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De Victor Jara à Guantanamo : la même CIA (10)

59Vous allez me dire, c’est bien triste tout cela, mais cela concerne une époque révolue, puisque depuis le rapport de la commission Church de 1975, la CIA est soumise à contrôle par le Congrès et le Sénat américain. C’est oublier un peu vite en besogne que la CIA est depuis longtemps un état dans l’état, et que dans ses ramifications subsistent des liens avec ceux qui font la pluie et le beau temps dans le pays, au détriment parfois des décisions présidentielles elles-mêmes. Ces pratiques, décrites dans les épisodes précédents n’ont en fait jamais cessé. A la fin du premier mandat de G.W. Bush, alors que celui-ci est confronté à des déboires majeurs sur la légitimité de l’attaque de l’Irak, des responsables de la CIA vont tomber. Morts, « suicidés ». Des hommes similaires à Olson, prêts à divulguer des choses où montrant une opposition bien trop vive à la politique menée. La CIA continue ses assassinats ciblés, jusque que chez ses propres troupes, quand le besoin et l’urgence d’avoir à confronter des révélations embarrassantes se fait sentir. S’ajoute à cela un arsenal de nouvelles techniques de surveillance individuelle, dont le Net n’est pas la dernière. Au XXI eme siècle, la CIA est toujours une hydre malfaisante, qu’un directeur comme Léon Panetta aura bien du mal à contenir. Si tenté qu’il le veuille : il n’a pas été le secrétaire général de la Maison Blanche sous Clinton pour rien. C’est sous Clinton que Ben Laden a littéralement explosé dans les médias, sans mauvais jeu de mots. Un Ben Laden jouet de la CIA contre les russes, devenu jouet à la télécommande qui ne répond plus depuis. Sibel Edmonds ne clame rien d’autre depuis concernant le FBI !

En 2003, nouveau rappel des affaires Olson et Kelly : le 7 novembre, on retrouve un nouveau suicidé : un employé du State Department’s Bureau of Intelligence and Research Near East and South Asian division (INR/NESA), John J. Kokal, 58 ans, lui aussi agent de la CIA. Retrouvé raide mort 8 étages plus bas que le toit du bureau dont il avait sauté. En tombant la tête la première, ce qui déjà en soi une belle prouesse. Sa femme l’attendait alors tranquillement au parking (*1)  Il est rare également que les suicidés donnent des rendez-vous avant d se supprimer, ou alors ils sont.. tête en l’air (et non par terre)… L’homme, avant de travailler chez INR s’était occupé de visas intéressants (*2)  Etait-il tombé à l’époque sur des « passages » de saoudiens, notamment, dont ceux de la famille Ben Laden, qu’il n’aurait pas dû voir ? Chez INR, on s’occupait plutôt d’essayer de contrer les médias qui évoquaient l’absence d’armes de destructions massives en Irak. Car chez INR, les avertissements sur leur probable sinon certaine absence avaient été ignorés par ceux qui les avaient pourtant bien reçus : en priorité le « Secretary for Arms Control and International Security », John Bolton et son adjoint « David Wurmser, a pro-Likud neo-conservative who recently became Vice President Dick Cheney’s Middle East adviser ».

John Bolton, homme rustre et sans nuances, étant un habitué des paroles extrêmes et des décisions erronées, partisan éternel de la méthode forte et neo-con dans toute sa splendeur. Kokal l’informait de ce qu’il ne voulait pas voir. Le problème, pour Kokal, c’est que logiquement, il ne pouvait être monté seul sur le toit (*3) Qu’avait-il appris qui ne pouvait être révélé ? Etait-il en train de lâcher la rampe et d’en avoir assez de voir ses mails renvoyés sans avoir été lus ? Encore un de plus, dirons nous. Selon le journaliste Marsden, le patron de Kokal, Eliott Abrahams, grand ami de Bolton avait déjà menacé un employé de la sorte (*4) Or en novembre 2003, la presse s’est déjà fait une opinion : d’armes de destruction massive, il n’y en avait pas. Comme il n’y avait pas de chaussures ce jour-là non plus aux pieds de Kokal !! Depuis quand se déchausse-t-on pour se suicider ? Où vient-on au travail sans ses chaussures ?

