Archives mensuelles : janvier 2010

Yes, we can’t

Yan Barcelo, 30 janvier 2010

Je peux dire que je n’ai jamais souscrit à l’obamanie, et le parcours du président américain à ce jour, au moment d’entamer la deuxième année de son mandat, me donne raison.

Je ne peux pas commenter sa tentative de faire passer son nouveau plan de sécurité médicale. Ça semble louable, mais je n’ai rien suivi de ce côté.

Par contre, du côté des mesures visant à réparer le système financier, mes premières impressions se vérifient jusqu’ici : Obama n’est pas à sa place. Il ne comprend strictement rien au monde financier, de telle sorte que les Etats-Unis – et le monde – se retrouvent dans une situation où on a un coureur cycliste pour tenir la barre du Titanic à la dérive.

Commençons tout d’abord avec les personnes. Le dossier financier est essentiellement mené à Washington par ceux-là même qui ont créé le système déréglementé sous les administration Clinton et Bush, système qui a mené à la débandade. Qui sont ces hommes? Lawrence Summers, qui préside le National Economic Council d’Obama; Timothy Geithner, Secrétaire du Trésor, qui a succédé à Hank Paulson, tous deux issus de Goldman Sachs; Ben Bernanke, acolyte intellectuel d’Alan Greenspan, premier créateur de l’hyper-bulle financière; Patrick Parkinson, directeur de la Banking Supervision & Regulation Branch à la Réserve Fédérale, sous Bernanke, un des artisans de l’infâme Commodity Futures Modernization Act of 2000 par lequel toutes les transactions de dérivés gré à gré ont été mises à l’abri de toute supervision réglementaire.

Aujourd’hui, tous ces hommes disent qu’ils se sont trompés en croyant dur comme fer que les marchés financiers étaient capables de s’auto-réglementer. Mais leurs actes de contrition sonnent faux. Et tous ces hommes, artisans du désastre, ont été nommés en poste par Obama…

Outre ces officiels de la branche exécutive, il y a tous les joueurs du côté législatif. Là, il règne une coalition qu’on appelle les « New Democrats » qui semblent plus pressés de rendre la partie facile à Wall Street qu’à lui serrer les ouies. Le genre de décoction législative et réglementaire qu’ils sont en train de réchauffer a toutes les chances d’être bien faible et tiède.

Revoyons quelles sont les choses qu’il est impératif de faire, et ce qui est en train de se tramer.

Titrisation et responsabilité. – Par le jeu de la titrisation et des dérivés financiers, on a permis la mise en place d’une longue chaîne d’irresponsabilité grâce à laquelle les banques se déchargent de leurs prêts en les titrisant pour les vendre à des investisseurs extérieurs, faisant ainsi de la place pour de nouveaux prêts. Évidemment, parce que les banques ne portent plus la responsabilité de leurs prêts, elles ont une forte tendance à consentir des prêts de faible qualité à des débiteurs qui ne les méritent pas. S’il y a un rouage crucial qui a permis le giga-dérapage de la crise financière, il est ici.

Que fait-on à Washington à ce chapitre? On parle d’obliger les banques à garder un certain « intérêt » dans leurs prêts, de l’ordre de 2% à 5%. Est-ce suffisant? Que non. Avec des exigences aussi insignifiantes, le jeu de la titrisation et de la grande gigue de l’irresponsabilité va reprendre de plus belle. La solution? Elle est simple, élémentaire – et beaucoup trop simple pour nos académiciens de la finance : il suffit d’obliger les banques à faire leur job, c’est-à-dire consentir des prêts en connaissant bien la qualité de crédit des gens et des entreprises à qui elles prêtent, et gérer ces prêts elles-mêmes. C’est justement pour faire ce travail fondamental dans l’économie que les banques obtiennent des chartes particulières qui leur donnent des privilèges – mais aussi des obligations. En d’autres termes : que les banques fassent leur job!

La dérive des dérivés – Si les dérivés n’avaient pas été là, agissant comme des méga-amplificateurs de la crise, nous n’aurions pas eu de crise – et les risques de retomber dans une nouvelle phase de la crise, plus dévastatrice encore, n’existeraient pas.

Comment se portent les dérivés. Très bien, merci. Après un sommet de 683 trillions $ en valeur notionnelle atteint en juin 2008, la masse des dérivés sur cette planète a marqué un recul à 547 trillions $ en décembre 2008, au plus fort de la crise (chiffres de la Banque des règlements internationaux). Mais cette « dérive » n’a pas duré longtemps. Dès juin 2009, les dérivés étaient en train de rattraper le terrain perdu, leur masse notionnelle ayant remonté à 604 trillions.

Que faire avec ces dérivés? S’arranger pour qu’ils n’existent plus, point à la ligne. Comment? Quelques mesures comptables très simples régleraient la chose. Il suffirait d’obliger toute institution ou toute entreprise qui s’aventure dans des contrats de dérivés de prendre immédiatement au moment de signer le contrat une provision comptable pour perte qui réfléterait les risques inhérents à ces instruments. Si un dirigeant d’une entreprise prenait de la l’argent dans la caisse de celle-ci pour aller jouer au casino, la règle comptable élémentaire serait d’inscrire dans les livres comptables une provision pour perte de 50% des montants mis en jeu. Après tout, aux jeux de hasard, les chances de gagner et de perdre sont de 50-50.

Les dérivés sont l’équivalent financier des jeux de hasard, mais portant des conséquences systémiques prodigieuses. Qu’on oblige donc les joueurs à mettre de côté les sommes représentant les risques en jeu.

Évidemment, de telles mesures sont trop radicales pour nos amateurs de casino. On a donc entretenu pendant un certain temps l’idée de transférer tous les produits financiers dérivés vers des parquets publics, sur le modèle des parquets déjà existants comme le Chicago Mercantile Exchange ou la Bourse de Montréal. Une telle mesure obligerait les joueurs à se contenter de contrats standardisés et à abandonner tous les contrats de nature « sur mesure ». C’est un pis aller. Mais voici que Washington est en train de couper la poire en deux et d’obliger seulement certains types de contrats de dérivés d’être transigés sur des parquets, et d’en laisser une foule d’autres fleurir dans l’obscurité des transactions gré à gré. C’est comme si on disait à une bande d’enfants turbulents qu’ils ont deux places pour s’amuser : dans le salon, parmi les adultes, ou dans la cave, où aucun adulte ne va les superviser. Où le « fun » va-t-il « pogner », pensez-vous?

(Suite la semaine prochaine…)

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Témoignage d’une rescapée d’Haïti

Murielle Chatelier Dossier Immigration

Magdala est belle. Jeune, 24 ans, toujours bien mise, elle respire la santé, la joie de vivre, le quotidien qui va bien. Pourtant, depuis sa naissance, en Haïti, elle doit composer avec trop de malheurs. La perte de ses deux parents, la découverte d’une malformation au coeur, le combat perpétuel contre un destin de misère déjà tout tracé. Mais c’est le 12 janvier dernier, lors du tremblement de terre, qu’elle a vraiment failli sombrer. Ensevelie dans la noirceur des décombres d’une maison, son bras tendu vers l’extérieur avec sa main s’agitant comme un drapeau pour la délivrance, elle a du s’accrocher à son bien le plus précieux pour survivre : l’espoir.

Nous étions 5 chez une amie, à faire nos devoirs ensemble, lorsque nous avons ressenti la secousse. Comme c’est déjà arrivé avant, on ne s’est pas vraiment inquiétées. Mais on s’est quand même dirigées vers le cadre de la porte, pour se protéger au cas où. Et en une fraction de seconde, l’inimaginable s’est produit.

