Archives quotidiennes : 26 avril 2009

Les pirates ne sont pas ceux auxquels on pense (7)

gst_ill-_76Les cargos, mais pas seulement eux. Pendant que les chars circulent par voie d’eau, et se font parfois arrêter par des pirates, dans les airs, les Kalachnikovs volent beaucoup plus tranquillement dans des avions-cargos bien anodins. Car le trafic dans la Corne de l’Afrique utilise depuis toujours les deux moyens de transport, maritime et terrestre. Grâce à de vieilles connaissances d’Agoravox, dont notre fameux maître de guerre, qui attend toujours qu’on veuille bien prendre une décision sur son sort : les Etats-Unis ont réclamé son extradition, mais la Thaïlande, visiblement traîne des pieds. Peut-être pour faire baisser des tarifs, qui sait : Bout est un vieil allié des russes, et la baisse de prix obtenue le 5 février dernier pour des hélicoptères Mi-17 n’est peut-être pas étrangère à la non-extradiction de Victor Bout. L’armada des avions de Victor Bout ont aussi bien servi à transporter des armes que de l’aide humanitaire. En faisant des rotations entre l’afrique du Sud, les Emirats Arabes Unis et…. le Soudan ou le Yemen. Place aux avions de la mort, qui n’ont pas, eux, de pirates pour les arrêter. Et place aussi aux opérations détournées, comme cette incroyable histoire de sauvegarde de gorilles congolais devenus pompes à fric des livraisons d’armes.

Ces avions là, ou ceux de celui-là. Un homme dont la biographie résume ce qu’on vient de dire : » Comme tous les personnages naviguant en eaux troubles, sa biographie est incertaine. Il serait né voici quarante-deux ans au Tadjikistan. Polyglotte, il a appris l’anglais, le français, mais aussi le persan et le zoulou. Il aurait tour à tour vécu aux Émirats arabes unis, puis en Afrique du Sud, où il développa sa flotte d’avions Antonov et Iliouchine » nous précise le Figaro. Et revoilà donc l’Afrique du Sud. Et voici surtout pourquoi les avions de Viktor Bout ont autant atterri au Soudan. L’or noir, qui attise toujours autant des américains dirigés pendant huit ans par un pétrolier ayant comme secrétaire aux affaires étrangères une pétrolière... Avec comme arme un argument linguistique imparable, celui du « génocide au Darfour » : Le gouvernement US évoque répétitivement le « génocide » à propos du Darfour. C’est le seul gouvernement à le faire. Secrétaire d’État ajointe des Ellen Sauerbrey, chef du Bureau des populations, des réfugiés et des migrations, a dit dans une interview en ligne d’USINFO le 17 novembre dernier : « Le génocide en cours au Darfour, Soudan – ’une violation grossière ’ des droits humains – est parmi les premiers sujets internationaux de préoccupation des USA. » L’administration Bush insiste à dire qu’un génocide est en cours au Darfour depuis 2003, malgré le fait que une mission de cinq personnes de l’ONU, conduite par le juge italien Cassese, ait relaté en 2004 qu’aucun génocide n’avait été commis au Darfour, mais plutôt des violations graves des droits humains. Ils ont réclamé des procès pour crimes de guerre ». 

Sur un aéroport des émirats, on trouve donc logiquement des cartons d’USAID, manipulés par des soldats américains, pour être chargés à bord d’un drôle d’avion : un Ilyushin 76 d’Air Almaty, du nom de la capitale du Kazakhstan. Un avion conçu spécialement pour transporter...des chars. Sous son autre nom d’Irbis Air, on trouvait des avions d’Air Almaty, en réalité des avions de Victor Bout, dont les hangars (à Almaty !) jouxtent ceux de la firme nationale. Lui se promenait alors en Ouganda sous le nom d’Air Cess avec ses Ilyushin Il-18Gr, souvent aperçus à Djibouti. Bout faisait aussi souvent voler des vieux 727 Cargos, comme le UN-B2702, discrètement ciglé « cargo-cargo » et souvent aperçu à Sharjah, sa base de départ. C’était bel et bien un cargo appartenant à Victor Bout. Dont les avions ont donc aussi souvent véhiculé de l’USAID… pour cela, Bout va créer British Gulf, une énième compagnie… qui va beaucoups’activer pour fournir en Irak des armes, mais à l’armée américaine : « Now, Viktor Bout seems to be back at work in Iraq. According to several sources, his planes, flying under the name of an airline company, British Gulf, likely to disappear as fast as it was created, are assuring « transport of materiel » for the American army. The company’s advantage, one specialist in arms trafficking reveals, relates to the nature of the Russian merchant’s crews and planes : « They’re accustomed to land in any kind of war zone without having a fit. And if one of their planes is shot down, there’s no risk of American pilots’ bodies being dragged through the streets. » En échange de quoi Bout négocie son… aministie.

Chez USAID, on est en effet assez intelligent pour ménager la chêvre et le chou. Les fils d’Abou Abbas en savent quelque chose : « Abbas’s son Yasser, who owns the Falcon Electro Mechanical Contracting Company and Sky Advertising Company, won U.S. contracts through “full and open” bidding, USAID said. His brother Tarak is general manager of the advertising firm » nous apprend une dépêche d’agence de Reuters. Et une fois encore, les faits indiscutables sont là : il y a bien ingérence politique via une aide dite humanitaire : « documents obtained by Reuters showed that after elections, the U.S. promoted a strategy “of providing targeted, discreet support to emerging leaders, independent media, and selected civil society efforts. » Tout s’achète, tout se vend, y compris l’attitude des dirigeants politiques. Arafat a détourné pendant des années l’aide européenne… et s’est fait livrer des armements d’Europe centrale, cela nous le savons. Par avions, puis après, ou en même temps, par cargos… car les deux modes sont liés, comme le démontre cette étonnante découverte de 2004, où un armateur de la Liberian Shipping rRegister (LISCR) avait accordé 925 000 dollars, payés en deux mois, à un obscur directeur de ligne aérienne, la San Air General Trading dirigée par un texan, Richard Chichakli. Qui a positionné ces avions à…Sharjah (aux Emirats Arabes Unis). Quelques semaines plus tard, ce sont 697 980 dollars qui étaient à nouveau versés… On découvrira plus tard le donateur : le ministre Ouzbek de la défense en personne. Selon les observateurs, les sommes correspondraient à un chargement de fusils destinés à Charles Taylor, en provenance de Bulgarie, et qui auraient dû être livrés par Centrafricain, une autre firme paravent de Victor Bout. L’affaire avait été révélée par les congressistes américains, enquêtant sur les trafics d’armes. Entre temps, Bout avait déjà fait disparaître Air Cess, rebaptisé Air Bas, qu’on retrouve aussi au Congo. Finis les Ilyushin 18, bonjour l’Antonov 12 UN-11007. Rassuez-vous, ce n’est pas un avion de l’ONU : non, UN ce sont bien les deux lettres du Kazakhstan ! L’avion finira sa carrière en s’écrasant… au Yemen, le 31 mai 2005 à Al-Mukalla. Ce jour-là, il y avait 7 tonnes de poisson à bord. Enfin, officiellement. Parfumés à l’opium ou la coke, on ne sait pas. Les Antonov ou les Illyushin, qui tombent comme des mouches faute d’entretien, ont des réputations de camions à munitions. 

Parmi ces voyages et ces opérations douteuses, une très belle opération médiatique d’USAID : après les gens, les animaux. « Sauvons les gorilles du Congo » crient les belles âmes. Des millions de dollars sont donc débloqués par les congressistes américains (à partir aussi de dons de particuliers !) qui versent une larme sur ces animaux bien pacifiques. Les pauvres gorilles ne verront jamais la couleur des billets verts qui leur étaient destinés  : « But investigations in Eastern Congo reported by these authors over the past six months indicate that USAID “conservation” funds—millions of taxpayer’s dollars—have been misappropriated, misdirected and disappeared. Evidence suggests that ongoing guerrilla warfare in Central Africa is receiving clandestine financial support in AID-for-ARMS type financial transfers ». Les audits sur la fameuse Dian Fossey Gorilla Fund-International (DFGFI) révèlent que l’argent s’est littéralement évaporé. « A Freedom of Information Act request determined that DFGFI has not filed audits for more than two years, while they received a total of at least $4,693,384 from USAID between September 24, 2001 and September 29, 2004 ». « In September of 2005, US Congressman James Oberstar was contacted by a constituent who claimed that the Dian Fossey Gorilla Fund International had failed to file federally mandated audits (Form A-133) after receiving millions of dollars in grants from USAID ». Ou est donc passé l’argent des gorilles ? Dans les kalachnikovs ! En septembre 2007, le scandale éclate : « on Wednesday September 19, 2007 the U.S. State Department and United States Agency for International Development (USAID) announced the provision of $496,000 of new funds for wildlife conservation in the Virunga National Park in eastern Democratic Republic of the Congo. According to a State Department press release, poaching, armed conflict and “demographic pressures” are justification for the grant ». Parmi les dons, des particuliers… fort particuliers : « sponsors and friends listed in DFGFI documents for January to December of 2003, in the $25,000 and above category included, Dr. and Mrs. Nick Faust and CNN, and certain mining and intelligence connected interests ». Or ce docteur Faust, au nom prédestiné n’est pas un inconnu : « Dr Nicholas Faust has deep connection to the U.S. Central Intelligence Agency and the Department of Defense.«  C’est l’un des responsables de l’ESRI, l’Environmental Systems Research Institut de Redland, dont le travail essentiel est la cartographie “the world leader in GIS (geographic information system) modeling and mapping software and technology.”  Or cette cartographie est avant tout au service de l’armée US : « ESRI is a key contractor for the U.S. Department of Defense and Intelligence sector, providing battle theatre GIS mapping and support technologies used, for example, for “a defense-wide infrastructure, supporting fighting missions, command and control, installation management, and strategic intelligence.” Et voilà pourquoi dans ce bas monde les gorilles n’ont aucune chance de survivre, et les trafiquants d’armes de faire fortune avec leur peau.

Notre fameux 11007 n’a pas toujours été nommé ainsi.. il était employé auparavant par la firme GST. Regardez-bien, c’est à aussi du grand art de maquillage de registre d’aviation (désolé c’est un peu long et en anglais) : « During a visit to the airport in Abéché, Chad, the Panel observed cargo being unloaded from an AN-12 aircraft (registration No. UN-11006). The Panel believed the cargo to be arms and ammunition (…) Weapons arriving in Abéché have a great potential to enter Darfur, as there is no border control in the area. On 22 June 2007, a letter was sent by the Panel to the Republic of Kazakhstan, the country of registry. Correspondence received in response to that letter on 21 August 2007 from the Government of Kazakhstan stated that GST Aero had ceased its activities as of 30 November 2006 and no longer appeared in the list of active airlines of the Republic of Kazakhstan. Ownership of the AN-12 with State registration and identification mark UN-11006 was transferred to the company Aviakom of the Russian Federation. Aviakom re-registered the aircraft on 11 December 2006, and it was given the registration and identification mark UN-11007 ». (United Nations, Security Council, Report of the Panel of Experts Pursuant to Resolution 1591 (2005) concerning Sudan prepared in accordance with paragraph 2 of resolution 1713 (2006), S/2007/584, 3 Oct. 2007, para. 135). En résumé, la Compagnie russeEast Wing a fait voler pendant un an au moins un avion sous un faux numéro. Et tout le monde, y compris les Nations Unies, s’en doutait. L’avion avait aussi volé en prime pour la Lybie, sous le registre de Buraq Air Services. GST Aero étant l’une des dernières compagnies à faire voler desBAC-111, comme celui dans lequel on avait harnaché sur chaque siège des caisses deKalachnikovs.

En 2003 encore, les avions de GST faisaient la route régulière Afrique du Sud… Rwanda…. avec à bord certainement pas de l’aide humanitaire. Le plus souvent, sans même avoir l’autorisation de voler : « ‘On 9 December 2003, an unauthorised flight was made from Johannesburg, South Africa, to Kigali by a company involved in military transport operations . . . According to the South Africa Department of Transport, the plane was operated by GST Aero and a Volga Atlantic call sign was used for the 9 December 2003 flight, but “neither Volga Atlantic nor GST Aero had permission to operate this flight.”’ (Amnesty International, ‘Democratic Republic of Congo : arming the east’, AFR 62/006/2005, 5 July 2005, p. 41.). L’illégalité la plus totale. En 2005 toujours, ils clament faire dans l’humanitaire sur leur site internet, grâce à leurs Illushyn 76 : « According to Kosmas Air’s own website, in January 2005 it obtained two further Ilyushin 76TD cargo planes and according to aviation sources these appear to have been leased from the GST Aero Air company of Kazakstan which operates from the United Arab Emirates. However, the website was substantially altered in February 2006 and this information was removed. The company says it carries out air cargo freighting and the transport of humanitarian aid relief in the regions of Europe, Middle East, Asia and Africa. The company claims to have special authorization for the worldwide air transport of dangerous goods. » (Amnesty International, Dead on Time : Arms Transportation, Brokering and the Threat to Human Rights (Amnesty International : London, May 2006), p. 122). Le 22 novembre 2007 un autre Illyushin d’Azza Air Transport, immatriculé ST-APS est photographié en train de décharger des caisses de munition au Congo.Azza Air n’est autre qu’une compagnie… soudanaise, reperée comme « dangereuse » par les Nations-Unies. Enfin, le 30 juin 2008, un Ilyushin 76 s’écrase au décollage à Khartoum, il était en partance pour le port de Juba. Il appartient à Ababeel Aviation, soupçonnée elle aussi de trafic d’armes : « at the time of the crash, the Ilyushin 76 was operated by Ababeel Aviation. A 2008 United Nations Security Council report called for a member states to ban Ababeel Aviation for violations of the UN arms embargo on Darfur, Sudan. Prior to Ababeel, the aircraft had been operated by Tomislav Damnjanovic, named in UN and New York Times reports as involved in arms trafficking ».  Ababeel, installé à … Sharjah ! N’en jetez plus la cour est pleine !

