L’homme qui prêche de par le vaste monde vertu et régulation dans le monde de la finance internationale est celui-là même qui s’est octroyé, au début de cette crise, une augmentation de salaire de près de 140 %. Ce même homme accepte que la rémunération de 98 de ses collaborateurs, après une augmentation de 26,8% l’an dernier, augmente à nouveau de 20% (de 5,49 millions d’euros en 2007 à 9 millions en 2009). Augmentation nettement au-dessus de la moyenne de celle accordée aux travailleurs et travailleuses français. Comme si cela ne suffisait pas, le coût des voyages du président de la République française a littéralement explosé de 33%.
Nicolas Sarkozy se drape d’une prétendue sagesse et en conséquence diffuse son enseignement, tel un gourou qui dit à ses disciplines : « entendez mon prêche, n’examinez pas ma conduite personnelle ». À l’heure de l’économie, du pouvoir d’achat des Français amaigri, les crédits affectés à l’Élysée pour l’année 2009 grimpent de 11,45 % pour être portés à 112,33 millions d’euros. Soit une progression six fois supérieure à celle du budget de l’État. Les charges de fonctionnement explosent. Les frais de déplacement progressent de 33 %. Ce qui a eu pour conséquence que les crédits, originellement attribués à la Présidence pour 2008, n’ont pas suffi à Nicolas Sarkozy et que l’État s’est vu dans l’obligation d’accorder une rallonge de 9,2 millions d’euros, pour ce dernier puisse boucler l’année. Petite information intéressante : aucun détail n’est livré par l’Élysée sur les coûts respectifs de l’hôtellerie ou des transports à l’étranger.
Le député socialiste René Dosière qui décortique depuis des années le budget de l’Élysée et qui avait révélé l’augmentation de 140% du salaire présidentiel après l’élection de Nicolas Sarkozy, formulait ce commentaire particulièrement pertinent dans les circonstances : « Que Nicolas Sarkozy se déplace est tout à fait légitime. Mais peut-être peut-il le faire avec moins d’avions, moins d’invités, moins de réceptions ».
Le 8 janvier 2008, Nicolas Sarkozy avait demandé à son peuple : « S’agissant du pouvoir d’achat, qu’est-ce que vous attendez de moi ? Que je vide des caisses qui sont déjà vides ? ».
Le Premier ministre de la France, François Fillion, a déclaré, lors de sa furtive présence au Sommet de la francophonie, en remplacement de son président qui a quitté précipitamment pour raison de meeting avec W, à Camp David, déclarait : « La France ne demande pas que l’économie soit administrée. Elle demande qu’il y ait un peu de règles, que le libéralisme soit moins sauvage, que les États-Unis ne puissent pas s’endetter sans fin sur le dos de l’ensemble du reste du monde ».
Au point de départ, notons que la dette de la France attendue fin 2008 pourrait s’élever à 65,3% du PIB, au-delà du plafond de 60% autorisé par le pacte de stabilité européen. Selon Le Point: « La dette publique de la France, au sens du traité de Maastricht, se montait à 1.269,3 milliards d’euros à la fin du deuxième trimestre, dont 985,6 milliards pour l’État. Cela représente 65,7% du produit intérieur brut ou, selon les calculs de la Cour des comptes, quelque 47.000 euros par personne ayant un emploi ». Pour la seule année 2009, le déficit budgétaire est fixé à 52,1 milliards et la dette publique remonterait à 66 % du PIB.
La ministre de l’Économie, Christine Lagarde, a averti que les prévisions de budget du gouvernement étaient « fragilisées par la crise financière ». La croissance pourrait ne pas n’atteindre 1% » en 2009. « Une croissance révisée grèverait encore un peu plus le déficit public », déclarait le ministre du Budget, Eric Woerth.
Le peuple français n’en a pas fini avec cette crise. Il convient de noter que les impôts indirects représentent 83% du budget de l’État contre 17% seulement pour les impôts sur les revenus et les richesses. Il y aurait plus de 7 millions de personnes pauvres en France. Près de 2 500 000 personnes doivent leur revenu au SMIC. Selon certaines estimations, trois millions de retraités toucheraient le minimum contributif de 850 euros et 700.000 seraient en dessous de 850 euros après une carrière complète. « Il y a de l’argent pour les banques. Il en faut pour les retraites », ont scandé des retraités révoltés par la situation actuelle en France. En septembre 2007 François Fillon avait déclaré : « Je suis à la tête d’un État qui est en situation de faillite sur le plan financier ».
Et dans ce gouvernement de Nicolas Sarkozy, qui prêche l’assainissement des mœurs dans le domaine de l’économie mondiale, les députés de l’Assemblée nationale française doivent débattre d’un texte que l’opposition juge caduc et que la ministre de l’Économie, Christine Lagarde, et son homologue du Budget, Eric Woerth, reconnaissent qu’il est en partie déjà dépassé. Geste peu compréhensible dans les circonstances, François Fillon ne juge pas nécessaire de « reformuler » le projet de loi de finances pour prendre en compte le plan d’aide aux institutions financières qui prévoit au besoin 360 milliards de garanties à la charge de l’État, somme qui correspond à ce que l’État est autorisé à emprunter pour sauver son système bancaire. Le président a assuré que ce plan « ne repose en aucun cas sur le contribuable. L’État fera payer ses garanties car il n’est pas question de refinancer les établissements bancaires sans contrepartie ».
