Par lutopium – Le réputé New England Journal of Medicine déclarait l’an dernier que les études scientifiques ne font aucune mention de presque la totalité – 89% – des résultats négatifs obtenus en laboratoire. Dans l’édition du Devoir du 18 janvier 2008, on reprenait la nouvelle et on nous rappelait que « … les antidépresseurs ne seraient pas aussi efficaces que ce qui est rapporté dans la littérature scientifique, où ne sont publiées en général que les études ayant abouti à des résultats favorables au médicament… ». Les manufacturiers sont montrés du doigt, les impacts sont considérables : « …il s’agit d’une forme de désinformation trompeuse qui peut inciter les cliniciens à prescrire en toute confiance un médicament alors qu’ils devraient demeurer très vigilants… ». Les experts de la Food and Drug Agency ne sont pas les seuls coupables dans cette néglicence. Est-il nécessaire de rappeler que les lobbyistes du monde pharmaceutique ont une très grande influence auprès de l’agence de réglementation? Entre 1997 et 2002 seulement, le monde pharmaceutique et médical a dépensé près d’un demi-milliard de dollars en activités de lobbying à Washington…
Du même coup, la Commission européenne a lancé une enquête sur les grands laboratoires pharmaceutiques « …soupçonnés d’entraver la concurrence afin de retarder la commercialisation de produits novateurs et génériques. L’enquête vise à déterminer si les entreprises n’ont pas outrepassé l’interdiction faite par le traité, de pratiques commerciales restrictives. Sont notamment visés les règlements de litiges liés aux brevets. L’enquête vise également à s’assurer qu’aucun obstacle artificiel à l’entrée sur le marché, n’a été érigé. La commission soupçonne enfin l’utilisation abusive des droits de brevet, par des procédures contentieuses passibles d’un abus de position dominante.».
Pendant ce temps au Québec, les grands défenseurs du libre-marché ne cessent d’exiger l’amaigrissement de l’état et le transfert de la réglementation du commerce directement vers l’entreprise privée. Certains penseurs de la droite croient effectivement que le marché peut se surveiller lui-même et apporter des normes qui encadreraient judicieusement les activités du commerce libre. Certains ne sont jamais à cours d’arguments pour défendre une économie forte et responsable, complètement autonome devant un état réduit au maximum. Sur les pages d’un blogue libertarien, on affirme que « …ce contrôle étatique a toujours été inefficace… les bureaucrates planificateurs n’ont tout simplement pas à leur disposition toutes les informations dispersées dans l’esprit de millions d’acteurs économiques qui leur permettraient de prendre les décisions appropriées… »
C’est justement ce que la Commission européenne et le plus grand journal médical reprochent à l’industrie pharmaceutique : le manque de transparence. On imagine fort bien l’importance des excès si les agences publiques ne seraient pas impliquées dans le processus de certification et de mise en marché des médicaments! C’est de la santé des citoyens dont il est question ici, pas de distribution de spiritueux ou de billets de loterie!
Les enjeux économiques autour de cette industrie sont plus grands que nature. Depuis plusieurs années, les grands manufacturiers avalent les plus petits et on ne sait pas quand va s’arrêter la vague de fusions des principaux laboratoires. Si ça continue comme ça, il ne restera que deux ou trois grands joueurs qui contrôleront la presque totalité des brevets pharmaceutiques! On me répondra peut-être que cette industrie occupe une place privilégiée dans l’industrie boursière, car elle génère – année après année – des profits faramineux qui font le bonheur des investisseurs. Je veux bien croire qu’il faut créer de la richesse, mais lorsqu’une industrie aussi importante que celle-là ne semble pas se précoccuper des effets néfastes de ses produits ou qu’elle ne veut pas coopérer à la distribution de médicaments dans les pays en voie de développement, il est primordial que les gouvernements s’en mêlent! Grâce à ses profits extraordinaires, l’industrie pharmaceutique contribue à faire fructifier les avoirs de ses dirigeants et des grands investisseurs, mais la rationalisation de ses opérations n’apportent absolument rien à la richesse collective. Est-il normal que les profits de 10 entreprises pharmaceutiques équivalent ceux dégagés par les 500 plus grandes compagnies américaines? Des dizaines de milliers d’emplois ont disparu depuis les dernières années et pendant ce temps, les dirigeants s’en mettent plein les poches : en 2002, le président de Bristol-Myers-Squibb récolte un salaire de 75 millions et celui de Wyeth empoche 40 millions. Les travailleurs et les citoyens n’y gagnent absolument rien.
