La simplification volontaire

Imaginez un boa avalant un cochonnet. La forme du cochonnet avance lentement dans le boa. C’est ainsi que les démographes imagent la génération des baby-boomers qui devient peu à peu celle des papy-boomers. Un de ces démographes vient de pousser l’analogie jusqu’à laisser entendre que nous, les baby-boomers, serions des cochonnets bien gras qui vont laisser derrière eux une société appauvrie s’ils ne se ressaisissent pas.

La solution avancée cette semaine dans Le Devoir par le démographe Jacques Légaré qui participe à la neuvième Conférence mondiale de la Fédération internationale du vieillissement qui a lieu présentement à Montréal, (Vieillissement de la population – Des décisions s’imposent) peut sembler d’une logique implacable: que les baby-boomers travaillent plus longtemps et qu’ils paient eux-mêmes leurs soins de santé et de services sociaux.

Moi je veux bien, mais alors je vais charger aux générations montantes ce que m’ont coûté les routes, les écoles, les hôpitaux et toutes les autres infrastructures qui soutiennent les services publics. Certes elles ne sont pas dans un état parfait, mais construisez-moi une Baie-James aujourd’hui et vous me direz, après, combien cela vous aura coûté. L’actif laissé par les baby-boomers du Québec est sans précédent dans notre histoire.

Du reste, cette vision comptable de l’avenir de nos enfants est un piège.

Monsieur Légaré est sans doute un excellent démographe, mais il devrait se contenter de faire de la démographie plutôt que de l’enrober de démagogie.

L’économiste Louis Gill a eu ce mot sarcastique à propos de la comptabilité publique : «C’est un outil que je qualifierais de translucide, pour employer un terme qui se rapproche de celui de lucide. Selon le dictionnaire, est translucide ce qui laisse passer la lumière dans toutefois permettre d’identifier distinctement les objets.»

Gill a écrit un ouvrage remarquable, très exigeant pour quiconque accepte de le lire, qui aide à comprendre les entourloupettes que nous font les cassandres de ce monde: Rembourser la dette publique: la pire des hypothèses. Gill y fait la démonstration que les méthodes comptables du ministre des Finances du Québec exagèrent nettement l’importance de la dette du Québec. Cette exagération fait le bonheur de ceux qui veulent réduire les services publics.

Jacques Parizeau avait aussi balayé du revers de la main, lors d’une entrevue diffusée le 22 octobre 2006 à l’émission Samedi et rien d’autre, cette propension à la simplification volontaire qui place les baby-boomers dans le camp du mal. Ce fut l’une des belles entrevues de Joël Le Bigot.

Certains se rappelleront l’époque où les curés nous abreuvaient d’un discours culpabilisant, nous promettant l’Enfer si nous ne restions pas dans le droit chemin. L’économie et la religion partagent ceci en commun qu’elles présentent comme certitudes ce qui n’est que dogmes, donc croyances occultes.

Lisez aussi le Petit cours d’autodéfense intellectuelle de Normand Baillargeon. Comme on le dit si bien en québécois: ça déniaise.

Vous n’avez pas remarqué à quel point la stratégie de la droite est cousue de fil blanc? Simplifiez, simplifiez, il en restera toujours quelque chose.

Dans un autre ordre d’idée, mais pas si éloigné que cela du titre de ce billet, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec lance une vaste recherche sur l’information locale. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir.

8 Commentaires

Classé dans Michel Monette

8 réponses à “La simplification volontaire

  1. @ MM : Brillant article auquel je souscris. Si on laisse une maison et une éducation à es enfants, ils devraient pouvoir continuer les paiements. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas réajuster l’âge de la retraite. Pas pour faire pénitence, mais pour tenir compte de la vie qui s’allonge. et qui doit garder un sens. http://nouvellesociete.org/5164.html

    Quant à la dette publique, la rembourser serait le plus sale tour à jouer aux riches… On pourrait le faire facilement – en la répartissant entre les contribuables au prorata de leurs avoirs – mais ce serait le Grand Soir. Mieux vaut y réfléchir http://nouvellesociete.org/3114.html

