Archives quotidiennes : 9 septembre 2008

Le Québec basculera-t-il à droite en donnant aux conservateurs un gouvernement majoritaire ?

Personne n’y échappe. Les élections canadiennes occuperont le premier plan de l’actualité pour un gros mois. Raymond, Jimmy et Pierre JC ont apporté un éclairage indispensable à la bonne compréhension des enjeux, mieux que je ne saurais le faire. C’est pourquoi j’ai voulu scruter le passé pour comprendre l’avenir. La campagne sera féroce. Elle l’est déjà. La crainte d’une droite religieuse dominante, tant au Canada qu’au Québec, oblige le premier ministre à tempérer ses ardeurs en ne faisant état que d’un gouvernement minoritaire. Comme s’interrogeait Pierre JC, pourquoi remplacer un gouvernement minoritaire par un autre gouvernement minoritaire ? Le froid et calculateur Stephen Harper n’a pas seulement Stéphane Dion, dans sa mire. Il a aussi les élections américaines. Et les tiers partis régionaux sont indispensables à l’équilibre des pouvoirs au sein de cette Confédération ingouvernable au plan du partage des responsabilités entre les provinces.

John George Diefenbaker fit élire, le 18 juin 1962, le dernier gouvernement progressiste-conservateur de la décennie. Son gouvernement n’aura survécu que dix mois. Le 8 avril 1963 fut une date charnière dans la vie du Parti progressiste-conservateur du Canada car, dès ce jour, il assiste à une longue succession de gouvernements libéraux sur la scène fédérale canadienne.

Pire. En 1962, le parti de John Diefenbaker constate avec impuissance la montée fulgurante d’un tiers parti, le Crédit social, mené par Réal Caouette. Le Crédit social obtient 26 sièges sur 30 au Québec dont dix dans la grande région de la capitale. Le parti de Réal Caouette détient entre ses mains le sort du nouveau gouvernement de John Diefenbaker.

Le 22 mai 1979, contre toute attente, Pierre Elliot est délogé par le parti progressiste-conservateur de Joe Clark. La population canadienne s’est donné un gouvernement conservateur minoritaire après seize années de règne libéral. L’opinion publique voulait un changement. Jos Clark semblait incarner ce changement. Mais les vieux conservateurs poursuivaient si insidieusement leur guerre intestine.

Après les monologues, les frondes, le mépris d’un Pierre Elliot Trudeau, Jos Clark proposait un nouveau dialogue. Jos Clark faisait du changement le thème de sa campagne. « Pour que le système fédéral fonctionne, il nous faut absolument changer les attitudes du passé et le gouvernement fédéral doit donner l’exemple. C’est pourquoi mon gouvernement compte tout mettre en œuvre pour instaurer une nouvelle ère dans les relations fédérales-provinciales. Celle-ci sera caractérisée par la consultation et la coopération. Le temps est venu de s’entendre dans ce pays et d’harmoniser nos différences. Ensemble nous devons développer le potentiel du Canada. C’est en bâtissant que nous renouvellerons le fédéralisme canadien ».

Le 18 février 1980, Pierre Elliot Trudeau est réélu. Il forme un gouvernement majoritaire. Jos Clark se révèle très tôt un grand naïf, tant au sein de son propre parti, qu’au sein de la Chambre des communes, qu’il n’a pas su contrôler. Après un congrès houleux, il est déçu et annonce la convocation d’une course au leadership. Les conservateurs – plus habitués au discours de défaite qu’à celui de la victoire – profitent de l’occasion pour évincer Clark et élire Brian Mulroney. « Joe Clark … 1,325 … Brian Mulroney … 1,584 », peut-on entendre le 11 juin 1983. Une carrière se termine, une autre commence.

Jusqu’en 1993, c’est la lente dissolution naturelle du Parti de Réal Caouette, le Crédit social. Brian Mulroney s’est montré un choix heureux pour les conservateurs puisqu’il leur donne la victoire le 4 septembre 1984. Brian Mulroney mène une campagne efficace contre les libéraux du premier ministre John Turner et remporte 211 sièges, le plus grand nombre dans l’histoire du Canada. Il met ainsi en place un gouvernement majoritaire. Le portrait politique de la grande région de Québec change complètement et l’ensemble des circonscriptions prennent les couleurs des progressistes-conservateurs. De discours sur la défaite, les conservateurs feront l’apprentissage de la victoire. Non sans peine. En effet, les deux premières années de gouvernement de l’ancien membre de la Commission Cliche sur la violence et la corruption dans l’industrie du bâtiment au Québec ont été marquées par l’indécision et les scandales. Cent onze ans après un autre scandale qui a impliqué John A. Macdonald dans une affaire de pot de vin versé par la Compagnie de chemins de fer du Canadien Pacifique.

Le mandat de Brian Mulroney prend fin lorsqu’il annonce sa démission des postes de chef du Parti progressiste-conservateur et Premier ministre du Canada en février 1993. Si on se souvient de l’écrasante victoire de Diefenbaker en 1958, on ne peut ignorer l’humiliante défaite de Mme Kim Campbell qui a suivi en 1993. Les libéraux battent le Parti progressiste conservateur au pouvoir par une écrasante majorité. Ils remportent 177 des 294 sièges de la Chambre des communes. Jean Chrétien est assermenté à titre de premier ministre du Canada le 4 novembre 1993.