Le texan nommé comme ayant reçu des fonds, également neveu de l’ancien président de la Syrie, à un beau cursus universitaire, ou plutôt de drôles d’amis à Sharjah : « from 1979 to 1986, Chichakli lived most of the time in Saudi Arabia, first studying at Riyadh University, and later working for a variety of businesses. During his university days, he told the International Consortium of Investigative Journalists that he used to « sit around and eat sandwiches and sing songs » with Osama bin Laden and his siblings, back when « Osama was OK. » Notre texan a des connaissances et des relations : « He added that he probably knew about 40 bin Laden family members and that most of them were nice people. In the aftermath of the Sept. 11, 2001, terrorist attacks on the United States, Chichakli claims he was contacted by the Federal Bureau of Investigation to assist bin Laden family members living in the United States. « FBI acted absolutely wonderfully, » avait-il conclu. Nous revoilà au Pakistan ! Ce monde est trop petit ! En fait, notre homme était un des bras droits de Victor Bout : « Chichakli has held several senior positions in companies owned by Bout, U.N. documents say, including chief financial manager with responsibilities such as accounting, financial and reporting activities, and overall responsibility for the financial systems ». Le soir, à Sharjah, c’est fou ce qu’on rencontre comme avions cargos… 

L’enjeu, au fond, au Soudan, était bien pétrolier, et Condoleezza Rice simple représentante de commerce de Chevron : « Les majors pétrolières US connaissaient la richesse pétrolière du Soudan depuis le début des années 1970. En 1979, le président Jafaar Nimeiry, rompait avec les Soviétiques et invitait Chevron à venir exploiter le pétrole du Soudan. Ce fut peut-être une erreur fatale. L’Ambassadeur auprès des Nations unies George H.W. Bush avait personnellement parlé à Nimeiry des photos satellites indiquant des gisements pétroliers au Soudan. Nimeiry a mordu à l’hameçon. La conséquence en ont été les guerres pour le pétrole. Chevron trouva de grandes réserves pétrolières au sud-Soudan. Elle dépensa 1,2 milliard de $ 1.2 milliards en forages et en essais. C’est ce pétrole qui a déclenché ce qu’on a appelé la seconde guerre civile du Soudan en 1983. Cible d’attaques répétées et de tueries, Chevron suspendit son projet en 1984. En 1992, elle vendait ses concessions de pétrole soudanaises. En 1999, la Chine commençait à exploiter les champs abandonnés par Chevron avec des résultats remarquables ».

C’est pourquoi ce n’est pas demain la veille que les armes arrêteront de circuler dans cette région du monde, des armes achetées avec les revenus de la drogue, dont le plus grand pays pourvoyeur est celui le plus aidé par l’administration américaine, qui, depuis l’ère Kennedy, a pris la désagréable habitude de mélanger aide humanitaire et espionnite aigüe. Des cargos ou des avions bourrés d’armements risquent encore de circuler pendant des années : en ce sens, les pirates somaliens sont des gens fort embarrassants, effectivement. Ils empêchent de faire comme si de rien n’était, en définitive. Comme on a toujours fait, sans que ça se sache. Sans qu’on fasse rien pour que ça change. Au final, et c’est malheureux à dire, ces fameux pirates, ce ne sont peut-être pas eux les pires. Pendant ce temps, Victor Bout, autrefois si poseur, ronge son frein en Thaïlande, mais j’ai comme d’avis qu’il ne va ni y rester, ni être extradé aux Etats-Unis : cet homme en sait trop. Il est l’enjeu d’un pouvoir, et pas prêt à se laisser faire semble-t-il. Ni à se faire aider à disparaître.

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Les pirates ne sont pas ceux auxquels on pense (6)

afghan_woman_usaidLe bilan approche : à partir de l’épisode du Faina, l’on découvre qu’un intense trafic d’armes existe vers le Soudan, pour entretenir une de ces guerres sans fin dont le monde dit moderne a le secret. On découvre également que les américains ont pris de bien fâcheuses habitudes depuis des années, à confondre aide humanitaire et soutien militaire. Il ne nous reste plus qu’à y ajouter une pincée de drogue pour avoir tous les ingrédients pour faire de la région du monde dont on parle avec cette recrudescence d’attaques de pirates un endroit fort dangereux, mais bien représentatif de l’hypocrisie ambiante et diplomatique actuelle. Tout le monde sait ce qu’il en est, mais tout le monde se tait. Et tout le monde fond sur les pirates, ces empêcheurs de tourner en rond, ces gamins au ventre vide qui découvrent du jour au lendemain qu’ils valent plusieurs milliers de dollars. A voir les journaux s’acharner sur leur sort, on se dit que finalement…

Vous l’avez en effet compris à la suite de mes cinq derniers articles de « Cargos » l’enjeu dans la Corne de l’Afrique est immense, et il a démarré il y a bien longtemps déjà. Dans un remarquable chapitre d’article, intitulé finement «  La route de l’enfer est pavée de mines, » le journaliste Keith Harmon Snow avait dressé un historique implacable de cet enjeu. Tout d’abord le soutien inconditionnel des USA pendant 20 ans à la dictature du colonel Nimeiri. Qui avait écrasé dans le sang des révoltes organisées par les islamistes, en détournant l »aide américaine destinée à nourrir sa population sans que les USA de Reagan n’y trouvent à redire : 181 millions de dollars avaient été ainsi dilapidés, et on trouvait déjà sur place en 1985 25 000 conseillers US… mais en 1989, le renversement du dictateur et colonel Colonel Gaafar Muhammad Nimeiri par le NIF, le National Islamic Front, changeait toute la donne. Le pays aux mains des islamistes, après que Nimeiri at essayé de tergiverser avec eux, et après qu’il aît été lui même renversé par le Général Suwar al-Dahab. Le nouveau chef du pays s’appelle alors le General Umar al-Bashir, et tout le monde s’attend à ce que les américains réagissent à sa prise de pouvoir en 1989. Car très vite, Bashir hausse le ton : « It supported radical Islamist groups in Algeria and supported Iraq’s invasion of Kuwait. Khartoum became a base for militant Islamist groups : radical movements and terrorist organizations like Al Qaida were provided a safe haven and logistical aid in return for financial support. In 1996, the U.N. imposed sanctions for alleged connections to the assassination attempt on Egyptian President Mubarak.

Histoire de calmer les esprits, y compris chez ses propres troupes, Bill Clinton fera bombarder en 1996 par une salve de Tomahawks une usine pharmaceutique soudanaise, à Al-Shifa, présentée comme une fabrique de bombes chimiques islamistes, et le repère des partisans de Ben Laden . C’est une opération, visiblement, de représailles, mais dont la cible demeure bien étrange. Il n’a jamais été prouvé l’existence d’armes chimiques à cet endroit ! C’était visiblement une usine de médicaments ! « The factory was in fact a principal source of Sudan’s anti-malaria and veterinary drugs « . Avant même l’arrivée de Bush, on avait déjà un peu trop chargé la mule Bechir il semble : « the bombing of the al-Shifa factory resurfaced in the news in April, 2006, due to the firing of former CIA analyst Mary O’Neil McCarthy. McCarthy was against the bombing of the factory in 1998, and had written a formal letter of protest to President Clinton. According to former CIA analyst Michael Scheuer, she had voiced doubts that the factory had ties to al Qaeda or was producing chemical weapons ».

A l’époque en effet, Ben Laden vit au Soudan depuis 1991 et la CIA le soupçonne d’avoir monté une tentative d’attentat contre le président Moubarak en 1995, après plusieurs autres attentats au préalable un peu partout dans le monde. Ben Laden n’est donc pas « né » sous W.Bush ! « On June 26, 1995, there is a failed assassination attempt on Egyptian President Hosni Mubarak as he visits Ethiopia (see June 26, 1995). The CIA soon concludes Osama bin Laden authorized the operation, and they plan a retaliation attack. (US CONGRESS, 7/24/2003). Evidence suggests that the government of Sudan and Hassan al-Turabi, Sudan’s leader, know where bin Laden is living in Sudan and helped support the plot« . Finalement en mai 1996 le Soudan expulsera Ben Laden, qui s’envolera tranquillement vers… l’Afghanistan, et pas dans n’importe quel type d’avion : « He departs along with many other al-Qaeda members, plus much money and resources. Bin Laden flies to Afghanistan in a C-130 transport plane with an entourage of about 150 men, women, and children, stopping in Doha, Qatar, to refuel, where governmental officials greet him warmly. (LOS ANGELES TIMES, 9/1/2002 ; COLL, 2004, PP. 325). En résumé, dès son départ, on sait où il va atterrir : «  The US knows in advance that bin Laden is going to Afghanistan, but does nothing to stop him. » Après un bombardement à côté de la plaque (type Tora Bora ?), on installe le filet à mailles trop larges pour capturer le futur fantôme… Décidément, on aura tour fait pour le rater ! Juste avant son départ, les USA avaient négocié pour tenter de l’arrêter. Mais des ordres venus d’en haut avaient interrompu le processus, ce dont témoigne plusieurs agents de la CIA : « an American involved in the secret negotiations later will says, “I’ve never seen a brick wall like that before. Somebody let this slip up.… We could have dismantled his operations and put a cage on top. It was not a matter of arresting bin Laden but of access to information. That’s the story, and that’s what could have prevented September 11. I knew it would come back to haunt us (VILLAGE VOICE, 10/31/2001)… .

Avant le 11 septembre, Ben Laden, qui était bien incapable de le réaliser, pouvait être arrêté par les services secrets US. Mais pour que le 11 septembre devienne ce qu’il a été, il ne fallait PAS qu’il le soit. Un épouvantail ça se brandit à l’air libre, pas au fond d’une prison ! Quand on vous dit que cette Corne d’Afrique est fondamentale !

Ce qu’il y a de plus surprenant , c’est que juste avant l’homme que l’on a rendu responsable des attentats de Farah Adid, du World Trade Center de 1993, de Riyadh et des Khobar Towers à Dhahran, venait juste de lancer sa croisade violemment anti-américaine : « In his August 1996 epistle entitled Declaration of War against the Americans Occupying the Land of the Two Holy Places, Bin Laden made an extensive argument for killing Americans and expelling the « infidels from the Arabian Peninsula. » « Terrorizing you, » he wrote, « is a legitimate and morally demanded duty. » C’est à n’y plus rien comprendre. ou plutôt c’est trop clair et trop évident. L’homme qui a menacé ouvertement les Etats-Unis n’est pas poursuivi en Afghanistan : avant même le 11 septembre, c’est une évidence, Ben Laden bénéficie d’une sollicitude américaine à son égard fort bien organisée.
 

 

 

 

Ce qu’il y a de plus surprenant , c’est que juste avant l’homme que l’on a rendu responsable des attentats de Farah Adid, du World Trade Center de 1993, de Riyadh et des Khobar Towers à Dhahran, venait juste de lancer sa croisade violemment anti-américaine : « In his August 1996 epistle entitled Declaration of War against the Americans Occupying the Land of the Two Holy Places, Bin Laden made an extensive argument for killing Americans and expelling the « infidels from the Arabian Peninsula. » « Terrorizing you, » he wrote, « is a legitimate and morally demanded duty. » C’est à n’y plus rien comprendre. ou plutôt c’est trop clair et trop évident. L’homme qui a menacé ouvertement les Etats-Unis n’est pas poursuivi en Afghanistan : avant même le 11 septembre, c’est une évidence, Ben Laden bénéficie d’une sollicitude américaine à son égard fort bien organisée.

Mais cela ne suffisait pas encore, au Soudan, et c’est pourquoi Clinton a misé sur un rival du NIF, le Sudan People’s Liberation Army, le SPLA, d’obédience chrétienne, dirigé par John Garang, infiltré au Soudan via l’Ouganda. Son groupe recevra 20 millions de dollars d’aide, transitant par l’Erythrée, l’Ethiopie ou l’Ouganda, sa base arrière. Garang mourra le meurt le 31 juillet 2005 dans un accident d’hélicoptère fort douteux, car il était à bord de l’hélicoptère présidentiel ougandais. L’aide à l’Ouganda des USA est forte, jusqu’au jour ou en Ouganda, qui venait juste de recevoir des Migs refaits à neuf par les israëliens, Yoweiri Museveni, très soutenu par les USA, se fera lui-même attaquer par un groupuscule, le Lord’s Resistance Army (LRA). Pour s’en sortir, Musevini et se rapprocha alors de Garang : à l’époque, on peut dire que l’Ouganda, avec son armée et sa frange d’anciens rebelles, fait la guerre directement aux soudanais du National Islamic Front parvenus au pouvoir. Au Soudan lui-même, les USA soutiennent alors un autre goupuscule, le Sudanese Allied Forces (SAF), chrétien lui aussi. Le résultat est que la guerre est sordide et donne lieu à des exactions de toutes parts, les populations pâtissant d’être pris entre deux feux. Au moment où l’on évoque le fameux « choc des civilisations » des islamistes et des chrétiens se font une guerre atroce et sans merci, et c’est au Soudan que ça se passe.