    P.S Concernant Jacques Légaré, J’ai été stagiaire de l’OCDE avec lui à Bergneustadt RFA, avant que le boa ne commence a avaler le cochonnet, quand il y avait encore deux Allemagnes et qu’on ne pensait pas qu’il put n’y en avoir qu’une. A moins qu’il n’ait bien changé, ce n’est sans doute pas tant de de démagogie qu’il enveloppe ses propos que d’une bonne dose d’humour. Legare était un augure souriant…;-)

    PJCA

  2. Leon

    Bonjour, cousins.
    Je vois que les débats au Quebec sont les mêmes qu’en France. Mais les situations sont-elles comparables ? Il va falloir que je me penche sur le détail des investissements réalisés grâce aux dépenses publiques depuis les année 70.
    Liens très intéressants.

  3. @ Leon

    Une différence avec la France est que le Québec ne contrôle qu’une partie de son budget étatique, le reste étant contrôlé par le gouvernement fédéral. L’impact sur le débat, c’est que les cassandres peuvent évoquer le «risque» causé par la part grandissante des dépenses en santé et en éducation dans l’équilibre budgétaire du Québec, alors qu’à l’échelle des deux budgets cette part est tout à fait raisonnable. Pour ce qui est de cette tendance à accuser les baby-boomers de laisser une dette énorme à leurs enfants, j’imagine que la simplification des idées est, à peu de choses près, la même.

    @ Pierre JC Allard

    La dette québécoise est formée en très grande partie d’obligations détenues par de petits porteurs ou par les porte-feuilles de nos régimes de retraite. Peut-être même vaut-il mieux ne pas précipiter le remboursement, au bout du compte. Quand à l’âge de la retraite, c’est un tout autre débat. Il est fini le temps où l’on poussait les plus vieux travailleurs vers la retraite et c’est tant mieux 😉

  4. radical libre

    On est tous plus ou moins capitalistes…ca complique les reglements de comptes

    Radicale libre

  5. C`est vrai que ça a tendance a revenir ce sujet de baby boomers. Je pense que c`est encore un faux débat pour nous tenir occupé alors que les vrais maîtres continuent d`avancer leur agenda en toute tranquillité. Ce n`est pas les baby boomers qui laissent une dette aux autres générations, c`est surtout à mon avis le système fractionnaire bancaire qui fait que l`on créé de l`argent en terme de crédit.

    Avec ce système bancaire de fou, nous sommes passé d`une dette de 37 milliards au Canada à plus de 600 milliards en seulement 30 ans. Nous avons peine à payer les intérêts uniquement, aux banquiers privés et on se demande pourquoi nous n`avons plus d`argent.

    Pensez à ceci: nous avons une masse monétaire en dollar canadien de 800 milliards, autant en papier qu`électronique.
    Nous devons rembourser une dette accumulée au fédéral, provincial avec les particuliers et commerces de 2.3 TRILLIARDS!!!

    Comment pensez-vous qu`on puisse faire ce tour de force??!?!?!

    C`est le coeur de notre problème. Pas les baby boomers! Les banquiers privés qui contrôlent la création de l`argent au lieu de le faire avec NOTRE banque centrale, la Banque du Canada. Vous en êtes propriétaire en tant que Canadiens et on peut créer de l`argent dsans intérêts.

    À bientôt!

    François M.

  6. @François M.:
    Créer de l’argent sans intérêt, n’est-ce pas une façon sûr de diminuer la valeur de la devise du pays pratiquant ce création?

    +Vibrations

  7. Vibrations:

    La réponse est non. Si la banque centrale qui créé de l`argent appartient vraiment au peuple, elle créé de l`argent non pas en terme de dette, crédit, mais bien en surplus dans la masse monétaire. Les intérêts chargés sont minimum et sont dû… à nous mêmes, le peuple. Il s`agit alors de se rembourser soi-même et effacer le surplus créé pour ne pas entraîner une inflation/dévaluation de la monnaie.

    Ce qui fait dévaluer la valeur d`une monnaie flottante c`est d`en imprimer sans cesse plus, comme ils le font si bien à la FED aux États-Unis (et dans nos pays).

    Je vous pose une question: que se passerait-il si nous supposons que nous pourrions rembourser tout ce que les gens, corporations, municipalités, provinces et états doivent?

    FM

  8. merci pour votre article et votre blog en général et pour les lien vers des sources très intéressantes à bientot

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