Archives mensuelles : juillet 2009

À ma soeur schizophrène prisonnière de ses rêves

Une fois n’est pas coutume et comme je suis de ceux qui accordent une place prépondérante à la poésie dans toute vie sociétale civilisée, je me permets aujourd’hui de remplacer mes radicales opinions politiques par un poème de mon cru, écrit pour ma soeur Christine Schneider, perdue depuis des décennies dans les abîmes de la folie.

À la prime du mois
dédié à Julius César
le grand conquérant romain
le ciel était sans tache
son soleil éblouissant
journée de chaleurs et d’enfantement
on la prénomma Christine
elle fut consacrée à la déesse vierge
c’était jour de fête au pays névrosé
et les enfants l’accueillirent joyeusement
en la surnommant Canada

C’était un bébé étrange
pleurant sans cesse comme une fontaine
hurlant des cris de désespoir
dès qu’elle réalisa son pitoyable karma
elle éclatait de rage, pauvre Canada

Rejetée du giron d’une mère pays conquise
et abandonnée dans la débâcle guerrière
elle usa sa plume d’écolière
à griffonner des poèmes
pour imiter son modèle frérot
que la révolte faisait croupir au cachot

Sur les traces du grand Jack
elle parcourut les routes d’Amérique
se nourrissant de champignons
et de la magie des herbes
son acte créateur l’avait métamorphosée
en poème vivant perdu
dans une prose échevelée

Retour au pays en éclats
le corps durement labouré
et le cerveau à l’image grotesque
de la nation hallucinée

Vagabondages, urgences, thérapies forcées
rien jamais rien n’y fit
l’âme et l’esprit de la pauvresse
avaient quitté cet improbable pays

Se téléportant dans l’espace et le temps
à l’écoute de voix inaudibles
Canada se réfugia dans un imperméable abri
la schizophrénie

Gavée de bonbons chimiques
de toutes les couleurs
sanglée dans sa catatonie
gonflée comme un ballon pressurisé
incapable même de marcher
sous le poids de sa détresse
elle garde d’obscurs souvenirs
de son autre frère d’âme, Nelligan
mais elle oublie qu’elle est née Christine
comme elle ignore le sort sans issue
de son pauvre Canada

Pierre Schneider
auteur de Paroles d’amour et de liberté
Éditions du Québécois.

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Classé dans Actualité, Pierre Schneider

De Victor Jara à Guantanamo : la même CIA (5)

olsonDans l’épisode précédent, nous avons vu que la CIA avait pratiqué au Viet-Nam l’assassinat ciblé d’opposants ou d’adversaires. Or, cette pratique n’a pas été limitée aux opérations extérieures. Sur le territoire américain aussi des gens ont été supprimés dans un supposé intérêt supérieur de la nation. Mais plus étonnant encore, parfois ces personnes étaient elles-mêmes membres de la CIA. Désireuses de la quitter ou en rupture avec l’idéologie sous-jacente à ce qu’on leur demandait de faire, en rupture de ban avec l’administration où ils avaient fait carrière, on ne leur a pas laissé beaucoup le choix pour en sortir. A défaut de sortir par la grande porte, elles sont le plus souvent sorties par une fenêtre ou sont tombées d’un toit. « Accident » ou « suicide », bien entendu, selon la CIA. Parmi ces pestiférés, le cas de l’un d’entre eux a reçu notre attention. Sa famille s’est battue pendant plus de vingt années pour le réhabiliter. Et a fini par obtenir gain de cause : ce n’était pas un suicide mais bien un assassinat, conçu et perpétré par la CIA sur un de ses employés !

Parmi les cas les plus significatifs de cette ère d’assassinats ciblés, le cas de Frank Olson est exemplaire, et rappelle par bien des aspects d’étranges similitudes avec d’autres histoires récentes, car Olson n’était ni un homme politique ni un homme d’état : c’était tout bonnement un employé de la CIA retrouvé un jour « suicidé », comme beaucoup d’autres. Lui est mort en 1953, après avoir fait partie d’un programme d’absorption de drogues intitulé opération Artichoke, devenu plus tard programme MKultra, qui consistait à absorber du LSD, notamment, pour voir ce que ça donnerait chez les civils (qui l’ont utilisé en rock and roll, ce qui en a azimuté plus d’un !). Selon la version officielle, devenu fou, il se serait défenestré de son hôtel New-Yorkais, l’hôtel Statler, où il était descendu chambre 1018, une chute qui avait causé sa mort, selon la version officielle. Il faudra plus de 40 ans à sa famille pour prouver le contraire : l’exhumation de ses restes en 1994 démontrait qu’avant de sauter par la fenêtre, il avait reçu un très violent coup sur la tête. Un homicide, avait conclu le légiste, preuves photographiques du crâne du squelette à l’appui.

Olson travaillait déjà en 1953 sur des programmes d’armes bactériologiques, programmes qui ne se sont en fait jamais arrêtés à la CIA. Parmi les gens avec qui il travaillait figurait Kurt Blome, ancien nazi, tortionnaire à Dachau, qui avait été emmené à la libération lors de l’opération Paperclip, qui avait soustrait des scientifiques tels que Von Braun aux vues des soviétiques. Encore en Allemagne en 1950, Olson avait assisté à quelques interrogatoires musclés tenus par Blome… passé « entraîneur » des interrogateurs de la CIA… Ecœuré, il songeait alors à quitter la CIA et ses méthodes qu’il n’appréciait pas. Une historienne, Kathryn Olmstead, avait trouvé dès 2002 des documents intéressant datant de l’ère Ford, à son égard, époque où le secrétaire du Président s’appelait Donald Rumsfeld. Lui et un assistant de la Maison Blanche, Dick Cheney, s’étaient beaucoup démenés pour que les circonstances exactes de la mort d’Olson ne puissent jamais voir le jour. Ce que craignait avant tout Cheney, c’est qu’on découvre qui payait Olson et sur quoi il travaillait exactement (*1). Les parents d’Olson avaient finalement négocié 750000 dollars pour n’en rien révéler. En Amérique, tout se négocie semble-t-il. Mais ils n’avaient pu empêcher les journalistes de révéler le décès d’Olson, bel et bien « suicidé » de force. Or Olson, avant de tâter du LSD avait aussi travaillé sur la dissémination de bactéries dangereuses, dont l’anthrax. Le « secret » d’Olson, comme l’on écrit justement certains, aurait pu détruire la CIA en s’attaquant à ses fondements, à savoir la manipulation de citoyens américains à l’aide de drogues et l’assassinat pur et simple d’agents dissidents. Le site Internet créé par son propre fils est très émouvant et raconte la longue de la famille pour retrouver l’honneur du père assassiné.

Pour parfaire le tout, le 27 juin 2006, des documents classés jusqu’ici secrets révélaient la présence de Blome à Fort Detrick, après être revenu d’Allemagne (*2). Les documents, surnommés les « joyaux de la famille » révélaient aussi que le criminel nazi Eichman, en fuite, avait aussi été protégé par la CIA (*3). En 2006, à mi terme du second mandat, l’Amérique apprenait dans l’indifférence d’une guerre irakienne, que son service d’espionnage avait hébergé ou protégé des nazis ! Qui, indubitablement, y avaient laissé des traces tangibles sur le fonctionnement de ses services. A avoir vu Abou Ghraib on s’en serait douté, remarquez. Un journaliste, à la vue de ces documents révélateurs avait affirmé « qu’aujourd’hui c’était bien pire » (*4).Et effectivement : en 2001, le congrès, bien manipulé par le 11 septembre avait « automatiquement » ressorti l’assassinat comme arme possible, malgré l’interdiction formulée en 1975 sous Gerald Ford, cet autre pantin présidentiel. La demande de Bush était très claire sur le sujet (*5) . « Libérez la CIA de ses contraintes » demandait-il alors au Congrès. Le sénateur BobGraham, partisan de la méthode, affirmait alors, pour convaincre les indécis, que « les agents de la CIA n’étaient pas des anges, ou plutôt selon lui pas le genre d’espions qu’on trouve dans les monastères » (*6).

Le 11 septembre a donc aussi comme effet secondaire passé assez inaperçu, de rouvrir la voie royale aux « opérations spéciales », de la CIA, à savoir les assassinats ciblés chers à l’ère Nixon ! Bush a-t-il fait assassiner des opposants ? Très certainement : de tous les présidents, c’est lui qui a les placards de cadavres les plus remplis, pour sûr, on vous en a parlé ici à plusieurs reprises. Le 11 mars 2009, le journaliste Seymour Hersh, lors d’une conférence mémorable, parlait même d’un « executive assassination ring’, lié directement au pouvoir (*7). Hersh mettait ce soir là l’accent sur les opérations à l’étranger : or, il est évident que certaines ont eu lieu aussi sur le territoire américain. Comme au plus beau temps d’Olson. L’affaire Connell, l’homme qui détenait les secrets électoraux de Bush, est bien là pour le prouver.

La disparition en effet sous l’’ère Bush d’un autre spécialiste, celui-dit de l’anthrax, déclaré comme Olson « dépressif » a en effet ravivé ces craintes, cinquante années après. La CIA, qui jurait avoir changé de méthodes et s’interdisait désormais les assassinats depuis 1975 et la remise du rapport Olson à Gerald Ford n’a pas beaucoup changée semble-t-il. Olson avait une autre particularité : il travaillait à Fort Detrick, dans le Maryland. L’un des hauts lieux des manipulations et expérimentations médicales militaires. Dans le bâtiment 470, surnommé « Fort Doom » datant des années 50, qui s’est toujours chargé des recherches sur l’anthrax et d’autres bacilles ou virus. Malgré l’interdiction par Nixon du 11 novembre 1969 d’utiliser des armes chimiques (l’agent orage étant appelé simple « défoliant » !) , or ces travaux n’ont jamais cessé à Fort Detrick.

En 2001, Stephen Atfill, chercheur au CV très particulier, qui avait aussi fait un tour dans les années 80 par l’Afrique du Sud auprès des forces spéciales du pays, pas vraiment réputées pour être de gauche (elles étaient plutôt néo-nazies), avant d’intégrer le SAIC, y travaillait aussi. ll y avait accédé en jouant de faux diplômes déclarés véritables et avait donc eu accès à de l’anthrax. Normal aussi qu’il et se voyait accusé en 2002 d’être le disséminateur possible de la vague de 2001 : son cas n’ a en fait jamais été entièrement élucidé, Atfill ayant poursuivi ses accusateurs et ayant gagné des procès engagés contre lui, notamment par le NYT. Le gouvernement mis en cause par la presse se tournant lui, comme un contrefeux aux accusations contre Atfill, vers un autre employé, Bruce Edwards Irvins, un microbiologiste lui aussi, chercheur en biodéfense à la United States Army Medical Research Institute of Infectious Diseases (USAMRIID) situé cette fois à Fort Meade. Ses sujets d’étude : le virus ebola, l’anthrax…. et la fièvre porcine… Une enquête était en cours le concernant quand soudain on le retrouve… suicidé. Un de plus.

