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SIDA de civilisation – l’économie 1 / 5

Yan Barcelo, 1er août 2009

L’exemplaire entrepreneur nippon Konosuke Matsushita disait qu’il est immoral pour une entreprise de ne pas faire de profits. Très juste. Générer un profit est absolument requis pour continuer à payer les employés, les matières premières et l’appareil de production et, surtout, pour réinvestir. C’est le cas même en régime communiste. On pourrait dire que le corps humain lui-même fonctionne sur la logique du profit : à peine 10% de l’énergie qu’il produit contribue à ses activités « supérieures » comme le travail, la lecture, l’audition de musique. Le premier 90% sert uniquement à soutenir l’organisme dans ses opérations de base : digestion, circulation, respiration, etc.

Toutefois, Matsushita n’est pas allé assez loin dans sa proposition. Un complément essentiel eût été de dire : viser à ne faire que des profits est aussi immoral que de ne pas en faire, peut-être même plus immoral encore.

C’est une aberration intellectuelle de notre époque que d’en être venue à croire que le but d’une entreprise « est de faire des profits ». C’est mettre la charrue devant les bœufs. Le premier but de l’entreprise est de contribuer à sa communauté immédiate et à la société en général en lui fournissant un produit ou un service de valeur. Le deuxième but est de permettre à ceux qui oeuvrent dans l’entreprise d’en réaliser le programme en gagnant dignement et honnêtement leur vie. Le profit est le résultat final – et nécessaire – de ces deux objectifs, mais seulement un résultat final.

En réalité, on pourrait renverser complètement la formule et dire que le profit est au service de l’entreprise, et non l’inverse. Les profits n’ont d’autre propos que de perpétuer la prospérité de l’entreprise, tout en assurant, bien sûr, une rémunération nécessaire – mais raisonnable – du capital.

Pourtant, l’idée aberrante que l’entreprise est dépourvue de toute dimension sociale et communautaire et ne vise que les profits, est une idée qui s’est incrustée avec une force irrésistible. Demandez au premier quidam quel est le but de l’entreprise et il vous répondra automatiquement selon le sillon du disque qu’on lui a implanté dans le cervelet : « faire des profits ».

Dans les écoles d’administration où on lave le cerveau de milliers de futurs MBA avec cette sornette, celle-ci a atteint le statut d’un mantra, livré dans une formule plus sophistiquée : le shareholder value. Même dans les écoles francophones au Québec et en France la formule anglophone prévaut.

Un petit article paru dans la revue BusinessWeek il y a quelques années (How an MBA can bend your mind, 1er avril 2002) rendait compte du massacre intellectuel auquel on a procédé. Le Aspen Institute a interrogé 1 978 candidats au MBA dans 13 écoles d’administration de premier plan aux États-Unis. Au début de leurs études, 68% disaient que la priorité de l’entreprise était de créer de la « valeur pour les actionnaires », 75% qu’elle devait viser à satisfaire les besoins des clients, et 43% qu’elle devait produire des biens et des produits de qualité. À la fin des études, les pourcentages se présentaient comme suit : 75% disaient que l’entreprise devait maximiser le shareholder value, 71%, satisfaire les besoins des clients, 33% livrer des produits et services de qualité. Seulement 25% disaient qu’elle devait créer de la valeur pour sa communauté.

La grande tristesse d’un tel sondage est triple. D’abord, dès leur entrée à l’école, 68% des étudiants croyaient déjà que le shareholder value devait primer tout. Ensuite, la proportion de ceux qui croyaient que l’entreprise doit d’abord et avant tout fournir des produits et services de qualité était passée, après deux années, de 43% à 33%. Enfin, on n’a questionné les étudiants sur les valeurs de communauté de l’entreprise qu’au début de leur cours, seulement 25% jugeant qu’elles étaient prioritaires. On peut se demander la cote qu’aurait remporté au terme du cursus MBA une idéal aussi « naïf ».

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De Victor Jara à Guantanamo : la même CIA (6)

Image_55Après les hommes de main, le matériel. Il va sans dire que la prestation de Colin Powell à l’ONU restera comme exemple d’école de la manipulation d’opinion. Or des éléments retrouvés par hasard nous permettent de dire que ce qu’avait décrit comme matériel bactériologique le responsable des armées US comme étant un matériel irakien ne l’était aucunement. C’était point par point la description d’un matériel utilisé en plein désert de l’Utah par les américains eux-mêmes, qui ont testé pendant des années un nombre invraisemblable de virus ou de bactéries dangereuses, à l’air libre et sans même en avertir les populations locales. Parfois dans des endroits assez inattendus, mais toujours sous le regard de la CIA…

La CIA n’a donc visiblement pas changé de méthodes depuis 1975, et en a même donné l’idée à la concurrence : on songe à David Kelly en en Angleterre, lui aussi « suicidé » dans les mêmes conditions. Kelly (*1) avait décelé et conclu qu’il n’y avait aucune arme de destruction massive ni biologique en Irak… mais savait pertinemment qu’à Bâton Rouge, aux USA, l’armée américaine, comme par hasard, avait fabriqué un camion soi-disant similaire à celui de Saddam Hussein et capable de fabriquer des bombes bactériologiques. Le camion à plateau avait été abondamment décrit par Colin Powell lors de sa déposition Powerpoint à l’ONU. Les descriptions étaient toutes des vues 3D d’ordinateur, des reconstructions informatiques de ce qu’était susceptible de posséder Saddam Hussein. Les américains, ce jour-là, venaient de nous décrire leur propre arsenal en fait, celui où avait travaillé Atfill (*2) . Une « réplique » qui n’avait qu’un défaut : elle ne possédait pas d’original ! Les seuls camions comparables retrouvés en Irak étant des camions météo !