Pour mieux préparer les combattants sous la bannière « chrétienne », face aux « islamistes », les USA forment alors « The Africa Center for Security Studies (ACSS) », où interviennent en priorité les forces spéciales US sous la direction de l’U.S. Army Special Forces Command. A savoir des bérets verts, qui entraînent directement les forces ougandaises. Pour couronner le tout, l’Afrique du Sud, vieil allié US, arrose d’armements les deux partis en conflit :  » The U.S. Defense Intelligence Agency has foreign agents operating in Africa who travel under U.S. passports to consult and direct clandestine operations. South Africa – a staunch American ally – has shipped military hardware to both sides in the Sudanese conflict. » Pour passer encore plus discrètement aux yeux de l’ONU ou de la communauté internationale, les USA font appel pour la première fois a des sociétés privées, dont une émerge comme principale « cliente » la MPRI : « Private military companies (PMCs) like Military Professional Resources Inc. (MPRI), run by some 16 former U.S. generals out of Washington D.C., Sandline International (U.K.), and Executive Outcomes (S.A.) operate with impunity across Africa, typically securing sites and guarding private foreign enterprises. They deploy superior firepower and overwhelming lethal force ». Rumsfeld n’a donc rien inventé : la privatisation de l’armée US a commencé avant qu’il ne devienne responsable des armées ! Et l’objectif qui leur a été donné est très clair : « These elite mercenary armies have certainly been contracted to defend oil operations in Sudan. » On vient en effet à la même époque de découvrir des gisements colossaux qui attirent les convoitises. Des USA, bien entendu mais aussi de la Chine qui tient bien à jouer son joker dans cette partie du monde.

Très vite, des journalistes plus curieux que d’autres, dont Wayne Madsen, sentent la dérive possible et en alertent la presse mondiale. Et très vite aussi, sur place, ils découvrent avec effroi que les relais humanitaires servent effectivement de camouflage à des opérations spéciales déguisées  : » Operation Lifeline Sudan (OLS) is a multi-billion dollar international enterprise coordinating 35 major U.N. and foreign government (UNICEF, WFP, WHO, FAO, UNHCR, USAID), non-government (OXFAM, CARE, ICRC, World Vision) and religious relief and donor organizations working in Sudan. Journalist Wayne Madsen reports that « while they are not actually CIA fronts, some of these Christian and other « humanitarian » relief organizations have been involved in shipping weapons to the SPLA with food and medicine relief flights. » La CIA, les groupes évangalistes chrétiens et les humanitaires, le trio infernal de la présence américaine en Afrique. Chacun se cachant derrière l’autre.

A l’époque, les armes, en général légères, circulent plutôt par avion, grâce à des compagnies que nous connaissons bien : dont la « Southern Air Transport – a known CIA front – shipped landmines and other weapons on Norwegian People’s Aid (NPA) flights : NPA was a Nobel Prize co-recipient for their campaign to ban landmines (1998). USAID is considered a cipher for covert weapons shipments : « Skyways » out of Nairobi and « Legion Express » out of Miami are two of the air transport companies believed to be CIA fronts retained by USAID for OLS sorties (Wayne Madsen : Genocide and Covert Operations in Africa, 1993-1999) ». A noter l’horreur, à savoir que les mines circulent grâce à des vols payés par une association créée par la firme Nobel, le plus grand vendeur d’explosifs au monde, association qui souhaite bannir l’usage des mines des champs de bataille ! Les médias ont bel et bien été les dindons de la farce dans l’opération !

Skyways en effet n’est pas une inconnue. Le 5 avril 2006, un DC-9 de Skyways anciennement Cotopax, immatriculé N900SA qui devait partir de St. Petersburg/Clearwater International en Floride, vers l’aéroport de Simon Bolivar International à Caracas, au Venezuela, est arrêté au Mexique, où il vient de faire un atterrissage d’urgence… pas loin de lui, un Falcon venu de la région de Toluca (près de Mexico), attend visiblement un transfert de marchandises de l’avion en difficulté. Dans le DC-9, les policiers mexicains ébahis découvrent 5,5 tonnes de cocaïne, pour plus de 100 millions de dollars, répartis en 128 valises… de type militaire. Ce jour là, la CIA gagne haut la main son surnom de Cocaine Import Agency. L’avion, extérieurement, présente le logo officiel d’une organisation gouvernementale américaine, la SNA, (System of National Accounts), du département de l’US Transportation Security Administration et un slogan  » : “Sky Way Aircraft — Protection of America’s Skies.”. L’avion appartient en fait à des saoudiens de la famille royale :  » he DC-9 seized by Mexico was previously owned by a partnership of Royal Sons and Skyway Communications Holding Corp. (Symbol : SWYCQ) of 6021, 142nd Avenue North Clearwater, Florida. SWYCQ’s web site states, “SWYC was founded in 2000 by Mr. Brent Kovar. SWYC’s focus includes in-flight wireless Homeland Security and In-flight Entertainment (IFE) service.

Une rapide enquête démontre que l’appareil a été financé par une banque bien particulière :« also, according to the SEC, Kovar is affiliated with Net Command Tech Inc. (a St. Petersburg, Florida-based corporation formerly known as Acunet Corporation and Corsaire, Inc.). The company primarily markets video surveillance systems. According to SEC records, Banque Francaise De L’Orient has a significant financial stake in Net Command Tech ». Cette fameuse banque n’est autre que le nouveau nom de la Banque Al Saoudi. Qui mène à un panier de crabes assez mirobolant : « Banque Francaise de l’Orient was originally Banque Al Saoudi, which was under the financial control of the Bin Laden family and other top Saudi royals and businessmen. In 1989, Banque Indosuez partly assumed control of the near bankrupt Bank Al Saoudi and it became Banque Francaise de l’Orient. The bank then merged with the late Lebanese Prime Minister Rafik Hariri’s Mediterranee Group. Banque Francaise de L’Orient maintains an office in Geneva. Bank Indosuez (now Credit Agricole Suez) maintains an address in Sana’a, Yemen ».Avec un seul jet, on découvre avec effroi l’étendue du problème. La CIA a toujours eu besoin du trafic de drogue pour échapper au contrôle du Congrès. Avant l’Afghanistan, c’était les Andes, la plaque tournante se situant en Floride. Avec L’Afghanistan, paradis du pavot, la carte change. Mais ce qu’on découvre également, ce sont les liens étroits entre la famille Ben Laden, les grandes familles saoudiennes, ce réseau de drogue, et la CIA. On comprend mieux pourquoi l’homme le plus recherché au monde est aussi insaisissable. Et pourquoi il s’est aussi facilement échappé de cette corne infernale pour se réfugier en Afghanistan, puis après Tora Bora, au Pakistan. Personne n’a intérêt en définitive à le capturer. Mieux encore : s’il est mort, personne n’a intérêt à le dire. Pas les islamistes, qui perdraient leur fanion, encore moins les américains qui perdraient leur épouvantail.

 

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Les pirates ne sont pas ceux auxquels on pense (5)

A09-04-10bg_the_last_few_boxes_of_usaid_food_in_the_containerla suite de cette nouvelle série d’articles, on s’approche d’une conclusion évidente : le trafic d’armes est favorisé par l’usage des containers à bord de cargos civils, dont de nombreux travaillant directement pour des militaires, et dont les seuls contrôleurs à rayon X existants sont fournis par les Etats-Unis. Les pirates actuels ont mis par hasard la main sur des armes, dont certaines de taille respectable (45 tonnes !) qui semblent circuler plus souvent qu’on ne pense dans des régions du monde déclarées depuis longtemps comme sensibles. C’est déjà un point surprenant. S’ajoute à cela un rideau de fumée consistant à mettre en avant l’action humanitaire, à ce détail près qu’aux Etats-Unis c’est une action étatique,gouvernementale, organisée dès 1961 par John Kennedy, une action qui n’est jamais sortie de ses accusations d’espionnage manifeste des pays dans lesquels elle intervenait. Livraison d’armes en douce, espionnage manifeste : les médias, qui ont vite fait de charger les pirates somaliens, feraient bien de s’intéresser aux véritables flibustiers des mers. Ce ne sont pas obligatoirement ceux qui font la une des journaux.Le schéma d’approche et de conquête américaine en pays tiers est donc connu : on le constate chaque jour encore, et je vous ai déjà mis en garde contre les activités des ambassades, qui relèvent très souvent directement des renseignements. En Bolivie, en ce moment, c’est visible tous les jours, et le président Morales se bat contre cette ingérence notoire et indiscutable. Le cas incroyable de l’ambassadeur albanais, John Withers II, pris en plein flagrant délit de soutien à un vendeur illicite d’armes d’à peine 18 ans, Efraïm Diveroli, est resté dans votre mémoire j’espère. La fuite du vendeur de munitions avariées en Israël également. Nous vous disions hier quels étaient les piliers de cette ingérence perpétuelle dans les affaires des autres. Dans l’ordre, l’église, puis USAID, puis la CIA ou la NSA en général : « Establishing a direct link between missionaries, US AID, the CIA and other intelligence agencies like the NSA, is not a very difficult task ».  Disions nous déjà hier, en ajoutant le cas spécifique du Soudan, où le CSI a joué un rôle déterminant aux USA pour alerter l’opinion publique américaine et imposer l’idée d’une véritable croisade idéologique. « The question for the Black electorate, in the Western Hemisphere and Africa is how such a history impacts on the monopoly of thought that Christian Solidarity International has obtained over the issue of the Sudan, influencing members of the US Congress and the British parliament, as well as White Conservatives and Black Civil Rights leaders ? »…Obama se serait-il fait avoir dans le lot ?

L’historique des liens entre la CIA et les groupes religieux remonte aux années 60, et leur première action a eu lieue en Thaïlande. «  Interestingly, the link between the CIA and missionary groups was quite often the US Agency for International Development (AID). »Un livre sur la CIA a révélé ses faits. Celui, magistral, sur « le gouvernement invisible des Etats-Unis ». Un livre de David Wise et Thomas B.Ross introuvable en France, que j’ai finalement obtenu par le plus grand des hasards, mais qui est disponible en téléchargement à cette adresse dans sa langue originale.Il y décrit la méthode, commencée par le détournement d’anthropologues appelés à étudier des tribus thaïlandaises ou laotiennes« The story had been building since 1970, when Dr. Eric Wolfe, chair of the American Anthropological Association’s ethics committee, explained how anthropologists had been manipulated through the Chiang Mai Tribal Research Center in northern Thailand, which was funded through the Agency for International Development (AID). He also revealed that American missionary organizations had been drawn into this counterinsurgency operation as well ». Dans le livre de Wise&Ross, qui se dévore comme un roman, le cas de l’ambassadeur William J. Sebald, qui avait été au Japon avec MacArthur, occupe tout un chapitre : celui d’un homme blessé, berné par son administration qui ne lui a a jamais avoué avoir des espions au sein même de son ambassade, et qui s’opposait tous les jours au général birman Ne Win, qui lui savait pertinemment qui étaient les gens de la CIA ! Ces derniers apportaient leur soutien direct aux 12 000 soldats de Tchang- Kaï-Chek réfugiés en Birmanie, mais le seul à ne pas le savoir était l’ambassadeur. Quand ils quittèrent le pays en 1961, ils laissèrent derrière eux des centaines de caisses d’armement. Toutes estampillées « Aide Américaine » ! Ne Win, entre temps, avait fait un coup d’état le 2 mars 1962 et était devenu chef du pays… Depuis, tous les ambassadeurs sont devenus les principaux pourvoyeurs d’emploi pour la CIA… Sebald aura au moins servi à quelque chose, le pauvre. Et Ne Win inauguré une dictature qui perdure.t cela a duré et continué des années, dans le monde entier. Aussi, quand le président Bush a choisi en 2001 Andrew Natsios comme le coordinateur spécial de l’aide humanitaire au Soudan, cela n’a étonné personne. Un vétéran de la guerre du golfe, qui a fini lieutenant colonel de réserve à la tête de la plus grande agence humanitaire, c’est un peu le colonel Bigeard à la tête de Médecins sans Frontières ! L’auteur de « U.S. Foreign Policy and the Four Horsemen of the Apocalypse », (livre dans lequel il se montre CONTRE l’ingérence des états dans l’humanitaire !) ancien militaire avec 23 années passées dans la réserve, s’est chargé, à partir de 2005, de la reconstruction de l’irak avec un zèle tout particulier, dont nous avons décrit ici même en détail les ratages, les omissions et les détournements de fonds. Un fiasco manifeste, une gabegie monumentale et un mépris rare des populations : voilà le vrai bilan d’USAID dans ce pays. Comme nous le rappelions alors : « L’agence Usaid publie régulièrement un bulletin, Iraq reconstruction weekly update, qui voit dans la reconstruction de l’Irak une suite sans fin de projets extraordinaires, de miracles qui améliorent la vie des citoyens, lesquels seraient pénétrés d’admiration et de gratitude. Le ministère de la défense américain et les organismes associés éditent des rapports dithyrambiques sur les immenses progrès accomplis » nous disait le monde diplomatique en avril 2007 sous la plume de Joy Gordon, qui dénonçait la duplicité de l’organisme humanitaire et les dégâts des marchés conclus à la hâte sous le titre significatif de « En Irak, la reconstruction aussi est un échec ».

Quand à l’éthique même, au sein de USAID, parlons-en. En avril 2007, le grand ponte de l’organisation, Randall Tobias, à la tête de toutes les interventions humanitaires américaines à l’étranger,  « Director of U.S. Foreign Assistance and U.S. Agency for International Development Administrator » démissionne avec éclat. Il prend la porte, contraint et forcé : il faisait partie des clients de D.C. Madam, de son vrai nom Deborah Jane Palfrey , le surnom de la call-girl qui vient alors de dénoncer tout le gratin de Washington, et qu’on retrouvera pendue au fond du garage de sa mère un peu plus d’un an après. Pour beaucoup d’observateurs, un cadavre de plus à mettre dans le placard de la famille Bush. Notre directeur de l’humanitaire avait reconnu utiliser les services de masseuses, des prostituées de « Pamela Martin and Associates escort service »fournies par D.C.Madam… et Palfrey avait commencé à parler, révélant comme second client un autre très gros poisson : « Palfrey recently made good on her threat to identify high-profile clients, listing in court documents a military strategist known for his « shock and awe » combat theories. » Tout le monde y avait reconnu Harlan Ullman, un des membres éminent du Center for Strategic and International Studies, et théoricien reconnu de l’attaque sur l’Irak. Ironie du sort, au moment même ou Tobias avait recours à des prostituées, USAID s’était engagé dans une grande campagne contre l’esclavage humain qu’est la prostitution… « The estimated $8 billion a year generated worldwide by the trafficking of humans are the tainted profits of « a most egregious form of slavery, » affirmait alors Kent Hill, un des responsables des questions de santé chez USAID… en ignorant que son propre patron recourait à ce traffic ! Une autre dirigeante d’USAID, Lynn Sauls, ajoutant sans vergogne : « human trafficking is the world’s third most lucrative illegal commercial activity, following trade in narcotics and weapons »... sans le savoir, elle venait de définir les trois activités principales de la CIA… Prostitution, drogue et traffic d’armes, le lot est complet.