Gérer ces 360 milliards de garanties reviendra à une structure de refinancement qui sera détenue par les banques à 66 % et à 34 % par l’État. Ce dernier bénéficiera d’une minorité de blocage et d’un droit de veto. En confiant la gestion de cette structure à géométrie variable aux banques, l’État veut éviter de devoir comptabiliser les fonds levés comme de la dette selon les critères de Maastricht. C’est en fait cette structure de refinancement qui empruntera des fonds avec la garantie de l’État pour ensuite les prêter aux banques en manque de financement, à un taux plus élevé.
Bref, Nicolas Sarkozy s’était engagé de ramener les comptes publics à l’équilibre à la fin de son quinquennat en 2012. Il semble bien que cette autre promesse soit une fois de plus ratée.
Nicolas Sarkozy avait appelé les organisations patronales à faire des propositions pour encadrer la rémunération des dirigeants. Le Medef avait, à la suite de cette pressante invitation du président de la République, rendu public ses recommandations élaborées avec l’Association française des entreprises privées (Afep). Sur la question des parachutes dorés, Laurence Parisot, présidente du Medef, a promis « la fin des excès ». Toutefois, selon madame Parisot, c’est « une erreur de penser que les rémunérations des dirigeants sont au cœur de la très grave crise financière ».
Lionel Jospin s’interroge également sur la logique de Nicolas Sarkozy: « le président (Nicolas Sarkozy) fait des discours un peu dans tous les sens: quel sens cela a-t-il de vouloir presque nationaliser des banques et de privatiser la Poste, de proposer des règlementations à l’échelle internationale et de déréguler en France ? »
La croisade de Nicolas Sarkozy ne laisse personne indifférent. Quelque 59% (contre 35%) des Français interrogés lors d’un sondage BVA, réalisé pour France Inter et Les Échos, estiment que le plan de sauvetage du secteur bancaire ne favorisera pas la reprise de la croissance en France. Les Français sont toujours critiques et sceptiques face à la politique économique du gouvernement. Seulement 36% des personnes interrogées disent avoir une bonne opinion de la politique économique du gouvernement. Une portion de 59% pense donc le contraire et 5% ne se prononcent pas. Une écrasante majorité de Français (79 %), à gauche comme à droite, considère que « si l’État peut prêter 40 milliards aux banques, il peut bien accorder un peu plus aux démunis » 65 % pensent qu’il « faudrait maintenant que l’État investisse beaucoup d’argent pour soutenir l’emploi »
Nicolas Sarkozy a plaidé, devant Georges W. Bush, en faveur d’une vaste refonte du système financier mondial. M. Bush a répété qu’il était « essentiel de préserver les fondements du capitalisme démocratique ». Nicolas Sarkozy a reconnu que M. Bush avait « raison de dire que la remise en cause de l’économie de marché serait une catastrophe ». Peu avant son arrivée à Camp David, en France, les deux principaux dirigeants de la Caisse d’Épargne, le président Charles Milhaud et le directeur général Nicolas Mérindol, ont annoncé leur démission alors que la banque française a perdu 600 millions d’euros à cause de risques pris en plein krach boursier.
Si le président américain a fini par céder à la pression des Européens de tenir des forums, après son départ, sur le système financier, personne n’est évidemment en mesure de définir ce que serait ce nouvel ordre financier mondial. L’UE veut une réforme profonde du système actuel et elle propose une supervision mondiale des marchés, qui serait confiée au Fonds monétaire international (FMI). Nicolas Sarkozy demande un renforcement du mandat du Fonds monétaire international et l’instauration d’une supervision mondiale des marchés. George W. Bush n’est pas chaud à cette idée.
Bush répète de son côté son crédo : il croit fermement en la liberté des marchés. Les pays en développement veulent avoir leur mot à dire sur la refonte du capitalisme, ont averti des dirigeants africains au Sommet de la Francophonie de Québec. Pour l’heure, ils ne sont pas inscrits dans les plans de Nicolas Sarkozy qui considère que le sommet prévu en novembre devrait réunir les pays du G8 élargi au G5, les cinq pays émergents que sont la Chine, l’Inde, le Brésil, le Mexique et l’Afrique du Sud, ainsi qu’un pays arabe.
M. Bush a admis la nécessité d’une réforme du système. Mais, à trois mois de quitter la Maison Blanche, il a ajouté que cette tâche incomberait à son successeur.
Le Premier ministre canadien Stephen Harper avait appuyé la tenue d’un tel sommet. Mais « il est important de ne pas causer de dommages permanents au système financier international », a ajouté M. Dimitri Soudas, porte-parole du premier ministre, indiquant ainsi qu’à l’instar de Washington, Ottawa ne souhaitait pas de refonte totale du capitalisme financier. Bref, l’ami de Nicolas Sarkozy, le Canada, prend ses distances. Les actions projetées par Nicolas Sarkozy sont modérées par l’ami qui lui veut du bien et qui appelle à davantage de « calme et de modération ».
Pierre R. Chantelois