Quelques semaines après, autre suicide encore : Dr. Gus Weiss, un ancien faucon plutôt jusqu’ici apprécié ayant viré de bord (*5). Un très fin connaisseur de l’espionnage, ayant beaucoup rédigé sur la question. Mort un 25 novembre, son décès n’avait été annoncé que le 7 décembre 2003 (*6) Weiss agent lui aussi de la CIA, était aussi tombé du toit de son immeuble du Watergate East. Weiss, ce vieux routier, avait de l’influence en diplomatie. En 1975, il avait même reçu la légion d’honneur en Fance pour son rôle dans le rapprochement SNECMA-General Electric et la vente du CFM56 Turbo fan à l’armée US. On ne sait si c’est le port de la seule rosette qui l’avait fait autant pencher en avant en haut de son immeuble.

Dans l’un des manuels établi par la CIA révélé à la mort d’Olson sur comment se débarrasser d’individus sans utiliser d’armes, il y avait cette surprenante description (*7) « un bon coup dans les chevilles » et hop là… Indécelable !

A l’intérieur, donc, l’élimination de ceux qui s’opposent aux vues gouvernementales et qui seraient désireux d’en dire trop. A l’extérieur, le syndrome des techniques d’Aussares qui revient avec un aveu assez extraordinaire, en provenance des talibans eux-mêmes, qui ont découvert comment les drones américains ciblaient si bien leurs attaques (sans compter leurs bavures). Le procédé est simple, mais nécessite la participation de la population locale, ou plutôt l’achat de quelques candidats à la traîtrise. Ceux-ci, « grassement » rémunérés (une centaine de dollars !), seront chargés de cacher dans le bâtiment où se terrent des talibans un petit appareil, grand comme à peine deux piles AA, qui servira de balise GPS pour attirer vers lui les missiles. L’exemple vient d’être divulgué dans une vidéo qui serait l’aveu d’un jeune pakistanais nommé Habibur Rehman, recruté pour disséminer les capteurs et abattu juste après par les talibans (*8)

Au départ on est un peu sceptique, mais en réalité l’appareil existe bien, et est même vendu dans le commerce aux USA par EWA Government Systems sous le nom de BRTS, pour “Bigfoot Remote Tracking System, …. pas plus grand que 2 piles AA, en effet, c’est un mini-GPS qui émet donc la position de son porteur où l’endroit où il a été caché (*9). Evidemment, le défaut du système est que les recrutés peuvent aussi songer à garder l’agent et mettre le capteur où bon leur semble… les jaloux ont trouvé le moyen idéal de se débarrasser de leurs rivaux, ou les vendeurs de drogue de leurs concurrents ! Interrogé, un ancien de la CIA avoue qu’il conçoit que le procédé existe et est même idéal (*10).

La firme vend un autre produit passionnant le Tiger, une suite logicielle pour tracker le net…qui contient Blackhole, un pisteur de première de la WIFI (*11)«  Evidemment, on ne songe pas qu’à un usage militaire avec cet outil !!!

Des révélations plus récentes démontrent que plusieurs « pièges à drones » sont sur le marché. Outre ceux de Cejay Engeenering,(appelé aussi S-Lite) modèles Phoenix et Pegasus, qui sont des pointeurs infra-rouges, « low-cost » précise la pub, (le second évoluant en cas de faible luminosité), un modèle fort ressemblant a été détecté par un des leaders d’Al Qaeda qui s’est empressé d’en prévenir les journalistes. L’engin montré ici ressemble fort en effet aux modèles cités. Les « gadgets » fonctionnent tous avec une pile de 9 volts, et peuvent être détectés alors qu’ils sont portés, sous des vêtements par exemple (*12). Le Phoenix IR Beacon (IR-15) par exemple, délivre un flash infra-rouge visible par les lunettes de vision nocturne de type AN/PVS-7 B/D, AN/PVS-14 et AN/AVS-9 signées Grumman dont les soldats font une grande consommation et dont beaucoup d’autres exemplaires ont été vendues par notre ami Efraïm Diveroli. Si vous vous étonniez de voir autant en plein jour des soldats US se promener avec sur leur casque ces jumelles montées à demeure, maintenant vous savez pourquoi. L’engin peut aussi émettre un signal morse, pour faciliter l’identification de son porteur : il se règle en poussant un ou deux petits contacts sur le dessus. D’autres usages sont possibles : ils peuvent aussi servir de barrière de détection… mais aussi peuvent émettre à plusieurs un signal GPS, idéal pour une frappe précise (*13). Enfin, un petit boîtier étanche permet de les faire fonctionner sous l’eau… balancé dans un puits, ou dans une rigole d’irrigation, ils deviennent encore plus invisibles. Sur trois vidéos disponibles sur le site de Cejay, on comprend bien le principe du repérage nocturne de ces pointeurs infra-rouges dans trois exemples d’opérations spéciales parachutées.