C’est en octobre 2003 que naît officiellement le nouveau Parti conservateur du Canada. Le chef conservateur, Peter MacKay, et son homologue allianciste, Stephen Harper, dévoilent le projet de fusion entre l’Alliance canadienne et le Parti progressiste-conservateur. Selon Le Devoir, André Bachand, le seul Québécois du caucus conservateur, se montre « très sceptique » en raison notamment de l’absence de main tendue aux nationalistes. Aux yeux des Québécois, les conservateurs « couchent avec des extrémistes », croit-il. Stephen Harper prend la tête de ce nouveau parti en mars 2004.

En mars 2001, l’Alliance canadienne se penchait sur son avenir tout en déclarant qu’il n’était pas question de mariage avec les conservateurs. Stockwell Day rejetait un éventuel rapprochement avec le parti de Joe Clark. En mars 2005, au congrès des conservateurs, Stephen Harper, rapporte encore une fois Le Devoir, tire plusieurs flèches vers le Bloc québécois. Selon ce dernier, le Boc ne pourra jamais régler le déséquilibre fiscal, aider les forces armées, baisser les impôts ou augmenter le pouvoir des provinces. « Quinze ans plus tard, il est temps de se demander ce que le Bloc a accompli depuis 1990. Les libéraux fédéraux n’ont pas changé. Le déséquilibre fiscal se creuse, les scandales continuent et l’invasion des compétences provinciales est plus forte que jamais. La politique du Bloc, c’est la politique de la chaise vide ».

Nulle part il n’est fait mention du bilan des conservateurs dans l’opposition pendant plus de seize ans à Ottawa, occupés qu’ils étaient à s’entredéchirer. Ont-ils fait mieux que le Bloc québécois ? À la différence près que les conservateurs étaient fédéralistes, ils ont peu de réussites à offrir pour se comparer au Bloc. Ils évitent d’attaquer sur le même terrain les néodémocrates. Entre fédéralistes, il faut tout de même se trouver des terrains d’accomodement.

Le président de la National Citizens Coalition dénonçait en 2000 la décision de Jean Chrétien de déclencher, après 3 ans et demi de pouvoir, des élections générales au Canada. Le nom de ce président est Stephen Harper. En 2003, Stephen Harper prononce un discours devant l’Institut économique de Montréal. Il propose rien de moins que l’ambassadeur canadien aux États-Unis soit élevé au « rang de ministre » afin de « lier directement les activités de notre gouvernement d’Ottawa à nos activités à Washington ». Sur la guerre en Irak, le chef conservateur déclarait lors d’une entrevue à Fox News : « En dehors du Québec, je crois très fortement qu’une majorité silencieuse de Canadiens y est vraiment favorable ».

2008. Année électorale décrétée par le Premier ministre Stephen Harper. Façon élégante de montrer, une fois pour toutes, la porte à Stéphane Dion en cas de défaite.

Le Québec basculera-t-il à droite, voire à l’extrême-droite, en donnant aux conservateurs un gouvernement majoritaire ? Selon le deuxième volet du sondage Léger Marketing-Le Devoir-Globe and Mail, 55% des Québécois croient que Stephen Harper mérite d’être reporté au pouvoir. Le Chef du Bloc québécois en est bien conscient. « La vision “à droite” de Stephen Harper ne correspond pas aux valeurs du Québec », dit-il. Les sondages oscillent entre cette vision de la droite conservatrice et un nationalisme qui s’effrite de plus en plus et qui se situe plus au centre gauche. « Il vaut mieux élire des députés québécois qui seront « debout dans l’opposition » plutôt « qu’à genoux au pouvoir », prévient Duceppe. 28% des Québécois accorderaient à Stephen Harper un mandat majoritaire et 27% un mandat minoritaire.

Rien n’est joué. Rien n’est perdu. Selon ce même sondage Léger Marketing-Le Devoir-Globe and Mail, 58% des Québécois, toutes allégeances confondues, considèrent que le Bloc est toujours utile à Ottawa.

Georges Lebrun, ancien libéral, travaille maintenant à l’Association conservatrice d’Ottawa-Vanier. Il croit que les affaires religieuses ont leur place en politique. Il se dit très satisfait du travail du travail du premier ministre : « Le Canada est un pays que Dieu a donné aux Canadiens et ils devraient être fiers d’avoir un premier ministre qui est chrétien, qui tient ses paroles et je prie Dieu pour qu’il continue dans la même voie ». Un regroupement national de jeunes évangélistes, 4 My Canada, qui diffuse la parole de Dieu sur Internet, a déjà commencé à prêter main-forte aux candidats qui partagent ses valeurs conservatrices. « Je n’irais pas jusqu’à dire que le gouvernement Harper est parfait, mais il a à coeur les valeurs familiales », commente Faytene Kryskow directrice de 4 My Canada.

Le pasteur Michel Habib, directeur de l’Association d’Églises baptistes évangéliques au Québec, déclarait que le Mouvement évangélique, au Québec, n’était pas impliqué en politique ou dans les causes sociales, peut-être parce qu’il n’est pas encore assez fort. Un candidat opposé à l’avortement aura certainement la faveur des membres du mouvement. « L’État c’est l’État et l’Église c’est l’Église », a conclu le pasteur.

7 Commentaires

Classé dans Actualité, Pierre R Chantelois