C’est le syndrome Olson qui réapparaissait : Bruce Edwards Irwins était subitement devenu … dépressif… lui aussi avant de mettre fin à ses jours. « Le fait que Irvins se soit apparemment suicidé peu de temps avant que soit faite cette annonce a amené plusieurs personnes à croire qu’il était le bouc émissaire d’un vaste complot. Malgré les circonstances suspectes, aucune autopsie n’a été effectuée sur le corps de Irvins. Son avocat était certain que Irvins, qui a coopéré tout au long des 6 années qu’a duré l’enquête, était innocent des cinq décès reliés à l’anthrax. » Encore une fois, c’est le New-York Times qui conclut de manière géniale, le journal ayant eu maille à partir avec Atfill ; «  Que ce serait-il produit si le Dr Hatfill s’était suicidé en 2002, tel que le craignaient ses amis ? Est-ce que les enquêteurs auraient alors publié leur conclusion et déclaré que l’auteur était mort ? » ; Visiblement, le cas Atfill n’est pas réglé, pas comme celui de l’infortuné Edwards. Il est des morts plus pratiques que d’autres, sans doute.

Pour parfaire le tableau, le 7 février 2009, une brève succinte annonçait la fermeture d’un laboratoire pour « inventaire ». Ne cherchez pas où : c’était encore à Fort Detrick : « la U.S. Army Medical Research Institute of Infectious Diseases (USAMRIID) a suspendu les activités de recherches impliquant des agents et toxines biologiques. Les officiels des l’armée ont mis cette mesure en place après avoir découvert des problèmes apparents avec le système d’inventaire pour les biomatériaux et microbes à haut risque à l’installation à Fort Detrick, au Maryland ». Oui, c’était bien le labo d’Irvins : « Le laboratoire était sous surveillance intense depuis août, quand le Federal Bureau of Investigation (FBI) a désigné l’ancien chercheur de l’USAMRIID Bruce Ivins comme le responsable des attaques aux lettres d’anthrax en 2001″. Parmi les fioles manquantes… de la « Venezuelan Equine Encephalitis »...quelques jours plus tard, mise au point de l’armée : les fioles manquantes ont été détruites, tout simplement. On aimerait bien le croire…

Dans le prochain épisode, nous verrons que la CIA ne s’est pas limitée à ce genre de manipulation de produits dangereux, bien au contraire…

(1) « The Olson lawyers will seek to explore all the circumstances of Dr Olson’s employment, as well as those concerning his death. In any trial, it may become apparent that we are concealing evidence for national security reasons and any settlement or judgement reached thereafter could be perceived as money paid to cover up the activities of the CIA ».


(2) « On June 6, the US national archives released some 27000 pages of secret records documenting the CIA’s Cold War relations with former German Nazi Party members and officials ».


(3) « The documents show that the CIA was in possession of Eichmann’s pseudonym two years before the Mossad raid« .


(4) « It’s interesting, James Bamford, who wrote Puzzle Palace, well known for his work on the CIA and National Security Agency, etc., in the Times is quoted as saying, “What’s going on today makes the ‘family jewels’ pale in comparison.”


(5) «  »free up the intelligence system from some of its constraints ».


(6) « We are not going to find the kinds of spies we need in monasteries. »


(7) « Under President Bush’s authority, they’ve been going into countries, not talking to the ambassador or the CIA station chief, and finding people on a list and executing them and leaving. That’s been going on, in the name of all of us ». La création de lois spéciales l’avaient permis : “Under the Bush Administration’s interpretation of the law, clandestine military activities, unlike covert C.I.A. operations, do not need to be depicted in a Finding, because the President has a constitutional right to command combat forces in the field without congressional interference.”

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De Victor Jara à Guantanamo : la même CIA (4)

Image_11Dans l’épisode précédent, nous nous sommes aperçus d’un phénomène bien particulier : pour en arriver à mieux cibler ses proies à assassiner, la CIA a dû se résoudre à investir dans des moyens de fichage et de tri assez conséquents. Après les circuits hybrides de 1964 (les tous premiers étant installés dès 1963 dans le programme Apollo), l’apparition du circuit intégré de grande taille, en 1973, inventé par Jack Kilby, prix Nobel en 2000, lui a permis de faire un bon en avant énorme dans ce sens. Finies les cartes perforées, vive les disques durs pour engranger bien davantage de données individuelles. C’est en quoi le projet Phoenix, décidé pour terminer une guerre du Viet-Nam dont la fin militaire ne pouvait plus être qu’un rêve de vieux galonné est un événement majeur de l’histoire de la CIA, car il conduit directement au Homeland Security mis en place par l’équipe de Georges Bush et que Barack Obama ne peut plus détricoter, tant il s’est insinué depuis dans tous les rouages de la vie civile américaine. De la surveillance des Viet-Congs à la surveillance des opposants à la guerre du Viet-Nam, il n’y avait qu’un pas que la CIA s’est empressée de franchir avec un certain brio il faut l’admettre. Et du fichage à l’élimination physique, il n’y a pas loin non plus, c’est ce que viennent de découvrir tardivement les Etats-Unis en Afghanistan ou en Irak, voire au Pakistan, ou leurs drones ont remplacé les extrémistes de droite recrutés pour aller assassiner en territoire étranger des adversaires, avec il est vrai plus ou moins de succès, le point armé piloté à 15 000 km de distance présentant encore quelques imperfections notables, la dernière en date étant d’être attiré par autre chose que la cible désignée au départ.

Dans le magazine Counter-spy de 1975, Phoenix, inventé en 1967 par Nelson Brickham, de la CIA, est ainsi décrit comme étant une des horreurs du XXème siècle (*1.) Au moment des procès contre les Khmers rouges, il est fort étonnant de n’avoir rien entendu à ce sujet ! Strictement rien des médias ! L’idée principale était en fait de s’attaquer aux cadres Viet-Congs en les pourchassant et en les éliminant un à un, grâce à des « escadrons de la mort » formés par la CIA (*2). Pour cela, des forces spéciales de « tueurs » avaient bien été recrutés par la CIA (*3). L’idée avait été reprise de ce qu’avaient commencé à faire les français en Indochine, où avaient été expérimentées les méthodes qui ont servi plus tard à Alger (*4). La « descendance » française des tortures infligées 50 ans après à Guantanamo est donc une évidence. Et leur découverte tardive… pas vraiment une surprise ! L’élimination physique de Maurice Audin fait partie du même scénario.

Je n’ai pas davantage oublié Audin que Jara, car ce sont deux facettes d’un même problème  : « Dans cette page d’histoire, le nom de Maurice Audin, jeune mathématicien d’Alger, figure parmi les milliers d’Algériens soumis à « la question » par l’armée coloniale française et portés « disparus » pour la plupart. Maurice Audin, assistant à la faculté des sciences d’Alger, est mort le 21 juin 1957, sous la torture, étranglé par le lieutenant de renseignements, André Charbonnier. Le colonel Roger Trinquier, instituteur dans les années 1940, avant de porter la tenue de tortionnaire, commandait le service « renseignements-action », dans l’appareil militaro-policier français en Algérie. Un immeuble en construction, boulevard Georges Clémenceau, à El Biar, abritait le centre de torture, Maurice Audin y fut conduit dans la nuit du 11 juin 1957 et soumis à d’atroces tortures durant dix jours. Les tortionnaires et auteurs de nombreux crimes ont pour nom : Devis, Roger Faulques, André Charbonnier, Philippe Erulin, Jacquet, Llorca ». Jacques Massu sait où est le corps d’Audin, mais il ne l’a jamais avoué.

L’organisation du programme Phoenix fut extrêmement complexe et a coûté la bagatelle de 4 milliards de dollars aux américains, la surveillance des individus se faisant avec des moyens techniques sophistiqués, notamment via des radios émettrices-réceptrices et une infrastructure informatisée… à base au départ de simples cartes perforées à l’époque. C’était en quelque sorte le grand précurseur du Homeland Security américain (*5).

Au passage, il faut noter l’usage revendiqué de l’organisation dite humanitaire USAID, qui était chargée des approvisionnements des agents de la CIA et de l’apport de leur matériel de torture ou de comptabilité. Il s’agissait bien de surveillance, faite par des gens formés, qui débouchait sur le ciblage des individus et leur élimination ensuite : à la fin de la guerre du Viet-Nam, le programme tuera ainsi 1/3 des forces Viet-Congs inflitrées, par rapport aux tués par faits de guerre (*6). Selon beaucoup, le massacre de My Lai s’intègre parfaitement dans le programme Phœnix d’élimination systématique des opposants quels qu’ils soient, sans faire dans le détail. Logique : Le Lieutenant Calley sortait tout droit de… Fort Brenning. Un simple blogueur, qui venait de croiser le lieutenant avait fait le lien avec le massacre de Mahmudiyah, en 2006, sur la même trame. Steven Dale Green est bien un second Lieutenant Calley, mais il finira ses jours en prison. Brian De Palma en avait un film qui mérite l’attention (« Redacted« ). Or le brillant de Palma avait déjà réalisé le même sujet en 1989 sous le titre d’Outrages. Il y a bien une continuité de comportement, semble nous dire De Palma.

En 1994, le Viet-Nam s’était souvenu des massacres, en refusant à William Colby, le responsable de l’époque de la CIA de visiter le pays (*7). Bref, on le voit, au sortir de la guerre du Viet-Nam la CIA a renforcé un côté nazifiant qu’elle possédait dès le début. Restait à savoir si elle le garderait. Logiquement non, puisqu’à la suite de certaines dérives dont nous parlerons demain on lui avait interdit en 1975 de recourir à des méthodes dures, dont les assassinats d’opposants. Le résumé du programme Phoenix donné par Douglas Valentine est assez parlant en définitive (*8). Avec ce projet, réalisé et abouti, la CIA avait déjà franchi la barrière. Et quand on l’a fait une seule fois, il est trop tard : la tentation de le refaire sera constante désormais.