Je ne suis pas un économiste ou un expert des lois du libre-marché. Mais j’en connais suffisamment pour être très inquiet du comportement des entreprises pharmaceutiques et je suis convaincu que des instances neutres, dirigées adéquatement par les gouvernements, doivent surveiller et règlementer les activités de ce secteur. Je ne comprend pas pourquoi l’idée de Pharma-Québec n’a pas encore trouvé preneur dans la société civile québécoise. Comment peut-on être contre le principe de négocier avec les manufacturiers de médicaments afin de réduire les coûts du système de santé? Surtout lorsqu’on apprend que les canadiens ont dépensé plus de 30 milliards en médicaments en 2008…
Comme le mentionnait l’économiste John Kenneth Galbraith en s’adressant aux disciples de Milton Friedman : « …nous vivons une époque où les allégations d’incompétence publique vont de pair avec une condamnation générale des fonctionnaires, à l’exception, on ne le dira jamais assez, de ceux travaillant pour la défense nationale. La seule forme de discrimination toujours autorisée – pour être plus précis, encore encouragée – aux Etats-Unis est la discrimination à l’endroit des employés du gouvernement fédéral, en particulier dans les activités relevant de la protection sociale. Nous avons de grandes bureaucraties d’entreprises privées, regorgeant de bureaucrates d’entreprise, mais ces gens-là sont bons. La bureaucratie publique et les fonctionnaires sont mauvais… »
J’imagine que M. Galbraith n’y connaît rien en économie de marché…
Photo: body parts – Flickr
La formation continue étant inexistante pour les médecins, seuls les plus diligents prennent la peine de bien suivre l’évolution de la pharmacopée. Ceux dont la pratique est routinière trouvent leurs renseignements dans la littérature des compagnies pharmaceutiques, les infos que leurs distribuent les représentants des dites compagnies, de main à main ou au cours de week-ends et parfois de croisières organisées pour les informer…
http://nouvellesociete.wordpress.com/2008/03/14/45-la-formation-complementaire/
PJCA
@Lutopium
Je suis tout-à-fait d’accord avec votre proposition qu’il faut un cadre réglementaire fort, même intransigeant, à l’endroit de l’industrie pharmaceutique. À l’endroit de toute industrie, en fait, et tout particulièrement la financière.
Toutefois, j’aimerais apporter deux éclairages différents à votre propos.
1) Le pouvoir de négociation des compagnies pharmaceutiques est formidable. L’article de Marcia Angell auquel vous référez en donne un indice aux États-Unis. Au Québec, nous négocions dans une grande mesure des emplois — 50% de de la recherche de l’industrie pharmaceutique canadienne réside au Québec — contre des listes de médicaments approuvés plus accommodantes. Sommes-nous trop accommodants? Je ne peux pas en juger. Mais il est certain que le gouvernement acquiert ainsi les faveurs de l’industrie.
2) En tant qu’individus, nous sommes dépossédés et déresponsabilisés de notre corps. Nous dépendons maladivement (!) des pilules inventées par les pharmaceutiques. Au moindre petit mal de tête ou malaise, nous courons au cabinet ou à la pharmacie pour trouver une pilule. Nous avons une vision instrumentale du corps: à chaque problème doit exister sa solution — en clair, sa pilule. Nous avons perdu tout sens de notre autonomie et de l’auto-entretien de notre santé. Nous enfilons poutine après poutine, hot-dog après hamburger, et quand il y a trop de cambouis dans la mécanique, nous nous précipitons chez le mécanicien-docteur pour réparer le tout avec une pilule-miracle. C’est à même cette passivité et cette inertie que l’industrie pharmaceutique s’alimente pour faire ses choux gras.
Mais le mal est plus profond encore: il est philosophique et métaphysique. Dans notre vision a-métaphysique du monde, la douleur n’a plus aucun sens. Aucun. Autrefois, dans un contexte dominé par la pensée chrétienne, on comprenait que la douleur pouvait contribuer à la formation du caractère, à l’assainissement de l’âme, à rendre la personne plus humble. Mais dans un monde où le tissu invisible de sens, la trame métaphysique de l’arrière-monde sont niés, il ne reste plus que l’impératif du plaisir immédiat. Toute douleur, toute souffrance sont foncièrement absurdes. Solution: pilule.
À partir d’une telle équation, il est immanquable que l’industrie du bien-être en pilule accapare 50% des profits des Fortune 500.
Mon problème est : que va-t-il ce passer le jour ou je ne pourrai plus me procurer de médicaments.
En 88 j’ai fait un infactus; en 2002 j’en ai fait un autre avec arrêt cardiaque.
En 88 on m’avais prescrit des entrephènes que j’ai décidé de ne plus prendre autour de 2000.
J’ai remplacé ce médicament par le vin rouge……………………………………………………..
Pas très bonne expérience !!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Maintenant je dois prendre dix pilules par jours pour me garder le plus longtemps possible avec ma famille.
Le matin de la DISETTE ????????????????
Lutopium,
Je suis certainement d’accord avec toi que les pharmaceutiques commettent plusieurs abus (comme le mensonge, l’exagération et la désinformation).
Comme Yanbarcelo, je crois que plusieurs personnes sont tout simplement déresponsabilisées face à leur état de santé (comme pour plusieurs autres aspects de leur vie, par ailleurs).