Il est de notoriété publique et historique que derrière l’aide humanitaire d’USAID se sont toujours cachés des espions de la CIA. Quand ce n’était pas dans les « Peace Corps » du beau frère de Kennedy… leur fonction n’a pas vraiment changé depuis 1961... Un Mike Connel informaticien et prosélyte de la religion catholique, en vrai illuminé, revendiqué « Chevalier de Christophe Colomb », jouant les humanitaires en Amérique centrale, offrant des christs en bois aux plus démunis, tout en sabotant en même temps les ordinateurs chargés du décompte électoral en Ohio est symptomatique de cette duplicité fondamentale et de ce mélange individuel, sans foi ni loi véritables. Nous avions évoqué dans Agoravox ce curieux et inquiétant mélange des genres. On pensait que la guerre froide finie, le concept disparaitraît. Loin s’en faut, et un événement symptomatique de cette imbrication forte entre humanitaire et militaires est apparue de façon flagrante il y a quelques mois, lors de la crise georgienne. Les moyens employés par les américains pour surveiller discrètement l’adversaire de toujours n’ont pas beaucoup changé en effet depuis le temps de la guerre froide. On l’a vu lors du conflit Georgien, ou plus exactement après ce conflit. Le président Saakatchvili ayant tiré sur la fibre « mon pays a été dévasté, je réclame de l’aide humanitaire », en allant même jusqu’à parfois trafiquer les photos (un photographe plus curieux que les autres avait remarqué que les morts présentés par Saakatchvili s’accrochaient aux manches de ceux qui venaient relever leurs corps !), ce sont évidemment les américains qui ont répondu en premier. En envoyant force colis de nourriture et des couvertures pour les plus démunis, (ou des serviettes hygiéniques provenant des surplus de vente des magasins US) En réalité pour les habitants des maisons ravagées aussi par les tirs deGrad israëliens de l’armée géorgienne. Le conflit à peine achevé, les georgiens ont donc vu débarquer USAID à Batoumi. Un organisme rodé, organisé, efficace. A l’américaine, dira-t-on, avec des photographes au bon endroit, surtout. « The right time, the right place ».

Des colis descendant d’un premier navire, un garde-côtes, le Cutter Dallas, spécialisé dans la drogue, plutôt rassurant pour la population (qui ignorait sa fonction principale), puis d’un second de guerre, l’USS McFaul, tous deux venus de Crêtepuis d’un troisième, toujours militaire. Des colis humanitaires descendant d’une corvette ou d’un garde-côtes, pourquoi pas. C’est quand le navire suivant les deux premiers a accosté que l’on a compris le principe. Oh, certes, le show humanitaire avec les cartons bien estampillés USAID étaient bien présents. L’accueil enthousiaste d’une maigre assistance munie de drapeaux énormes aussi. On sait au moins à quoi servent les personnels de l’ambassade américaine. Mais ils descendaient cette fois du USS Mount Whitney, ces colis, un vaisseau en provenance d’Italie. Malgré l’imposant nombre de bateaux porte-containers pré-positionnés ou les accords passés avec les société maritimes comme Maersk, les Etats-Unis envoyaient quand même là-bas le Mount Whitney ! Le vaisseur amiral de la 6eme flotte, celui du commandant de l’Otan, un vrai poste avancé de communication et de brouillage ! Un bateau lié à l’Otan, que voudrait tant rejoindre la Georgie de Saakatchvili. Le Mount Whitney, l’un des engins les plus élaborés au monde question écoute et renseignement, bardé d’antennes et de coupoles de réception et de transmission, le voilà qui déboule, lui, à Poti ! Avec comme premier homme à monter à bord le ministre de la défense géorgien, David Kezerashvili (démis depuis !) ! C’était bien entendu une véritable provocation… signée en fait de l’inénarrable Dick Cheney :  « The arrival of the USS Mount Whitney, flagship of the 6th Fleet in the Mediterranean, came as Moscow accused Dick Cheney, the hawkish US Vice-President, of stoking tensions during a visit to Tbilisi this week. After meeting President Saakashvili, Mr Cheney vowed to bring Georgia into the Nato alliance. » Les russes peuvent facilement se moquer, remarquez, en demandant à la presse mondiale d’où vont sortir les caisses d’aide de première urgence d’un bateau bourré d’équipements ayant si peu de cales internes de vides… alors que la Navy possède les 38 porte-containers décrits dans les épisodes précédents, à sa disposition immédiate dans le monde…

Sur les vidéos, c’est encore une fois les cartons d’USAID qu’on distingue… et pas les antennes du Mount Whitney !. Les bouteilles d’eau sont déballées sur les quais par des marins américains, les cartons passent de main en main devant les objectifs, et quelques jours plus tard, un député républicain du Tenessee, Bob Cork, distribue même les cartons de nourriture à Gori, dans les locaux… d’USAID. A l’autre bout de l’Europe, à Seckenheim, le 3rd Battalion of the 405th Army Field Support Brigade (AFSB) prépare lui aussi les colis d’USAID et les arrime sur les palettes  destinées à remplir le vieux DC-9 cargo de la base. 700 palettes, 130 tonnes au total, envoyées via également les énormes C-17. A Ramstein, on remplit à ras bord les C-130 sous le regard (déjà ?) de Joe Biden, et sous le regard des militaires dépêchés sur place. On peut alors faire la photo à encadrer de trois personnes rayonnantes : à gauche Saakatchvili, à droite Cheney… au milieu un représentant d’US AID. Tout sourire. Car il est vrai que tout ira mieux désormais en Georgie grâce à USAID… Les georgiens vivront mieux désormais, c’est évident : dans les cartons de USAID… du maïs transgénique. De quoi assurer un « futur brillant au pays  »  : « A Brighter Future Pioneered with Hybrid Corn Seed » titre le magazine de propagande d’USAID. Ou comment rendre les autres pays dépendants d’une forme de pensée et de vie, ou comment en faire des clones des américains. Ou comment rendre la Georgie dépendante. Au Kenya, c’est Monsanto qui se retrouve promotionné par USAID. En fait, via USAID, les USA apportent aux défavorisés des produits bannis partout ailleurs


L’hégémonie économique, doublée d’un empoisonnement général ? Un autre rêve de domination mondiale, présenté et emballé avec un joli nœud autour, appellée « aide humanitaire » ? On pensait que seules les armes apportaient la mort. Les pirates de Somalie, qui la défient tous les jours et n’ont que peu de choses à gagner ou peu d’années à vivre, nous montrent aussi que les armes ne sont pas les seules responsables. Il y a des aides humanitaires qui ressemblent à des condamnations, dans certains pays.

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Les pirates ne sont pas ceux auxquels on pense (4)

liberty_sun21Nous avions commencé à peine commencé à mettre en doute les rapports des médias sur la prise du MSC Maersk Alabama qu’une autre prise (ratée cette fois) de cargo américain dans le secteur ravive à nouveau nos soupçons. Le premier à peine arrivé à quai, un autre en effet fait la une de la presse. Or ce navire, encore une fois, n’est pas un navire civil ordinaire. Son armateur américain est très lié à l’armée, fournissant même des porte-containers réquisitionnés comme navires de logistique militaire. Un navire qui visite les mêmes ports et effectue les mêmes trajets, ou presque, et qui est à la fois livreur d’aide alimentaire ou d’armes « en cas de conflit » précise-t-on en haut lieu. Les pirates somaliens, sans le savoir, sont bel et bien en train de nous démontrer une chose flagrante : le trafic des containers dans le monde continue à réserver les surprises dont nous vous avions déjà parlé ici, avec de façon répétitive semble-t-il plusieurs nations en cause, et un seul destinataire final, le Soudan et la guerre meurtrière et catastrophique qu’y s’y déroule. Trois pays sont régulièrement cités depuis le début de cette enquête : l’Ukraine, Israël et les Etats-Unis. Ce n’est pas une surprise, à vrai dire, ni un hasard. Dans le rôle de disséminateurs d’armes dans le monde, ce sont les premiers en ligne de mire, si je puis me permettre.

Car l’histoire balbutie : le lendemain même de l’arrivée au port de Mombasa du Maersk MSC Alabama, juste relâché, un autre navire est arraisonné par d’autres pirates. Mais cette fois ces derniers son repoussés, sans qu’on sache vraiment comment. « Avec l’aide de la marine américaine  » dit-on. Et encore une fois avec l’aide du destroyer USS Bainbridge, arrivé six heures après les faits, pourtant. Cette fois encore c’est un navire américain qui est visé, attaqué à la roquette, et au nom presque prédestiné : le Liberty Sun, un vraquier de 64 000 tonnesd’emport de la Liberty Maritime Corporation. Et une fois encore, une firme privée employée par l’armée US, mais cette fois pas n’importe laquelle. « Liberty is one of the largest privately-held independent operators of U.S. flag dry bulk carrier vessels. Its U.S. flag fleet operates in both the preference trades of the United States and the international commercial trades ». Une firme encore plus liée que la précédente au fait militaire : ses bateaux ont de tous temps été liés étroitement à l’armée et ont effectivement délivré du matériel militaire durant l’opération Desert Storm… celle du père de W. Bush. « In 1989, Liberty created a related entity, Polaris Shipping, Inc., which managed three break bulk/liner vessels on charter to the Military Sealift Command (« MSC ») for two years. These vessels were participants in Operation Desert Storm, delivering military equipment, supplies and ammunition to U.S. forces deployed in the Persian Gulf ». Militaire ou civil, les deux mêlés, mais pour le grand public c’est toujour une seule facette qui est mise en avant. Et effectivement, après l’attaque, à l’arrivée une fois libéré, à Mombasa, on décharge ostensiblement devant les photographes, des sacs de riz estampillés USAID. Pour le reste…

Mais on n’en sait pas davantage sur ce que font réellement à cet endroit les bateaux signés LMC. Officiellement, ils font partie du programme intitulé VISA : « Liberty is one of several major shipping fleet companies that comprise the Voluntary Intermodal Sealift Agreement U.S. Agency for International Development, or VISA. VISA provides the Pentagon with private cargo vessels to call on to meet « contingency deployment » requirements. The program saves the government the cost of maintaining a large fleet that would be idle in peacetime. Liberty vessels have also carried relief supplies and food to Africa and Asia for USAID, World Vision, and Save the Children. Liberty-owned ships have transported aid cargo for USAID and non-government organizations, and military equipment in the first Persian Gulf War ». Des bateaux mis à disposition de l’armée selon la demande : « contingency deployment ». En tant de paix, des vivres, en tant de guerre des armes. On voudrait bien croire à cette belle disctinction. On comprend surtour que chez LMC on peut aussi bien transporter de la nourriture aujourd’hui que des armes hier ! Et pourquoi pas les deux en même temps ? On voit bien les sacs de riz, mais on ne sait jamais où se trouvent les armes. A noter l’insistance dans les présentations officielles à ne parler que des livraisons d’armes de la première Guerre du Golfe… les armes hier seulement, bien entendu. Le Liberty Sun provenait effectivement de Port Soudan, où il avait déchargé l’aide alimentaire (version officielle des faits), et était en route vers Mombasa. Selon certaines sources, l’attaque aurait été cette fois décidée par les pirates en représailles contre la mort de trois d’’entre eux, tués par les services spéciaux US lors de l’affaire précédente du Maersk MSC Alabama. Le 13 avril également, et c’est à signaler, un autre acte de représailles avait été tenté contre Donald Payne, un congressiste démocrate du New Jersey venu en Somalie, a Mogadiscio qui a dû essuyer et éviter des tirs de mortier sur sa personne. Les pirates avaient-ils conscience de s’en prendre à un symbole fort en s’attaquant à un bateau de LMC, très lié au gouvernement US et à ces miitaires ? Ils savent aussi utiliser le Net, comme les attaquants de Mumbaï, et ne sont pas ignares : les bateaux de LMC sont donc bien des objectifs symboliquement visés, au contraire du Faina dont tout le monde ignorait tout…

Chez LMC, le patron s’appelle Philip Shapiro, c’est un homme de la mer reconnu. « Prior to founding Liberty in 1988, Philip Shapiro served as vice president and general counsel of Apex Marine Corporation. During his eight years in the position he developed his understanding of the intricacies of ship management, fleet operations, vessel financing, and governmental regulation of US flag shipping ». LMC est un des rares à battre haut et clair pavillon américain et non de complaisance. Comme Apex, en réalité, LMC est une entreprise qui affiche clairement son patriotisme. Shapiro le fait savoir lors des campagnes électorales : mais Philip Shapiro soutient ouvertement le parti démocrate, en offrant cette année plus de 36500 dollars dans le jeu électoral, au total, dont 20 000 rien que pour la campagne du parti d’Obama. C’est déjà pas mal. Mais chez Apex, le mot patriote valait dire plus encore.