Théâtre des rires insouciants des jeunes femmes quelques minutes auparavant, la maison s’est alors effondrée, l’entraînant dans une descente aux enfers.

J’ai senti que je tombais dans les profondeurs, encore et encore, jusqu’à ce que ça s’arrête. J’étais complètement enterrée, sans être morte. Il n’y avait que ma main qui sortait. En dessous de moi, il y avait une de mes amies, celle qui nous avait accueillies chez elle, que j’entendais respirer. Et quelque part, il y avait une autre amie dont la tête sortait des décombres.

Incapable de bouger ou de crier, Magdala s’est mise à se questionner sur l’acharnement du mauvais sort à son endroit. Sans rire, elle dit:

J’ai pensé que c’est une punition qu’on m’infligeait, parce que j’avais des tâches à accomplir ce jour-là et j’ai plutôt été oisive. Je suis restée comme ça, pendant au moins une heure, prisonnière de mes pensées délirantes, de la noirceur et de la douleur.

Alors qu’elle commençait à manquer d’air, que la mort s’insinuait peu à peu sous ses pores, des passants ont aperçu son amie dont la tête pendait dehors et se sont mis au travail pour les déterrer. Son autre amie coincée sous elle respirait encore. À ce moment-là.

À mesure que les gens s’activaient, je l’entendais. Mais ça a pris trop de temps. Elle n’a pas survécu.

Sur les 6 personnes présentes, elles ne furent que 2 à survivre.

Soignez-moi, svp!

Fracturée à la tête, avec une épaule disloquée et un pied cassé, Magdala a été sortie des ténèbres. S’en est suivie une interminable course vers les hôpitaux déjà trop engorgés pour l’accueillir, avec le père de son amie décédée. Ce dernier, encore hébété et sous le choc, s’est résolu à la laisser chez des amis. Les membres de la famille de Magdala, qu’on a réussi à alerter, se sont débrouillés tant bien que mal pour venir la chercher et l’emmener dans un abri improvisé par des médecins dans son quartier. Ils ont soigné ses plaies. Les visibles.

Il y a des moments où je suis triste. Je pense à tous ces amis que j’ai perdus. Mais j’ai foi en des lendemains meilleurs. Je garde l’espoir de finir mes études, obtenir mon diplôme, trouver un emploi. De toute façon, il ne peut rien y avoir de pire que le 12 janvier.

Comme la majorité des Haïtiens, elle dort maintenant à la belle étoile, sur le terrain de son église. À chaque nouvelle secousse, elle tremble encore plus fort que la terre. C’est la peur.

Avec ses cheveux que j’imagine en bataille, Magdala trotte quotidiennement et péniblement vers l’abri des médecins pour faire changer ses pansements. Pour manger, elle s’en remet à l’entraide qui s’est organisée dans son quartier. Les millions de dollars recueillis de part et d’autre du monde entier ne lui parviennent pas. Mais malgré tout, Magdala a su conserver son seul et unique trésor, bien à l’abri au fond d’elle. Espérer, elle continue à le faire.

Résilience, vous dîtes? Oui, ça doit être ça aussi.

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Les défis de la santé – le modèle québécois

Tout d’abord, j’aimerais vous présenter mes excuses car je n’ai pas eu le temps de pondre un billet original cette semaine.  J’avais de bonnes intentions, je voulais vous parler (encore une fois) des enjeux qui se présentent devant nous en ce qui concerne la lutte au déficit et à la réorganisation des services publics québécois.  Avant d’attaquer le sujet, je voulais prendre le temps de lire le deuxième fascicule du Ministère des Finances, réécouter le mini-débat présenté par Gérald Fillion à RDI mercredi soir et consulter d’autres textes avant de vous présenter quelques réflexions.  Si vous me le permettez, je remets ça à la semaine prochaine.

J’aimerais toutefois profiter de cet espace en réagissant au billet publié hier par Philippe David, un texte dans lequel il nous présentait le modèle singapourien de financement des soins de santé.  Évidemment, on comprend la démarche de Philippe et l’attrait que peut provoquer les bons coups de ce système.  Surtout que la responsabilisation de l’individu dans le financement et l’accès aux services est primordial dans le succès que semble avoir leur réseau de santé.  Là-dessus, je rejoins nos amis libertariens, il est primordial que les citoyens – incluant les employés, les gestionnaires, les fournisseurs et les lobbies – se responsabilisent face aux enjeux et qu’il y ait une prise de conscience collective sur les coûts inutiles et les problèmes qui sont causés (volontairement ou involontairement) par les abus de toutes sortes.

Je m’en tiendrai donc aujourd’hui à publier un extrait d’une étude réalisée par deux experts québécois, le docteur François Béland et Mme Caroline Cambourieu, sur les enjeux reliés à la privatisation des soins de santé. ici au Québec.

« L’introduction de l’assurance privée et de sa conséquence, le développement d’un secteur privé de prestation des soins financés de sources privées, sont beaucoup plus ambitieux que l’imposition de frais modérateurs à l’utilisation de services de santé couverts par un régime public.  Les objectifs des États sont multiples et la rhétorique politique remplit de bonnes intentions.  Les objectifs recherchés sont le contrôle des coûts globaux des services de santé, la prestation de soins appropriés et de qualité et même l’accès équitable aux soins pour les patients (Cremer et al., 2007).  L’Australie et l’Irlande en sont deux exemples.  À l’analyse, il apparaît que le développement d’un secteur privé de prestation de soins appuyé par une politique publique favorable à l’assurance privée n’a pas permis de réduire les dépenses publiques de santé en Australie, a accru la part de la richesse nationale consacrée à l’ensemble des services de santé, a produit des inégalités d’accès aux services hospitaliers, n’a pas amélioré la qualité des soins et a accru l’inégalité de la distribution des revenus entre les ménages.

Ici, comme dans le cas des frais modérateurs, il y a erreur de perspective.  Le financement privé peut permettre à des groupes de personnes d’accélérer leur accès à des services de santé en plus grande quantité.  L’accès à des services de qualité est une toute autre chose, comme le montre l’exemple de l’Australie et de l’Émilie-Romagne.  Dans certaines circonstances, la quantité peut être associée à la qualité, dans d’autres, non.  Et les services offerts en plus grande quantité par l’intermédiaire du financement et de la prestation privés se concentrent sur les procédures les plus profitables et aux patients à la santé la moins défaillante.  Ces résultats sont la conséquence du mobile qui anime le financement et la prestation de services médicaux privés: pour les patients, la maximisation de l’utilité des services médicaux et hospitaliers sous contrainte des limites de leur revenu personnel; pour les assureurs, des remboursements minimums pour des primes maximums; pour les prestataires, la production du maximum de procédures les plus satisfaisantes du point de vue professionnel et les plus payantes du point de vue économique.

Les effets pervers de l’application de la logique du financement et de la prestation privés des services médicaux apparaissent dans toutes leurs splendeurs quand ils se mixent à la logique de la prestation publique des services de santé.  Les hôpitaux publics qui s’ouvrent à la pratique privée sous le motif d’additionner une source de financement risquent de voir jouer la logique à l’inverse.  Plutôt que de voir les sources de financement privées subventionner les soins aux patients admis sous le régime public, la logique de la différentiation des clientèles les fera subventionner les soins aux patients admis sous un régime privé par le financement public.  Le principe de la différentiation des clientèles a été développé par Dupuit (1849) qui soulignait l’exemple de la gestion des tarifs des chemins de fer françcais du XIXème siècle.  Voilà une belle occasion de gérer nos hôpitaux comme les chemins de fer français de cette époque!

