Jean Gagnon Dossier Actualité économique
Les employés du courtier américain Goldman Sachs pourrait recevoir cette année les plus gros bonis jamais versés depuis que la firme existe, soit depuis 140 ans. En effet, selon un article du Guardian de Londres, des employés de la filiale londonienne du courtier ont été informés par les dirigeants que la firme était en passe de réaliser des profits records pour l’année 2009, et que les bonis seront distribués en conséquence.
C’est à n’y rien comprendre, ne croyez-vous pas ? Le système financier n’était-il pas en déroute totale il y a à peine 6 mois ? Et l’économie mondiale ne traverse-t-elle actuellement sa pire récession depuis la grande dépression des années 30 ?
Pour tenter d’y voir plus clair, faisons d’abord un petit rappel des événements. Jusqu’à l’an dernier, il existait 5 grands courtiers américains indépendants. Deux ont disparu en 2008 au milieu de la crise financière, soit Bear Sterns qui a été absorbé par JP Morgan, et Lehman Brothers dont la faillite a déclenché la chute dramatique des marchés boursiers. Un troisième, Merrill Lynch, a été vendu à Bank of America. Ne reste plus que Goldman Sachs et Morgan Stanley.
Goldman Sachs a également connu sa part de difficultés en 2008. Entre janvier et décembre, le cours de son action est passé de plus de 200 $ à 50 $. Mais la firme a reçu des appuis importants. Elle a eu droit à un prêt de 10 milliards du gouvernement américain dans la cadre du TARP, ce programme de 700 milliards dont le but est de sauver le système financier. Ironiquement, ce programme a d’abord été imaginé par Henry Paulson, le secrétaire au Trésor sous l’administration de Georges W. Bush. Avant d’être recruté par le président Bush, Henry Paulson occupait le poste de président de Goldman Sachs.
Le légendaire investisseur Warren Buffet avait, semble-t-il, senti que le vent allait tourner chez Goldman Sachs. En janvier 2009, il a investi 5 milliards dans la firme. Son flair de l’a pas trompé. L’action du courtier se négocie aujourd’hui à 140 $.
Goldman Sachs veut aujourd’hui rembourser le plus rapidement possible le gouvernement. On comprend pourquoi. Le président Obama a assuré les payeurs de taxe américains qu’il limiterait les salaires et les bonis payés chez les courtiers et les banques qui profitent de prêts du gouvernement. Les dirigeants de Goldman Sachs veulent éviter à tout prix d’être soumis à un tel contrôle.
Comment faire autant d’argent
Mais comment Goldman Sachs peut-elle faire tant de profits aujourd’hui ? C’est simple. Le courtier profite justement des malheurs du système financier qu’il a aidé à créer et de la volonté des gouvernements de sauver ce système à tout prix.
Goldman Sachs est un spécialiste des obligations. La firme prévoit que le gouvernement américain émettra pour plus de 3000 milliards de dollars d’obligations d’ici le mois septembre pour financer le gigantesque déficit qu’entraînent les nombreux programmes de relance économique et d’aide aux entreprises. C’est quatre fois plus que l’an dernier. Goldman Sachs va réaliser des centaines de millions de dollars de profits en vendant ces obligations, surtout que la concurrence est beaucoup moins grande compte tenu de la disparition des autres courtiers qui n’ont pas survécu à la crise. Les gens de Goldman Sachs jouissent aujourd’hui d’un contrôle presqu’entier du marché des obligations.
Le pouvoir de manipuler un marché est sûrement un des plus grands atouts que peut posséder une entreprise. C’est vrai de tous les secteurs, surtout celui de la finance.
Laissez-moi vous raconter une petite anecdote. Et je vous assure qu’elle est vraie, car j’y étais.
Le 19 octobre 1987, vous vous souvenez ? Le monde fut ébranlé par un krach boursier. L’indice Dow Jones de la bourse de New York a perdu 22 % ce jour-là. Les chutes ont été dramatiques sur toutes les bourses à travers le monde, y compris au Canada. La panique s’était installée partout.
À 4:30 PM ce jour-là, Raymond Desormeaux, président de McNeil Mantha, un courtier québécois qui était à cette époque le plus gros négociateur et mainteneur de marchés sur les options à la Bourse de Montréal, admettait à un petit groupe d’employés dont je faisais partie que la firme avait perdu beaucoup d’argent durant la journée. J’ai appris plus tard que les pertes pour cette seule journée avaient totalisé 2 millions. C’était gigantesque compte tenu que la capitalisation de la firme à l’époque était d’environ 20 millions. C’était 10 % de la firme qui venait de s’envoler en fumée. À ce rythme, nous n’allions pas survivre la semaine.
La panique profitent aux gens du milieu
Curieusement, Raymond Desormeaux ne semblait pas en proie à la panique. Il nous rassura en disant que les choses iraient mieux demain.