Apex était l’œuvre d’un immigré hongrois, Leo Vladimir Berger, mort en 1999, qui avait propulsé sa société au premier rang en achetant en 1967 son premier tanker pour 1,5 million de dollars au groupe Lemos pour aboutir à 24 navires dans les années 80 et plus de 100 millions de revenus par an. Abandonné par ses parents trop pauvres, il avait passé son enfance dans des orphelinats ou des centres d’accueil juifs, l’étant lui-même d’origine : il en avait gardé une reconnaissance particulière, donnant régulièrement de fortes sommes à des associations d’aide juives dont notamment le célèbre Boys Town Jerusalem. Le moins qu’on puisse dire c’est que c’est une association disons… engagée, qui voue une admiration certaine à ses soldats. Comme beaucoup d’émigrés qui avaient vu dans les USA une terre promise, l’homme était extrêmement patriotique, ayant fait aussi une belle carrière d’officier dans la Navy en 39-45. Deux patries, pour Berger, car les liens avec l’armée et l’état Israël d’Apex ont toujours été forts : « The company has also worked with the Agency for International Development and the Israeli Grain Mission in bulk grain movements. In addition, we have managed vessels for the United States Maritime Administration and Military Sealift Command and participated in the “Operation Desert Storm” and “Maintain Democracy” campaigns. » Il faut préciser, pour ceux que cela surprendrait, qu’historiquement parlant les juifs hongrois ont payé un très lourd tribu durant la seconde guerre mondiale. Pourchassés par des hommes parfois pires que les SS, les sinistres Croix Fléchées, les juifs hongrois ont été poursuivis et massacrés dans des proportions hallucinantes. Les croix fléchées, comme tout mouvement néo-nazi, ressurgissent régulièrement au gré des difficultés économiques du pays. Ces dirigeants, ou ses supporters, avaient fui le pays dès l’arrivée des soviétiques, perçus comme le démon : on en a retrouvé pas mal éparpillés en Europe, certains s’engageant dans la légion étrangère française en espérant faire oublier leur passé. En sachant cela, on explique facilement la véritable fascination qu’exercent les libérateurs américains sur les juifs hongrois, et le soutien inconditionnel et indéfectible d’après guerre aux Etats-Unis.

Une association véritable, donc, pour LMC ou Apex, avec la Navy américaine, qui ira jusqu’à acheter deux de ses porte-containers à la seconde. En 1998, Apex avait reçu en effet du Congrès 9 052 940 de dollars pour deux de ses bateaux, des porte-containers transformés en bateaux grues, les T-ACS 7 Diamond State et T-ACS 8 Equality StateDes bateaux qui peuvent donc se passer d’équipement portuaires et qui transportent… des Humvees, ou des containers, leur ancien « métier » dans le civil. Pour les containers, ils servent parfois à vider un autre porte-container.. suspecté de transporter une cargaison « terroriste », comme lors de cet exercice tenu dans le port de San Francisco… Ils participent à tout ce qui est logistique lourde en fait : construire un port ou un ponton d’accueil ne leur fait pas peur. Les « T-ACS Keystone State Auxiliary Crane Ships » pré-disposés à certains endroits du monde, sont devenus des auxiliaires indispensables à l’armée américaine, qui en utilise donc une dizaine qui commencent à faire leur âge : parmi les 6 derniers, le  T-ACS 5 Flickertail State, le T-ACS 6 Cornhusker State, le T-ACS 7 Diamond State, , le T-ACS 8 Equality State, le T-ACS 9 Green Mountain State, et le T-ACS 10 Beaver State.

Au final, que ce soit avec Apex ou LMC, voire avec Maersk, un fait troublant revient : les Etats-Unis, via leur aide humanitaire étatique, utilisent les moyens de leur marine civile pour acheminer leur aide ou leurs armes, laissant cours directement à toutes les suspicions sur une ingérence possible dans les pays où il interviennent. Aujourd’hui, les ONG sont des organismes privés en général. Aux Etats-Unis, la première de toutes est une entreprise d’état, fortement liée aux militaires. L’envoyé américain a toujours eu différentes casquettes. Des missionnaires religieux d’abord, tendance évangéliste, qui se muent en humanitaires, puis des mercenaires et enfin des barbouzes, le schéma est toujours le même depuis cinquante ans : « Establishing a direct link between missionaries, US AID, the CIA and other intelligence agencies like the NSA, is not a very difficult task » nous dit un site. C’est même un jeu d’enfant, surtout si on y ajoute le poids actuel de la presse et des medias. Au Soudan, on n’échappe pas à ce schéma tout tracé : et à la télévision, on ne voit que des sacs de riz descendre des bateaux.

 

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Les pirates ne sont pas ceux auxquels on pense (3)

58-beluga-enduranceNous l’avons expliqué dans les deux épisodes précédents, le géant des mers relâché par les pirates, après l’épisode rocambolesque et meurtrier arrivé à son remarquable capitaine avait finalement accosté à Mombasa, pour y débarquer sa fameuse cargaison humanitaire, qui ne représentait somme toute qu’une infirme partie de sa cargaison totale, sur laquelle on ignore tout. L’empressement des médias à saluer son activité humanitaire seule nous a paru assez sommaire, ainsi que le peu de remarques faites sur la composition de son équipage, radicalement différente de celle des autres cargos qui sillonnent l’endroit où il a été intercepté. Si on y ajoute une conférence de presse de ses fameux marins assez surréalistes, où ils se sont employés avant tout à critiquer ouvertement l’action de Barrack Obama, on obtient tous les ingrédients d’une histoire sulfureuse. Celle des porte-containers estampillés USAID, qui ne sont pas tous, loin s’en faut, des bateaux civils, même si extérieurement leur armateur l’est. On vous a déjà conté l’histoire du Faina, il semble bien que ce navire ne soit que le sommet de l’iceberg de ce qui se passe véritablement dans la région, chose à laquelle ne semble pas échapper le MSC Alabama, son nom complet, un cargo…sous contrat militaire, en réalité.

Les bateaux de Maersk servent-ils dans leurs containers à faire circuler les armes cette fois vers le sud et le…Soudan ??? Des armes qui pourraient provenir de la filière de l’Europe des Balkans dont on vous a déjà parlé, débouchant vers la Croatie, via un passage du canal de Suez et la Mer Rouge ou via l’Ukraine, la Moldavie ou via la fameuse Transnitrie, en traversant la Mer Noire ??? En fait, les deux sont possibles. Maersk est installé en Ukraine depuis 1993 et en 2008 est devenu là-bas le leader des transactions portuaires du pays : « In 2008 based on the laden volumes shipped to/from Ukraine Maersk Line remains the leader in the Ukrainian market ». Ou tout simplement d’Israël ? Le Faina ne serait-il qu’un gagne-petit ukrainien en comparaison du MSC Alabama ? Ceci, si le porte-container n’était qu’un navire commercial comme un autre… Or, et c’est à noter, ce n’est pas exactement le cas. Le nom de l’Alabama donné au départ à la presse n’était pas complet : c’est en fait le « MSC Alabama »… à savoir un navire dûment affrété par.. le Pentagone puisque MSC signifie Military Sealift Command  !! Sorti directement le 7 avril 2009 de la base militaire de Norfolk, qui l’hébergeait il y a quelques jours encore. Reste à savoir pourquoi une opération d’aide humanitaire transportant du riz du maïs et de l’huile débute dans une base militaire… avec un bateau civil, réquisitionné par des militaires…

 Car pour ce qui est de la filière de la Mer Noire, il y a un précédent au Faina. C’est le Beluga Endurance, un porte container de 2004 de 138m de long, de 673 TEU, sous pavillon d’Antigua, et ayant comme port d’attache Oktjabrsk. Chargé par la firme ukrainienne Ukrinmash (déjà vue ici dans notre article sur la Georgie et vendeur de Migs 27 par exemple ou de BTR-4) de « machines et de véhicules ». En réalité, à bord, « 42 T-72 tanks, 15 anti-air canons, 2 multiple rocket launchers, 2 tons of RPG and 95 tons of Kalashnikov guns and accessories were loaded ». Le bateau, discrètement chargé, à partir d’Oktjabrsk fut suivi par les journalistes du Spiegel tout d’abord jusqu’en Israël, puis jusque… Mombasa : « Israel is known for upgrading/refurbishing Ukrainian weapons as it did with tanks for Czechia and multiple rocket launchers for Georgia ». Le circuit habituel, dira-t-on. On sait, et on vous l’a déjà dit également ici que les israëliens sont devenus les spécialistes des Grad, ces orgues de Staline qui furent tant utilisées dans le récent conflit Georgien. La cargaison du Beluga Endurance portait la même signature de livraison que celle du Faina, à nouveau celle du GOSS, les rebelles du Soudan Sud soutenus par les Etats-Unis… et Israël. Lors de la mise en ligne des aventures du Beluga Endurance, un participant rappelait les faits : « The Ukrainian parliament set up a special commission in September to look into the country’s arm sales to Georgia before the August war. The results, recently made public, are quite explosive. See ’Ukraine laundered billions in arms trade’ ». On comprend mieux pourquoi, à la fin de notre premier article, ce n’était pas le propriétaire qui avait payé la rançon : les pirates ont eu comme interlocuteur direct Victor Louchtchenko, ce grand ami des américains, aujourd’hui en difficultés sérieuses dans son pays. A noter qu’à Cherbourg on le connaït aussi, le Beluga Endurance, mais pour une tout autre raison..

Le Beluga Endurance était affrété par la compagnie allemande Beluga, qui se vante aujourd’hui encore de faire dans le lourd : « No matter how big or heavy your cargo is or where it has to be shipped, we are your ideal partner. We pursue new paths for our clients, thinking visions ahead creatively ». Sans elle, nous n’aurions jamais imaginé que des chars puissent être un marché « créatif ». Maersk, quand à elle, est une société danoise d’origine, a en effet des liens privilégiés depuis longtemps avec l’armée américaine : « Maersk Line, Limited is based in Norfolk, Virginia, and is one of the Department of Defense’s primary shipping contractors. It has been a reliable partner for the government in peacetime and war for almost 30 years.  » Quatre navires Maersk servent donc exclusivement aux transports de la marine US, quatre bateaux estampillés « Class A » selon leur nom : l’ALABAMA l’ALASKA, l’ARIZONA et l’ARKANSAS. En 2004, un contrat leur a assigné un port d’attache, l’Alabama héritant de Dubaï : « Seafarers crewed up MLL’s Sealand Charger Oct. 28 in Los Angeles ; the Sealand Meteor Nov. 9 in Dubai ; the Alva Maersk -since renamed the Maersk Alabama-Nov. 10 in Dubai ; and both the Sealand Intrepid and Sealand Comet Nov. 16 in Los Angeles. The Sealand Lightning was due to join the fleet in Southern California. A sixth MLL vessel was scheduled to enter the fleet in late November or early December 2004 ». En fait, les USA disposent de 38 navires de ce type au total : « As of the most recent listing in October, 2008, the ship was still named as one of the 38 container ships in the U.S. government’s Maritime Security Program Fleet. Its purpose is described as maintaining “a U.S.-flag merchant fleet crewed by U.S. mariners to serve both the commercial and national security needs of the United States.” Notre bateau bleu et rouge n’a donc rien d’un bateau civil. Les pirates, sans le savoir, sont à nouveau tombés sur plus gros qu’ils ne pensaient.

Ce qui explique aujourd’hui le pourquoi à bord de ce bateau d’un équipage entièrement américain, payés à un tarif bien différent des ukrainiens ou philippins habituels, et à mon humble avis pas venu seulement pour surveiller les containers « d’aide humanitaire pour le Kenya« . La conférence de presse improvisée et surréaliste donnée par l’équipage juste relâché qui pressait Obama de tout faire pour arrêter le piratage est symptomatique : derrière les propos maladroits se cachait un état d’esprit tout… militaire. « We’d like to implore President Obama to use all of his resources to increase the commitment to end the Somali pirate scourge… It’s a crisis. » On voudrait continuer à « travailler » tranquillement qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Travailler en qualité de… militaires, voire de… mercenaires. Car c’est la BBC, le lendemain même, qui a bien levé un autre lapin, en soulevant la question d’un équipage capable de tenir tête à des pirates munis de Kalachnikovs et de RPG-7… sans être « officiellement » armés : « the BBC’s Jonah Fisher in Mombasa says the one remaining question surrounding the Maersk Alabama is how its crew of merchant seamen managed to fight off Somali pirates equipped with AK-47s.The crew refused to provide an answer because they said the techniques they used were being kept secret to help other ships resist pirate attack. » Il serait tout simplement aberrant que les marins à bord d’un des bateaux de Maritime Security Program Fleet n’aient eu aucun cours et n’aient été équipés d’aucun matériel pour lutter contre la forme de terrorisme qu’est la piraterie ! Ces fameux « américains », à bord du MSC Alabama, ne seraient-ils pas tout simplement nos fameux mercenaires de Blackwater, reconvertis comme on vous l’avait dit en marins anti-pirates…et chassés par Obama de l’Irak, d’où leur étrange discours à peine débarqués ? Des photos de l’équipage descendant des passerelles du bateau fraîchement jettent le trouble… a-t-on a nouveau loué des porte-pistolets ?

En fait, c’est du côté d’HollowPoint Protective Services (HPPS ), firme du Missouri dirigée par un dénommé John Harris, qu’il faut plutôt chercher . Le 20 octobre dernier, ce patron avouait qu’il était en « négociation » avec les entrepreneurs ayant des bateaux dans le Golfe d’Aden  : »the firm is “currently in negotiations to provide our asset protection and security services to shipping companies operating in the Gulf of Aden region” . Ce qu’il y a de très amusant, c’est de constater que pour présenter la firme sur Internet, HPPS n’a rien trouvé de mieux que d’utiliser une célèbre photo des mercenaires de Blackwater (devenu depuis Xe) protégeant l’ambassadeur US en Irak Paul Bremer … Est-ce intentionnel ? Est-ce de l’inconscience ou existe-t-il un lien entre le défunt Blackwater et le nouveau HPPS ? Bizarrement encore, HPPS possède une société jumelle, appellée HP Terra-Marine International, LLC. Elle s’est associée à une société anglaise du même type, REDfour MSS. Les deux viennent de se partager la sécurité dans les régions piratées, selon leurs dires : un nouvel eldorado pour mercenaires ? Ce n’est pas un peu compliqué au départ, ces DEUX sociétés sœurs HP Terra-Marine International et HPPS qui font exactement la même chose ? 

