (mais que je suis quand même quelque peu sous le charme)

Depuis peu, je me suis intéressé au libertarianisme. Cette philosophie politique, à forte tendance économique, selon le site Le Québécois Libre, repose sur la croyance « que la liberté individuelle est la valeur fondamentale qui doit sous-tendre les rapports sociaux, les échanges économiques et le système politique. » Ils croient « que la coopération volontaire entre les individus dans un marché libre est préférable à la coercition exercée par l’État », « que le rôle de l’État n’est pas de poursuivre des objectifs au nom de la collectivité – comme redistribuer la richesse, « promouvoir » la culture, « soutenir » le secteur agricole, ou « aider » la petite entreprise –, mais bien de se limiter à protéger les droits individuels et laisser les citoyens poursuivre leurs propres objectifs de façon libre et responsable. »

Aussi, sur l’échiquier politique, que nous caractérisons habituellement par l’antagonisme gauche-droite, ils ne veulent pas se situer d’un côté ou de l’autre, car ils considèrent que la gauche et la droite « ne sont plus que les deux revers de la même médaille étatiste. » Donc, ils veulent se distinguer comme étant « la seule véritable alternative : d’un côté, les étatistes de gauche et de droite; de l’autre, les défenseurs de la liberté, de la prospérité et de la civilisation. » Ce qu’il y a de clair, c’est que les libertariens sont contre l’interventionnisme de l’État et des groupes corporatistes, pour une implication citoyenne basée sur la responsabilité.

Sur le même site, dans un autre texte (qui se retrouve sur la même page que celle citée plus haut), « Cinq attitudes libertariennes essentielles », l’auteur Martin Masse dresse une liste, dont il élabore chaque point, qui résume bien cette philosophie :

1- assumer ses choix et cesser de rejeter la responsabilité de ses actions sur les autres
2- voir l’aventure humaine avec optimisme
3- refuser de s’en remettre à des abstractions collectives
4- viser une amélioration constante à long terme plutôt qu’une perfection statique à court terme
5- être tolérant et accepter la diversité

Voilà pour la présentation, maintenant la critique. En soi, il serait presque trop facile d’adhérer à ce système de pensée, car il est logique et répond même à la plupart des questionnements actuels si on le regarde seulement en surface. Il pourrait rallier une bonne partie de la population puisque son but est de nous débarrasser de la connivence entre l’État et les groupes d’intérêt, phénomène qui éloigne de plus en plus le peuple des considérations politiques. Par contre, après l’avoir examiné plus attentivement, il est utopique de penser que la société pourrait s’adapter rapidement à un système de la sorte : pour cela, il faudrait occulter l’histoire, remettre les pendules à l’heure au niveau socio-économique; en somme, repartir à neuf. Et cela est impossible, car à mon sens l’inégalité déjà présente se creuserait davantage, étant donné que l’implication citoyenne n’est pas de mise dans notre monde corporatiste et antidémocratique, où le conformisme est roi.

Personnellement, je pourrais vivre dans un système semblable, car je suis assez confiant de mes capacités d’adaptation, mais je ne crois pas que tout le monde pourrait suivre, même que plusieurs tomberaient encore plus bas qu’ils ne le sont maintenant si les libertariens étaient au pouvoir dans un avenir rapproché. La scission entre les individus et l’État a déjà trop fait de dégât pour que la responsabilité citoyenne soit bien exercée maintenant, à froid, par tous : il nous faudra un filet encore longtemps et beaucoup de travail à faire auprès de la population pour qu’elle reprenne goût à la démocratie. Et ce serait malheureusement l’égoïsme qui primerait si les individus étaient laissés à eux-mêmes aujourd’hui : le constat actuel sur les comportements irresponsables des automobilistes en est un bon exemple à mon avis.

Donc, la solution libertarienne est trop statique, trop extrémiste pour moi qui pense aux répercussions à court terme (et à long terme aussi bien sûr…). Je crois que la société idéale ne pourrait s’appuyer sur un seul dogme, car les individus sont trop dissemblables : le système se devrait d’être toujours malléable, équilibré. Et cette philosophie, même dans son équilibre (implicitement centriste, par son rejet de la gauche et la droite) n’est pas équilibrée, puisqu’elle n’est pas relative et repose sur un monde rêvé où les individus n’ont que des qualités, où l’optimisme serait un idéal partagé par tous.