Enfin, les régimes publics d’assurance santé transfèrent des revenus des classes économiques les plus favorisées aux classes économiques les moins favorisées.  L’exemple de deux provinces canadiennes montre que la valeur des transferts varie en fonction de la progressivité du financement du système de santé.  Deux observations sont cependant universelles.  Premièrement, puisque la santé est associée aux revenus, il y a toujours transfert.  Deuxièmement, toute augmentation du financement privé des services de santé par des frais modérateurs, des paiements directs des ménages à des services de santé désassurés ou l’accroissement de la part des assurances privées diminuent les transferts.  Encore une fois, l’exemple australien est emblématique.  L’intérêt économique des classes de revenu les plus élevées sera toujours de diminuer autant que faire se peut la part du financement public et d’accroître la part du financement privé.  Cela pourraît bien être le secret de la pérénnité du débat sur le financement privés des services de santé! »

François Béland et Caroline Cambourieu – L’assurance privée: les autres le font, pouquoi pas nous?  Tiré du lu livre « Le privé dans la santé, les discours et les faits« .  À lire.

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De Victor Jara à Guantanamo : la même CIA (26)

Si vous pensiez que Jack Idema était un exemplaire unique dans ces conflits, détrompez-vous, il n’était pas le seul, hélas. D’autres frappadingues ont sévi à Kaboul ou à Bagdad, sous le déguisement d’anciens militaires aux états de services dithyrambiques, bien entendu, alors que le plus souvent, soit ils n’avaient jamais mis les pieds dans l’armée, soit avaient été rejetés pour insuffisance ou insubordination. Ceux-là, mais aussi parfois de vrais employés de la CIA, que l’on a surpris à torturer comme les deux mercenaires de Jessen & Associates dont je vous ai déjà parlé ici. Retour sur les excès en tous genres de la CIA en Afghanistan, ou portrait d’un de ses membres parti pourrir huit années en prison pour meurtre…un des rares cas à s’être fait prendre, à se demander s’il n’a pas servi à rassurer avant tout l’opinion publique sur l’image d’une CIA vertueuse et respectueuses des lois, et même des droits de l’homme. Car c’est ce que l’on croit là-bas, bien entendu depuis « l’épuration » de 1976.

Il y en a en effet d’autres encore, dont un qui ment autant qu’Idema, sinon plus, et un autre qui lui, va finir en prison, alors qu’il est bel et bien membre de la CIA. Commençons par le menteur invétéré : Joe Cafasso, alias Robert Stromer et bien d’autres identités encore. De la trempe d’un Carew, celui-là, de son vrai nom Philip Sessarego (1), on le sait. Toute une vie, en ce qui le concerne, à avoir joué d’identités différentes, pour obtenir les feux de la rampe et passer un jour à la télévision. Cafasso a ressurgi vivant, lui, comme par enchantement en janvier 2009 seulement. Lors d’un banal contrôle routier aux Etats-Unis. L’année précédente, il avait déjà été contrôlé… mais avait donné un faux nom et surtout un faux numéro de sécurité sociale, appartenant à une jeune fille âgée de 13 ans de Rhode Island. Lui en a aujourd’hui 52 : le verdict tombe aussitôt, usurpation évidente d’identité, et direction la prison, cette fois. Il en possédait même plusieurs autres, de noms, après que des journalistes curieux se soient intéressés à son cas : « Jay Mosca » ou « Gerry Blackwood » par exemple. A peine détenu, un homme se présente chez lui, et demande à sa compagne du moment, âgée de 63 ans, l’obtention de son ordinateur personnel. L’homme se présente comme un « soldat des forces spéciales« , et affirme tout de go qu’il a été jeté lui aussi en prison… de la faute de Cafasso. C’est… notre grand ami Tora Bora Jack ! De retour, lui aussi, dans l’actualité (voir les deux épisodes précédents !) !!! Le monde des tricheurs est bien petit ! L’officier de police qui a arrêté Cafasso, Robert Cauffman, a appris entre temps que ce dernier s’est avoué être pourchassé par le FBI et la CIA. Et vient aussi de découvrir qu’il a lui aussi hanté les studios de télévision pendant l’invasion irakienne : décidément, entre loups, on se partage le même territoire !

Comme pour Idema, la « carrière » de Cafasso, en effet, mérite qu’on s’y attarde un peu, afin d’enfoncer un peu plus le clou de cette spirale de mensonges entretenus car nécessaires à un pouvoir qui avait commencé sa guerre… par un gigantesque mensonge. En ce qui concerne Cafasso, sur son cas s’ajoute l’intervention d’une blogueuse, Kathryn Kramer, un écrivain de Science Fiction, qui l’avait accusé en 2006 d’avoir volé son ordinateur. Etrange rappel, car la dame semble bien avoir été une proche du personnage. Une machine rendue aussitôt à la police par la nouvelle compagne de Cafasso : sur un site, un blogueur facétieux fait remarquer qu’ainsi on ne saura jamais ce qu’il y avait dedans (*2) ! Quels sont les liens entre Cafasso et Idema, voilà qui nous importe, à vrai dire. Enfin, plutôt leur rivalité, dirons nous, car ces deux-là sont bien deux ennemis jurés.

Ennemis, car travaillant sur les mêmes territoires. Ceux du mensonge. Pour Cafasso, au moment où il se fait prendre, cela fait sept ans qu’on le savait, qu’il mentait. A la suite d’un article du New-York Times du 29 avril 2002 qui avait jeté un éclairage crû sur ses pratiques particulières. Article renseigné, selon beaucoup… par Jack Idema en personne. Cafasso avait été l’invité régulier de Fox-News, encore elle, où il s’était présenté comme étant un ancien béret vert doté d’une Silver Star pour bravoure devant l’ennemi, avait servi au Viet-Nam et avait même participé à la tentative de récupération des otages en Iran, en 1981 (qui s’était soldée par un désastre). La totale, question affabulation (*3) ! Il avait hanté les studios quatre mois d’affilée, en qualité de « consultant », sans que jamais Fox ne s’inquiète de vérifier son CV : on ne dira jamais assez ici le caractère fantasque de cette chaîne littéralement dédiée au pouvoir Bushien. Cafasso, au passage, s’était aussi vanté d’être un plongeur émérite de grande profondeur, bien entendu. En trafiquant bêtement les photos sous ordinateur.

Un consultant surprenant, qui n’avait fait en réalité que 44 jours de service à Fort Dix en 1976 avant d’en être renvoyé pour incapacité ! Bizarrement, notre faux soldat avait prédit à l’antenne de la Fox que selon-lui, Ben Laden s’échapperait de Tora Bora. D’où tenait-il le filon, nul ne l’a jamais su. De ses liens, peut-être avec l’ amiral Clarence A. Hill Jr, très ami avec John M. Poindexter. Car Passaro racontait tout et son contraire depuis longtemps, aidé par quelques amis compatissants. L’homme avait déjà quelques frasques télévisuelles au compteur, pourtant.