Par ailleurs, comme Fern explique, pour ceux qui sont malades et dont la vie semble dépendre d’un médicament, il est difficile pour eux de ne pas être reconnaissants envers le fabricant du médicament.
Quant à ton article, je souris en te voyant proposer une règlementation plus sévère pour venir à bout d’un problème systémique, qui va au coeur de ce qu’est l’industrie pharmaceutique.
Les problèmes que tu décris existent depuis plusieurs années (20 ans, 30 ans, 50 ans) et le système n’a rien fait pour les enrayer, au contraire.
Dans plusieurs pays, les diverses juridictions (fédérale, provinciales et municipales etc.) ont versé des centaines millions $ (milliards $), sous formes de subventions, de crédits d’impôt etc. pour attirer les sociétés pharmaceutiques et leur permettre de fabriquer et de vendre leurs médicaments.
La puissance financière des sociétés pharmaceutiques existe, dans une large mesure, à cause du système de santé (et d’éducation) mis en place par les gouvernements, et financé avec les fonds publics (taxes et impôts).
Selon moi, dans ton article, tu emploie à tort les termes »libre-marché », »commerce libre » et »libertarien ».
Les subventions, crédits d’impôt et autres formes d’aide gouvernementale versées aux industries sont tout-à-fait incompatibles avec les notions de libre marché ou de libre commerce.
Il faut cesser de parler de l’économie canadienne ou québécoise comme s’il s’agissait d’un système capitaliste, de libre-marché, alors qu’il s’agit plutôt d’un système fortement socialiste.
Par ailleurs, les »libertariens », comme tu les appelle, sont des gens qui croient à l’importance des libertés individuelles POUR LES HUMAINS.
Je ne connais pas beaucoup de »libertariens » qui suggèrent que les compagnies, pharmaceutiques ou autres, puissent faire tout ce qu’elles désirent, sans aucune restriction. C’est plutôt le contraire.
Pour ces »libertariens », l’être humain est au sommet de la pyramide et la corporation est bien loin derrière.
L’État est également inférieur à l’être humain et est soumis à son contrôle (et non l’inverse).
Les libertariens et les défenseurs de l’économie de libre-marché n’ont absolument rien à voir avec la malhonnêteté scientifique de certaines corporations, pharmaceutiques ou autres.
Bien des gens vivent dans une illusion. Ils ne comprennent pas que le système VISE à les asservir.
Ils ne connaissent pas leurs droits et ne cherchent pas à les connaître, pas plus qu’ils cherchent à comprendre leur état de santé ou comment ils pourraient se guérir.
Plusieurs sont tellement hypnotisés par les »titres professionnels » qu’ils refusent d’utiliser leur propre cerveau pour trouver des solutions à leurs propres problèmes, préférant s’en remettre à un »spécialiste », dans ce cas un médecin, lequel s’en remet à un représentant des ventes, lequel s’en remet au directeur du produit, lequel s’en remet au V-P ventes etc… Tu vois ce que je veux dire.
Il y a quelques années, l’Organisation mondiale de la santé a publié un rapport dans lequel elle concluait que seule une poignée (moins de 30) de médicaments étaient véritablement nécessaires, les autres étant superflus.
Mais les médicaments, à cause de leurs multiples effets secondaires dangereux, sont aussi la cause de plusieurs problèmes additionnels, incluant l’accoutumance, nécessitant d’autres médicaments ou la prise de médicaments durant toute une vie.
Un certain Dr. Rath a beaucoup écrit sur le sujet. Il surnomme l’industrie pharmaceutique, »l’industrie de la maladie ».
De plus, les effets des médicaments sur l’environnement sont dévastateurs, comme on commence à s’en rendre compte (pollution de l’eau notamment).
La situation actuelle ne serait pas possible sans des décennies de coopération, de soutien financier,et de laxisme de la part des gouvernements.
Pourquoi alors penser que le gouvernement apportera une solution au problème?
Voyons donc!
La situation est telle qu’elle est parce que le gouvernement veut qu’elle soit ainsi!
Ceci est le même gouvernement (Fédéral – Santé Canada) qui cherche à interdire la vente libre des aliments naturels (justement une option valable pour plusieurs maladies) et qui veut permettre à des agents de Santé Canada d’entrer dans votre domicile, et de saisir et confisquer vos biens, si les agents (pas un juge) »croient » que vous contrevenez à la loi (voir projet de loi C-6, C-51 et C-52).
À mon avis, penser que le gouvernement va faire quoi que ce soit d’utile pour changer la situation actuelle, c’est rêver en couleurs.
Pour appuyer ce que je disais auparavant….
Si vous avez vu le film »Le monde selon Monsato », vous savez que l’industrie pharmaceutique et alimentaire sont intimement liées.
Voici un vidéo sur la nomination, par Obama, de Tom Vilsack, anciennement de Monsato, comme directeur du département de l’agriculture des É-U.
Quant au Canada, regardez ce petit vidéo.
Finalement, un autre vidéo canadien :