Après le Canada, puis les USA, c’est le Québec qui va refaire bientôt son maquillage démocratique. À Pâques, ou à la Trinité… Un maquillage si discret qu’il en sera invisible, puisqu’on ne proposera rien de droite, ni de gauche, mais seulement, comme le dit ce personnage du Soulier de satin, « … du nouveau qui soit tout à fait semblable à l’ancien ». Surtout, on se fera une beauté en prenant bien garde de ne pas souligner les rides de l’idée d’indépendance.
Une idée que j’ai bien aimée quand elle était jeune, mais qui a si mal vieilli, qu’on ne se demande plus si on en veut, seulement s’il n’est pas discourtois d’y faire même allusion. On ne parlera pas d’indépendance, à ces prochaines élections au Québec. Pourtant, on ne pensera qu’à ça.
On ne parlera pas de référendum. Les deux-tiers des Québécois ne veulent pas d’un référendum; Ils savent bien que, quelle qu’en soit l’issue, les perdants se diraient « à la prochaine». D’ailleurs, on discute de la légitimité d’une sécession s’appuyant sur 51% des électeurs, mais veut-on vraiment choisir, entre vivre dans un pays dont 49 % des citoyens veulent sortir… et en créer un autre dont 49 % des gens ne veulent pas ? Est-ce bien ainsi qu’on créera au Québec plus de richesse et plus de justice ?
Le Québec ne veut pas d’un référendum qui le fera choisir entre être ou ne pas être canadien, car il sait que le meilleur scénario pour le Québec se situe probablement entre ces deux solutions simplistes. Il sait que la bonne question a poser est celle à laquelle répondra un consensus.
Il y a 45 ans que les Québécois tentent de dire ce qu’ils veulent et on ne les écoute pas. Ils veulent avoir, au palier du Québec, tous les pouvoirs qui garantiront le développement d’une collectivité francophone ; ils veulent AUSSI appartenir librement à un ensemble canadien qui leur donnera la masse critique pour exister à côté des USA et avoir une voix plus audible dans le monde.
Pour avoir ce qu’il veut, le Québec doit le négocier avec ses partenaires du Rest-of-Canada. Sereinement, mais sans complaisance. Cette négociation sera d’autant plus efficace que le gouvernement du Québec aura une plus grande marge de manoeuvre. C’est cette marge de manoeuvre que voulait René Lévesque quand il demandait un OUI à la souveraineté-association et il n’a jamais prétendu vouloir autre chose. La bonne question à poser, c’est celle qui donne au Qbec cette marge de manoeuvre.
C’est celle du vote de confiance, permettant au gouvernement légitimement élu du Québec de négocier, sans le fil à la patte de quelque consultation populaire ultérieure, une nouvelle constitution canadienne qui donnera au Québec ce qui est le mieux pour le Québec.
Le gouvernement du Québec doit pouvoir négocier habilement, donnant-donnant, avec le gouvernement fédéral, les concessions sur certains points qui permettront de se gagner des avantages sur certains autres. Il doit pouvoir négocier une constitution sur mesure.
Il doit recevoir pour le faire un mandat non équivoque confirmant qu’il parle au nom des Québécois et qu’il peut – ne DOIT PAS nécessairement, mais PEUT à sa discrétion, s’il le juge nécessaire – sortir du Canada en fermant doucement ou en claquant la porte. C’est ce mandat discrétionnaire – que ne demandait pas le premier référendum – qui devrait faire l’objet du prochain: le dernier.
La question ? Simple et claire :
« QUÉBÉCOIS D’ABORD, je donne au Gouvernement du Québec le mandat formel : a) de négocier avec le Gouvernement du Canada les termes d’une constitution qui instaurera un nouveau partage des pouvoirs, au sein d’une Confédération canadienne à laquelle le Québec appartiendra si elle est conforme à ses aspirations, et b) si telle négociation échoue, de procéder, à sa convenance, à la sécession du Québec du Canada, par une déclaration d’indépendance, unilatérale ou négociée selon qu’il le jugera opportun, à la seule condition de l’avoir clairement énoncé à son programme »
Un « OUI » à ce référendum ne signifierait PAS la sécession du Québec, mais signifierait que celle-ci peut être déclarée en tout temps par le Gouvernement du Québec… SI et quand il décidait de le faire. Dans la situation ainsi créée, le Québec choisit les modalités de sa participation à une ensemble canadien, disposant même du droit de ne pas y appartenir. Il EST donc souverain, puisque la souveraineté ne dépend pas des appartenances qu’on se choisit, mais du droit inaliénable de les choisir.
Ce référendum aboutit à une vraie « Souveraineté-Association ». Avec des dent, car toutes les élections subséquentes au Québec sont de fait référendaires. Si une majorité de la population soutient les exigences dont un parti fait ses conditions de l’appartenance du Québec au Canada, elle saura que celui-ci ne se borne pas à instrumentaliser l’idée d’indépendance pour se faire élire… et ne plus en parler. Il pourra la faire.
Si le gouvernement fédéral ne conteste pas la validité du mandat qui découle de ce référendum — et la contester serait un suicide politique pour le parti qui le ferait — il reconnaît de facto la souveraineté du Québec. Je crois que c’est cette reconnaissance de la souveraineté du Québec, sans obligation de sortir du Canada, qui donnerait satisfaction à une majorité de Québécois. Pas à 51% des Québécois, mais à une majorité assez substantielle des Québécois pour qu’on puisse raccommoder la déchirure sociale qui persiste depuis le premier référendum et faire des choses ensemble.
Si je connais bien les Québécois, ils voteront OUI à ce référendum… puis s’empresseront d’élire un gouvernement qui négociera âprement pour le bien du Québec, mais tout en gardant un préjugé favorable au maintien de liens privilégiés avec le reste du Canada et en disant haut et fort qu’ils y resteront.
S’il le font ce sera leur choix et, pour normand qu’il soit, ce choix n’empêchera pas que le Québec soit alors devenu souverain et ait dès lors dans sa poche la clef de l’indépendance, si et quand il la voudra.
Pierre JC Allard