Bizarrement en effet, HPPS possède une société jumelle, appellée HP Terra-Marine International. LLC. Elle s’est associée à une société anglaise du même Wpe. REDfour MSS. Les deux viennent de se partager la sécurité dans les régions piratées clament-elles : la Corne de l’Afrique, un nouvel eldorado pour mercenaires ? Ce n’est pas un peu compliqué au départ. ces DEUX sociétés sœurs HP Terra-Marine International et HPPS qui font exactement la même chose ? Avec les mêmes dirigeants à leur tête ? Autre équipe possible sur le pont des navires attaqués : les anglais de Anti Piracy Maritime Securi Solutions (APMSS. mais on ne peut pas dire qu’ils sont efficaces à la premiere attaque sérieuse, celle du Biscagilia un chimiquier libérien, ils ont détalé en se lançant à l’eau et en laissant l’équipage en otage ! Il n’étaient même pas.. armés ! Un peu cher pour aucun service : « APMSS provides three-man teams of former soldiers to protect commercial vessels and in recent weeks demand fonts services has soared. it has teams on ten ships off Somalia – each costing £14.000 for three days ». Finalement, deux mois après, les pirates laissaient le navire.. contre rançon, sans doute. Autre société encore : Tactical Solution Partners, qui propose elle d’entraîner les marines US aux attaques de flibustier… on le voit, comme on a sentir l’argent sécuritaire couler à flots de l’autre côté, il y aura bientôt plus d’agences de sécurité que de pirates somaliens… Bien entendu, TSP rassemble la crême habituelle des mercenaires : « Tactical Solution Partners (« the Company ») is a homeland security technology firm led by an elite management team comprised of veteran business professionals and former Special Forces military personnel » dit son dépliant. Ronflant, comme pouvaient l’être les gens de Blackwater, imbus d’eux-même et se sentant protégés. Mais Grumman lui-mêmes’est fait prendre à son jeu.

Ceci pour l’équipage. Sur les différents mouvements du bateau, les dépêches ont entretenu un flou artistique intéressant… Car en réalité, les trajets de L’Alabama dans l’année 2008 et de ce début d’année nous renseignent assez sur la filière possible. En septembre, on le trouve en train de passer le détroit de Gibraltar, le 15 et le 22.  Le 29, il est remonté au Havre où il est photographié par une « spotteuse« . Il bat alors pavilon panaméen (comme aujourd’hui encore !). En novembre 2008, il effectue deux accostages en Australie. Mais en décembre cela devient plus intéressant : le 04 il est au Brésil, le du 7 au 9 à Jeddah (en Arabie Saoudite) et le 20 il visite Felixstowe en Angleterre, et le même jour Bremerhaven en Allemagne, puis Anvers, où il arrive le 22 décembre, pour repartir vers le Havre le 24, direction.. Boston, Baltimore et… Norfolk où il arrive les 3, 8 et 10 janvier dernier. Au 28 février il est à New-York. Felixstowe est le plus grand terminal anglais pour containers, mais Bremerhaven n’est rien d’autre que l’une des bases militaires américaines chargées des approvisionnements en Irak par exemple. S’y activent tous les jours le Military Sealift Command Europe et l’ U.S. Army’s Military Surface Deployment and Distribution Command’s 598th Transportation Terminal Group, deux des composantes fondamentales du Transportation Command US, dont fait partie le Military Sealift Command (MSC). Le troisième arrêt du 22 décembre est tout aussi intéressant : c’est Anvers, haut lieu du trafic d’armes légères en Europe. Odessa d’un côté, de l’autre Anvers, comme nous l’avions défini lors de notre série des cargos. Comme le fameux Faina, qu’on retrouve déjà en train de mouiller au large de la côte… ukrainienne.

Très vite en effet, pendant le déroulement de la prise d’otages, et sans qu’on ne l’ait demandé, John Reinhart, le responsable de Maersk à Norfolk affirme qu’il n’y a aucune arme à bord, cette fois, c’est bien sûr : » No military cargo on ships. Repeats was just food aid. »Pourtant, le Surface Deployment and Distribution Command (SDDC), un groupe d’experts rappelle que les navires de Maersk acceptent toutes sortes de matériaux à bord, même les « hazardous » tels que les détonateurs…. les munitions et le nitrate d’ammonium…. Sur l’ensemble du chargement on apprendra un peu plus tard les containers n’étaient pas tous dédiés à l’envoi de nourriture, il s’en faut de peu. « A spokesman for the U.N.’s World Food Programme (WFP) in Nairobi told Reuters that among the vessel’s cargo were 232 containers of WFP relief food destined for Somalia and Uganda ». L’insistance a avoir tout de suite présenté l’Alabama comme un bateau humanitaire du Programme alimentaire mondial (PAM) prête à interprétation, sachant que ce genre de navire ne peut circuler avec à peine le 1/5 eme de sa capacité… Son équipage entièrement américain intrigue davantage encore. Que transportait donc d’autre le Maersk MSC Alabama, bateau travaillant pour l’armée américaine ? Qu’allait-il donc véritablement livrer à Mombasa en plus de l’aide alimentaire ? Pourquoi insiste-t-on autant sur une infime partie de sa cargaison, en clamant très vite que les dommages aux populations seront terribles si le bateau ne parvient pas assez vite à Mombasa ? « Mombasa is the key port because of its more modern waterfront and warehouse facilities. The United States is the largest donor with more than $2 billion in aid it provides the World Food Program through USAAID. Approximately four to five ships sail each month from U.S. ports in support of the World Food Program. It would be a catastrophe were one of these ships carrying World Food Aid hijacked. The food would be lost and could not be replaced »« … quelque chose cloche dans l’argumentaire : l’Alabama avait certes à bord des containers refrigérés (blancs) , mais le programme d’aide ne comportait pas de denrée périssable à bord. Il n’en comporte jamais. Rappelons ici les termes de la représentante de l’aide humanitaire : « la cargaison comprend « 4.097 tonnes d’un mélange de soja et de maïs, utilisé pour combattre la malnutrition des enfants et de leurs mères et destiné à la Somalie et à l’Ouganda, ainsi que 990 tonnes d’huile végétale pour des réfugiés au Kenya ». A ce jour, on n’a pas encore vu de soja, de maïs et d’huile en bidons se dégrader aussi vite qu’on a pu le dire. A Mombasa, on a vu débarquer des sacs de soja, des sacs de maïs… rien qui nécessitait un tel empressement à arriver à bon port. Des sacs de maïs.. et des employés de Maersk ressemblant comme deux gouttes d’eau à des mercenaires en armes. 

Le dernier point qui laisse dubitatif est en effet la protection accordée au navire. Dans un communiqué élogieux en date du 14 septembre 2008, la Navy canadienne revendiquait l’escorte de l’aide en nourriture apportée à la Somalie, la frégate polyvalente ille de Quebec de 4750 tonnes s’en chargeant, munie d’un hélicoptère de surveillance un CH 124A Sea King. On avait affaire à un effet d’annonce, donc, car depuis la marine canadienne n’a plus donné de nouvelles de ces escortes. Pour ce voyage, pas d’escorte, seulement des bateaux sur zone, mais pas au bon endroit, car cette fois les pirates sont allés loin des côtes chercher leur proie, comme ils ont pu le faire malheureusement pour le voilier français, qui ne s’était pas non plus approché des côtes. Les navires américains n’ont-ils pas serré de près l’Alabama pour ne pas éveiller les soupçons, justement, sur de possibles livraisons d’armes ? L’insistance sur le contenu humanitaire pour un bateau tout droit sorti d’une base militaire est-elle la preuve d’un autre contenu caché ? Dans cette chasse au pirate, les médias ne sont-ils pas allés de journée de dupes en journées de dupes, à ne pas vérifier les contenus ou les équipages concernés ?

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Les pirates ne sont pas ceux auxquels on pense (2)

2_61_s3201Dans l’épisode précédent, nous sommes revenus sur le cas de piraterie qui semble bien avoir déclenché la vague actuelle à laquelle on assiste. Il est vrai que de tomber sur trente chars lourds à fond de cale, ça vous ravigote le moindre pirate, même le pire des maladroits dans le genre. Aujourd’hui, je vous propose de revenir sur le bateau retenu par d’autres flibustiers, et qui vient tout juste lui aussi de retrouver son port de destination, à savoir Mombasa. En réalité, ce bateau est à lui seul une aventure. Sous les aspects anodins d’un banal porte-container se cache en en effet un navire qui a déjà connu quelques aventures, dont je m’étonne beaucoup de ne pas avoir entendu parler ces derniers jours. Accordons donc quelques minutes à tenter de savoir qui est exactement ce fameux Maersk Alabama qui vient juste de faire la une des journaux. Vous allez voir, c’est assez savoureux : en 13 ans de carrière, il a changé près de dix fois de nom et au moins 3 fois de pavillon. Ce n’est plus un porte-container, c’est simple, c’est un véritable caméléon des mers. Un caméléon parfois… aveugle.

Revenons-en donc à notre beau Maersk bleu du jour. Le bateau a en connu de belles, avant de se voir arraisonné par des pirates. Construit à Ulsan en Corée du Sud (au plus grand chantier naval au monde, par Samsung Shipbuilding & Heavy industries Co. Ltd), ,il date de1996 seulement et ne s’est pas toujours appelé l’Alabama, selon son numéro de registre qui est le 9123166. Avant il était… italien, était peint couleur crême et s’appelait l’APL Italy, et était muni d’un arrière différent. Ce bateau avait eu bien d’autres noms encore (en étant maintenant peint en noir) : le MM Chetumal, puis le Chetumal tout court, alors tous deux sous le drapeau grec , amis aussi également le Norasia Star, le  MSC Jasmine, et le Norasia Malta ! Ça fait déjà pas mal, ces changements de nom et de registre. Et avant de devenir l’Alabama chez Maersk, et de devenir bleu (et rouge) il s’était aussi appelé l’Alva Maersk. Décrit alors comme faisant 30 662 tonnes de déplacement pour 17 000 de charge utile (pour pas moins de 1399 containers !), et un bon 242 mètres metres de long, sur 32 de large (pour 8,3m de tirant d’eau). Ce n’est pas du tout la même chose donc que le Faina, un petit RORO (roll-on and roll-off) en fait, alors que l’Arva-Alabama est bien un véritable porte-container. De dimensions respectables.

 

En 2002, il lui était arrivé une incroyable histoire à ce bateau… en photos, c’est encore plus étonnant en effet : arrivé aux alentours des côtes grecques des îles Zakinthos (Zante en français), sur le chemin le menant de Haifa (Israël) vers Kepec, en Croatie, l’Alva s’était goinfré la côte sud-est de l’île grecque, et il avait fallu toute la dextérité d’un remorqueur de 120 tonnes, le Matsas Star pour le sortir de sa fâcheuse position inconfortable… Le bulbe de l’Alva avant écrabouillé, il était quand même reparti... direction la cale sèche et les réparations. Mais non sans s’être délesté au Pirée de sa cargaison. Tout le monde s’était interrogé sur ce qui aurait pu être une bien plus grande catastrophe. « Erreur humaine de navigation de nuit » avait conclu l’enquête… à croire que le veilleur de nuit du navire ne savait pas faire marcher un radar : il avait abordé la côte plein pot, de front, à 21 nœuds, la vitesse maximale du monstre  ! L’île a beau être celle des « naufrageurs »…. le bateau fonçait droit vers sa côte sud-est, et ne prenait pas le chemin de la Croatie, alors qu’il devait s’y rendre… C’est vrai, il fonçait vers quoi, au fait ? 

 

Pour le trouver, rappelons-vous ce que nous avions déjà dit il n’y a pas si longtemps ici-même, dans notre sujet sur les livraisons de munitions américaines à israël en pleine attaque de Gaza : « Selon des informations concordantes, les deux nouveaux trajets passeraient par la Grèce pour aboutir au port d’Ashdod en Israël : « The U.S. Navy’s Military Sealift Command (MSC) said the ship was to carry 325 standard 20-foot containers of what is listed as « ammunition » on two separate journeys from the Greek port of Astakos to the Israeli port of Ashdod in mid-to-late January « Le premier parti le 15 décembre faisant la route directe, sans passer par le petit port grec cité…. » avait-on dit alors. Or, visiblement, dès 2002, ce trajet était déjà régulier dans les deux sens, car l’Alva fonçait directement et à fond, en remontant non pas d’Haifa (mais du port d’Ashdod, le port de Tel-Aviv, à deux pas de l’enclave de Gaza) vers le terminal récent d’Astakos-Platygiali, à Aitoloakarnania exactement. En 2002, déjà, le trajet des bateaux de Maersk étaient donc les mêmes que lors des livraisons des stocks de munitions ayant servis à bombarder massivement Gaza !!!…. 