Or aujourd’hui, que constate-t-on ? Cette traque des opposants et ces éliminations ciblées des adversaires continuent, sous forme d’attaques de drones munis d’engins de mort encore plus terrifiants : des missiles Hellfire, devenus missiles thermobariques, à savoir l’une des pires armes existant aujourd’hui au monde. Une arme utilisée par les anglais sur leurs hélicoptères Apache et qui commence à poser problème à leur gouvernement. Une arme incapable de distinguer un taliban d’un civil, qui vaporise littéralement l’individu confiné dans un local, et utilisée sans discrimination dans un autre pays sans que ce dernier ne soit en guerre pourtant avec les Etats-Unis. Certains commencent à s’élever contre ce qui tourne à une opération Phoenix bis au Pakistan, reposant désormais sur la surveillance satellitaire et des drones à la place d’hommes sur place (*9). Chez les britanniques, la parade a été trouvée en modifiant… l’appellation de l’arme (*10) . Des missiles, et une autre technique que nous évoquerons un peu plus loin si vous le voulez bien, qui nécessite la « participation » des populations locales… « retournées ». Aussaresses n’est jamais très loin dans ce conflit.

Derrière l’usage de drones, qui utilisent des missiles auto-dirigés, se profile pour la réalisation de leurs bases à nouveau la CIA. Jusqu’à une époque récente, rappelons-le, il n’y avait soi-disant pas de bases de drones US au Pakistan paraît-il. Officiellement. Il a donc fallu en créer de discrètes, ce à quoi s’est attaché la CIA. Une CIA qui depuis toujours s’est activé à travailler avec d’étranges individus, comme nous le démontre son histoire, sur laquelle nous allons revenir demain si vous le voulez bien. Celle des attentats ciblés, dont certains visaient même ses propres troupes !

Des attentats ciblés dont se serait occupée une équipe particulière, créée dès 2001, selon les dernières informations dont nous disposons. Une équipe directement placée sous la coupe de Dick Cheney, qui n’aurait en ce cas que continué la mainmise sur la CIA de la part d’un groupuscule qui est au pouvoir depuis très longtemps. Cheney a dirigé les Etats-Unis pendant 27 années, au total. Si l’on regarde bien, il est arrivé au bureau ovale en 1969, sous Nixon, déjà et est devenu très vite le secrétaire à la présidence de Gérald Ford, président falot. Sa mainmise sur le pouvoir, avec on ami Donald Rumsfeld date de là et prépare l’arrivée de Georges Bush père dont il sera le secrétaire à la défense en 1989. C’est à lui qu’on doit l’opération Just Cause au Panama, qui est symptomatique des vues américaines sur l’Amérique Centrale et du Sud. Ce faucon véritable aurait décidé dès 2001 d’assassiner des dirigeants d’Al Quaida sans en référer au Congrès : or en 1976, ce même congrès avait obtenu le contrôle de l’activité de cette CIA après les dérives lamentables de Nixon, justement, et Gérald Ford avait bien été obligé de s’y plier. Dick Cheney avait instauré un « permis de tuer », parait-il, dont nous verrons dans les épisodes prochains les multiples effets. Le programme était « secret », à savoir qu’il existait bien au sein même de la CIA une cellule incontrôlée par les citoyens via leurs congressistes, et directement lié au pouvoir central. Dick Cheney avait pris sa revanche depuis l’ère Ford, en méprisant le peuple américain et ses représentants et en lui cachant des activités délictueuses. A partir de là, on peut définir sans ambiguïté que le procédé ne devait pas dater seulement de 2001. Dick Cheney a eu à sa solde pendant 27 années des hommes de main chargés de réaliser sa folie de pouvoir personnel. Les cadavres jonchent sa carrière, comme nous allons le voir…

(1) « Phoenix Program as « the most indiscriminate and massive program of political murder since the nazi death camps of world war two. »


(2) « Phoenix Program to neutralize VCI (tax collectors, supply officers, political cadre, local military officials, etc). Plan to send pru or police teams to get in practice, death the frequent result of such ops, some times through assassinations pure and simple. Powers, T. (1979), The Man Who Kept the Secret, 181« .

(3) « The Phoenix Program used the CIA’s assassination squads, the former counter terror teams later called the provincial reconnaissance units (PRU). Technically they did not mark cadres for assassinations but in practice the pru’s anticipated resistance in disputed areas and shot first. People taken prisoner were denounced in Saigon-held areas, picked up at checkpoints or captured in combat and later identified as VC. Sheehan, N. (1988), A Bright Shining Lie, 732 ».

(4) « pacification efforts initiated by French culminate in Phoenix Program designed to eliminate Viet Cong infrastructure. Made official June 68, Phoenix was intensification of ci ops and involved « mass imprisonment, torture and assassination. » For thorough Phoenix description seeCountersp 5/73 20″.

(5) « In 4/67 Pres Johnson announced formation of civil ops and revolutionary development support (CORDS) for pacification. R. Komer as deputy commander of MACV-CORDS. CORDS budget about $4 billion from 68-71. CORDS the management structure for pacification programs. Personnel both military and civilian. By 71, 3000 servicemen, advisers to ARVN, placed under CORDS. 1200 Civilians by 71. Usaid responsible for material aid. State and USIA also provided personnel. But CIA played the crucial role. CORDS reinstated civic action teams under name revolutionary development cadre. Rd program formed teams of 59 SVNese, divided into 3 11-man security squads and 25 civic action cadres. »


(6) Teams to spend 6 months in a village to fulfill « eleven criteria and 98 works for pacification. » 1. Annihilation of …Cadre ; 2. Annihilation of wicked village dignitaries ; etc. System placed 40,000 two-way radios in villages. Land reform failed. Teams helped create regional and popular forces (rf/pfs). Ruff-puffs, suffered high casualties. They represented half of SVN gvt forces, they had 55-66% of casualties. They inflicted 30% of communist casualties. Underground pm effort called Phoenix which included a « census grievance, » stay-behind. »


(7) « VN rejects visit of ex-CIA chief Colby, now a Washington lawyer, who had planned to visit as a director of a U.S.-based investment fund. Fund directors had planned to hold a reception Monday. Event canceled, and directors will meet in Bangkok. Colby was CIA’s chief in Saigon during war and was associated with Phoenix, an op to root out rural support for communist guerrillas via sweeping arrests, torture and execution of suspects. Critics said most of those killed were innocent peasants. (Chicago Tribune 12/3/94 21). »L’homme avait trop tué de « paysans innocents ».


(8) « Created by the CIA in Saigon in 1967, Phoenix was a program aimed at « neutralizing »—through assassination, kidnapping, and systematic torture—the civilian infrastructure that supported the Viet Cong insurgency in South Vietnam. It was a terrifying « final solution » that violated the Geneva Conventions and traditional American ideas of human morality ».


(9) « The weapons are so controversial that MoD weapons and legal experts spent 18 months debating whether British troops could use them without breaking international law. »


(10) « We no longer accept the term thermobaric [for the AGM-114N] as there is no internationally agreed definition,” said an MoD spokesman. “We call it an enhanced blast weapon.” The redefinition has allowed British forces to use the weapons legally, but is undermined by the publicity of their manufacturer, Lockheed Martin, which markets them as thermobaric ».

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De Victor Jara à Guantanamo : la même CIA (3)

gegeneNous avons abordé précédemment les liens étroits entre certains pouvoirs d’Amérique du Sud, notamment le Chili de Pinochet, la CIA et certains groupuscules européens d’extrême-droite. Ces groupes ont fourni des éléments qui sont devenus le bras armé d’une CIA à l’étranger, qui ainsi évitait de mouiller ses hommes ou des citoyens américains. Lors de l’affaire célèbre de la Baie des Cochons, à Cuba, ce sont des éléments similaires qui ont été amplement manipulés pour arriver au fiasco final que l’on sait. Au Chili, c’est l’extrême-droite italienne qui a été recrutée, notamment deux fascistes purs et durs nostalgiques de l’ère mussolinienne. Responsables de l’assassinat de deux ministres d’Allende, dont un effectué sur le sol américain même. Toutes ces tentatives nécessitaient une intense préparation et un fichage qui a vite débouché sur celui des américains eux-mêmes. Le pouvoir est très vite devenu paranoïaque dans les années Nixon, phénomène qui ne fera que se renforcer sous Reagan et encore davantage sous Georges Herbert Walker Bush, le père de l’avant dernier président US. Logique : en 1975 et 1976, il a été le directeur de la CIA, bien avant de devenir vice-président (de Reagan) puis président des Etats-Unis, de 1988 à 1992… Son fils ne fera que reprendre le flambeau, et réactiver surtout des méthodes qui avaient été interdites après l’affaire du Watergate. Il existe donc bien une continuité à la CIA, et c’est plutôt celle de la famille Bush depuis une bonne trentaine d’années maintenant.

A lui seul, « ALFA » est tout un poème, et démontre que le pouvoir chilien était bien fasciste, et s’appuyait en Europe sur les éléments fascistes : de tous les néo-fascistes ou fascistes purs et durs, c’était bien l’un des pires en effet. Son CV résume des années d’activisme de l’extrême-droite la pire existant, n’hésitant pas à tuer ou à placer des bombes partout : en 1970 il sera dans le coup d’état en Italie qui tentera de renverser le pouvoir par la force : « Après la tentative de coup d’État à Rome du 8 décembre 1970 (golpe Borghese) menée avec Junio Valerio Borghese, ancien homme de main deMussolini, il s’enfuit en mars 1971 vers l’Espagne franquiste 12, comme Vincenzo Vinciguerra. Là-bas, il se lie avec des hommes qui participeront ensuite aux GAL, les escadrons de la mort anti-ETA, ainsi qu’avec le Belge Léon Degrelle. Il rencontre notamment José Lopez Rega, l’éminence grise d’Isabel Peron, et aussi le fondateur de la Triple A, un escadron de la mort argentin  » précise Wikipedia. Un ami de Degrelle, un de plus ! On a bien affaire à l’extrême-droite européenne et à des nostalgiques du führer comme soutiens direct, en Europe, de la CIA. Nous retrouverons la même filière avec l’affaire des tueurs du Brabant Wallon : les liens de la CIA avec l’extrême droite ne se sont jamais taris. Le relais étant donné en Belgique par l’Otan.