L’internet n’existait pas à l’époque. L’information circulait beaucoup moins vite. Bien des gens n’apprirent la nouvelle du krach qu’aux bulletins de nouvelles en soirée à la télévision. Avec le recul du temps, il est clair qu’il comprenait ce qui allait arriver. Que ces gens moins bien informés allaient paniquer le lendemain matin et que McNeil Mantha pourrait en tirer profit.
Et c’est ce qui arriva. Avant même l’ouverture de la séance de négociations le 20 octobre, les places boursières étaient inondées d’ordres de ventes. Les mainteneurs de marchés à l’emploi de McNeil Mantha avaient la responsabilité d’établir le cours d’ouverture des actions et des options en fonction de l’offre et de la demande. Ce matin-là, ils eurent tout le loisir d’établir ces cours à des niveaux très bas, car il n’y avait que des vendeurs, les seuls acheteurs potentiels étant eux-mêmes. Les marchés ouvrirent donc à des cours très dépréciés, et les mainteneurs de marchés sur le parquet achetèrent tout. Une heure plus tard, tous les ordres de ventes ayant été absorbés, les marchés se sont remis à monter, permettant à ces mêmes mainteneurs de marchés de récupérer une bonne partie de leurs pertes de la veille.
20 ans plus tard, sur une échelle de grandeur sans comparaison avec cette anecdote, il semble qu’il soit toujours possible de manipuler un marché, et que maintenant, les profits que l’on en retire soient gigantesques. Les gens de Goldman Sachs l’ont très bien compris. Warren Buffet aussi.
Les pros ont toujours manipulé le marché. Des exemples comme le vôtre, il y en a des dizaines, sinon des centaines….
Morale de cette histoire: tenez-vous loin de la Bourse et du marché des obligations quand ça va mal….
Ceci dit, cela ne fera pas le capitalisme échapper aux tendances lourdes de sa guerre interne…
http://ysengrimus.wordpress.com/2008/04/29/la-guerre-interne-du-capitalisme/
Paul Laurendeau
Bonjour Jean,
Ce que tu raconte à propos du crash de 1987 est très vrai.
Je me suis toujours demandé pourquoi les courtiers en valeurs avaient le droit d’investir, au même titre que leurs clients, auxquels ils fournissent par ailleurs des conseils en matière de placement.
Les conflits d’intérêts sont multiples et les petits investisseurs sont dans une position dévantageuse, car ils ont rarement accès aux informations cruciales aussi rapidement que les investisseurs institutionnels.
Par ailleurs, on doit également souligner la concentration des actifs dans divers fonds et régimes, dont les gestionnaires ont un fort impact sur les marchés, lorsqu’ils décident d’investir dans un titre ou un secteur plutôt qu’un autre, surtout lorsque plusieurs investissent dans le même type d’instruments financiers, comme le papier commercial par exemple.
Bon billet, merci de nous replacer les idées… C’est pas dans La Presse que nous pourrions lire telle analyse. Surtout lorsqu’un quotidien important a des liens de parenté avec des firmes d’investissement…
La communauté internationale nous a laissé croire qu’elle était en faveur d’une « restructuration » des marchés financiers. Il n’en est rien. La valse continue. Les pauvres petits investisseurs, ainsi que les fonds de retraite des travailleurs se sont fait baiser. Les rats-toureux continuent de s’enrichir. Et ils font des profits sur l’argent qui leur a été prêtée par les gouvernements. Et on se laisse faire…
Et y’a un certain Legault qui nous rappelle que nous devrions être un peu plus lucides, moins solidaires. On nous prend vraiment pour des valises…
Est-ce CELÀ le VOL en cravate??????????????????
Dire que le peuple va payer dans la famine, la misère et la mort (H1N1 /artificiel) pour toutes ces MACHINATIONS d’OGRES du FRIC.
Mr Gagnon et les autres,
Y a t-il des options? Y a t-il une façon pour le particulier de réagir (de façon réaliste)? Ou sommes-nous condamnés à être spectateur?
PYL
Nous devons être le plus optimistes possible tout en restant LUCIDES.
Le FRIC sera la PERTE de PLUSIEURS………………..
Très bon et très instructif.
Je me pose la même question que PYL…
Pour les «options», je crains que l’on doive attendre qu’ils s’entretuent entre eux…
On se sent un petit peu chien au bout d’une laisse…
gaétan pelletier
Oui, c’est comme ÇÀ…………………………………………….
Voici un article publié dans le dernier numéro de la revue Rolling Stone, qui explique comment Goldman Sachs contrôle et manipule les marchés financiers depuis l’époque de la grande dépression et comment tous ses petits copains viennent de recevoir des centaines de milliards $ du Trésor américain (le payeur de taxes).
Vous serez heureux d’apprendre que le directeeur de la banque centrale du Canada est un ex-dirigeant de Goldman Sachs, tout comme le chef de la Banque mondiale, de la bourse de New-York, et de la Federal Reserve Bank of New-York et de plusieurs autres grandes institutions financières.
http://www.scribd.com/doc/16763183/TaibbiGoldmanSachs
Goldman Sachs
Wow c’est bon,merci