Quant aux liens entre Israêl et la Grèce, faisons confiance au site Debka pour nous en expliquer les détails et les contours. A une époque, entre les deux pays, l’achat de chars Chariot (le célèbre Merkava en réalité) était resté longtemps à l’état de discussion (près de 10 ans de négociations !) entre la Grèce et Israel. Mais aujourd’hui, l’IDF et la Grèce ont fini par aboutir sur autre chose. L’IDF a installé récemment, nous dit Debka, des moyens de surveillance dans le pays pour contrer le passage des armes légères destinées au Hezbollah : « Al Qaeda’s Saudi cell and the Lebanese Hizballah have established strongholds in Bulgaria, Macedonia, Bosnia, Kosovo and Albania. Extremist fighters find it easy to slip in and out of Greece. The two countries’ security services first began to work together when Israeli intelligence and private security firms took responsibility for safeguarding some of the installations and events of the 2004 Olympic Games. This cooperation Athens is keen on expanding. The treaty will give Israel’s strategic standing in the Mediterranean and southern Europe its biggest boost since the treaty was signed with Turkey in the 1980s. » 

Les bateaux de Maersk transportent ouvertement des armes d’Haifa en Grèce, des Etats-Unis vers Israël, mais dans l’autre sens si ce sont des armes venant de Bosnie destinées au Hezbollah, c’est du terrorisme, donc. Remarquez, avec cet avis, on a bien la reconnaissance d’une filière Bulgare, Alabanaise ou Macédonienne pour la livraison d’armes légères au Hezbollah… et aujourd’hui au Hamas (et avant… vers les troupes d’ Harafat !). Une chose que nous avions dénoncée ici-même. Les fameux Merkavas étant restés bloqués à la vente pour des tas de raisons, y compris celui d’être pris et désossés pour en connaître les failles, au final, les Grecs avaient acheté des tanks… ukrainiens T-84 Oplot sortis du Malyshev Plant.. après avoir été tentés successivement par des Abrams, des Leclerc ou des Lepoard. Les besoins grecs étaient fixés en 2001 à 246 machines., réduits à 170 au final. Mais on n’a jamais su quelle était la part prise dans la transaction par le privé, dont celle de la firme de Vadim Alperin, le même qui avait racheté une centaine de chars il y a un bon nombres d’années, lors de l’effondrement du communisme… les avait stockés en Ukraine, les avait refaits à neuf et les vendait par lots de 33 au Soudan Sud… oui, les mêmes dont on avait retrouvé 1/3 au fond du MV Faina…

Toujours est-il que notre fameux porte container a beau sillonner le monde entier, on l’a souvent trouvé engagé sur le trajet Croatie-Grèce-Israël puis direction la Corne de L’Afrique. Et attendez, ce n’est pas tout. Le jour où des pirates sont montés à bord, il battait toujours pavillon… panaméen. Mais son armateur n’avait rien d’un employeur civil. Ceci, nous le verrons bientôt en détail, si vous le voulez bien. Pour l’instant, il est vrai, à bord de l’Alabama, rien de rédhibitoire, loin de là :  « selon le Programme alimentaire mondial de l’ONU (PAM), 232 containers à bord du cargo contiennent des vivres du PAM. La cargaison comprend « 4.097 tonnes d’un mélange de soja et de maïs, utilisé pour combattre la malnutrition des enfants et de leurs mères et destiné à la Somalie et à l’Ouganda, ainsi que 990 tonnes d’huile végétale pour des réfugiés au Kenya », avait précisé mercredi à l’AFP un porte-parole du PAM à Nairobi, Peter Smerdon ». 4 000 tonnes sur 17 000, ou un peu moins, le navire arrivant somme toute bien chargé à Monbasa.

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Les pirates ne sont pas ceux auxquels on pense (1)

faina-drop-1L’histoire récente de la prise d’un porte-container de la société Maersk par des pirates somaliens nous ouvre à nouveau une belle boîte de Pandore. Dans cette longue série intitulée les« cargos de nuit », chez Agoravox, j’ avais expliqué le principe actuel de la dissimulation d’armes légères (ou même parfois plus lourdes, on va le voir) dans ces fameux containers anodins, et du rôle grandissant de certaines sociétés privées qui ont donc obligatoirement lié leurs activités aux Etats-Unis ou à d’autres puissances militaires ayant recours à leurs (discrets) transports. Et justement, Maersk, la compagnie citée dans l’attaque récente de pirates somaliens n’échappe pas non plus au principe. Les dépêches d’agence sur la saisie, la reconquête par ses marins du bateau, puis la libération du capitaine concerné après des tirs des forces spéciales de la Navy laisse trop de zones d’ombre pour qu’on ne s’y intéresse pas en détail. Place donc à sept articles consécutifs sur ces fameux pirates, qui ne sont peut être pas ceux que l’on croit…

Examinons tout d’abord le flou entretenu sur le navire lui-même. Ça commence fort, puisque nous n’avons au départ de l’affaire qu’une bribe de nom à peine. Un « cargo de chez Maersk », pour toute indication au départ. Progressivement, au fil des dépêches, son nom apparaît. C’est « Alabama ». Bien on avance. A part que ce n’est pas son nom complet, et qu’il n’a pas porté toujours celui-là, loin s’en faut, nous le verrons plus loin. Pas grave, se dit-on, on a son tonnage, cela ca être facile à le retrouver. Oui, à part que là également l’indication est fausse. Quand à sa localisation, dans les jours qui précèdent l’assaut, c’est le flou complet. Tout de suite, on se dit que nos fameux pirates sont peut-être encore tombés par hasard sur un autre Faina, qui sait ?

Par pur hasard, car quand on cherche la motivation réelle de ces pirates, on la trouve facilement : ils vont à une autre pêche, tout simplement, et par obligation : « Depuis que la Somalie n’a plus d’Etat, donc plus de marine militaire, n’importe qui peut venir pêcher dans ses eaux. Les Français, les Espagnols, les Chinois. Ils viennent tous pour voler le poisson. C’est pour cela, que les pêcheurs somaliens ont décidé d’agir. » Derrière les pirates se cacheraient donc des « Robin des bois » sur l’eau ?. Il est vrai qu’en mars et avril, plusieurs chalutiers asiatiques ont été kidnappés alors qu’ils pêchaient sans de vraies autorisations. « Certains pirates prétendent protéger les eaux somaliennes de la surpêche pratiquée par des chalutiers étrangers mais leurs véritables motivations, c’est l’argent et le contrôle de zones maritimes »...

Tomber sur un « Faina » ? Pour ceux qui oublient un peu trop vite ce qui se passe dans le monde, il faut savoir que le MV Faina, un petit cargo de 13 870 tonnes de déplacement et de 10 931 tonnes de capacité d’emport restera comme un beau cas d’école de piratage, mais aussi de découverte de trafic d’armes. Ce bateau, donc, battant pavillon de Belize (?), pris d’assaut par des pirates somaliens le 25 septembre 2008 puis relâché contre 3,2 millions de dollars… parachutés (? ??), devant le port’ Haradhere, contenait 33 chars T-72 ukrainiens destinés… au Sud -Soudan, très certainement, et non à l’armée Kenyane comme annoncé au départ. Ce jour-là, les pirates somaliens sont tombés sur ce qu’on n’aurait jamais du voir. Car à bord,il n’y avait pas que ça : on dénombrait en effet également dans des containers 150 lance-roquettes RPG-7, des batteries anti-aériennes, des lance-roquettes multiples et 14.000 munitions de calibres divers. En tout pour 2 320 tonnes de matériel de guerre, dont près de 1400 tonnes rien que pour les chars ! S’ ajoutent à cela 6 ZPU, des canons anti-aériens sur roues et 6 camions « BM-21 on Ural wheelbase« , à savoir de redoutables lanceurs de roquettes dévastatrices. Un beau cas d’espèce donc, les pirates démontrant par l’exemple la duplicité de plusieurs états sur ces livraisons qui ne sont pas toutes des petites caisses d’armement. Un T-72 est un monstre catégorie char lourd pesant ces 45 tonnes. Ce sont plus exactement des T-72BV, T-72S en version d’exportation, qui se distinguent de leurs prédécesseurs par leur glacis de charges explosves disposées tout autour de la tourelle. Un pays comme le Maroc, qui avait toujours acheté « américain », en a acheté également au seuil de l’an 2000. Tout comme le Yemen. La raison ? Un rapport prix-puissance de feu inégalable, les engins provenant des stocks de l’ex-union soviétique ! Les 33 exemplaires saisis dataient eux aussi des années 90, étaient neufs et en état de marche, accompagnés de leurs pièces de rechange, comme l’atteste le bon de livraison retrouvé à bord. Pour beaucoup, ces chars étaient destinés au départ, il y a bien longtemps, à Saddam Hussein, mais n’avaient pas été livrés. A l’effondrement de l’empire soviétique, ils étaient redevenus… ukrainiens et rachetés comme tels récemment. Des chars de l’ex-union soviétique, il en reste des milliers à revendre. Un marché juteux qui attire toutes les convoitises.

Un mercenaire américain disparu prématurément, Dale C. Stoffel, ne l’avait pas oublié, et avait remporté en 2004 un contrat faramineux pour la fourniture de 2000 chars à l’armée irakiennenouvelle. L’homme a été abattu dans des circonstances fort troubles la même année. Il avait pourtant déjà réussi de jolis coups aupravant, comme celui des missiles russes X-31. « One of hisbiggest successes was landing an $11.5 million contract with Boeing Co. Boeing hired Mr. Stoffel to obtain Russian X-31 missiles. » L’arme absolue contre les navires américains, que Stoffel avait promis via sa société écran Wye Oak Technology Inc. d’ Alexandrie, en Virginie. Le contrat n’avait pas vraiment été rempli… et Stoffel avait dû subir un procès de la part de Boeing. Il n’en n’était pas à son premier contrat de la sorte, puisant dans le stock d’armes bulgares pour envahir le marché intérieur américain : « At the center of the dispute is Stoffel, a Virginia businessman who earlier had owned and operated a company called Miltex that imported weapons from Bulgaria for sale in the United States ». L’homme travaillait bien pour le gouvenement US : « …. As the lawsuit implies, Mr. Stoffel previously worked for the U.S. government. The nature of his government job and how long he held it were not clear yesterday.

Depuis son décès (un bien étrange décès aux portes de Bagdad, que je vous ai conté mais qui est toujours en attente !) son contrat de chars destinés à la Police irakienne avait été récupéré par… DynCorp, célèbre boîte de mercenaires, et par Omega Training Group, tous deux des firmes privées chapeautées directement par… l’armée américaine ! A quoi serviront ces 2000 tanks pour la police irakienne destinataire ? Nul ne le sait : disons que le doute subsiste sur leur usage contre une insurrection urbaine… A Fort Benning, où réside l’OTG, on doit certainement le savoir ! Comme on doit être au courant du « passage » de cent chars ukrainiens au soudan sud via la filière Kenyane. Sur la copie saisie du contrat de vente, c’est bien en accord avec le gouvernement Kenyan, malgré un embargo souhaité par les Etats-Unis que les chars avaient été vendus : « a copy of the freight manifest shows that the Kenya Defence Ministry made contracts for the hardware on behalf of South Sudan. The manifest seems to confirm that the contract was issued on behalf of South Sudan, although the consignee is DoD. This puts the Kenya Government in an awkward position. Kenya mediated the peace pact between the Government of Sudan and the Sudan People’s Liberation Movement. »

Selon toute vraisemblance, les pirates ne savaient donc pas ce qu’ils allaient trouver à bord du MV Faina : pour eux, c’était tout simplement la poule aux œufs d’or !. Ils étaient montés sans le savoir sur un véritable lingot flottant ! A 67 500 dollars pièce le T-72. il y en avait en effet pour… 2 227 500 dollars ! Si on y joute les pièces de rechange, les camions et les affuts de DCA, on ne devait pas être loin des 3 millions. Difficile d’imaginer que l’épisode Faina n’aît pas fabriqué des convoitises… sachant le prix d’un seul char de ce type, les yeux des pirates ont dû faire des tours complets, eux qui s’attendaient à tomber sur des sacs de riz… On comprend pourquoi leur épopée durera 30 jours. Et fut contée avec force détails par une presse avide de sensationnel, qui s’attarda sur eux et oublia tout aussi vite la livraison de chars…. qu’aucun journaliste digne de ce nom ne suivit ensuite en détail. Les pirates somaliens, il faut le dire, ce sont un peu des Jérôme Kerviel : pendant que le patron de la banque s’en met plein les fouilles, on lynche le trader. On a donc largement focalisé sur les pirates et la faramineuse rançon larguée en deux livraisons de parachute… et vite oublié la fameuse cargaison à la base de la tractation. La presse actuelle, quoi.