C’est grâce à ses amitiés qu’il était déjà apparu à la télévision en 1996, au nom de l’Associated Retired Aviation Professionals, un groupe qui affirmait alors que le vol de la TWA 800 avait été abattu par un missile. On sait ce qu’il en est de la théorie. Pour se faire admettre parmi les généraux qui défendaient la thèse, Cafasso avait déjà à l’époque gonflé son CV militaire (une constante donc chez lui) : découvert comme tricheur et affabulateur, il avait été éjecté de l’association. Pas gêné pour autant, le voilà placé par son ami Hill au milieu d’activistes serbes et s’activer à l’aide humanitaire après les bombardements de l’Otan, auprès de David Ruich, l’homme de la pub de Rockwell, le fabriquant du bombardier B-1 (ici au milieu de la photo), avant d’être à nouveau éjecté et de se retrouver à préparer la campagne présidentielle de Patrick J. Buchanan. Viré depuis 2002 de la Fox, il était pourtant apparu peu après comme toujours représentant de celle-ci à l’ambassade de Yougoslavie, comme si de rien n’était. L’homme osait tout, c’est simple. Audiard l’aurait cerné vite fait, ce phénomène. Il osera même répondre au Times qui enquêtait sur lui, en affirmant (on ne se moque pas) qu’il était bien de la CIA et qu’il « infiltrait » la Fox !!! Cafasso est un affabulateur invétéré. Pour ce faire, il s’était mis sous la houlette de VeriSeal, une drôle de société chargée paraît-il de faire la vérité sur les anciens des services secrets. Or cette dernière, à elle-seule, résume tout l’imbroglio de l’information pendant la guerre en Irak et en Afghanistan.A des chaînes de télévision menteuses, sans aucune éthique, plus que partisanes, on pouvait vendre n’importe quel scénario. « Embedded » avaient-il dit. On traduira par menteurs. D’aucuns ont foncé sur l’opportunité en effet.

Car cette société elle-même prête plus qu’à confusion, avec comme membres Charles Pfarrer, l’auteur de « Warrior Soul ; The Memoir of a Navy SEAL« , et aussi ancien commandant de l’USS Brister, qui est aussi devenuprofesseur de tactique militaire U.S. Navy War College, et même le spécialiste réputé des opérations sous-marines. Mais, et c’est plus étonnant, c’est également le scénariste de films d’Hollywood tels que « The Jackal, » (avec Bruce Willis, Richard Gere), « Navy SEAL, » (avec Charlie Sheen, Bill Paxton) et « Darkman, » inspiré des Marvels Comics avec Liam Neeson) et de Steve Waterman, auteur de « Just a Sailor : A Navy Diver’s Story of Photography, Salvage, and Combat. » Bref, un individu qui mélange faits réels et fiction. Ce qui, dans son entreprise est plutôt… paradoxal.

Car VeriSeal, qui est dirigée par Kent Dillingham, qui a lui-même servi en Afghanistan et en Iraq se charge, justement, de vérifier si les dires des invités des plateaux TV sont exacts, et traque les faux soldats ou les mercenaires inventés. Ce n’est pas ce qui manque. Dillingham, qui a été interviewé sur la question de la recrudescence des faux anciens combattants, qui semble avoir explosé depuis le 11 septembre ! (on en a eu l’exemple en France lors des récentes commémorations de 1944). Parmi eux, beaucoup se réclament de la CIA en effet… puisque c’est plus facile (il n’y a pas de permis d’agent secret), l’étonnant ici étant que la lettre de VeriSeal défendant Carrasso n’ait pas été contredite… par cette société. De là à conclure que VeriSeal laisse passer des individus dans le gruyère de sa base de données… Un Cafasso déjà disparu de la prison de Porter County où il avait été conduit, et ce, depuis le 30 mai 2009 maintenant. A-t-il déjà repris ses « activités » ? Aux dernières nouvelles, en effet il s’était transformé en… chasseur de tornades, site internet à l’appui, sous un pseudo plus qu’évocateur : Robin Storm (*4) !

Bref, des gens à la recherche d’idées nouvelles de scénarios, avant tout, prêts à écouter les anciens nageurs de combat ou les anciens de la CIA leur raconter leurs exploits. Mieux encore : leur sponsor, Security Enterprise Consultants, est à la tête de Special Ops Associates, Inc. de Fort Lauderdale, en Floride, qui n’est autre qu’une société de mercenaires pour l’Afghanistan désormais intéressée par la sécurité des bateaux en mer d’Oman ou dans le Golfe d’Aden. Tout se tient encore une fois. On copie, on invente, on entre dans le jeu réel ou pas, et on sort des bouquins qui se vendent tous à plus de 500 000 exemplaires ! On retombe sur le « club » des Idema et compagnie ! Qu’on s’étonne après qu’ils se prennent pour des Georges Clooney ou plutôt pour Danny Kaye, dans le personnage de Walter Mitty !! C’est bien connu : tous les soldats ratés passionnés d’Airsoft ou de Paintball ont comme surnom « Walt » ! En Angleterre, on en trouve pas mal au BNP... car évidemment, comme idéologie, il ne faut pas s’attendre non plus à des communistes… Idéologiquement, le mercenariat tire à l’extrême droite… demandez en France aux anciens du DPS de notre ami Jean-Marie, ils vont raconteront au bout de deux bières à peine comment ils égorgeaient en Ouganda. Vrai ou faux. Des Jack Idema, il y en a partout.

Selon la presse, le différent entre Cafasso et Idema provenait bien de 2002 : le papier vengeur du New-York Times avait été écrit grâce aux divulgations d’Idema, qui souhaitait ainsi se débarrasser d’un rival encombrant chez Fox. Les deux mentaient à l’antenne, il y en avait un de trop. Cafasso aurait aussi agressé dans un bar Robin Moore, l’auteur chez qui Idema avait squatté les 2/3 des pages dans « The Hunt for Bin Laden » (il occupait aussi la couverture de l’ouvrage !). Cafasso se disait aussi Chevalier de l’Ordre de Malte et avait aussi détourné un mouvement religieux évangéliste noir, le Mendenhall Ministries, orienté vers l’aide aux plus pauvres, dont il affirmait être le représentant à l’étranger. Idema jouait sur la même corde sensible, racontant qu’il avait sauvé des vies lors du tremblement de terre en Afghanistan, photos d’enfants afghans dans ses bras à l’appui. Ces personnages douteux n’hésitent devant rien en effet pour se redorer le portrait. Cafasso, repéré par le shérif local de Mendenhall, qui le surveillait, lui avait joué son air favori : celui de la fuite, au prétexte d’une soudaine maladie grave à soigner, sa partition favorite.

Passaro n’était donc qu’un menteur invétéré, qui n’a jamais fait partie de la CIA. Un autre personnage, lui, a bien fait partie de l’agence. Il s’appelle David Passaro, et était en Afghanistan un civil travaillant pour une société privée : un mercenaire, donc. Comme par hasard lui aussi formé au départ à… Fort Bragg (on y revient une nouvelle fois, à savoir que ce lieu est vraiment l’apprentissage de l’enfer). Ancien de la 82nd Airborne Division, recruté par la CIA, on le retrouve un jour de 2003 en Afghanistan, au milieu de trois parachutistes de son ancienne division, en train d’interroger à sa manière un afghan sur la base d’ Asadabad. Oh, même pas un terroriste capturé après une longue traque : un afghan tranquille, Abdul Wali, venu se présenter lui-même le 18 juin 2003 aux soldats américains afin de montrer qu’il n’avait rien à voir avec les dernières attaques au mortier sur le camp, alors qu’on le soupçonnait d’’en être l’auteur. Mal lui en a pris. Venu lui-même se présenter aux soldats, il subira trois jours de tortures, frappé à coups de lampe métallique (flashlight) sur tout le corps. Le 21 juin, il est déclaré mort dans sa cellule. Le 17 juin 2004, Passaro est inculpé de mauvais traitements (et non pas de meurtre). Ce qui lui évite quarante ans de prison : il s’en sort, déclaré coupable, avec 8 années de détention, le 17 août 2006. C’est la première fois qu’un contractant, un mercenaire est ainsi jugé. Et la première fois aussi que Michael Hayden, le responsable de la CIA, a été obligé de reconnaître le comportement inacceptable d’un de ses protégés. Pour une fois, dirons-nous ici. Visiblement, Passaro paye pour ceux qui n’ont pas été dénoncés, car des morts suspectes en détention, ce n’est pas ce qui manque d’après les rapports d’Amnesty ou de Human Watch.

