Archives quotidiennes : 28 janvier 2009

Stephen Harper reconnaît, bien tard, que le Canada est en récession !

En novembre 2007, le parti conservateur de Stephen Harper soutenait, hors de tout doute, que le Canada allait maintenir son équilibre budgétaire. « Bien que le gouvernement continue de planifier en vue de maintenir l’équilibre budgétaire, on ne peut exclure la possibilité d’un déficit, étant donné l’instabilité de la situation économique et, en particulier, le fléchissement rapide des prix des produits de base. Advenant une situation déficitaire, le gouvernement veillera à ce que les déficits enregistrés soient temporaires et peu élevés », déclarait le Ministre des Finances, John Flaherty.

Ce qui était singulier du comportement du gouvernement du Canada était le fait que, contrairement à la majorité des avis professionnels des économistes qui croyaient vraiment que le Canada allait traverser une situation déficitaire au cours des prochaines années, Stephen Harper et son ministre des finances hésitaient à utiliser le terme « déficit ». Pire. le ministre Flaherty prétendait pouvoir maintenir l’équilibre budgétaire sur la théorie virtuelle que le Canada ne subirait pas de récession et qu’il fallait adopter plutôt des mesures consistant à se serrer la ceinture. L’Énoncé économique et financier de novembre 2008, du gouvernement conservateur, était irréaliste et mettait en œuvre une idéologie conservatrice qui a mené à la ruine économique les États-Unis.

Sans revenir sur l’ensemble des bêtises et des incongruités du gouvernement minoritaire de Stephen Harper, à cette époque, le Canada a traversé une véritable crise parlementaire. Jean-Robert Sansfaçon, éditorialiste au quotidien Le Devoir, avait qualifié cette attitude du gouvernement conservateur minoritaire d’affront à l’intelligence. Il écrivait notamment : « Il n’aura fallu que quelques semaines au gouvernement Harper pour faire la preuve de son aveuglement idéologique devant la crise mondiale qui menace. À croire que ce gouvernement a embauché les conseillers de George W. Bush qui ont perdu leur job ! »

Pour éviter d’être battu en brèches et chasser du pouvoir par un gouvernement de coalition, les conservateurs ont fermé le parlement jusqu’en janvier 2009.

Au retour à Ottawa, les conservateurs ont montré un profond cynisme et mis à mal toutes les traditions parlementaires entourant la divulgation d’un budget. Depuis des jours, les ministres ont mandat de leur premier ministre de se promener à travers le pays pour préparer la population aux mauvaises nouvelles. Ce qui constituait en novembre un déni de la réalité économique mondiale devient en janvier 2009 une nouvelle conversion au choc auquel les canadiens et les québécois doivent se préparer.

En novembre, il fallait se serrer la ceinture pour parvenir à l’équilibre budgétaire. Aujourd’hui, il faut dépenser pour soutenir l’économie. Cette soudaine conversion conjoncturelle fait qu’Ottawa injectera 40 milliards $ en deux ans dans l’économie, notamment en baissant les impôts de la classe moyenne, en finançant la réfection d’infrastructures et en soutenant les entreprises et les marchés financiers.

Virage à 180 degrés. John Flaherty, ministre des finances canadiens, déclarait le 9 octobre 2008 : « Nous ne ferons pas de déficit ». Trois mois plus tard, ce même ministre annonce un déficit de 34 milliards de dollars. Quelques jours plus tôt, soit le 6 octobre 2008, Stephen Harper déclarait : « Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de déclarer des déficits (pour soutenir l’économie) ». Et la déclaration la plus incroyable est venue de ce même Stephen Harper : « Les déficits sont généralement de mauvaises choses. Mais il y a des moments où les déficits ne sont pas nécessairement mauvais et peuvent même être essentiels ». Le Premier ministre du Canada lançait cette bourde en marge du sommet de la Coopération économique de la zone Asie-Pacifique (APEC), le 23 novembre dernier.

Le ministre John Flaherty vient de déposer, devant le Parlement d’Ottawa, son budget 2009. Qu’avait-il à dire à la population canadienne et aux Québécois ? « Nous devrons dépenser davantage pour protéger notre économie et aider ceux et celles qui sont les plus durement touchés par la récession mondiale. Cela signifie que nous ne pouvons éviter de creuser un déficit temporaire. C’est pourquoi le gouvernement prévoit un déficit budgétaire de 34 milliards $ pour le prochain exercice, et de 30 milliards $ le suivant ».