Ou plutôt si : il existait bien ce camion, mais il n’avait rien d’Irakien. Un très étonnant rapport signé Charles A.Primermann, du Lincoln Laboratory, en date du 1 er novembre 2000, visible ici, le décrivait en effet avec dans le détail le matériel nécessaire pour disséminer des bactéries … (*3) On y distinguait dans ce rapport alarmiste un superbe « bacteria disssemination truck », un superbe camion… Ford de 1992, qui n’avait donc rien d’Irakien. Les tests avaient été menés dès 1997 à Dugway Proving Grounds, dans l’Utah près de Salt Lake City. L’endroit de tous les tests bichimiques US depuis fort longtemps :1941, date de la création en urgence de la base.

Il aurait pu aussi quand même être irakien, remarquez ce camion après tout : un document effarant sorti en janvier 2003 annonçait que de 1957 à 1967, 19 officiers irakiens avaient été entraînés à la guerre bactériologique sur le territoire même des Etats-Unis ! (*4). L’Irak à l’époque s’entendait parfaitement avec les USA, qui ont donc clamé au début de l’invasion que Saddam Hussein devait avoir des armes chimiques car c’étaient…. les leurs ! (*5) Saddam Hussein avait donc bien détruit son stock ! A noter que l’entraînement US ne semblait pas très efficace : dans la terrible guerre contre l’Iran, les irakiens avaient réussi à asphyxier leurs propres troupes ! (*6) « 

Revenons à Dugway Proving Grounds. En 1968, un incident célèbre avait fait remarquer cet endroit perdu au milieu du désert de l’Utah : 6249 moutons y étaient morts, empoisonnés par un agent « organo-phospaté ». En fait c’était la résultante d’un test a grande échelle raté de l’agent VX, un redoutable gaz innervant qui sera utilisé au Viet-Nam contre les Viet-Congs. Et que Blackwater, en Irak, n’aurait pas hésité à ressortir en les balançant de ses hélicoptères, et même sur les troupes américaines. Comment les mercenaires étaient-ils entrés en possession de ce matériau interdit d’usage et de négoce, mystère.

Le 28 septembre 1999 un rapport terrible constatait que depuis des années, dans l’Utah, ou avaient aussi eu lieu les expérimentations à l’air libre de bombes atomiques surpuissantes, les populations autochtones en avaient pris plein la figure question gaz relâchés dans l’atmosphère (*7).Effectivement : des photos de chevaux au dos rongé par ce qui semble un acide ou équivalent ou une hécatombe de moutons attestent bien d’expériences ratées dans la région. C’est indéniable.

Ces tests bactériologiques ont eut lieu dans un endroit très surprenant  : les vestiges d’une fausse ville allemande, bâtie par les américains en plein désert pour y tester les effets des bombes au phosphore telles que celles qui incendieraient Dresde, en causant davantage de victimes qu’à Hiroshima ou Nagasaki (*8). Des villages factices très rapidement construits (en 40 jours !), et reconstruits, après bombardement, grâce aux prisonniers des environs (*9). . En fait, les premiers bombardements sur Berlin avaient démontré que les maisons allemandes résistaient davantage que d’autres, (comparées aux américaines en bois c’était l’évidence) d’où l’idée d’utiliser contre elle le napalm ou le phosphore blanc, aujourd’hui interdits d’usage par les conventions de Genève (sauf par certains semble-t-il) (*10) « Les fausses maisons construites à la hâte avaient été conçues sur les plans d’un architecte émigré allemand, Eric Mendelsohn, qui avait fui son pays dès 1933 (vers l’Angleterre au départ) car il était tout simplement juif. Un homme extrêmement talentueux, ami de Ludwig Mies van der Rohe et de Walter Gropius.

Pour y tester une attaque bactériologique…mais pas seulement en fait, on y a testé de tout à cet endroit (*11). Des vestiges ayant resservi en 1997… pour une bien étrange expérimentation (*12). En 2000, on avait étrangement réactivé le site lors d »un énorme exercice conjoint entre différents corps d’armée (*13). Une attaque au gaz bactériologique, déjà en répétition, exactement comme celle que ne cesse de nous prédire Dick Cheney.

Les compte-rendus des expériences de 1953 sur les retombées nucléaires dans la région sont absolument terrifiants… certains soldats étaient dans des tranchées situées à 1830 m du point de détonation ! Nous l’avions déjà évoqué à cette adresse. Mais d’autres expériences étranges ont eu lieu à cet endroit, dont beaucoup directement sur des volontaires recrutés dans les prisons.. ou bien dans les églises du coin (*14).. On y revient donc !