Pour d’anciens membres de la CIA, ces assertions ont un sens en effet (*14). Selon le leader taliban « historique » Abu Yahya al-Libi, une autre technique encre serait utilisée : celle de la carte SIM insérée dans les téléphones portables, qui une fois modifiée, en ferait un pointeur parfait pour le Predator qui rôde au dessus des têtes au moment du coup de fil. Est-ce l’arme fatale dont parlait Hersh il n’y a pas si longtemps ? C’est possible, car avec ce procédé, la rentabilité de chaque tir est quasi assurée. Les mini-pointeurs sont l’arme secrète fatale, dont la CIA ou l’armée ne font bien entendu aucun écho dans la presse. Le faible coût de chaque émetteur en promet une dissémination massive : chaque émetteur étant distinguable des autres, par son code, c’est véritablement une arme redoutable. L’assassinat ciblé assisté par ciblage infra-rouge a un bel avenir devant lui semble-t-il. Depuis 1975, il est strictement interdit pourtant aux troupes américaines…

(1) « At the time Kokal fell from either the roof or a window, his wife Pamela, a public affairs specialist in the Bureau of Western Hemisphere Affairs, was waiting for him in the parking garage ».

(2) Mrs. Kokal had previously worked in Consular Affairs where she was involved in the stricter vetting of visa applicants from mainly Muslim countries after the Sept. 11 attacks ».

(3) INR occupies both a Sensitive Compartmented Information Facility (SCIF) on the sixth floor that has no windows and a windowless structure on the roof that has neither windows nor access to the roof, according to the former official. The other windows at the State Department have been engineered to be shatter proof from terrorist bomb attacks and cannot be opened.

(4) « According to a UPI report, Abrams once led CIA officer Ben Miller (who was on loan to the NSC from the agency) to an open window at the NSC and told him to jump. Abrams and Bolton share a mercurial and maniacal management style that includes physical threats against subordinates ».

(5) »Weiss worked in the office of Senator Henry « Scoop » Jackson in the 1970s, along with Iraqi war architects Richard Perle and Paul Wolfowitz. He also served on the U.S. Intelligence Board under President Jimmy Carter and was considered a hawk during the Carter and Reagan administrations. However, in later years, Weiss broke ranks with his old neoconservative colleagues and came out against the Iraq misadventure ».

(6) « Weiss worked in the office of Senator Henry « Scoop » Jackson in the 1970s, along with Iraqi war architects Richard Perle and Paul Wolfowitz. He also served on the U.S. Intelligence Board under President Jimmy Carter and was considered a hawk during the Carter and Reagan administrations. However, in later years, Weiss broke ranks with his old neoconservative colleagues and came out against the Iraq misadventure ».

(7) The most efficient accident, in simple assassination, is a fall of 75 feet or more onto a hard surface. Elevator shafts, stair wells, unscreened windows and bridges will serve. Bridge falls into water are not reliable. In simple cases a private meeting with the subject may be arranged at a properly-cased location. The act may be executed by sudden, vigorous [excised] of the ankles, tipping the subject over the edge. If the assassin immediately sets up an outcry, playing the « horrified wit ness », no alibi or surreptitious withdrawal is necessary. In chase cases it will usually be necessary to stun or drug the subject before dropping him. Care is required to insure that no wound or condition not attributable to the fall is discernible after death »…

(8) . “I was given $122 to drop chips wrapped in cigarette paper at Al Qaeda and Taliban houses,” he said. If I was successful, I was told, I would be given thousands of dollars.”