Le Canada fera face à un déficit de 64 milliards de dollars. Visière baissée, Stephen Harper et son ministre des finances promettaient un équilibre budgétaire aux Canadiens. Aujourd’hui, ils font face à un déficit astronomique qui anéantit le remboursement de la dette du Canada depuis les cinq dernières années : une série de déficits totalisant 86 milliards $ en six ans, dont 34 milliards $ en 2009-2010 et 30 milliards $ l’année suivante. Le Canada ne renouera avec l’équilibre budgétaire qu’en 2014 !

Comme le note le Conseil du Patronat du Québec : « Plus d’une décennie de remboursement de la dette se trouve effacée avec les déficits prévus dans ce budget et pour les quatre prochaines années. Tout en apportant un soutien à la croissance, le gouvernement canadien doit donc s’assurer que les mesures annoncées aujourd’hui demeureront limitées dans le temps, comme devrait d’ailleurs l’être la crise financière et le ralentissement économique que nous vivons actuellement ».

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) emboîte le pas au Conseil du patronat du Québec : « Le haut niveau de dépenses dans le budget est inquiétant pour les contribuables et les chefs de petites entreprises ». Pour la Fédération, cela peut être l’amorce d’une tendance pouvant être reproduite chez les autres ordres de gouvernement, renversant en deux ans ce qui a pris dix ans a accomplir sur le plan de l’assainissement des finances publiques.

Pour que la population puisse mieux avaler la pilule, les conservateurs s’engagent à réduire les impôts : 20 milliards $ étalés sur 2008-09 et sur les cinq années financières suivantes. Les banques canadiennes recevront, pour leur part, une aide financière de 125 milliards $.

Comment éviter le cynisme qui guette la population lorsqu’elle doit supporter des déclarations contradictoires de ses élus gouvernementaux qui maintenant clament qu’il s’agit là d’un budget conservateur. Le ministre Flaherty n’hésite pas à pousser l’audace plus loin : « Les conservateurs sont pragmatiques. Les conservateurs comprennent les risques. Les conservateurs comprennent le sérieux de cette récession mondiale ».

La question qui se pose maintenant est la suivante : le gouvernement de Stephen Harper va-t-il tomber après la présentation de ce budget ? Deux partis d’opposition ont déjà fait savoir qu’ils voteront contre le budget. Le Bloc québécois et le parti Néo-démocrate. Pour renverser le gouvernement, il faudra que ces deux partis obtiennent également l’accord du principal parti d’opposition, le Parti libéral du Canada.

En raison de son état de désorganisation complète, de l’arrivée récente de son nouveau chef, Michael Ignatieff, il y a fort à parier que les conservateurs survivront à leur budget 2009. Les éditorialistes canadiens ont une position claire sur la question : « le Parti libéral de Michael Ignatieff devra permettre son adoption. Agir autrement, prendre le risque de provoquer une crise politique et constitutionnelle alors que le pays fait déjà face à une crise économique, serait carrément irresponsable », écrit André Pratte, éditorialiste au quotidien La Presse.

Pour donner son appui au budget conservateur, Michael Ignatieff avait dressé une liste de conditions sine qua non : « stimuler l’économie canadienne, financer de nouveaux projets d’infrastructures, protéger le système financier canadien, soutenir certaines industries en difficulté comme l’industrie automobile et l’industrie forestière, protéger les plus vulnérables et de la société, protéger les emplois d’aujourd’hui et créer ceux de demain, éviter un déficit permanent », comme l’écrivait Josée Legault, dans l’hebdomadaire Voir.

En terminant, force est de reconnaître que les questions environnementales n’ont jamais été une priorité pour ce gouvernement conservateur minoritaire qui n’a pas hésité à remettre en question le protocole de Kyoto et à se ranger derrière Georges W. Bush. Or, Stephen Harper n’a pas encore réalisé que son allié idéologique a quitté la Maison Blanche. Preuve en est la place qu’occupe dans ce budget l’environnement. À l’opposée de son voisin du sud, Stephen Harper n’investit qu’un milliard sur cinq ans en recherche et développement pour des projets de démonstration de l’énergie propre. Cette enveloppe comprend 150 millions sur cinq ans pour la recherche et 850 millions, toujours sur cinq ans, pour la mise au point et la démonstration de technologies prometteuses, entre autres dans le domaine du captage et du stockage du carbone. Un autre milliard de dollars sera investi pour les projets d’infrastructure verte.

Pierre R. Chantelois

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