Nul n’a su ce que sont advenus exactement depuis les T-72, et nul n’en a vu équiper vraimentl’armée Kenyane. Seulement voilà, placée au pied du mur d’un beau mensonge d’état, elle doit se les coltiner désormais, cette fameuse armée Kenyane : « With Somali pirates releasing the MV Faina on Thursday, the Kenyan military is effectively stuck with 33 Russian made tanks rumoured to have been ordered by the government of Southern Sudan. » Or le Kenya a une particularité fort intéressante : ses équipements sont tous au standard Otan…. qui n’est en rien celui des fameux T-72 et de l’arsenal débarqués du Faina ! Le Kenya, un des rares pays de la région à ne pas savoir ce qu’est une Kalachnikov… « Kenya’s military uses Nato standards in its training and weaponry. From independence in 1963 until the 1990s, Kenya bought military hardware from the United States, Britain, Germany, South Africa and Israel. Kenya’s army is one of the few in the region that does not use the Russian-made AK-47 rifle, but uses a 1960s European model. ». Le gouvernement Kenyan a donc dû mentir, pour tenter de prouver que ce matériel lui était bien destiné, en affirmant qu’il s’agissait du reliquat d’une commande ancienne. Manque de chance, il n’y en avait trace : le Kenya n’en n’avait pas averti l’ONU comme il en a l’obligation : « The Stockholm International Peace Research Institute reports : « Perhaps significantly, although Kenyan officials made it clear that the 33 T-72 tanks, grenade launchers and ammunition aboard the hijacked Ukrainian ship FAINA were part of a larger deal under which tanks, artillery and SALW were delivered by Ukraine in 2007, these weapons did not appear in Kenya’s recent submission to the United Nations Register of Conventional Arms (UNROCA). Kenya’s report to UNROCA for 2007, submitted on 26 September 2008, records ‘nil’ imports and ‘nil’ exports of major conventional weapons and gives no information on Small and Light Weapons (SALW) ». Le Kenya n’avait jamais commandé de T-72…

Sur l’odyssée des pirates, en effet, la presse en a fait des tonnes.Mais personne ou presque a noté qui attendait sagement l’arrivée du MV Faina « libéré » sur le quai de Mombasa ce 12 février 2009. Côte à côte, on trouvait pourtant le propriétaire du bateau, Vadim Alperin, représentant sa société, Tomax Team Inc, et le chef des services secrets ukrainien, Mykola Malomuzh. Si le second vous dit peut être quelque chose, le premier ne nous est pas non plus inconnu… Il est citoyen israëlien, et non ukrainien, se fait appeler aussi Vadim Oltrena, il est installé à Odessa et passe pour être un trafiquant d’armes connu et répertorié dans le monde entier. « Mr. Vadim Alperin (alias Vadim Oltrena Alperin, aka Vadim Galperin), a businessman from Odessa with an Israeli passport, was named in the Ukrainian parliament as the real owner of the vessel, while Mr. Viktor Murenko is believed to act as the managing proprietor of TOMEX and operator of the vessel from Odessa / Ukraine with Mrs. E. Kopitsyna as executive director. « . Ses chars, achetés aux ukrainiens, partaient donc logiquement au Soudan-Sud. Si bien qu’à lire le récent bombardement par l’aviation israelienne, au Soudan, d’armes et destinées parait-il au Hamas, on peut donc légitimement se demander si Israël, parfois, ne bombarde pas parfois les armesvendues par certains de ses propres concitoyens… ou si certains de ses citoyens ne fournissent pas ce que le pays appelle ouvertement des ennemis… le Hamas, nous l’avions vu dans notre série des cargos, se fournissant via cette filière « habituelle » d’approvisionnement en armes légères, celle préférée par Harafat (et son Santorini resté célèbre)… en provenance du Soudan Sud… Le Hezbollah utilisant un acheminement similaire en provenance de la Roumanie, chez laquelle il s’est toujours approvisionné. Dans l’affaire du MV Faina, pas de doute possible. Un document saisi à bord l’attestait, il était signé du GOSS (pour Government of South Sudan) : « The crisis surrounding the destination of its cargo were further resolved when transportation codes with « GOSS » (an acronym for Government of South Sudan) were found amongst the documentations to solve the deepening mystery« .

Quelle partition de musique guerrière se joue donc au Sud-Soudan ? Et quelle est donc exactement cette filière véritable d’acheminement d’armes via le Sud Soudan, à partir de bateaux accostant au Kenya ou en Somalie même ? Le journaliste Keith Harmon Snow a bien une solution, lui  : « Certains disent que l’armement comprenait également des têtes de munitions à l’uranium appauvri pour tanks et qu’ils auraient pour destination finale les « rebelles » du Darfour du mouvement « Mouvement pour la Justice et l’Egalité » (JEM) soutenu par Israël. » Le JEM est pourtant un mouvement islamiste notoire, dirigé par Khalil Ibrahim Mohammed, ancien ministre au Darfour des services du régime de Bechir, et ancien des Frères Musulmans qui a déclaré récemment se réjouir de l’inculpation par le TPI du président Bechir. Snow précise encore que« le Soudan et justement Omar el-Béchir avait précédemment et précisément accusé Israël d’aider les « rebelles » dans la guerre au Darfour. Les marchands d’armes internationaux font passer régulièrement des armes de l’ »époque soviétique » destiné au crime organisé international, dont, entre autres, les opérations militaires secrètes où participent des armées mercenaires et des gouvernements nationaux au Soudan, en Uganda, au Congo, en Somalie, en Ethiopie, auKenya et au Rwanda ». Une phrase qui rend un peu surréaliste l’assertion d’un ancien responsable anti-terroriste israëlien sous Ariel Sharon : « Pour l’ancien directeur du comité israélien de lutte contre le terrorisme, Yehiam Sasson, interrogé par le quotidien Yediot Aharonot, le Soudan serait un “Etat qui fournit beaucoup de matériels à l’Islam intégriste et permet sur son territoire les activités de nombreuses organisations terroristes, dont al-Qaïda et le Hezbollah ainsi que du Djihad, dont les actions ont été limitées en Egypte. Ils opérent en toute liberté dans ce pays.” Notre Sasson oublie que la cargaison du MV Faina partait directement pour le « Mouvement pour la Justice et l’Egalité », un mouvement islamiste. Mais il est des vérités qui ne sont pas bonnes à dire, sans doute. Celles d’un terrorisme d’état évident, surtout.

Des armes en provenance des pays de l’ex-union soviétique qui atterrissent toutes à Juba, la nouvelle capitale du Sud Soudan, aux mains des rebelles opposés à Béchir, via un déchargement de navire privé américain à Mombasa, ce serait donc possible, via l’intercession d’un trafiquant notoire de nationalité israëlienne ? Tout cela au nez et à la barbe d’USAID, le mouvement humanitaire omniprésent sur place ? Voilà qui est assez étonnant mais qui n’est pas totalement pour nous surprendre à vrai dire, connaissant le lourd passé d’USAID et de ses liens avec la CIA. Et c’est bien pourquoi nous trouvons les reportages de nos confrères sur les fameux pirates de la corne de l’Afrique tous un peu bâclés. Sans le faire exprès, ces pirates se sont aperçus que de l’or en barres, celui du trafic d’armes, leur passait sous le nez, et qu’ils pouvaient se payer armés d’une demi-douzaine seulement de Kalachnikovs (et de RPG-7 à charge creuse capables de percer la coque des cargos, pour ceux qui se posent encore la question comment de si petites barques peuvent arrêter d’aussi gros cargos) des cargaisons d’une trentaine de chars évaluées à plusieurs millions de dollars. Paris valait bien une messe, trente chars vaudront bien de monter à bord d’un cargo les armes à la main. Et de retenter le coup à la première occasion, qui fait le larron, c’est bien connu. On ne les excuse pas, bien entendu, on essaie de comprendre une recrudescence évidente du phénomène dans lequel le MV Faina a joué un énorme rôle, c’est évident. L’histoire rocambolesque du MV Faina a attiré toutes les convoitises, c’est indéniable aujourd’hui. C’est devenu du jour au lendemain un business comme un autre (un business de mafieux, ne nous trompons pas). Pour certains journalistes, ce sont les pirates qui ont fait une grave erreur en attaquant le Faina. Très certainement, car depuis ils seront davantage pourchassés ! Mais pouvaient-ils savoir su ce quoi ils allaient tomber ? Certainement pas !

Avec lui, au final, au bout des parachutes, 3,2 millions de dollars qui se sont balancés (et même davantage !), pour atterrir dans les poches de somaliens qui n’en attendaient pas tant. Mais il fallait faire vite, pour ne pas que l’opinion internationale mette son nez plus loin, et découvrir qu’il s’agissait bien de trafic illicite d’armement lourd d’état à état. L’exemple était-il en train déjà de se reproduire ? Ce fameux bateau investi par des pirates provenait d’où, contenait quoi, avait quel équipage et été affrété par qui ? C’est ce que nous tenterons d’éclaircir demain, si vous le voulez bien. Autant vous dire qu’il y a de belles surprises en perspective. Sachez quand même que l’on a appris, juste après que le MV Faina aît été relâché, que ce n’était pas son propriétaire qui avait payé la rançon : « according to the Kommersant business daily newspaper, a total of US$4M was paid to free the MV Faina. Earlier it was reported that US$3.2M was paid, but the paper said an additional US$800,000 was sent to the pirates for food & water. According to the paper at least US$2M paid was provided by « unknown Ukrainian s » headed by the president, and not the ship’s owners. » Rien que cela nous laisse à penser que de plus gros enjeux étaient derrière. Au dessus du propriétaire, que peut-il y avoir d’autre qu’un état ?

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SIDA DE CIVILISATION

Yan Barcelo, 24 avril 2009

Que ce soit au plan culturel, économique, social, scientifique ou politique, nous souffrons d’un syndrome immuno-déficient acquis (SIDA). Notre civilisation a perdu son système immunitaire, de sorte que nous risquons d’être terrassés par le moindre rhume moral ou culturel qui passe. La crise financière en sert une illustration frappante : si nous avions seulement eu une crise immobilière classique, sans la superstructure des produits financiers dérivés, l’économie n’aurait jamais sombré comme elle le fait.

Il ne faut pas confondre civilisation et peuple. Les peuples perdurent alors que leur civilisation périt. Le peuple grec survit là où la civilisation grecque a périclité. Il en est de même pour la Rome antique, l’Inde mughale, l’Égypte ancienne et tant d’autres.

Notre civilisation, comme entité spirituelle et intellectuelle incluant tous les aspects économique, politique, artistique et autres, est en déroute. Pour s’en convaincre, il suffit encore une fois de contempler le spectacle somptueux de la crise financière. Nous venons de laisser, avec quelques gloussements d’indignation bien sûr, les politiciens de la planète faire le plus grand transfert de biens de tous les temps. Au moins 4 billions $, sans doute plus, ont été arrachés des goussets publics pour être remis à une oligarchie financière de banques, de fonds d’investissement et de trusts. Comme le dit Barry Titholz dans son livre Bailout Nation, un tel montant représente plus que les sommes combinées du Plan Marshall, de la course à la lune, de la faillite des Savings & Loan, de la guerre de Corée, du New Deal, de l’invasion de l’Iraq, de la guerre du Vietnam. Imaginez si on avait consacré ces sommes à un projet constructif, par exemple un « Projet Apollo de l’énergie »!

C’est la grande fable de notre temps. La fable des baby-boomers qui, au lendemain du flower power et de Mai 68, n’ont plus voulu aucun frein à la réalisation immédiate de leurs désirs. Tout le système était pervers et vicié, jugeaient-ils selon l’idéologie de l’époque. Mais ne pouvant échapper à ce système, les plus matérialistes de ces enfants de la génération lyrique se sont précipités dans le monde de la finance, comme ils s’étaient auparavant précipités dans les paradis artificiels de la drogue. Avec leur goût acquis de l’artificialité et des sensations fortes empruntées, ils ont fait en sorte de rendre le système plus pervers et vicieux encore.

Mais notre condition sidatique ne se résume pas à cette colossale farce financière, qui n’en est que le symptôme le plus visible. Il est culturel : nous laissons nos jeunes jouer à des jeux qui exaltent la laideur, la violence et l’appartenance au crime organisé – et nous appelons ça du divertissement. Il est artistique : nos médias donnent de la visibilité à des vedettes de la pornographie tandis que les chanteuses populaires intègrent de plus en plus des numéros de poteaux typiques des bar de danseuses – et nous appelons ça de l’art. Il est éducatif : nos écoles sont des lieux vagues, stériles et anesthésiés qui produisent systématiquement des décrocheurs – et nous appelons ça de la pédagogie.

Ces symptomes indiquent un profond déficit intellectuel, culturel et spirituel. Mais ils couvrent un trouble fondamental qui résume les déficits précédents : un trouble moral. Nous n’avons plus qu’un vague sens de la moralité et de l’immoralité. Pourtant, piger dans la richesse publique comme on l’a fait pour sauver la peau d’une clique de prestidigitateurs financiers, c’est immoral. Entraîner virtuellement des jeunes au crime, à la laideur, à la violence, c’est immoral. Et affubler la pornographie d’une élégante étiquette « artistique » ne la rend pas moins immorale.

Pourtant, comme nous avons un problème avec le mot « moralité »! Une faction intellectuelle a presque réussi à le ranger au rayon des mots obscènes. Comme les mots « Dieu », « âme », « religion », il a été assigné au domaine exclusif des terroristes, des fascistes et des poseurs de bombes. Au mieux, il appartient au domaine des curés et autres croque-mitaines.

La « philosophie » de notre temps veut que le jugement moral soit acquis, appris, conditionné. Si c’est le cas, s’il n’est pas ancré dans ce qu’on appelait la loi naturelle logée au cœur de l’humain et qui inspire la conscience morale, alors il n’y a pas lieu de s’indigner de quoi que ce soit, ni du vol financier en cours, ni de la vidéo criminalisante, ni de la porno « artistique ». Nous sommes seulement entre humains où domine la loi évolutionniste du mieux adapté – habituellement le plus fort. Si vous n’aimez pas qu’on dévalise votre compte en banque, c’est bien malheureux, mais c’est tant pis. Si Vincent Lacroix après avoir volé 128 M$ de ses clients n’a pas de remords, il a to-ta-le-ment raison. Après tout, qu’est-ce que du remords? N’est-ce pas le résultat artificiel et inconvenant de règles de pacotille apprises par cœur? Junior a appris de maman-papa que ce n’est pas bien de voler les gens – et maintenant il a du remords! Quel con!

Évidemment, je ne suis pas de cette école-là. La loi naturelle existe et elle inspire la conscience et le jugement moral. Certes, elle ne parle pas d’une voix tonitruante et il faut s’entraîner non seulement à l’entendre, mais à l’écouter et à lui obéir. Si un entraînement et un conditionnement existe, c’est ce ce côté-là : dans l’apprentissage de l’écoute et de l’entente du murmure de la conscience. Mais ce que dit le murmure lui-même n’est pas appris ou conditionné. Toutefois, l’idéologie sidatique de notre temps, elle, parle d’une voix assourdissante et son discours tend à noyer la voix de la conscience. Résultat : la moralité fout le camp. Et bien d’autres choses avec elle.

C’est un thème que je compte explorer dans la prochaine ou dans quelques prochaines chroniques.

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La forêt des médias

La « forêt des médias » était un site consacré à la structure de pouvoir dans les médias français : actionnariat, annonceurs, liens politiques, etc … Je l’ai tenu à jour d’avril 2006 à octobre 2008. Je n’en ai maintenant plus le temps. Afin que l’information ne soit pas complètement perdue, vous pouvez en télécharger ici le contenu complet à peu près à jour en octobre 2008 :

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