(9) « Bigfoot is a radio frequency (RF) tag with the ability to be user programmed for a number of operational modes to provide tracking information of intended targets. Bigfoot is capable of operating as a simple RF beacon or as a transmitter of GPS data, when the optional GPS module is used, or as a GPS data logger. Location data can be periodically transmitted or transmitted when cued by RF. Transmit frequency can be selected among 15 different UHF channels and the output RF power level is user programmable ».

(10) « Transmitters make a lot of sense to me. It is simply not possible to train a Pashtun from Waziristan to go to a targeted site, case it, and come back to Peshawar or Islamabad with anything like an accurate report. The best you can hope for is they’re putting the tra »nsmitter on the right house,” says former CIA case officer Robert Baer. »

(11) « Black Black Hole provides the warfighter the ability to exploit all wireless internet traffic generated on 802.11a, b, & g (WLAN) wireless networks. It is a system with four passive functional capabilities (capture, decode, search, & identify) that can produce actionable intelligence, and one active mode which enables the user to insert packets into the wireless stream to spoof the system. The system is capable of capturing over 99% of all traffic on a wireless network, decoding the captured data locally, and providing the ability to perform real-time tactical analysis of the captured data. Black Hole is designed to operate on a small Field Computing Device (FCD) with a Microsoft XP operating platform. It provides the warfighter with real-time intelligence that could divulge an adversary‟s current activities, planning operations, or threat identification such as Improvised Explosive Device (IED) placement, identification, etc. « 

(12) The gadgets use LEDs, powered by a 9 volt battery, to emit beacons of infrared light that are visible only through night vision equipment. A six-second memory can be programmed to flash in Morse-type codes and other sequences. The lights can be seen at “distances of over five miles and can also be seen through clothing and underwater,” according to one distributor. from a distance of up to five miles. They can weigh as little as a half-ounce, are as small as an inch-and-a-quarter, and have a battery life of nearly 100 hours. The Phoenix family of infrared beacons have been in use since 1984, making them the “the most widely used electronic Combat ID system in the world.”

(13) « SETTING UP A NIGHT PERIMETER may include the implanting of tripwire activated markers. The Trip Switch activated Pegasus beacon offers the perfect solution. When tripped the beacon will flash its installed coded signal. Combat teams equipped with a GPS receiver can quickly implant and accurately document the location of the Intruder network. »

(14) “Transmitters make a lot of sense to me,” former CIA case officer Robert Baer previously told about the general notion of beacons guiding in drone strikes. “It is simply not possible to train a Pashtun from Waziristan to go to a targeted site, case it, and come back to Peshawar or Islamabad with anything like an accurate report. The best you can hope for is they’re putting the transmitter on the right house.”

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SIDA de civilisation – l’économie 3 / 5

Yan Barcelo, 15 août 2009

Il est à peu près certain que le Québec est désormais incapable de créer un nouveau Bombardier ou un nouveau Groupe CGI. Un indice? Aucune compagnie créée dans les 20 dernières années dans un domaine d’avant-garde de l’économie n’a réussi à dépasser le cap symbolique du premier milliard $ de ventes. Certes, quelques compagnies ont réussi à se hisser au palmarès des 100 principales sociétés du Canada, par exemple Saputo, Aliments Couche-Tard et Gildan. Toutefois, il s’agit de compagnies fondées il y a plus de 20 ans et issues de secteurs traditionnels. De plus, leurs ventes, qui se situent entre 2 et 4 milliards $, demeurent lilliputiennes à l’aune international. Surtout, aucune ne prend place dans les domaines de pointe de l’informatique, des télécommunications, de la biopharmaceutique ou des nouveaux matériaux. Les quelques champions que nous comptions à ce chapitre, notamment Biochem Pharma, nous les avons vendus.

La raison de ce manque de création de richesse économique tient à deux des symptômes les plus virulents de notre SIDA économique : le shareholder value et la destruction de l’État-Nation (Canada et Québec) ou sa contrepartie, la globalisation.

Faisons un petit retour historique.

Le Québec compte deux symboles majeurs du triomphe de l’idéologie du shareholder value. Le premier tient à la vente de Softimage à Microsoft en 1994, le deuxième à la vente de Biochem Pharma à la Britannique Shire Pharmaceuticals en 2001. Ces deux dates marquent le début et la fin de la décennie du capital de risque au Québec – et son remarquable échec.