Il y en eu d’autres en effet. En 2005, trois ans après les faits, un inspecteur de la CIA perquisitionnait une prison au nord de Kaboul. Dans cette dernière, en 2002 un des officiers en charge de la CIA, lors d’un interrogatoire musclé, avait mis à nu un détenu d’à peine vingt ans, l’avait projeté sur le sol en béton et l’y avait laissé tel quel pour la nuit. C’était à la prison de Salt Pit dénoncée plus haut dans notre enquête. Le lendemain matin, le prisonnier avait été retrouvé mort de froid. Il avait été enterré fissa juste après dans un cimetière discret, sans aucun nom sur la tombe, sa famille non avertie de son décès. Son corps désormais et définitivement introuvable, à moins que son exécuteur ne révèle où. Un « prisonnier fantôme » de plus. L’officier responsable de la prison, un homme de la CIA, avait été promu peu après. Mais il était le seul de rang sur place et n’avait aucun supérieur pour rendre compte montre l’enquête : lors de l’exposé de l’inspecteur de la CIA devant le House Comittee, il fut démontré que le jeune homme assassiné n’avait aucun lien sans doute avec Al Quaida. Mort pour rien, un de plus. Au sommet de la hiérarchie, Porter Goss, interrogé lui aussi, lors de l’enquête, avait admis qu’il y avait bien d’autres cas similaires, et que l’inspecteur « n’avait pas fini d’en trouver d’autres… s’il en avait le temps« . Le cynique Goss avait trouvé la solution pour remédier au problème : après le rapport accusateur de l’inspecteur, il avait fait détruire Salt Pit (*5). Pour la reconstruire ailleurs. Ce qui en dit long sur l’immunité dont il jouissait au sein du gouvernement.

Décidément, la CIA est bien gangrenée jusqu’au plus haut de sa hiérarchie, et cela se démontre chaque jour qui passe et qui amène son lot de révélations supplémentaires. On avait au départ créé des chiens de garde, on a lâché depuis dans la nature des chiens qui ont la rage et qui ne savent plus obéir.

(1) « As far as 22 SAS is concerned, they are telling us, in capital letters, Mr Carew in no beret, he had no selection pass, he had no badge, he had no postings, and he had no operational duties, he was never a member of 22 SAS.

(2) To : KeyLargo « And some how the gummint will determine that no one can access the computer.

(3)  » -He called himself Robert Stormer, Gerry Blackwood and Robin Storm among other aliases.

He claimed he was a retired lieutenant commander in the Navy Reserve, serving with the Navy’s Supervisor of Salvage and was a specialist in weapons retrieval. He claimed to be a marine engineer and marine salvage specialist.

-He claimed to have won the Silver Star for bravery, had served in Vietnam and was part of the secret mission to Iran in 1980 to rescue hostages.

-He was none of these.

-His total military experience consisted of 44 days of boot camp at Fort Dix., NJ in May and June of 1976 and his honorable discharge as a private, first class.

-He’s a fraud, an accused con man and now he’s in jail ».

(4) « He also claimed to be a member of NASCAS (National Association of Storm Chasers and Spotters). Memberships to the organization are free and officials say Storm has not produced any credentials to support who he claims to be. Earlier in October 2007, an op-ed was published in the Fort Worth Star Telegram under the name of Robert Stormer. The biography associated with the op-ed claims that “Robert Stormer of Chicago is a retired lieutenant commander in the Navy Reserve, serving with the Navy’s Supervisor of Salvage, and was a specialist in weapons retrieval. He is a marine engineer and marine salvage specialist”.

(5) « The Salt Pit was the top-secret name for an abandoned brick factory, a warehouse just north of the Kabul business district that the CIA began using shortly after the United States invaded Afghanistan in October 2001. The 10-acre facility included a three-story building, eventually used by the U.S. military to train the Afghan counterterrorism force, and several smaller buildings, which were off-limits to all but the CIA and a handful of Afghan guards and cooks who ran the prison, said several current and former military and intelligence officers. »

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Classé dans Six de l'Hexagone, Stéphane Bouleaux

Privatisation du système de santé – L’exemple de Singapour.

Philippe David.       Le Minarchiste Québécois

Au Québec, aussitôt qu’il est question de privatisation de certains éléments de notre système de santé, les gauchistes montent au barricades, revendiquant leur droit sacro-saint de faire payer leurs soins de santé par quelqu’un d’autre. Ils ont effectivement le droit de vivre dans le déni de la réalité, mais la réalité est que le cout de notre système de santé 100% financé par les deniers publics est insoutenable et nous devrons faire un choix tôt ou tard. Présentement, le système de santé accapare plus de 40% du budget de la province et on peut logiquement s’attendre à ce qu’il dépasse 50% bientôt et avec le vieillissement de la population, ces couts ne feront qu’augmenter avec de moins en moins de contribuables pour le payer. Il serait donc sage de considérer un autre modèle. En faisant de petites recherches, je suis tombé sur une modèle qui pourrait être une bonne solution ici et qui est soutenable à long-terme; celui de Singapour.

Pourquoi Singapour?

Singapour est une ville-état d’environ 4,3 millions d’habitants. C’est évidemment beaucoup plus petit que le Québec en termes de superficie, mais l’écart de population n’est pas assez grand pour ne pas rendre une comparaison valable. Le revenu moyen des Singapouriens est sensiblement le même que celui des québécois. De plus, étant une ancienne colonie britannique, Singapour a un système public calqué sur le NHS britannique, ce qui veut dire que le système québécois pourrait s’adapter relativement facilement à celui de Singapour. Aussi étonnant que ça puisse paraître, Singapour possède un système de santé universel classé 6e au monde par l’OMS (le Canada est au 30e rang et les États-Unis au 37e) mais qui ne coûte que le tiers de ce que coûte le système canadien par rapport au PIB.

Je cautionne tout de même que le système de santé de Singapour n’est pas un système libertarien. L’état y participe en grande partie, comme vous le verrez. Par contre, dans l’optique d’une réduction de la participation de l’état aux soins de santé et de la remise du pouvoir décisionnel entre les mains des individus et des pourvoyeurs de soins, ce système offre des avantages indéniables qui font que les libertariens comme moi pourraient le considérer comme un compromis acceptable à court-terme.

La philosophie singapourienne

Que ce soit au Canada, aux État-Unis ou en Europe, les débats sur la santé tournent toujours autour de qui doit payer. Mais peut importe comment on s’y prend, au final l’argent proviendra toujours de la poche des individus. Singapour a donc décidé de prendre une approche différente. Leur but était de responsabiliser leurs citoyens par rapport à leur santé, remettre les décisions de santé dans les mains des individus et leurs pourvoyeurs de soins, d’éviter la surconsommation des soins et les abus, de contrôler les couts et de rendre les soins abordables tout en garantissant l’accès à des soins de base de qualité aux plus démunis. Leur système est bâti autour d’une structure qu’ils appellent les 3M: Medisave, Medishield et Medifund.