Ce fut le ministre Orlando Letelier, arrêté en 73 par Pinochet et torturé, qui fut visé en second par un attentat réussi à la bombe, le 21 septembre 1976, en plein Washington, où son assistante Ronni Moffitt mourut également. Pour cela les USA recrutèrent un homme de mains, l’activiste anti-castriste d’extrême droite lui aussi Luis Posada Carriles, qui fut bien « brieffé » sinon « brainwashé » par la CIA avant de tenter l’assassinat du ministre. Selon Contreras, c’est clair, ce sont bien les Etats-Unis qui ont tué Letelier, même si le boulot a été fait par des chiliens :  » L’Institut d’études politiques de Letelier était considéré comme un institut marxiste que le FBI avait infiltré. Mais la CIA ne pouvait pas agir de l’intérieur des Etats-Unis ; elle ne pouvait agir que par le biais d’étrangers. Alors elle l’a tué et a rejeté la responsabilité sur nous ». Et aujourd’hui, on le confirme cette implication directe par l’attitude du gouvernement américain sur les documents de la CIA de l’époque. Clinton avait déjà refusé de les laisser paraître au grand jour, son successeur fit de même (*1). Ne pas faire paraître la vérité, celle d’une implication directe de la CIA dans l’assassinat, et cette fois, sur le territoire américain même ! 36 ans après Allende fait encore peur à ce point ? Letelier ne sera pas le seul visé : le sénateur démocrate-chrétien Bernardo Leighton le sera aussi, d’une manière très révélatrice, politiquement parlant où l’on retrouvera l’extrême-droite comme agent recruté, encore une fois. Les liens entre extrême-droite et CIA sont patents, comme on a déjà pu le remarquer en Europe et en Belgique surtout lors de l’affaire des tueurs fous du Brabant.

La tentative de meurtre sur Leighton devait avoir lieu à Rome. La date prévue étant le 6 octobre 1975. Pour ce faire, Contreras va puiser dans ses relation politiques sur place… et recruter deux hommes de main au passé plus que sulfureux : le fasciste italien Stefano Delle Chiaie, fondateur de « Avanguardia Nazionale » et Junio Valerio Borghese, qui n’est autre que l’ancien homme de main de Mussolini, Les deux hommes échoueront lamentablement, et on connaîtra plus tard leur implication grâce aux dépositions de deux autres : un terroriste repenti, Vincenzo Vinciguerra, et un américain, Michael Townley, ancien agent de la CIA au service de la DINA de Contreras. pour la tentative avortée d’assassinat, un juge italien, Giovanni Salvi condamnera, en juillet en 1996 Manuel Contreras à 20 ans de détention par contumace. Pour mémoire, Junio Valerio Borghese, fasciste convaincu, pendant la seconde guerre mondiale était commandant de sous-marin puis chef des hommes grenouilles italiens chevauchant leur mini sous-marins spectaculaires, les « maïale » (cochons), responsables d’actions d’éclat de torpillage ou de sabotage. Un mussolinien, un vrai de vrai. Toujours prêt à faire le coup de main.

Des tentatives de meurtres, mais aussi parfois des techniques plus subtiles, utilisant tout l’arsenal possible, y compris l’usage de drogues, pour transformer certains en doux agneaux dociles, voire en traîtres avérés. Les gens de la Gestapo ne pratiquaient pas autrement. La capture d’opposants potentiels, leur interrogatoire musclé et leur élimination étaient aussi au programme. Le Viet-Nam sera le terrain de jeu favori de la CIA pendant l’ère Johnson pour une raison extrêmement simple : Johnson, qui est lié au lobby des armuriers texans, ne souhaite donc pas terminer la guerre. Mais il s’est rendu compte qu’elle est ingagnable sur le terrain militaire, malgré la débauche de matériel qu’il favorise tant qu’il peut. Aussi a-t-il demandé à la CIA d’élaborer une méthode, ou un programme, lui permettant de gagne la guerre autrement, ou de moins perdre la face militairement. Ce programme consistera à cibler des adversaires et à les éliminer physiquement, le plus discrètement possible, en prenant exemple sur des conflits passés. Celui d’Indochine, naturellement, et des méthodes utilisées plus tard en Algérie. L’origine du programme est en effet à chercher chez…Aussaresses et Trinquier : « (…) , il livre aux futurs officiers américains du Vietnam les clefs de la « guerre subversive ». Quadrillage du territoire, contrôle de la population, hiérarchies parallèles : l’ensemble du dispositif de protection urbaine (DPU) inventé par le colonel Roger Trinquier est décortiqué pour ces stagiaires aux ordres de la politique définie par Washington. » Le rapport de Trinquier établissant noir sur blanc ce que sera la lutte anti-terroriste moderne. C’est à sa lecture qu’on peut s’apercevoir que la fameuse traque de Ben Laden est une invention pure et simple : Trinquier explique noir sur blanc comment capturer ce genre d’individu, et même rapidement !!!!

C’est donc à quoi va s’attaquer la CIA, ce quadrillage et cette surveillance, en y ajoutant une bonne dose de dérives d’exactions physiques. Ainsi, selon Robert Komer, un agent de la CIA qui deviendra justement l’un des proches conseillers du président Lyndon Johnson pendant la guerre du Viêt-nam, la célèbre opération Phœnix durant cette guère n’est autre que la copie conforme de la bataille d’Alger, qui avait vu un bon nombre de prisonniers tombés aux mains d’Aussaresses être « retournés », par des tas de moyens y compris la torture, la répression familiale ou la dénonciation.« Pour cela, on retournait des prisonniers, puis on les mettait dans des commandos, dirigés par des agents de la CIA ou par des bérets verts, qui agissaient exactement comme l’escadron de la mort de Paul Aussaresses » dit Robin dans son magnifique ouvrage les « Escadrons de la Mort.  » Selon beaucoup, l’opération Phoenix, dite de « pacification » a tourné très vite à la boucherie véritable, causant plus de 20 000 morts parmi les prisonniers Viet-Congs, interrogés et violemment torturés, souvent inutilement : (*2). Des chiffres ahurissants ! Evidemment, ces idées de fichage n’allaient pas en rester là, ce que nous étudieront plus tard si vous le voulez bien…

(1)« Although a draft indictment of Pinochet was reportedly prepared, the George W. Bush administration refused to take action. The ’family members of Orlando and Ronni deserve the full truth about this horrible act’, IPS Fellow Sarah Anderson said. ’Releasing the documents is the very least the Bush Administration could do for these victims of international terrorism ».
(2) « According to Defense Dept official 26,369 South Vietnamese civilians killed under Phoenix while op under direct U.S. control (Jan 68 thru Aug 72 ). By same source, another 33,358 detained without trial. Colby in 73 admitted 20,587 deaths thru end 71 , 28,978 captured, and 17,717 « rallied » to Saigon gvt. Thus approx 30% targeted individuals killed. All Phoenix stats fail to reflect U.S. Activity after « official » U.S. Control of op abandoned ».

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De Victor Jara à Guantanamo : la même CIA (2)

rv_condor14Dans l’épisode précédent, l’annonce de la découverte des circonstances de la mort de Victor Jara, grâce aux aveux tardifs d’un de ses bourreaux, a ravivé les souvenirs des heures sombres du Chili de Pinochet, mort lui sans jamais avoir été jugé. L’histoire nous dit que son âme damnée, Manuel Contreras était le pilier de la répression sauvage qui a suivi l’avènement du dictateur et la mort de Salvador Allende. Contreras ne s’arrêtera pas en si bon chemin et exécutera bien après ce décès des anciens ministres du président chilien, aidé en cela par la CIA, et certains mercenaires recrutés dans des milieux ouvertement néo-fascistes. Car pour ceux qui en douteraient encore, le gouvernement de Pinochet n’avait rien à envier à celui d’un Mussolini. La CIA, dans les années soixante-dix, puisait allègrement dans ces milieux, pour recruter ses hommes de main. Portrait des liaisons dangereuses de l’organisme américain en Amérique du Sud, qui explique pourquoi aujourd’hui encore certains de ses actes sont entachés d’autant de violences faites aux individus… ou aux hommes d’état. Aujourd’hui encore, Manuel Contreras, homme en liberté, encourt toujours 289 années de prison pour divers assassinats, des sentences réclamées par des juges des pays dont les ressortissants ont été tués de ses mains.

Contreras était un militaire bien entraîné, au tir comme à plein d’autres choses. Il avait été formé à Fort Benning, aux Etats-Unis, dans la « fameuse » et sinistre « School of Americas », située en Virginie, et par où passeront tous les dictateurs des années 60 et 70 ou presque, notamment la junte Argentine de Jorge Rafael Videla et consorts. Contreras, interviewé un jour par la journaliste Marie-Dominique Robin, finira par avouer quels étaient ses formateurs : ce n’étaient pas seulement des américains. A Manaus, au Brésil, tous les deux mois, il faisait partie d’un contingent formé à la contre insurrection où figurait des français, au milieu des américains. Pas n’importe lequel de français : au milieu d’eux, un général borgne bien connu (non pas le borgne auquel vous pensez qui n’a jamais été général). Paul Aussaresses, « tortionnaire non repenti » (que Contreras affirme n’avoir jamais rencontré en personne) qui venait de mater dans les années 50 la rébellion algérienne en pratiquant la torture sous différentes formes, les plus connues étant la torture à l’électricité, dite « gégéne », manipulée par un major blond assez costaud qui perdra un jour l’usage de son œil dans une bagarre à Paris, ou la noyade, sous deux formes. Dans une baignoire classique, ou sous forme de « crevettes de Bigeard » du nom de son inventeur. Cela consistait à ficeler un algérien, de le laisser pendre sous un hélicoptère, et d’aller faire un tour en baie d’Alger, en faisant descendre plus ou moins l’hélicoptère à plusieurs reprises au dessus des flots. L’individu finissait le plus souvent noyé, ce qui évitait d’avoir à ramener son cadavre, largué en pleine mer, lesté parfois de gueuses de fonte ou d’un bloc de béton. On retrouvait son corps ou ce qu’il en restait des mois ou des années après, rejeté sur les plages algériennes. Appliquant ainsi à la lettre les consignes d’Aussaresses : « Selon le général américain John Johns, qui a bénéficié des enseignements d’Aussaresses à Fort Bragg (et actuel opposant à l’usage de la torture par l’administration Bush), celui-ci leur a expliqué que « dans la guerre révolutionnaire, l’ennemi c’est la population » ; « à quoi sert la torture », affirmant aussi qu’il fallait « exécuter » les victimes torturées. « Aussaresses faisait partie du 11e Choc, qui n’était autre que le bras armé du SDECE (et ancêtre de la DGSE), la CIA à la française en quelque sorte ». L’homme qui avait exécuté par pendaison Larbi Ben M’hidi, déclaré officiellement « suicidé », et l’avocat Ali Boumendjel, sans jamais avoir évoqué le moindre remords. Les argentins de Videla reprendront l’idée des crevettes de Bigeard lors de leurs « vols de la mort », pour assassiner leurs détenus, dans lesquels périront deux religieuses françaises, Léonie Duquet et Alice Domon. Le film Garage Olimpo retrace cette histoire de prisonniers jetés d’avion en pleine mer. Au Viet-Nam, les américains se sont débarrassés de corps de prisonniers de la même manière.