Si la liberté individuelle est la valeur fondamentale, qu’est-ce qu’on fait avec les défauts des individus? Comment la société pourra freiner la cupidité, l’égoïsme qui caractérise déjà les comportements de l’élite économique? Et si l’État est réduit au maximum et que le secteur privé prend le contrôle de tout le reste, qu’est-ce qui nous assurera que le facteur humain ne deviendra pas encore plus secondaire qu’il ne l’est aujourd’hui? Je le répète encore, mais c’est de l’équilibre qu’il nous faut entre l’État et les citoyens.

Aussi, leur diabolisation de l’État est compréhensible dans le contexte actuel, et je la partage. Mais si l’État était vraiment une extension de notre individualité, basé sur les forces vives de chacun, leur critique, et surtout leur dogme, ne tiendrait pas la route. C’est la corruption actuelle qui lui donne sa légitimité. En réexaminant la thèse libertarianiste, alors que l’on expulse momentanément le parasite corporatiste de l’appareil étatique, il apparaît clairement que l’idée d’abandon de l’État comme régulateur et filet social serait une erreur monumentale pour les mêmes raisons que j’ai décrites plus haut.

Pourtant, après avoir discuté et débattu avec certains libertariens sur leur blogue, j’ai bien vu que leur philosophie est noble, et qu’elle tend vers le bien-être de la communauté. Par contre, elle est peut-être trop optimiste, justement, et j’irais même jusqu’à dire qu’elle se rapproche de la pensée magique : leur position sur la charité privée au détriment d’une concertation étatique sur la pauvreté est fortement utopiste à mon humble avis. Si on laisse le choix aux riches de partager, ils ne le font qu’en minorité alors qu’il faudrait qu’ils le fassent en majorité, et je n’ai pas besoin de donner d’exemple pour le prouver… Peut-être que si dans une société où tous les individus étaient éduqués globalement à leur juste valeur, selon leur capacité, où les superstitions seraient disparues, où la science médicale et le système de santé serait axé sur la prévention, où l’économie serait au diapason avec les vrais besoins de la population (sans création de besoins artificiels pour nourrir la production), où l’environnement serait considéré avec le plus grand des respects, il y aurait place pour un système comme celui-là. Pas avant.

Pour l’instant, je pense qu’il faut collectivement laisser une grande place au dynamisme que provoquent les libertés individuelles, tout en se dotant d’une « assurance tout risque » que prendrait en charge un État vraiment démocratique. Donc, en conservant un système public fort qui regrouperait le bien commun — soit les domaines reliés à la santé, à l’éducation fondamentale (et à tous les domaines de la connaissance, ceux qui ne concernent pas la technique), à l’aide à la famille et à des mesures d’aide aux gens en difficulté, aux relations de travail (dans le but de rendre caduc les différents syndicats, afin de faire profiter de meilleures conditions possibles à tous les travailleurs), entre autres — et en laissant les individus (donc le privé) s’occuper du reste — entre autres l’économie, les biens de consommation (incluant tous les alcools…), la culture de masse, toute éducation qui sert seulement aux besoins de main-d’oeuvre des entreprises — selon des règles justes et équitables qui seraient assujetties le plus possible au bien-être de la collectivité.

Si la responsabilité est une valeur importante pour les libertariens, il faudra aussi qu’ils la confrontent à la responsabilité des autres, tant que l’idéologie ne pourra prendre sa vraie place, dans une société à sa mesure. C’est en faisant la promotion de l’éducation citoyenne de base et en l’instaurant ensuite pour tous que la responsabilité deviendra importante pour tous les individus. Car je crois que l’individualisme, la liberté individuelle acquise sans préparation aurait tendance à se transformer facilement en égocentrisme, je le répète. Et l’égocentrisme est bien le contraire de l’humanisme.

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