Paulson – celui qui n’a pas hésité à se mettre à genoux pour quémander 70o milliards de dollars pour ses potes des institutions financières – vient de suggérer assez cavalièrement aux Trois Grands de l’industrie américaines de l’automobile de faire faillite et de ne pas l’importuner. Quelques centaines de milliers d’emplois, peut-être des millions avec les retombés, mais bah…
Que s’est-il passé ? On se met à l’économie ? C’est l’effet d’Obama qui prend les rênes ? C’est que cette fois on ne parle pas des copains ? C’est plus grave que ça; on vient juste de sonner le début du deuxième round du match et ce sont de nouveaux gladiateurs qui viennent de sauter dans l’arène: ceux qui sont la pour y mourir.
La crise financière, c’était un échange de civilités. La crise industrielle, ce sera la mise à mort d’une large part des corporations manufacturières américaines. Elles sont désuètes, superflues, répondent à une situation d’un autre âge.
Elles ont été les premières et elle sont donc les plus vieilles; elles ne sont généralement plus concurrentielles sur le marche mondial et, de toute façon, elles ne correspondent plus aux besoins de l’économie tertiaire.
Non seulement elles emploient deux fois la main d’oeuvre requise – sans doute dix fois, si on regarde vraiment les techniques de production de pointe ! – mais la demande qu’elles prétendent satisfaire est largement artificielle, pour deux raisons:
1) C’est une demande gonflée par une publicité qui conditionne les acheteurs à consommer ce dont ils n’ont aucun besoin. On produit uniquement pour produire, pour faire des profits et pour créer une demande effective. Au grand détriment de la qualité de vie des humains et du respect de l’environnement;
2) Tout ce qui est produit aujourd’hui, l’est avec un oeil sur la désuètude programme, de sorte que l’on fabrique trois fois plus … de produits qui durent trois fois moins longtemps !
Tout cela avec un main-d’oeuvre payée bien cher et pendant que les vrais besoins en services de l’économie américaine – santé, éducation, etc – sont insatisfaits. La réalité, c’est que si la structure de production industrielle des USA n’existait pas, celle que l’on mettrait en place pour en tenir lieu ne produirait sans doute pas la moitié du volume des biens actuellement produits et occuperait sans doute moins de 4% de sa main-d’oeuvre plutôt que 15%.
La crise actuelle va permettre de mettre à la ferraille l’équipement désuet, de modifier les priorités de production qui ne collent plus à ce que veut la population quand cesse l’hypnose publicitaire … et de faire passer au tertiaire ce 10% de la main-d’oeuvre qui traine inutilement dans l’industrie.
Ce qui me porte a penser que si cette crise n’était pas arrivée, il aurait fallu l’inventer. Un sujet sur lequel je ne veux pas m’étendre, mais qui me rappelle qu’il y a une trentaine d’années j’avais écrit, pour une revue USA, un article qui paraissait un peu « science fiction » (voir le lien ci-dessous), mais qui est maintenant à se réaliser.
Reste à voir si ma prévision se réalisera entièrement et si l’on fera ramasser la facture par les travailleurs américains, leurs syndicats et leurs fonds de retraite. Leur offrira-t-on le « privilège » de leur prêter de l’argent, pour qu’ils fassent fonctionner ce canard boiteux qu’est devenue l’industrie américaine et en tirent des salaires à rabais, jusqu’ à ce qu’elle tombe totalement ruine ?
Si on apprend d’ici quelques semaines que General Motor et les autres se sont vendues à leurs travailleurs, grâce à une aide financière du gouvernement américain, tout le monde applaudira Obama… Mais vous me permettrez une minute de cynisme.
Le reste de l’indusrtie américaine suivra puis, dans deux ans, des industries ultramodernes pourront ré-embaucher les anciens travailleurs qui pourront encore faire l’affaire. Les autres ? C’est la crise, n’est-ce-pas …? Quelques-uns – mais bien peu, rassurez vous – verront alors cette crise sous un jour tout nouveau.
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Pierre JC Allard