En 2004, un terrible reportage de la même Marie-Dominique Robin sur Contreras ira plus loin encore, accusant ouvertement le gouvernement français de l’époque de Giscard d’Estaing de collusion avec la junte chilienne de Pinochet. Selon Contreras, les policiers chiliens arrêtaient d’autant plus facilement les réfractaires au régime que s’il leur arrivait de prendre l’avion sous un faux nom pour se rendre au Chili, la DST française prévenait à chaque fois de leur présence à bord, ce qui revenait à les condamner, invariablement. « en 2003, des enquêtes journalistiques de l’hebdomadaire français Le Point et de la chaîne Canal+ ont alimenté la thèse d’une participation française aux opérations du Plan Condor sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981). Par la suite, l’Assemblée nationale a refusé les demandes de plusieurs députés de créer une mission d’information ou une commission d’enquête sur ce sujet. » En 2009, ça en est toujours au point mort. Quant à savoir pourquoi, il ne faudrait jamais oublier non plus que Giscard avait de solides liens avec l’extrême droite : durant toutes ses campagnes électorales, l’homme qui se chargeait du collage de ses affiches en qualité de directeur de campagne s’appelait Jean-Louis Tixier Vignancourt, qui avait comme second un dénommé Jean-Marie Le Pen ! Pinochet avait bien du sang français sur les mains : « LLa mort de Pinochet éteindra hélas l’action en justice française.

Contreras finira aussi par dire comment s’était passée la mise en place de l’Opération Condor, cette initiative américaine consistant à fédérer plusieurs états d’Amérique du Sud dans leur lutte contre le marxisme. En janvier et juillet 1975, en juillet et août 1976, Contreras se rendra ainsi trois fois de suite aux USA pour y prendre ses ordres, donnés par Vernon Walters, (le directeur de la Centrale Intelligence de 1972 à 1976) ou le sous directeur de la CIA. L’idée des américains était au départ de s’en prendre à des proches d’Allende, avant de s’en prendre à sa personne si besoin s’en faisait sentir. Le premier visé sera le général René Schneider. Une première tentative de l’enlever fut faite par des généraux chiliens, dont le General Camilo Valenzuela, qui reçut directement des armes dites « stériles » (à savoir dont on a limé les numéros !) par la CIA pour commettre l’enlèvement du général partisan d’Allende. Elle ne se produira pas, et une autre tentative faite par le General Roberto Viaux sera effectuée toujours sans succès. Viaux avait reçu 50 000 dollars en espèces par la CIA pour sa tentative, les faits sont aujourd’hui prouvés. Le 22 octobre 1970, une troisième tentative d’enlèvement échoue, mais après un sévère échange de coups de feu, dans lequel Schneider est touché. Il meurt trois jours plus tard à l’hopital. La CIA vient de commencer à cibler les proches d’Allende, et ne s’arrêtera plus de le faire.

Allende écarté par le coup d’état de Pinochet et sa mort sous le bombardement de son palais présidentiel, le plan d’origine de la CIA fut en effet continué comme si de rien n’était : les attentats ciblés continuèrent. Le premier assassiné suivant sur la liste fut le général Allendiste Carlos Prats, le successeur de Schneider, tué le 30 septembre 1974 devant son garage de Buenos Aires avec sa femme grâce à une bombe télécommandée disposée dans sa voiture. L’enquête aboutira à la participation de Stefano Delle Chiaie, surnommé ALFA, un néo-fasciste italien associé à un membre de la DINA, membre de la fameuse loge P2, d’ Enrique Arancibia Clavel également, mais aussi de Mariana Callejas, la femme de l’agent américain Michael Townley et de Cristoph Willikie, un colonel en retraite de l’armée chilienne. Della Chiaie a plus qu’un palmarès en fait comme le précise le Wiki : « Il se réfugie ensuite au Chili, où, avec d’autres Italiens, y compris Vinciguerra, ils sont hébergés par Michael Townley dans une résidence de Lo Curro que leur a accordé la DINA. Utilisée par le chimiste de la DINA Eugenio Berrios pour fabriquer du gaz sarin (Operación Andrea), la résidence de Lo Curro héberge aussi les Cubains terroristes Orlando Bosch et Virgilio Paz, membres du Mouvement nationaliste cubain de Miami, ainsi que le français Albert Spaggiari, alias Daniel »…. En fait, c’est aussi proche de la mafia que de l’activité purement terroriste !

On ne découvrira tout ça que des années après, la CIA utilisant des prête-noms pour ses basses œuvres. La plupart du temps des gens recrutés à l’extrême-droite : la CIA a toujours puisé dans ses liens néo-nazis nés juste au sortir de la guerre. Pourquoi, c’est ce que nous allons découvrir dans les jours à venir si vous le voulez bien.

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De Victor Jara à Guantanamo : la même CIA (1)

pinochet_juntaL’actualité est comme ça : vous étiez en train de rédiger un sujet, et tout à coup tout s’interrompt par un mot magique. Celui du jour c’est Jara. Victor Jara. celui qui chantait« El Derecho de vivir en paz ». Oh, ce ne doit pas vous dire grand-chose aujourd’hui. Pour moi, si. Je n’ai jamais oublié cet homme, son visage sur ses photos en noir et blanc et ses chansons, comme je n’ai jamais oublié Salvador Allende, qui avait fait naître tant d’espoir dans le monde et qu’on a assassiné un 11 septembre 1973, voici donc 36 ans, comme on a assassiné Jara, qui a été fusillé au stade Chile (qui porte aujourd’hui son nom !), sans qu’on n’ait su jusqu’ici par qui exactement. Trente-six ans qu’on attendait de le découvrir. Or hier, 28 mai, un homme, José Paredes, âgé de 54 ans, qui n’était à l’époque qu’un tout jeune homme de 18 printemps, a soulagé sa conscience en avouant avoir fait partie du peloton d’exécution qui a fusillé le chanteur chilien. Oui, car à cette époque, on fusillait les chanteurs, et ce n’était pas pour rire ou une menace comme on peut l’entendre aujourd’hui à propos des sirènes actuelles, certains réclamant de faire passer Mylene Farmer devant un peloton d’exécution par respect pour la chanson à texte ou la chanson tout court. Non, à cette époque, on emprisonnait et on torturait celui qui avait eu le malheur de s’opposer par des textes seulement à une junte de militaires d’extrême-droite, dont Pinochet n’était qu’un des représentants, finalement. Tout le monde était alors suspect, avec eux. Précisons qu’auparavant les militaires chiliens avaient pris un malin plaisir à briser les doigts de Jara à coups de crosses, histoire de lui montrer le goût qu’ils avaient pour sa musique et sa façon de jouer de la guitare : chez les militaires, on aime les médailles et les symboles, il est vrai. En route donc pour une enquête fort longue qui nous occupera sur plusieurs semaines pour sûr, étant donné le sujet…

Paredes, pour la première fois révélait aussi le nom de celui qui a donné l’ordre de tirer les 44 coups de fusil ayant servi à achever Jara : Nelson Haase Mazzei, l’adjoint de Manuel Contreras, le chef de la célèbre Dina, la terrible police politique de Pinochet. Contreras, on le soupçonnait depuis toujours d’être celui qu’on surnommait « Le Prince » (« El Principe » ), à l’Estadio Chile, le sadique qui venait narguer une dernière fois ses prisonniers. Cela est aujourd’hui confirmé. En1993, Contreras avait été condamné à 12 années de prison pour le meurtre du militant Miguel Angel Rodriguez. Libéré depuis, il vivait la vie d’un chef d’entreprise discret… Le 15 mai 2005, amnistié par la justice Chilienne, il avait donné une liste macabre de 580 disparus, fusillés ou torturés ou jetés d’hélicoptère dans le Pacifique. Mais Contreras avait été plus loin encore, en accusant nommément Augusto Pinochet d’avoir fait tué à Buenos Aires Carlos Prats, en 1974 et Orlando Letelier en 1976, les deux assassinés… avec l’aide de la CIA. Les deux étaient des ministres de Salvador Allende, mort « suicidé » pendant l’attaque de son palais par l’aviation chilienne, dans des circonstances non encore véritablement établies.

Car, dans ces années là, la CIA assassinait allègrement dans le monde, il faudrait voir à ne pas l’oublier : une tentative ratée contre Jacobo Arbenz (surnommé « Red Jacobo« ) au Guatemala en 1954 avec l’opération PB Success, qui lui fera quand même quitter le pouvoir, ou Ngo Din Diem, « suicidé » de façon fort étrange (franchement exécuté dans une voiture avec son frère Ngo Dinh Nhu), ou encore le dictateur Raphael Trujillo, sans oublier Fidel Castro, échappant à plusieurs tentatives plus rocambolesques les unes que les autres. Ou encore « Amilcar Cabral, Eduardo Mondlane et Patrice Lumumba qui ont été tués car ils menaçaient le pouvoir colonial ou le contrôle des ressources économiques qu’entendaient exercer les anciens colons. Leur disparition brutale de la scène politique africaine a eu un impact bien plus important que le rayonnement, parfois modeste, de leur propre pays ». Ce à quoi on peut ajouter également le renversement de Mohammed Mossadegh en Iran dès 1953 pour y établir un régime pro-américain, qui deviendra celui du Shah d’Iran.