L’achat de Softimage marque un tournant majeur dans les milieux financiers canadiens. Jusque-là, tout au long de la décennie ’80, les banques et les grands fonds d’investissement n’en avaient eu que pour les grands aventuriers immobiliers, notamment les frères Reichmann, de Toronto, et le franco-ontarien Robert Campeau. Mais tous ces projets ayant coulé à pic, le monde financier était à court de débouchés pour ses sous.

L’achat de Softimage pour le montant incroyable à l’époque de 122 M $US a eu l’effet d’un coup de canon dans nos milieux bancaires. Jusque-là, il était impossible pour un concepteur de logiciels d’obtenir du financement d’une banque. Pour cette dernière, le logiciel et son capital intellectuel n’avaient strictement aucune valeur. La seule valeur que la banque était prête à financer était la disquette, le support physique du logiciel!

Mais les choses ont changé à partir de là. Daniel Langlois, le fondateur de Softimage, a été encensé comme un héros (il y a une drôle de logique, n’est-ce pas?, à faire un héros d’un individu qui vend sa compagnie à des intérêts étrangers…) et des milliards de dollars ont été reconduits vers le secteur du capital de risque. La consigné était maintenant de faire de l’argent avec le secteur technologique.

Au Québec, des centaines de jeunes compagnies ont champignonné à qui mieux-mieux recevant entre deux et trois milliards $ sur une période de huit ans. Résultat de cet afflux massif d’argent? Pas une seule compagnie n’a accédé à quelque prééminence que ce soit. Pourquoi? Dès qu’une compagnie atteignait à un niveau de sophistication technologique ou de revenu suffisant, ses investisseurs de capital de risque se sont empressés, les unes après les autres, de les vendre. Ceci n’est pas arrivé deux ou trois fois, mais des dizaines et des dizaines de fois. C’est ainsi qu’on a vendu des compgnies comme Discreet Logic, BioSignal, Bomem, Berclain, Positron Fiber Systems, Telweb et quantité d’autres. Voici la conclusion scandaleuse de tout cet exercice : pas une seule compagnie de premier plan n’en a émergé. Quand tout a été conclu, financé et vendu, le Québec ne comptait toujours que deux fleurons technologiques en propre : Groupe CGI et Matrox, deux compagnies qui existaient AVANT la chevauchée et qui n’en ont obtenu aucun argent.

La vente de feu n’a pas eu lieu seulement dans le giron du capital de risque. Bien d’autres compagnies technologiques de premier plan ont été vendues : Groupe DMR, Groupe LGS, Phoenix International, Spar Aérospatiale. C’étaient en fait les premières salves d’une longue litanie de fleurons industriels que le Québec n’a cessé de perdre depuis, des géants comme Noranda, Bell Canada et Alcan étant les plus récentes victimes.

Le cas de Groupe DMR vaut la peine qu’on s’y attarde. À ce moment-là, Jacques Parizeau, premier ministre du Québec, et Bernard Landry, ministre économique, ont tous deux fait l’éloge de Groupe DMR qui avait réussi à se faire acheter par l’américaine Amdahl. N’était-ce pas là, ont-ils dit, le signe de l’excellence des compagnies de haute technologie du Québec que des Américains veuillent mettre la main dessus?

Personne n’a sourcillé. Au contraire. Tout le milieu d’affaires s’est mis à spéculer âprement sur le prix par action que DMR réussirait à arracher aux colosses IBM et Amdahl qui se disputaient la mise : onze dollars? douze dollars? douze dollars et dix-neuf cents? Le Québec venait de vendre sa plus importante entreprise informatique, l’équivalent pour la Belle Province d’une IBM aux Etats-Unis, et tout le monde applaudissait, en commençant par le premier ministre.

On peut se demander qu’elle aurait pu être la réaction aux États-Unis si un Bill Clinton avait applaudi à l’achat par des Japonais ou des Allemands d’un fleuron de l’informatique américaine comme IBM ou Microsoft. La transaction aurait peut-être eu lieu quand même – ce n’est pas certain! – mais les applaudissements n’auraient certainement pas fusé. Au Québec, quelques capitaines d’industrie passaient à la caisse et tout le monde les accueillait en héros des affaires.

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