J’ai dit la semaine derniere que sa presence dans le secteur de production n’apportait plus rien au Capital et qu’il allait partir.
Dans le tertiaire, il est le partenaire junior, car le facteur dominant est la connaissance, inappropriable. Dans le secondaire, le capital fixe ne peut plus être amorti qu’en allongeant la rotation du materiel, donnant un avantage a ceux qui commencent à zero en s’équipant a neuf. Un mauvais scénario pour le capital en place…
Le capital va passer la main aux travailleurs, n’ayant plus sa place en production que comme créancier extraordinaire d’entreprises autogérées dont les travailleurs auront la propriété et assureraient le financement courant. Que deviendra le capitaliste entrepreneur actuel ? Il a deux (2) chemins à suivre.
Le « petit » capitaliste-entrepreneur – plus entrepreneur que capitaliste – ne verra le changement que s’il élargit ses activités et se bute à l’esprit d’entreprise de ses propres employés. Il deviendra alors, via la sous-traitance, un maillon d’une immense chaîne d’entrepreneurs sous-traitants à laquelle viendront s’arrimer la vaste majorité des travailleurs.
Le « gros » capitaliste-entrepreneur, celui dont le revenu vient plus des intérêts sur son capital – et donc d’une décision d’investissement – que de sa gérance d’un production, va se voir peu à peu priver de cette fonction d’appoint. Il se trouvera alors à un autre carrefour et pourra choisir entre trois (3) voies.
La première voie est de devenir un pur shylock. Il achète des obligations de l’État ou investit dans d’autres placements dits « de père de famille » et il vit uniquement de ses intérêts, sans risques et sans ambition, comme un riche rentier. Il est inutile, mais inoffensif. On ne lui confisquera pas ses biens, mais il est prévoir qu’une inflation planifiée – et annoncée – fera en sorte que soit progressivement remise en circulation sa richesse devenue totalement passive.
La seconde, pour le capitaliste qui prend son baluchon et quitte la production, mais sans perdre son ambition, c’est de retourner à ses vieilles amours…. Il peut se replier vers la forme d’exploitation antérieure à la révolution industrielle : la perception d’une rente sur la ressource naturelle. Une vraie rente, sur un fond indestructible comme jadis la terre et les points d’eau.
Cette rente sur la ressource naturelle n’est pas dépendante du facteur travail, car associer les matières premières pour leur donner une utilité plus grande n’y entre pour rien et ne vient qu’après. Pour percevoir la rente, c’est défendre l’accès qui est tout. C’est une extorsion pure, qui repose sur la force. L’extorsion a toujours été la voie royale vers la richesse.
Elle est illustrée aujourd’hui par la rente sur le pétrole, mais elle a toujours existé, particulièrement sur les produits agricoles ; on a un peu négligé cette approche, depuis la révolution industrielle, parce que la dépendance sur travail humain en rendait l’application lourde. Avec la mécanisation progressive de l’agriculture, on va pouvoir y revenir en parfaite quiétude. Produire ? Bon pour les gagne-petit. Amusant, mais l’extorsion fait plus sérieux.
La troisième option du Capital est celle de la spéculation. Pas la spéculation triviale, liée à l’achat et la revente de quoi que ce soit, car dans un économie d’abondance elle se confond avec le commerce. La vraie spéculation a maintenant lieu sur autre chose : le passage du réel au symbolique.
Une économie d’interdépendance exige des échanges bien au-delà du troc. Elle exige donc, pour que soient facilités ces échanges, que l’utilité (valeur réelle) de tout bien ou service soit exprimée en monnaie (valeur symbolique). Cette conversion est indispensable et quiconque contrôle les conditions de cette conversion possède un pouvoir enorme. C’est l’Etat qui en théorie exerce ce contrôle et détient ce pouvoir
Quand le capitaliste quitte la production, il peut viser le contrôle de l’État et du processus de création de monnaie. Il aura du même coup celui des ressources naturelles – qui ultimement repose sur la force de l’État – se gardant ainsi un ancrage au niveau de la réalité matérielle, mais en se donnnant aussi le plaisir de la spéculation.
Les variables qui déterminent le succès d’une spéculation sont toutes aujourd’hui directement ou indirectement sous le contrôle de l’État. Même si c’est une catastrophe naturelle qui déclanche une occasion d’affaire, c’est la réaction de l’État pour faire face à la catastrophe qui sera au coeur de la spéculation qui en résultera.
Ceux qui speculent, aujourd’hui, seront vite ruinés, s’ils ne comprennent pas que toutes les roulettes sont mises en mouvement par l’État et que seuls peuvent y gagner les amis de ceux qui les font tourner. Seuls ceux qui agissent de connivence avec l’État peuvent désormais spéculer et gagner. Les gros pontes jouent toujours avec la banque.
Quand le capitaliste quitte la production en amenant avec lui les symboles de la richesse corporative pour l’affecter à sa spéculation, il est le vrai bourdon dans la ruche, car cette activité de spéculation ne produit aucune richesse et ne sert qu’à départager les capitalistes entre eux… aux frais des autres… Il est alors a son plus nefaste.
Mais quand est-il vraiment utile ? On en reparlera…
Pierre JC Allard