Sans oublier non plus l’incroyable histoire du général Vang Dao, au Laos, ressurgie telle quelle en 2007 ! Avec lui, c’était tout le spectre des coups tordus à la Nixon ou Reagan qui réapparaissaient tout à coup ! Il y a deux ans à peine, et personne n’en a fait l’écho ou presque ! Nous l’avions appris par une simple communiqué qui annonçait la nouvelle il y a un an et demi environ, celle de l’arrestation aux Etats-Unis d’un vieux et obscur général Laotien : « Vang Pao, 77 ans, leader laotien en exil et légendaire agent de la CIA pendant les guerres clandestines de la CIA en Indochine dans les années 60 et 70, fait partie des 10 hommes arrêtés aux USA le 4 juin 2007 sous l’accusation d’avoir préparé un coup militaire catastrophique contre le gouvernement laotien en utilisant des mercenaires. Selon le procureur US Bob Twiss, les dix individus sont les chefs du complot, mais des « milliers d’autres conspirateurs restent en liberté, dont beaucoup dans d’autres pays. »

Au Laos, aidé par la CIA, tout était à nouveau prêt, effectivement, comme au bon temps des années 60 et 70 et du Viet-Nam, des hommes et du matériel, et même des avions comme en 1972 avec un DHC-6 Twin Otter 300 façon Air America : « Tout un arsenal avait déjà été acheté, dont des missiles anti-aériens Stinger, des mitraillettes AK-47, de l’explosif C-4, des mines terrestres Claymore, des jumelles à vision nocturne et d’autres armes automatiques. Les armes, qui ont été saisies par les agents secrets de l’ATF, devaient être utilisées contre des cibles militaires et civiles au Laos, notamment par « une attaque contre la capitale (Vientiane), prévue pour réduire des cibles gouvernementales à des décombres et les faire ressembler aux ruines du World Trade Center à New York après le 11 septembre 2001 », ont déclaré les autorités fédérales. Le groupe avait des agents dans la capitale laotienne »… cela et le grand retour d’Air America, la fausse compagnie de transport si souvent utilisée ! Air America et… USAID : « Pendant plusieurs années, 700 membres de la mission ‘civile” de l’ USAID, travaillant à “l’annexe de développement rural” de la mission, furent des anciens membres des Forces spéciales et de l’US Army répondant de leurs actes au chef de station de la CIA et opérant au Nord-Laos avec la guérilla, soutenu parla CIA, du Général Vang Pao. L’Armée clandestine de Vang Pao, entièrement financée et soutenue par la CIA, ne répondait même pas de ses actes au gouvernement royal laotien. » Vang Pao, chef Hmong et donc baron de la drogue locale également, grâce à ses méthodes musclées, avait encore ses fervents admirateurs à la CIA, qui au même moment rencontraient les barons de la drogue Afghans qu’ils étaient censés combattre. Beaucoup d’agents opérationnels de la CIA admiraient son caractère « impitoyable ». « Lorsque l’agent Thomas Clines, commandant de la base secrète de la CIA de Long Tieng, demanda un interrogatoire immédiat de six prisonniers, Vang Pao ordonna leur exécution sur le champ. Clines fut impressionné. » [Clines était à la fois un agent opérationnel légendaire de la CIA et un ami de très longue date et un associé politique de la famille Bush.—LC]. Clines a effectivement un pédigree remarquable ! Clines ayant avant tout pour ami principal Ted Schackley… (*1) On y revient donc !

L’affaire Vang Pao, restée totalement ignorée par les médias, est pourtant très significative, car notre homme a un passé disons « remarquable » qui résume à lui seul pas mal de cas de la CIA depuis l’après guerre : « Né en 1932, Vang Pao a commencé sa carrière à 13 ans, comme interprète auprès des parachutistes français qui tentaient d’organiser la résistance antijaponaise dans la Plaine des Jarres en 1945. Devenu lieutenant dans l’armée royale laotienne, qui fournissait des supplétifs à l’armée coloniale française engagée dans la guerre au Vietnam, Vang Pao commande une unité envoyée en renfort aux troupes françaises assiégées dans la cuvette de Dien Bien Phu en 1954 À la fin de la première guerre d’Indochine, il a une double casquette : major dans l’armée royale et chef des milices d’autodéfense Méos dans la Plaine des Jarres. Il se mettra tout naturellement au service des nouveaux conquérants US dans une guerre de 15 ans qui se solda par la défaite des USA et de leurs alliés locaux en 1975. » Ancien envoyé à Dien Bien Phu ? Vang Pao, formé par les français ? Des français qui, comme la CIA avaient compris qu’on pouvait financer la colonisation avec de l’opium ? Exactement ce que fait la CIA en Afghanistan, où l’on ne touche pas à la production de pavot, bien au contraire ?

De mauvaises langues ajoutent à cette liste Saddam Hussein, un pendu expéditif, dont le procès n’a visiblement pas présenté les garanties d’équité dignes d’une réelle démocratie, sans oublier tous les cadavres qui jonchent la carrière de la famille Bush, depuis le grand-père Prescott et ses amitiés douteuses en passant par le père, dirigeant de la CIA, emberlificoté dans une présence troublante à Dallas le 22 novembre 1963. Un livre remarquable, « Les complots de la CIA » traduit par David Antonel, Alain Jaubert et Lucien Rovalson, sorti en 1976 chez Stock retrace toutes ses dérives : nous lui emprunterons une bonne partie des premiers exemples de notre enquête. Une braderie nordiste récente nous a permis de le retrouver de manière fort opportune. Chez nous, dans le Nord, la culture se véhicule aussi par des vide-greniers. Autant en profiter.

Car la terrible histoire de Victor Jara nous ramène à l’époque où un président américain, en l’occurrence Richard Nixon, assisté de son âme damnée de l’époque Henry Kissinger, le Dick Cheney de l’époque, n’hésitait pas à ordonner la mort d’un dirigeant étranger, s’il trouvait ce dirigeant contraire à l’intérêt des Etats-Unis. Ce qui fut le cas du président Chilien, sacrifié au nom d’intérêts industriels (les mines chiliennes de cuivre de l’Anaconda) et de celui de la théorie américaine d’empêcher coûte que coûte l’expansion des idées de gauche en Amérique du Sud. En fait, ce n’est pas Jean Ferrat mais un chanteur belge assez génial et assez fêlé, mais tellement attendrissant, Julos Beaucarne qui m’avait fait connaître le nom de Victor Jara. Dans une de ses chansons, le final « celui qui a pointé son arme s’appelait peut être Kissinger » résumait parfaitement la question et les enjeux de l’époque (« Lettre à Kissinger »). Une émission de la radio arrageoise PFM de juin 2007 résume parfaitement la situation, surtout le rappel par l’intervenant de la remise scandaleuse du prix Nobel de la Paix à ce même Kissinger (celui-là, et ce n’est pas le seul, me restera éternellement en travers de la gorge)… Beaucarne comme Ferrat avaient certes un peu enjolivé la mort de Jara, mais le récit qu’en donne aujourd’hui le repenti n’est guère plus soutenable. Jara avait été tué comme à la roulette russe, ou comme dans cette célèbre photo d’ Eddie Adams en 1968 du chef de la police vietnamienne exécutant un viet-cong en pleine rue de Saïgon. (*2) Jara avait été fusillé déjà quasi mort, ou tout comme, comme on avait fusillé sur un brancard des crosses en l’air de 1917 !

Mais Contreras n’avait pas pour autant encore tout dit, notamment ce qu’était l’opération Condor et comment il y avait participé. Cela, nous le verrons plus tard si vous le voulez bien.

(1) « Ted Shackley was placed in charge of CIA Laos. He appointedCarl Jenkins David Morales for this project. Clines left Laos in 1970 and spent a year at the Naval War College in Newport, Rhode Island. In 1972 Clines was put in charge of CIA operations in Chile Augusto Pinochet overthrow Salvador Allende. « 

(2) ) » On September 17th, after four days of imprisonment and multiple sessions of torture in a basement room in Estadio Chile, with a swollen face and fingers fractured by the butt of a rifle, Jara was shot by a low-ranking officer on a round of Russian roulette, with the barrel of the revolver resting against the temple. Jara’s body fell to the floor on its side, convulsing, said José Alfonso Paredes Márquez, an 18-year-old military conscript on guard duty who witnessed the above events and testified to Judge Juan Eduardo Fuentes recently. Jara’s body was then shot again 43 times by the conscripts there, including by the person who is making this testimony. There were 44 bullet wounds in his body, according to the autopsy. »

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Loués soient les chats!

Source: Cyberpresse

Source: Cyberpresse

Gaëtan Pelletier

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Tu éternueras dimanche.

(Bartholo parlant à un domestique qui éternuait sans cesse)

Beaumarchais Reverso, dictionnaire

Les Français prennent de l’avance sur leur retard

Il y a une chose intéressante dans la vie : c’est de voir jusqu’à quel point peut aller ce  néanderthalien à cravate qui s’odorise à l’eau de Cologne et qui fait sont frais chié en essayant de ramasser tout ce qu’il y a de richesse sur Terre.

La France vient de perdre son dimanche :

Jeudi dernier, le Sénat français a adopté de justesse un projet de loi qui permettra à un plus grand nombre d’établissements d’ouvrir leurs portes le dimanche. Mais les jeux ne sont pas faits; l’opposition socialiste a annoncé qu’elle contesterait le nouveau texte devant le Conseil constitutionnel, l’équivalent de notre Cour suprême. Pratte, La Presse

«Pourquoi continuer d’empêcher celui qui le veut de travailler le dimanche? a lancé le président l’an dernier. C’est un jour de croissance en plus, c’est du pouvoir d’achat en plus.» Et d’ajouter: «Est-il normal que le dimanche, quand Mme Obama veut avec ses filles visiter les magasins parisiens, je dois passer un coup de téléphone pour les faire ouvrir?»

Sieur de Sarko est en train de se faire massacrer par dans la presse française : on joue au pendu avec ce dernier,  mais à l’envers. On est dans la «détestation» de son président à lui arracher les membres un à un.

J’espère que quelqu’un en France fait la cueillette de ses propos. Il aura au moins contribué à l’épaisseur du sottisier mondial…

Si tu aimes le soleil, tape des mains ( air connu)

En effet, dans l’astrologie populaire romaine, chaque jour portait le nom d’une planète et comme il n’y en avait que sept (y compris le soleil, car on pensait à l’époque qu’il tournait autour de la terre), ce cycle coïncidait par un heureux hasard avec le rythme de la semaine juive de sept jours.

La querelle du dimanche est loin d’être nouvelle. On le sait, elle s’est faite au Québec dans les années 80 et 90. Ici, on a perçu la chose comme un combat entre la laïcité et la religion.

Le dimanche comme jour de repos dans la culture gréco-latine remonte à un décret de l’empereur Constantin Ier, le 7 mars 321: « Au jour vénérable du soleil, que les magistrats et les habitants se reposent et que tous les ateliers soient fermés ».

Il n’y avait pas en ce temps-là de chaînes de supermarchés qui voulaient «ouvrir la grille horaire» pour concurrencer. On peut maintenant aller se chercher un litre de lait à 4 heures du matin, mais pas de bière. La bière, c’est sacré au Québec…

Ce qui fit que certains dépanneurs durent fermer et d’autres se tourner vers des produits différents : les pétards à mèche, les films 3 X, et le pain blanc-long.

Les propos de Sarkozi et les avantages du PIB sont-ils si sensés ? … Si on étend un carré de beurre sur trois tranches de pain, ça ne fait pas plus de beurre. À moins qu’on veuille l’argent du pain et du beurre…

Bouffer du dimanche

Il est un phénomène étrange qui se produit le jour où l’on commence à penser que l’on se croit vieux : on visite les rubriques nécrologiques… Un peu comme pour se trouver une moyenne de longueur de vie après la visite…

C’est ce qui m’arriva un jour. Je  notai, éberlué, que les religieuses avaient une espérance de vie hors de l’ordinaire. Raison ? Je pense qu’elles bouffent du dimanche plus que tous les autres jours de la semaine. Et ce n’est pas niais. Elles passent leur temps à égrener des chapelets. Des études ont démontré que la prière a les mêmes effets sur le cerveau que la méditation transcendantale : elle abaisse les ondes alpha, ralentit le rythme cardiaque et stabilise la pression artérielle.