Medisave

Medisave est un compte d’épargne-santé obligatoire géré par l’état qui couvre environ 85% de la population. Il est une composante du programme de pension obligatoire appelé Central Provident Fund ou CPF. Typiquement les employés y versent 20% de leur salaire et les employeurs fournissent 13%. Environ 6 à 8% de cet argent est déposé dans le compte Medisave de chaque travailleur. Le compte Medisave peut alors servir à rembourser les frais médicaux et hospitaliers courants encourus par les travailleurs et leur famille immédiate. L’idée est de couvrir compètement les couts de la plupart des patients dans les hôpitaux publics subventionnés par l’état. Au-delà de tout ça, les patients doivent payer de leur poche ou à partir d’une assurance supplementaire comme le MediShield.

Medishield

MediShield est un plan d’assurance national à déductible élevé et faible prix qui couvre les frais plus élevés des maladies et accidents sérieux ou catastrophiques. Les singapouriens ont aussi le choix de plusieurs assurances privées similaires. Toute les primes d’assurance peuvent être payées à partir du compte MediSave.

MediFund

MediFund, le troisième volet est un fond d’assistance aux démunis qui couvre ceux qui ne sont pas couverts sous MediSave et qui n’ont pas les moyens de payer leurs frais médicaux. L’accès à MediFund est sujette à une étude de moyens ponctuelle pour s’assurer que l’aide va seulement à ceux qui en ont vraiment besoin et couvrent les soins de base dans les hôpitaux publics. C’est le filet de sûreté qu’offre l’état pour s’assurer que personne ne soit laissé sans accès aux soins de santé.

Eldershield

Eldershield est un ajout à la structure 3M originale qui fournit une protection additionnelle qui consiste en une assurance privée qui couvre les divers handicaps causés par la vieillesse. Il fournit une allocation mensuelle à ceux qui se retrouvent incapables d’accomplir trois activités de base de la vie de tous les jours ou plus.

Public et privé

À Singapour, 80% des soins primaires sont fournis par des cliniques et praticiens privés et 20% sont fournis par des polycliniques publiques. À l’opposé, les soins nécessitant une hospitalisation sont livrés à 80% par des hôpitaux publics et 20% par le privé. Les différents prix sont contrôlés par le gouvernement, mais les praticiens, cliniques et hôpitaux publics et privés on la liberté de fixer leurs prix à l’intérieur de certaines limites. La liste de prix de chaque pourvoyeur de soins doit être disponible aux patients afin de leur donner la possibilité de magasiner. Comme les patients ont le contrôle de leurs propres dépenses de santé, ils ont la possibilité de mieux choisir avec l’aide de leur pourvoyeur quels traitements sont appropriés. Le pouvoir décisionnel est dans les mains des patients et des médecins plutôt que celles d’un assureur ou d’un fonctionnaire. Le fait que les patients doivent co-payer, freine les abus et la compétition entre les cliniques, hôpitaux et praticiens réduit les coût et améliore les services. Étant donné qu’ils sont plus conscients des couts, les singapouriens sont aussi plus conscients des impacts de leur mode de vie sur leur santé et font des choix plus éclairés sur leur style de vie. Par exemple, il n’y a presque pas d’obésité à Singapour.

Conclusion

Grâce à la philosophie de la structure 3M, Singapour a construit le système de santé le plus efficace au monde en termes de rapport qualité/cout. Le système de Singapour est l’égal ou de presque tous les systèmes de santé qu’on nous brandit en exemple, mais ils arrivent à le réaliser à moins de 4% de leur PIB (incluant public et privé). Leur modèle serait facilement adaptable au Québec. Si on voulait sérieusement contrôler les couts des soins de santé sans sacrifier la qualité (même en l’améliorant – Les temps d’attente pour tous les traitements sont moins de 30 jours à Singapour), nous serions fous de ne pas le considérer.

Références.

Singapore Ministry of Health: Healthcare System

Singapore’s Health Care System: A Free Lunch You Can Sink Your Teeth Into

The Singapore Model

OMS: Singapour

The World Health Organization’s ranking of the world’s health systems


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Classé dans Actualité, Philippe David

De Victor Jara à Guantanamo : la même CIA (25)

Nous n’en avons pas fini avec « Tora Bora Jack » comme il se plaisait à se faire appeler aux temps de sa splendeur. L’intrusion récente de vidéos anciennes sur le réseau signifie que l’homme désire toujours retrouver les feux de la rampe. Et de le voir sous le label du studio de production décrit comme celui d’Al-Qaida est assez significatif, car ces vidéos ne résistent pas longtemps à un examen attentif. Ce qui nous est présenté comme le studio de fabrication des vidéos d’Al-Quaida est manifestement une création de toutes pièces d’une entreprise de déstabilisation des médias. La présence récurrente de cet employé du FBI qu’est Adam Gadahn est significative : on ne nous fera jamais croire que cette marionnette puisse être convaincante, à singer la langue arabe dictée avec un prompteur phonétique marchant dans le sens occidental de lecture (voir ici le principe). Non, ce qui intrigue davantage chez Idema ce ne sont pas ses frasques, mais bien ces liens avec une entreprise d’intoxication vidéo dont nous allons analyser aujourd’hui les détails.

On pouvait donc admirer, fort récemment encore, ici-même sur Agoravox TV ou sur Daily Motion, les exactions de Jack Idema, alias « Tora Bora Jack ». La scène de l’épisode 2 des vidéos les plus récentes est en réalité connue et répertoriée : lors de sa déposition au tribunal, le conducteur de taxi qu’avait kidnappé Idema, nommé Ahmad Ali (*1), avait affirmé avoir eu la tête plongée dans bac d’eau à plusieurs reprises et d’avoir été battu sur les pieds et à l’estomac. C’est lui qui figure donc vraisemblablement sur cette vidéo numéro 2… On est loin des « adjoints de Ben Laden » promis par Idema à la presse : les huit prisonniers d’Idema seront en effet tous relâchés par les autorités américaines sans être inquiétés. C’étaient des gens ordinaires sans aucune relation avec Al-Qaida, encore moins les « proches » de Ben Laden annoncé : Idema avait donc bien menti aux journalistes en leur promettant sur un plateau un « leader d’Al Quaida« .

Un autre kidnappé est visible sur la première vidéo, et il figure aussi sur d’étranges clichés photographiques. Ceux où l’on voit un homme plutôt détendu et même plutôt souriant en train d’être soigné de blessure à la tête, visiblement, par Idema, équipé de gants de chirurgie. Celui qui présente un autre cliché beaucoup plus compromettant où on voit le même maintenu par un soldat américain en uniforme et hilare, en train visiblement de le fouiller à corp, gants de chirurgiens enfilés. Difficile avec cette photo de ne pas parler d’implication de l’armée américaine dans les actes de ce mercenaire m’as-tu-vu ! Cette photo accuse, car visiblement on a bien affaire à des militaires et non à de simples mercenaires : à un stade, il y a bien eu collusion. Des clichés tous signés Idema, retrouvés dans le fatras de ses nombreux sites internet tout à sa gloire. Tous barrés d’un « à ne pas diffuser »…. et donc chez Idema montrés ostensiblement : Jack conserve des biscuits, au cas où… on l’accuserait de n’avoir eu aucun lien avec l’armée US… des liens reconnus pour un seul des kidnappés (*2), remis aux autorités par Idema et confirmé par le major Jon Siepmann, le porte-parole de la coalition à Bagdad. Pour un seul cas isolé, il est vrai, et non huit.