Pendant la guerre et bien après encore, l’Utah a servi de région test à des expériences plus ou moins infâmes ou infamantes pour les cobayes testés ou les populations locales, qui n’ont jamais été prévenues des expérimentations. A cette époque, le public ou les populations sont le cadet du souci de la CIA, qui vise davantage à contrôler les individus qu’à les prévenir des dangers à venir. Nous verrons à quel point est arrivé cette démarche dans les épisodes suivants, si vous le voulez bien.

(1) un ouvrage sort cet été que Kelly préparait : il y révèle que le problème de l’anthrax est beaucoup plus grave qu’annoncé. Les expériences sur ces possibles attaques bactériennes ont été menées en premier en Afrique du Sud, où Kelly avait travaillé.


(2) « Atfill later went to work at Pennington Biomedical Research Center in Baton Rouge, LA. In September 2001 SAIC was commissioned by the Pentagon to create a replica of a mobile WMD « laboratory », alleged to have been used by Saddam. The Pentagon claimed the trailer was to be used as a training aide for teams seeking weapons of mass destruction in Iraq. »


(3) « the fall of 1999 Dr. Primmerman took a leave of absence from Lincoln Laboratory to take a temporary position in Washington with the Advanced Systems Con- cepts Office of the Defense Threat Reduction Agency. In his position as Special Assistant to the Director, Dr. Primmerman helps both to analyze emerging weapons-of- mass-destruction (WMD) threats and to developcounters to them ».


(4) « While the training was described as mostly defensive, it also included offensive instruction in such subjects as principles of using chemical, biological and radiological weapons, and calculating chemical munitions requirements, according to a Dec. 12, 1969, letter from then-Army Chief of Legislative Liaison Col. Raymond Reid to then-U.S. Representative Robert Kastenmeier, D-W ».


(5) « Iraqi and other foreign officers received the free instruction through the Pentagon’s Military Assistance Program, according to the letter, at a time when the United States was seeking to counter Soviet power and influence around the world. Iran, then a close U.S. ally, and up to three dozen other countries, mostly Western countries, also received such instruction from the early 1950s through 1969, the letter said »… « A small percentage of the training provided Iraq was devoted to offensive instruction, according to Reid’s letter. »


(6) They used some on their troops by mistake. It doesn’t appear that they learned very much from the training they’d received »


(7) Dugway Proving Ground is a military testing facility located approximately 80 miles from Salt Lake City. « For several decades, Dugway has been the site of testing for various chemical and biological agents. From 1951 through 1969, hundreds, perhaps thousands of open-air tests using bacteria and viruses that cause disease in human, animals, and plants were conducted at Dugway… It is unknown how many people in the surrounding vicinity were also exposed to potentially harmful agents used in open-air tests at Dugway ».


(8) « A German village at Dugway was used to determine how best to use incendiary bombs to fire bomb Dresden and other German cities. Japan Village was used to perfect flame throwers to combat Japanese soldiers hunkered in Pacific caves ».


(9) « To speed village construction, Standard Oil and the military even « conscripted » inmates from the Utah State Prison in Sugar House to round out a labor force whose members were proving none too eager to work far out in the desert »


(10) News reports of the period showed Berlin’s substantial structures were more difficult to incinerate than those in other cities in the Reich. Carpet bombing, much of it in our « Operation Thunderclap, » using 50- and 100-pound napalm incindiaries developed by Dugway forces, managed to torch city civilians as well as workers in Ruhr factories, munitions plants and rail yards — and helped end Nazi resistance ».


(11) « Throughout the 1950s and 60s and into the mid-70s, Dugway conducted over 1,000 open air chemical weapons tests with GB, VX and mustard agents, over 200 open air biological weapons tests involving a potpourri of pathogens, and nearly two dozen open air radiological tests, most involving radioactive tantalum, but using radioactive cobalt 60 on at least one occasion. »


(12) « In 1997 Bacillus subtillis var. niger and propylene release trials were conducted during the 911-Bio Advanced Concept Technology Demonstration (ACTD). The primary ACTD experiments were staged at the Michael Army Airfield hangar and the German Village (GV) apartment complex, Dugway Proving Ground, UT ».


(13) « As a result of the Consequence Management 911-Bio ACTD, the “Chem War 2000” exercise, and a number of studies conducted by the Air Force and the Joint Staff, a new “Restoration Operations” ACTD was developed to examine the doctrine, tactics, techniques, procedures, and equipment required to recover quickly from CW/BW attacks on ports, airfields, and other fixed sites. »


(14) In one Whitecoat test performed at Dugway, Adventist volunteers sat on a hillside with their shirts off waiting to be bitten by infected mosquitos released by Dugway to determine the effectiveness of using insects as vectors to deliver biological weapons. Other Dugway tests of this period exposed soldiers to hallucinogenic BZ gas, tests reminiscent of the CIA’s human experimentation with LSD »

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