Je sais bien que personne ici n’ira se cloîtrer pour vivre plus longtemps… Dans nos vies affolées – dérobés des dimanches – on essaie de trouver une solution rapide à nos maux : pas de temps à perdre.

On peut se précipiter chez son médecin qui a une panoplie de couleur de ces rafistoleurs (sic) d’âmes en peine, épuisées, la langue pendue sur celles de leurs espadrilles…

Le bon Dieu est dans le détail. ( Gustave Flaubert)..

Le commerce de détail, on dirait… D’après une étude, 50% des gens veulent que les commerces ouvrent le dimanche, et 50% non. Ça varie de quelques points…

Maintenant qu’on s’est converti au thé vert pour sauver son corps, il reste au moins d’autres solutions vertes pour ravoir nos dimanches : louer des chats.

De plus en plus de Japonais stressés par la crise ont trouvé un remède pour se détendre. Ils vont passer une heure ou deux dans des «cafés à chats»! Les félins sont disponibles pour se faire caresser ou même pour jouer avec les clients.

7 euros, consommation non comprise… ( La Presse)

La folie des animaux de compagnie bat toujours son plein au Japon. Il y aurait plus de 20 millions d’animaux domestiques dans l’archipel nippon. Mais, les conditions de vie des Japonais ne leur permettent pas toujours d’avoir un animal chez eux. Qu’importe, ils peuvent désormais prendre un verre avec des chats où louer un chien. Aujourd’hui le japon

Ça ne nous ramène pas nos dimanches d’antan, sauf que c’est devenu un investissement : pas besoin de prendre le chapelet, suffit d’éviter  Lacroix .

Tant qu’à y être…  Aussi bien essayer de grossir ses revenus par une autre avenue…On peut toujours chercher à gagner sa vie avec tous les éclopés de la société de consommation en inventant des jeux qui rapportent de l’argent, mais qui dénaturent l’homo érectus ( homme dressé droit), devenu d’un aplatventrisme qui le ramène sur ses quatre pattes.

C’est en passant devant la photo de nos enfants, un peu vieux déjà, que j’y ai pensé…

On dit qu’il en coûte pas loin de $200,000 pour mener un enfant à «terme»….

Gageons que dans peu de temps, il y aura un de ces crétins qui trouvera le moyen de louer des enfants à des «endommagés affectifs» , ou parents qui veulent se pratiquer avant d’en avoir :

–          Bon ! On vous les loue pour Noël, ramenez-les-nous au jour de l’an.

C’est peut-être un peu fort… Revenons à nos chats.

Quand ma femme est revenue à la maison – j’avais regardé nos deux chats pendant des heures, en me disant que  – peut-être que… J’ai tout simplement imaginé le scénario :

–          Et si on louait les chats ?

Je ne la vois pas tout de suite  emballée, sauf que au prix qu’ils nous coûtent et au prix qu’ils pourraient nous  rapporter…

–          Tu… Tu pourrais aller magasiner…

–          LOUÉS SOIENT LES CHATS !

Sapré Sarko ! Moche en politique , mais pour les femmes, il est doué.

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Classé dans économie, Gaëtan Pelletier

Plaidoyer pour l’art contemporain

Mon confrère Yan Barcelo a, six fois plutôt qu’une, exposé sur Les 7 du Québec tout le mal qu’il pensait, et de l’art contemporain, et des institutions qui le supportent ( SIDA de civilisation – Les arts : Partie 123456). Et l’idéateur de ce blogue, Pierre JC Allard, a résumé sa pensée par ce qui va suivre :

la musique concrète est une forme de bruit particulièrement désagréable, et une bonne part de ce qui est accroché aux murs du Musée d’Art Contemporain est du niveau de la Période Jaune de mes enfants, c’est à dire celle où ils mouillaient encore occasionnellement leurs couches

Je ne peux pas faire autrement que de leur répondre, au moins minimalement, puisque je suis de l’autre côté de la clôture : étant Bachelier ès Art Plastique, ayant autrefois parfait une démarche singulière que l’on pouvait imbriquer dans la catégorie « art contemporain », et étant bien sûr un amateur dudit art, encore aujourd’hui.

À la base, je vois l’art dans une perspective historique, donc il me semble normal que les démarches des artistes tendent à se répondre, ce qui donne comme résultat que le public se retrouve souvent à la remorque, j’en conviens. Mais la question principale est : est-ce qu’il serait souhaitable de freiner la créativité des artistes parce que la majorité du public ne comprend pas (ou plutôt, ne veut pas comprendre) leurs oeuvres?

L’argument principal de Yan Barcelo tient dans le fait que l’art contemporain est beaucoup subventionné, donc qu’il devrait être redevable du public qui contribue par ses deniers. Comme réponse, j’ai le goût de faire un parallèle avec la recherche scientifique via les deux premiers paragraphes de la fiche « Financement de la recherche » sur Wikipédia :

Les activités de recherche scientifique, et particulièrement de recherche fondamentale, ne peuvent pas garantir une rentabilité commerciale à court ou moyen terme. Elle ne peut donc que marginalement être financée dans la cadre de la loi du marché en attirant des investisseurs au sens classique du terme.

Les États ont donc développé des systèmes spécifiques de financement pour ces activités, qui peuvent faire intervenir aussi bien des fonds publics que privés. Ces modes de financement doivent être adaptés à l’exigence d’autonomie de la science, et soulèvent le problème de l’évaluation de la pertinence des travaux effectués.

C’est tout à fait comme ça que je vois le financement étatique de l’art contemporain (cela, sans faire entrer là-dedans le débat de société concernant la place de l’État dans nos vies…). Pourquoi les résultats des recherches des artistes seraient-ils moins importants que celui des scientifiques? Parce qu’ils ne sont pas du domaine de l’utilitaire? Je suis bien d’accord que l’apport des artistes à la société est beaucoup moins palpable, surtout quantifiable, mais qui ira jusqu’à dire sérieusement qu’il est complètement nul?

Parfois, je me dis que j’aurais dû noter le nombre de fois où j’ai vu des influences de l’art contemporain dans des domaines comme le graphisme, la déco, la mode, même le style de vie, le web, et j’en passe. Et j’espère ne pas être le seul à le remarquer. En fait, je pense que je ne le note pas parce que je suis bien, contrairement aux détracteurs, avec le fait que l’art contemporain fait partie de la vie, conjoncturellement, qu’il n’est qu’une dénomination permettant de pointer l’art vivant aujourd’hui, et non pas un complot pour empêcher les vrais artistes de s’exprimer!

Pour terminer avec le problème de l’inaccessibilité des oeuvres, il n’y a que l’éducation pour le régler. Quand on pense qu’à l’époque où les impressionnistes commençaient à déconstruire la représentation, la majorité n’y voyait que des gribouillages, et aujourd’hui, c’est ce que les gens aiment, même que les peintres « populaires » répètent inlassablement la même formule. Est-ce que l’art contemporain serait alors un art pour le futur? Si la réponse est oui, moi je pense que le futur, c’est maintenant!

(Photo : oeuvre de Sam Jinks, trouvée sur Mange mon blog.)

Ajout :

Si le sujet vous intéresse plus amplement, Simon Dor a publié un billet où il réfute les arguments de Yan Barcelo : http://www.simondor.com/blog/2009/07/lart-contemporain-nest-pas-un-sida-de-civilisation.html

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Classé dans Actualité, Renart L'Eveillé

C’est la fin de la récession (!?!) ;-)

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Ceux qui ont dénié jusqu’en septembre 2008 que nous étions en récession et qui disaient ne pas l’avoir vu venir, nous assurent maintenant que la récession touche à sa fin. Alors ne paniquez pas, vous pouvez maintenant respirer, recommencer à aller magasiner et dépenser de l’argent que vous n’avez pas. Endettez-vous, nom de Dieu. Soyez patriotes. Dans un système de Ponzi basé sur la création de l’argent en tant que dette, nous avons toujours besoin de plus de dettes pour que ce système puisse continuer de fonctionner. Comme toute bonne arnaque financière pyramidale. Mais cette fois, nous en avons fait notre nouveau Dieu. L’argent. Celui qui ne vaut plus rien et qui est basé sur rien de valeur ou de tangible, qui plus est. On y reviendra plus loin.

Ainsi donc, au Canada, les canaris de la Banque du Canada se sont mis à chanter à qui veut l’entendre que l’économie canadienne est voie de sortir de la récession dès cet automne. J’aimerais bien y croire. Mais le problème est qu’une économie ne se relève pas tant qu’il n’y a pas création d’emplois, donc plus de travailleurs qui gagnent de l’argent qu’ils peuvent ensuite dépenser, payer des impôts et faire rouler l’économie réelle locale. Nous vivons la pire récession depuis la Deuxième guerre mondiale, coutant aux Canadiens plus de 369 000 emplois et anéantissant presque $40 milliards en valeur immobilière et boursières (1.3 trillion pour les Américains), sans compter le profond déficit budgétaire de $172 milliards sur les 5 prochaines années que le gouvernement Harper vient de nous creuser pour «sauver» l’économie en transférant notre argent à des banques privées (pour qu’elles puissent aller acheter d’autres banques en difficultés aux États-Unis et vous prêter votre argent avec intérêts!) et des compagnies sur l’assistance sociale comme General Motors. Il s’agit de la plus sérieuse crise de la dette publique dans l’histoire du Canada. Dire qu’on se permet quand même des investissements de cinq milliards de dollars dans le secteur de la défense, tel que dévoilé par le ministre Peter Mackay le 8 juillet dernier, comme si c’était une priorité financière pour le peuple canadien.

Aux États-Unis, Ben Bernanke, le patron de la banque centrale privée nommée la Federal Reserve, parle de «pousses vertes» et de possiblement de chants de sirènes. Des pousses vertes, c’est joli, mais encore là, il faudrait bien s’assurer que vue de proche, elles ne soient pas d’une autre couleur. En juin, 465 000 emplois furent perdus et le nombre d’heures travaillées chute pareillement à la période de chute libre de l’économie d’octobre à avril dernier. Les taux de chômage dépassent les 10% en moyenne à l’échelle du pays et jusqu’à 15% dans certains états comme celui du Michigan. Les magasins ferment partout, faute de consommateurs. Des plans pour bulldozer des villes ou des parties d’elles sont élaborés dans le but d’arrêter la perte de valeur des hypothèques des autres maisons, protégeant ainsi encore une fois les institutions financières qui sont prises avec ces centaines de milliers de reprises de finance.

