Archives quotidiennes : 1 novembre 2009

SIDA de civilisation – Société

(Note aux lecteurs : Je suis présentement très accaparé par un spectacle, que j’appelle un essai-théâtre, et qui me prend un temps démesuré. Cela m’empêche de prendre le temps d’écrire une suite cohérente à la série que j’ai entreprise sur le thème de la société. Toutefois, je me rends compte qu’un extrait du spectacle que je prépare peut très bien s’inscrire dans ce thème, mais traité plus superficiellement que je ne le ferais normalement ici. Cette semaine, donc, je propose à votre attention cet extrait.)

Question : à quel âge l’être humain est-il le plus violent? On croirait spontanément que c’est vers l’âge de 18 ans. Suffit de penser aux gangs de rue. Erreur. C’est entre 2 et 4 ans que l’être humain est le plus agressif et violent.

 Ce n’est pas moi qui le dit. Deux universitaires québécois ont mené des études auprès de 30 000 personnes, de l’enfance à l’âge adulte (Aux origines de l’agression – La violence de l’agneau, Jean Gervais et Richard Tremblay). Leurs observations? Chez l’enfant, les gestes d’agression se calculent à l’heure. Chez l’adolescent, c’est au mois; chez l’adulte, à l’année.

 Évidemment, les enjeux chez les adultes et leurs moyens sont passablement plus fracassants. Mais la logique sous-jacente est la même. Imaginez que les enfants mesureraient deux mètres dix et pèseraient 120 kilos. L’histoire aurait une autre saveur. On n’aurait plus la Guerre des deux roses, mais la Guerre des deux biberons. On se rappellerait la Campagne de la suce perdu, la Révolte du Pablum, la Paix des patapons.

 Comme nous tous, les enfants sont faits de lumière et d’ombre. Ils peuvent caresser. Et ils peuvent mordre. Beaucoup. Pourtant, nous avons une vision angélique de l’enfance. On peut en tracer l’origine de ce mythe moderne à Jean-Jacques Rousseau, penseur du 18e siècle et formulateur de l’hypothèse suivante :

 « Je vis partout le développement de ce grand principe que la nature a fait l’homme heureux et bon, mais que la société le déprave et le rend misérable. Partout je fais voir l’espèce humaine meilleure, plus sage et plus heureuse dans sa constitution primitive; aveugle, misérable et méchante à mesure qu’elle s’en éloigne. »

 Mais, à une autre époque, on portait un regard plus réaliste sur l’enfant. En témoigne ce passage de Saint-Augustin.

 « Qui va me rappeler les péchés de mon enfance? Etait-il bien de s’emporter avec violence contre ceux sur qui l’on n’a aucun droit, père, mère, personnes âgées, ne se prêtant pas au premier désir; de les frapper, en tâchant de leur faire tout le mal possible, pour avoir refusé ma demande?Un enfant que j’ai vu et observé était jaloux. Il ne parlait pas encore, et regardait, pâle et farouche, son frère de lait. On endure ces défauts avec caresse comme devant passer au cours de l’âge. Vous les tolérez alors, plus tard ils vous révoltent. »

 Saint-Augustin remet les pendules à l’heure. La civilisation, la société ne corrompent pas nécessairement. La corruption est déjà en nous, dès la plus tendre enfance. Nous somme pleins de récriminations, de pulsions, de violence.  

Sur la base du mythe rousseauiste, on a construit toute une pédagogie sans bon sens qui nous a menés à ce personnage tout à fait unique dans l’histoire : l’enfant roi. « Ce qui m’étonne le plus avec l’Amérique, disait le duc de Windsor, c’est comment les parents obéissent à leurs enfants. »

4 Commentaires

Classé dans Non classé