Lors de la scène de torture par étranglement, on a bien le même personnage, dont on a du mal à comprendre le pourquoi d’un visage totalement masqué à moins de ne pas faire de souvenirs où les participants seraient reconnaissables… Sur un autre cliché encore, l’homme, toujours la tête entièrement scotchée, parle devant un Idema assis sagement devant lui en train de prendre des notes. La position de l’interrogé semble celle d’un homme plutôt détendu, malgré les liens et les bandes de scotch qui le bardent. Assis contre le mur du fond, figure l’adjoint d’Idema : Brent Bennett, un ancien militaire de la 82d Airborne Divison (et donc tout droit sorti de… Fort Bragg, lui aussi !!!), venu faire équipe avec le cameraman Edward Caraballo, venu lui faire un reportage… et en étant en fait payé par Idema pour filmer sa gloire.. Les offres alléchantes de CBS ou d’autres chaînes ont attiré les rapaces de l’info, et on sait qu’Idema a touché un pactole conséquent. Les démineurs de scoops ont débarqué. Idema lui, continuant à brouiller les pistes en faisant circuler de faux documents sur le compte rendu du procès, au sein de son site « Superpatriots » dans lequel il se dépeint en véritable croisé contre le terrorisme. Idema est très actif sur le net, en produisant sous de nombreux pseudos d’autres blogs à sa seule gloire, où il continue à dresser l’image d’un de ses « vigilantes », ces gardes légendaires de la patrie américaine. L’insistance avec laquelle il appuie sur le mot « patriote » est suspect. Même son déguisement de soldat en avait leurré plus d’un pourtant (*3)…. l’Otan ayant reconnu lui avoir envoyé à trois reprises des experts en explosifs pour l’assister dans ses raids !

Sur d’autres clichés, c’est autre chose encore comme décor. Et comme nouvelle mise en scène. On y distingue un prisonnier en chemisette bleue, les mains entravées derrière le montant d’une chaise, devant un homme assis, en t-shirt marron et pantalon de l’armée, tenant à a la main un carnet de notes, la tête cachée par un cadre noir surajouté. En train de téléphoner semble-t-il. Manifestement une autre scène d’interrogatoire… dont le décorum fait frémir. Au mur, derrière notre prisonnier encapuchonné (toujours cette propension à ne pas montrer vraiment les victimes !), des traces de sang coagulé maculent le mur de chaux. Manifestement, elles ont été placées là dans un seul but, celui d’effrayer le cobaye assis au milieu de la pièce. Un être humain s’est-il pris une balle en pleine tête à cet endroit ? C’est à hauteur, semble-t-il. Mais le fait d’être aussi visible alors que manifestement on venait juste de remettre une couche de chaux (voir le bas des murs peints de couleur différente) laisse augurer d’une mise en scène complète. Les interrogatoires de la CIA étant on le sait encadrés et filmés, on a donc bien là une mise en scène : il ne semble pas y avoir de caméra de présente ce jour là (sinon le carnet de notes de l’interrogateur est inutile), et on a dressé un décor destiné essentiellement à effrayer l’individu interrogé.

Dans un autre cliché pris au même endroit, deux hommes sont en supplément : un militaire semble-t-il (mais les mercenaires portent le même uniforme), et à ses côtés ce qui pourrait être un interprète. La encore, on hésite, car tous ses mercenaires portent faux uniformes et faux insignes… Au pays du faux, Idema et son gang de kidnappeurs sont les rois des exactions. Ce n’est qu’un gang de malfrats en réalité. Des fabricants de faux interrogatoires, des kidnappeurs de faux talibans. Pour ce qui est de l’endroit où auraient pu être prises ces vues, on songe à nouveau à Mir Bacha Kot, avant que les missions humanitaires ne transforment l’endroit en dispensaire ou en école. Idema aurait constamment tourné autour des mêmes endroits. Le baroudeur aurait été fort casanier en fait, ce qui se tient. De la frime avant tout. Il n’aurait agi que dans un faible rayon, en ayant clamé partout avoir sillonné tout l’Afghanistan.

Sur le net, toutes les vidéos des « interrogatoires » d’Idema sont toujours visibles. Autant celles de la CIA ont été détruites sur ordre de l’administration Bush, autant celles d’Idema, en demeurant à portée démontrent par l’exemple qu’il n’est donc pas de la CIA : ce paradoxe suffirait à le discréditer, logiquement : de revendiquer de la part du studio As-Sahab qu’il s’agit d’interrogations de la CIA est donc tout simplement ridicule. Ces interrogatoires étaient normés, avaient un déroulement très précis (depuis la commission Church on se méfie), et se passaient en présence de personnes de la CIA dûment assermentées…. sauf, il est vrai, pour celles où sévissait le duo infernal de mormons déjà cités (et dont on a aucune vidéo !). Les vidéos d’Idema sont toutes grotesques : un kakimaze repenti appelé Sarajan, un autre dénommé Gulhamsaki dont Idema affirme que le beau frère est l’adjoint de sécurité de Ben Laden, sans jamais en apporter la moindre preuve, et un troisième, appelé Malikyar, exposant comme par hasard un projet d’attentat contre la base US de Bagram qui ressemble à deux gouttes d’eau à celui décrit par Idema avant même qu’il ne mette les pieds en Afghanistan. Et qui le fait… en anglais, sans que personne ne trouve cela ridicule. Pas un seul de ses témoignages ne résiste à la critique, en fait. C’est bien une mise en scène sur tous, et ce sera aussi l’avis aussi des autorités américaines, qui ont très vite relâché tous les prisonniers d’Idema, ne n’oublions pas, et donc obligatoirement aussi ceux-ci… qui n’auraient été que des… figurants. Comme il convient de ne pas oublier une chose fondamentale : avant d’investir le repère d’Idema, lassé de ses frasques, l’armée américaine avait bien accepté la remise d’un des capturés, comme indiqué plus haut. Pour s’en dédouaner après, le relâcher vite fait aussi, en affirmant que c’était « une erreur » de sa part d’avoir accepté cette remise de prisonnier. Encore une fois, on nage dans un certain flou, car l’armée s’est bien faite avoir une fois, mais on a au moins une certitude : aucune des personnes kidnappées n’était ce qu’en proclamait Jack Idema. Il a bien menti, sur le sujet.

On nage dans le flou, mais on note cependant les incohérences des cassettes soi-disant d’al-Qiaida. Dans ses interrogatoires, Idema porte une espèce d’uniforme brun, assez anodin… à part que dans une courte séquence, ce même uniforme équipe un des opérateurs du studio d’As-Sahab, celui d’où sont censées sortir les vidéos d’Al-Quaida, studio où on s’obstine à porter keffieh derrière le clavier, pour faire plus couleur locale, sans doute. Comme Jack Idema à son tribunal, tiens, intrigante comparaison L’unité de présentation ruine tous les efforts pour tenter de nous faire passer As-Sahab pour autre chose qu’un studio… de la CIA ou un studio où Idema aurait eu un rôle important. Et s’il y a mis les pieds, ce ne peut donc être un studio des gens qu’il se targue de combattre. A moins, une nouvelle fois, de mentir.