La grande contraction du crédit va commencer et le système ne va pas s’effondrer, il va s’évaporer. Le prospect de voir toutes les banques fermer pour une certaine période de temps se pointe à l’horizon, possiblement à l’automne, évoquant la mesure prise par Franklin Roosevelt qui déclara un «bank holiday» durant la Grande dépression de 1929, un jour férié pour les banques pour éviter l’effondrement du système financier tout entier. L’accès au crédit s’évapore. Les emplois et les revenus s’évaporent, qui en retour causent la perte de valeur des propriétés. Ensuite, la valeur réelle s’évapore au moment même où les plans de sauvetage pour les larges corporations ou individus lancent de l’argent dans un trou noir et l’allume en feu. Ceci résulte en l’évaporation des revenus du gouvernement en parallèle avec l’augmentation de ses dépenses, qui mène à une explosion exponentielle des déficits budgétaires. Cela fait paraitre les poussent vertes pour des racines rouges.

Ce serait une bien terrible erreur que de confondre la solvabilité temporaire du secteur financier – achevée à grands coups d’assouplissement quantitatif et par l’appropriation massive d’argent public –  et la santé à long terme de nos économies. La seule chose qui s’est réellement passée est un massif transfert des obligations des banques privées vers le public avec des dettes montantes pour les générations futures. Un baume temporaire qui ne fait que repousser l’inévitable écroulement du système financier et du système fractionnaire bancaire basé sur la dette. Un tiers des emplois du secteur manufacturier ont disparus en une décennie et cela ne manquera pas d’alimenter ces pousses vertes qui se nourrissent d’encre rouge. Même les gros joueurs tels que Warren Buffett ne voit pas de nouvelles pousses à l’horizon, que des herbes jaunes. C’est que dans le désert, n’importe quoi a l’air de pousses vertes, nous disent ces économistes et experts; et le prix du baril de pétrole qui tend à la hausse risque de les anéantir. Est-ce pour cela que les géants de la finance tels que JP Morgan Chase ont commencé à emmagasiner des réserves de pétrole? Et avec l’argent de qui?

La Californie qui a un plus gros PIB à elle seule que la Russie, le Brésil, le Canada ou l’Inde, est en train de faire banqueroute et de s’effondrer. Si cet effondrement ne peut être évité en Californie, avec sa plus grande population et base manufacturière des États-Unis, le reste du pays va inéluctablement suivre. L’activité économique dans le secteur manufacturier est en déclin depuis 16 mois consécutif.

Serait-ce qu’on manipule les marchés boursiers pour faire croire aux petits investisseurs que l’économie va mieux dans le but de les faire réinvestir leurs dernières billes dans le système avant que le tout ne s’écroule de nouveau, pour ainsi minimiser leurs pertes encourus depuis le début de la crise en revendant rapidement leurs titres momentanément artificiellement surévalués? C’est qu’il ne faut pas oublier que la plus grande des bulles financières de l’histoire n’a pas encore véritablement éclatée, celle du marché des produits dérivés qui totalise environ 700 000 milliards de dollars selon la Banque des règlements internationaux (BRI), de quoi faire réfléchir quand on sait que la valeur totale de tous les marchés boursiers du monde ne dépassent pas les 50 000$ milliards, selon la World Federation of Exchanges.

Le rapport du LEAP/E20202 prévoit que l’Angleterre et les États-Unis pourrait faire défaut de paiement sur leurs dettes publiques dès la fin de l’été. Le groupe anticipe une massive vague de chômage qui va continuer de frapper l’Amérique, l’Europe, l’Asie, le Moyen-Orient et l’Afrique; une série de banqueroutes de compagnies, banques, provinces et états, municipalités et dans le secteur immobilier, et une vague terminale de la crise du dollar US, des US Treasury Bonds et le retour de l’inflation. Même les normalement très polis et respectueux Chinois ont rit en plein visage du secrétaire au Trésor américain, Timothy Geithner, alors qu’il essayait de les rassurer à propos de la sécurité de leurs investissements et financement de la dette des États-Unis. Plusieurs pays commencent à songer à diversifier leur investissement loin de l’économie et du dollar américain, comme le Brésil, la Chine, la Russie, le Japon, quitte à créer une nouvelle monnaie internationale comme celle annoncée et présentée par le président russe Dmitry Medvedev lors du dernier sommet du G8.

Comment les blâmer? La Fed s’est enfoncée dans un trou financier gigantesque d’environ 13.9 trillions de dollars sur le dos des payeurs de taxes américains pour financer ses plans de sauvetage de l’économie en moins d’un an (Rapport financier de la FDIC en PDF). Cela a eu pour effet de doubler la dette extérieure des États-Unis en moins d’un an! Sous l’administration Obama, cette dette nationale risque fortement de doubler encore, selon leurs propres projections.

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Imaginez maintenant que les taux d’intérêts doublent eux aussi – pas difficile puisqu’ils sont si bas – et voyez ce qu’il adviendra de la capacité de rembourser des États-Unis et de leur conséquente solvabilité. Ce n’est que la pointe de l’iceberg, puisque le montant total des dettes américaines, incluant celles des entreprises, des particuliers, des états et municipalités, des cartes de crédit et hypothèques et autres, pourrait se chiffrer dans les centaines de trillions de dollars.

Le dernier facteur à prendre en compte est l’érosion phénoménale du pourvoir d’achat du dollar américain. À force de créer de l’argent en terme de crédit, on fini par doubler plusieurs fois la masse monétaire et conséquemment nait l’inflation qui est due à la dépréciation équivalente de chaque dollar de plus en circulation. Ainsi, cette charte ci-bas vous montre ce qu’on voudrait que vous ne voyiez pas: le pouvoir d’achat du dollar sur les 76 dernières années a décliné de 94%. Situation identique pour le dollar canadien. Et au rythme avec lequel nos gouvernements dépensent, en combinaison avec nos politiques financières et monétaires actuelles, nous risquons de perdre un autre 94%, mais en 76 mois cette fois-ci. (Source)

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Alors, la prochaine fois que vous entendrez que l’économie est en train de sortir de la récession, vous pourrez peut-être vous permettre de vous esclaffer et demander l’économie de quelle minorité s’améliore; parce que pour la grande majorité de la population, si on se sort de la récession, c’est surement parce que nous sommes en train d’entrer en dépression!

😉

François Marginean

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La fin des PPP ? Ô Felix Culpa… !

« O felix culpa quae talem et tantum meruit habere redemptorem »…

Beaucoup de théologiens on brodé sur le thème de l’ »Heureuse Faute » d’Adam et Eve, le péché originel, source de tous nos déboires, étant récupéré pour sauver la face de la divine providence et présenté comme une bonne affaire pour l’humanité qui y aurait trouvé l’occasion d’un sublime dépassement….

C’est le genre de raisonnement qui me donne le gout de frapper violemment des têtes de théologiens sur des murs de briques, mais ce n’est pas mon propos d’aujourd’hui. Je veux plutot parler ici de l’ »heureuse crise » actuelle, qui semble être arrivée à point pour éviter à la société québécoise une extraordinaire bêtise qui, à terme, nous aurait sans doute fait plus de mal que les virevoltes en Montagnes Russes des Bourses de Toronto ou de New York.

Heureuse crise, car la ministre des Transports, Julie Boulet, vient de confirmer que, la conjoncture n’y étant pas favorable, on annule le processus qui devait conduire au choix d’un consortium privé pour la rénovation/construction en PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ. (PPP) de l’échangeur Turcot. Il semble bien qu’il en ira de même pour les autres projets du même genre dont nous étions menacés.

Pour comprendre que c’est une bonne nouvelle, il faut voir que, dans le contexte québécois, des PPP sont, disons… un peu incongrus

Il y a divers types de PPP, mais le plus connu est un projet mixte où l’État s’associe à des intérets privés, en apportant le contrat, la crédibilité, la clientele et une part non négligeable de l’expertise… tandis que la firme privée y ajoute aussi une expertise, mais surtout son nom et son désir sincère de faire du fric et de le distribuer avec générosité.

C’est dans le tiers-monde que ces associations ont permis les plus spectaculaires opérations. La variante la plus juteuse est celle ou une compagnie française, américaine, canadienne, etc. s’associe au gouvernement d’un pays-hôte étranger pour construire un port, un métro, un service public quelconque, en acceptant en paiement les revenus d’exploitation du dit service durant une période a négocier: 20 ans, 30 ans, 50 ans…

Bonne opération pour la compagnie, qui va faire pas mal de profits. Bonne affaire, aussi, pour le gouvernement du pays-hôte, lequel peut réaliser un projet qu’autrement il n’aurait pas eu les moyens d’entreprendre, parce que son partenaire privé – la firme étrangère- va lui apporter les fonds. Fonds qui, bien souvent, seront prêtés ou donnés par le gouvernement du pays d’origine de la firme étrangère.

Dans ce scénario, la population du pays-hôte va jouir d’un service qu’elle payera cher pendant longtemps, mais qu’autrement elle n’aurait simplement pas eu, tandis que son gouvernement se fera du capital politique et que ses politiciens et fonctionnaires toucheront souvent de généreux pots de vin. On pourrait dire que le dindon de la farce est le contribuable du pays donateur, mais il a généralement été informé de la politique d’aide au développement de son propre gouvernement; voyons-le donc plutôt comme un mécène.

Pourquoi ce scenario n’est il pas aussi intéressant si on pense à un PPP pour contruire une autoroute au Québec, par exemple ? Parce que ce n’est pas la compagnie, ici, qui dispose d’un source de financement dont son partenaire gouvernemental ne dispose pas. Au contraire, elle va chercher ses capitaux à la même source que ce dernier… et en les payant plus cher, car elle ne peut pas avoir une cote de crédit comparable à celle de l’Etat.

Pire, si on pense à aller chercher un revenu d’exploitation de la population locale cliente, car le but de l’État québécois ne devrait pas être de faire un profit sur la population québécoise. Alors pourquoi un PPP ? Un bénéfice politique pour le gouvernement ? Doit-on penser que notre gouvernement serait motivé par des considérations aussi mesquines ? Éliminons d’emblée cette hypothèse, comme celle de pots de vins et autres indélicatesses au profit de nos gouvernants et fonctionnaires.

Il semble bien qu’il n’y ait pas d’avantages à des PPP au Québec. Nous sommes donc ramenés à la seule solution possible: cette façon de procéder avait été choisie par inadvertance, dans un moment d’aberration. Felix culpa, donc, si la dégradation des marchés financiers a fait disparaître même l’illusion d’une possible économie à utiliser ce procédé. Veinards que vous sommes…

Pierre JC Allard

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