Qui va prendre les prochaines élections, au Québec, au sérieux ? Un jour, Pauline Marois déclare tout de go, sans réfléchir, qu’elle ne regrettait pas sa décision en 1996 et 1997 d’envoyer 1500 médecins et 4000 infirmières en retraite prématurée. Faut-il rappeler que cette vague de départs à la retraite avait désorganisé le réseau de la santé il y a 10 ans. Hop! Le lendemain, madame Marois nuance. « Lorsque nous étions au gouvernement, dans les circonstances où nous l’étions, nous n’avons pas eu le choix ». Pas le choix ? Madame Marois ne s’enfarge pas trop dans ses contradictions. Un jour elle déclare que si c’était à refaire, elle le referait. Le lendemain, la chef du Parti québécois précise sa pensée (!) : « On a eu à prendre des décisions difficiles. Oui, on les a prises. Est-ce qu’on était heureux de les prendre ? Absolument pas. Est-ce que je referais ça ? Jamais ».
Jean Charest se glousse d’aise. En ignorant l’énorme poutre qui lui traverse l’œil : il fait volte-face sur la question du remboursement des traitements de fertilité par la Régie de l’assurance maladie. Tout le temps qu’il a été ministre, Philippe Couillard a affirmé que l’infertilité des couples n’est pas une maladie et qu’avoir des enfants n’est pas un droit. Son chef opinait du bonnet. Maintenant que nous sommes en élection, s’il est réélu, Jean Charest se dit prêt à refiler la facture des deux premiers essais d’implantation d’embryons à la Régie de l’assurance maladie. Bref, il ne s’oppose plus à une aide financière à la procréation assistée.
S’agissant encore de Pauline Marois, souvenez-vous du tollé qu’elle avait soulevé lorsqu’elle avait déclaré que les cours d’histoire devraient se donner en anglais seulement à la fin du primaire pour favoriser l’apprentissage à cette deuxième langue ? Petite changement de programme : l’anglais doit figurer au programme scolaire de manière intensive à partir de la deuxième moitié du primaire seulement. Madame Marois explique : « On sait très bien que ce n’est pas en enseignant une heure par semaine qu’on apprend une langue. Nous croyons préférable d’avoir une méthode d’apprentissage intensif de l’anglais ».
En consultant les programmes respectifs du Parti libéral du Québec et du Parti québécois, parvenez-vous à faire les distinctions qui s’imposent pour apposer votre vote en toute connaissance ? Si oui, bravo. Les deux partis nagent dans l’improvisation la plus complète. L’électeur est témoin de plagiats constants entre les deux formations politiques. Charest voudrait-il se faire passer pour un nouveau social-démocrate converti ? Pauline Marois est-elle à ce point à court d’idée pour puiser ainsi dans les bas-fonds de ses adversaires ?
Déclencher des élections était fondé sur le leitmotiv de l’Économie d’abord. Mario Dumont a eu à ce propos une réflexion partagée par nombre de citoyens : « Les gens trouvent curieux de faire promettre sept, huit milliards la première semaine de campagne alors qu’on leur dit qu’on est en crise financière ». Les millions de dollars semblent pleuvoir sur le pauvre peuple comme une épidémie. Et les promesses également.
Mario Dumont, puisqu’il s’agit de lui, profite de la campagne électorale pour battre à nouveau sa coulpe. Il est au bord du désespoir. C’est l’image qu’il renvoie à ses électeurs. Cette phrase, répétée à satiété dans les médias, sera-t-elle curative ? J’en doute. « Est-ce qu’on a fait des erreurs ? Oui! Est-ce qu’on a fait des erreurs dans notre apprentissage ? Oui! Est-ce que j’en ai fait moi-même ? Oui! » Et le chef de poursuivre : « J’assume la responsabilité de tout ce qui n’a pas marché et la déception que les Québécois ont pu avoir ». Et il conclut, tel un magicien qui sort un lapin de son chapeau : « On ne procède pas à un changement fondamental du modèle québécois en claquant des doigts. Et il ne faut pas larguer l’ADQ comme on jette un billet de loterie à la poubelle parce qu’on n’a pas gagné ». Bref, tournons la page. L’ADQ a montré pendant ces derniers mois une totale incompétence. Il en ira autrement demain. « Pour changer les choses pour le vrai, il faut y aller pierre par pierre ». Il n’y a que Mario Dumont pour croire qu’un parti politique peut effectuer aussi rapidement un virage à 180 degrés sur une pièce de dix sous. Il garde la foi. Regagnera-t-il la sympathie des Québécois ? S’il n’a pas été à la hauteur d’un poste comme celui de chef de l’opposition officielle, comment pourrait-il en être autrement avec celui de Premier ministre ?
Les Québécois sont préoccupés par leur santé ? Ils tiennent mordicus au régime universel ? Que dire de cette révélation du quotidien Le Devoir selon qui la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) a versé environ 1,5 milliard $ à des professionnels de la santé œuvrant en pratique privée au Québec entre 2003 et 2007 ? Selon François Béland, professeur au département de la santé de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal et codirecteur du livre Le Privé en santé, les centaines de millions décaissés par la CSST et ses semblables jouent un rôle important dans l’accélération de la privatisation de certains domaines et activités de santé. Et pour Mario Dumont, le système public universel québécois a fait son temps.
Pourquoi faut-il une campagne électorale pour que le Premier ministre promette des primes de 3000 $ par année pendant trois ans aux nouvelles infirmières et de 2000 $ aux nouvelles infirmières auxiliaires ? Pourquoi faut-il également une campagne électorale pour que le Premier ministre promette également un boni de 8000$ par année aux infirmières ayant plus de 35 ans d’ancienneté afin d’augmenter la rétention du personnel d’expérience ?
En 2003, le gouvernement du Parti québécois avait mis en place 17 Groupes de médecine de famille (GMF). Pourquoi est-ce maintenant que madame Pauline Marois, ex-ministre de la santé, s’engage, en campagne électorale, à ce que chaque personne ait accès à un médecin de famille d’ici cinq ans par un ajout de 135 millions $ sur trois ans pour créer 150 nouveaux GMF aux 178 qui existent déjà ?
Nous pourrions poursuivre ainsi à égrener les incongruités de cette présente campagne électorale. Jean Charest refuse pendant ce temps de préciser quand sa plateforme – qui regroupera tous ses engagements pour un troisième mandat – sera rendue publique. « Ca va se faire dans l’ordre », a soutenu le Premier ministre. Je n’y vois que désordre pour l’heure. Peu rassurantes ces prochaines élections.
Pierre R. Chantelois