La présence dans ses mêmes studios de l’ineffable Adam Gadahn achève de nous convaincre sur le sujet. Ce « studio » est bien un « fake », un simple décor où sont fabriqués les vidéos diffusées depuis des années et ayant de plus en plus de mal à nous sortir une image en mouvement de l’idole en place : Ben Laden. C’est bien d’une mise en scène, dont il s’agit. A force de vouloir convaincre, la CIA a laissé faire une équipe d’amateurs, obnubilés à attiser la haine et rien d’autre. Des entreteneurs de guerre, des pousse au crime, des manipulateurs d’opinion. On nage dans le faux, qu’on nous fourgue comme vrai. S’y ajoutent les clichés que répand lui-même Idema, le montrant… au Pakistan, portant Keffieh et le fameux Pakol rendu célèbre par Massoud. Olivier Roy avait un jour fait un texte superbe sur cette « mode afghane »… et sur ces « Moudjahidine de la CIA » (*4). Un texte phénoménal de clarté et d’analyse qu’il convient de relire (*5). La CIA n’a pas enrôlé que des Moudjahidine…

Ce côté faux fait partie intégrante du personnage d’Idema, un frimeur qui en réalité n’a jamais connu le combat (*6). Il a certes été dans les 10th Special Forces Group (né à … Fort Bragg !), jusque 1978, mais seulement comme opérateur radio, puis a été versé après dans la réserve pendant six années. Impossible de croire qu’il aurait pu rempiler en 2004 dans l’armée après être resté en dehors du circuit pendant… 25 ans ! En fait, ces vingt cinq dernières années le mercenaire, ce faux militaire jouait au petit soldat… dans sa boutique de Paintball… il avait même son magazine, « Paintball Planet » et fabriquait des « casques de combat » spéciaux pour sa passion. Il avait même sa marque, plutôt réputée dit-on, intitulée bien entendu ICS, pour « Idema Combat Systems ». A la tête d’Idema Combat Systems, il fournissait également l’armée américaine en armes et en vêtements de combat, jusqu’au jour où il a escroqué plus de 60 sociétés pour 260 000 dollars, avec à la clé comme tarif trois années de prison. Un Efraïm Diveroli bis, en quelque sorte, et un homme que connaissait donc bien l’armée américaine (on retombe sur ces liens plutôt flous). Au sortir de celle-ci, le juge lui avait prescrit de suivre des soins psychologiques… qu’il n’a évidemment jamais suivis. Le commandant de la prison avait eu de sérieux doutes sur sa santé mentale, comme le capitaine qui avait mis fin à son contrat de Green Beret.

Un psychopathe, doublé d’un affabulateur, pouvant devenir violent, tel était le verdict des militaires qui avaient eu à faire avec lui. Aux gens qui le contactaient, il affirmait aussi parfois être à la tête de la « Special Operations Expositions and Conferences« , un organisme spécialisé dans les technologies de guerre… et une totale invention. Pour ce qui est d’inventer des noms, Idema était très doué. Pour les royalties du livre écrit (en partie) par Robin Moore, l’éditeur avait signalé qu’une partie des droits iraient à des organismes soit d’anciens combattants blessés, soit d’aide aux familles afghanes démunies, citées dans l’ouvrage. Lors de l’enquête sur Idema, on trouvera les deux associations de ce type… « U.S. Counter-Terrorist Group » ou « Counterr », inventées par lui-même et conduisant directement à son compte en banque personnel. Deux boîtes aux lettres vides, en réalité ! Et deux détournements d’argent patents. Psychopathe, affabulateur et…escroc. Mais avec des gens tous disposés, il est vrai, à le croire (*7), surtout chez Fox News, où il était attendu comme le messie pour abonder dans le sens de la « guerre au terrorisme« . Un tortionnaire venant parler du bien fondé de la traque du fantômatique Ben Laden, ça n’avait pas de prix.

Le plus intriguant de l’histoire, c’est que la veille de l’arrestation d’Idema et de son équipe, un journal afghan avait décrit point par point les expéditions punitives du groupe, une équipe présentée comme « des Green Berets ayant rompu les ponts avec leur hiérarchie« , et ayant déjà arrêté 13 personnes depuis leur arrivée voici trois mois seulement. Le journal indiquait surtout le nom exact du groupe, « Task Force Saber 7« . Idema avait bel et bien été dénoncé, ou surveillé par les services secrets en cheville avec la presse, ou par la presse elle-même à qui il avait sans doute trop promis de scoops bateaux. Un lâchage en règle, visiblement, après avoir servi à on ne sait quel dessein. Parmi ces victimes, Maulavi Siddiq Ullah, un religieux connu membre d’un famille riche et réputée de Kaboul, battu, affamé et humilié (mis à nu, comme à Abou Ghraib au même moment !). On avait retrouvé des prisonniers d’Idema, pendus la tête en bas, et Siddiq Ullah avait subi le même sort. Les américains ayant un mal fou à s’entendre avec les cléricaux afghans, la détention de Malauvi avait provoqué l’arrestation immédiate d’Idema, façon western également. L’armée en avait assez de ses frasques, visiblement (*8). La veille, Kaboul s’était en effet réveillée avec partout des affichettes « wanted » avec la tête de Torah Borah Jack, dans la plus pure tradition d’Hollywood ! Le chasseur de tête de Ben Laden devenu lui-même hors-la-loi : du Hollywood, du grand guignol ! Sur une seule affiche, le résumé de la présence américaine en Afghanistan et en en Irak ! Et juste après, des blogs supporters de Tora Bora Jack proposaient déjà dans la foulée des t-shirts estampillés « Free Idema » !!! A l’arrière du t-shirt, un texte bien provocateur : « je m’excuse d’avoir sauvé ces gens, j’aurai du laisser les talibans tuer tous ces crétins », signé Keith Jack Idema. A ce stade, cela devient du cirque véritable, en effet…

L’homme une fois arrêté et promptement jugé et envoyé pour dix ans en prison, ainsi que ses acolytes. La prison où ils atterrissent aura de bien étranges mœurs… de corruption. Jack et ses sbires vivront à l’écart des autres prisonniers, avec un confort certain, télévision incluse… et interviews sur place par… des correspondants de télé américaine… on croît rêver mais non, les images montrent bien les faits (dans le reportage, aller voir à la 35 eme minute). Une entrevue surréaliste, avec une espèce de déjanté grotesque comme moudjahidine balafré digne des films de Lautner. L’homme bénéficie de protections sur place, c’est une évidence : ce n’est pas une cellule mais un appartement de résidence surveillée, dans l’enceinte de la prison, ou Idema tient salon, avec « dvd, tv, et un bar bien fourni » nous dit le commentateur !. Du fond de sa prison, Idema l’affirme : « je ne suis pas un mercenaire« . Toutes les apparence sont contre lui, pourtant. Travaille-t-il pour autant pour la CIA ? C’est ce qu’il aimerait bien nous faire croire : or là aussi, ça ne tient pas la route, malgré les similitudes et les lieux.

Car son parcours à travers l’Afghanistan, mais aussi l’Europe, dans les années 90, pose également question : la découverte en Lituanie d’une prison de la CIA, en ce sens pose sérieusement question. Y aurait-il fait d’autres séjours ? Aurait-il fait partie du vol d’un N8213G, de Richmond Aviation (aka Prescott Aviation)... ou du connu N379P, le « torture jet » ? Les révélations de Khalid Sheikh Mohammed sur comment il avait pu soupçonner d’avoir été expédié en Pologne pour y être torturé sont assez confondantes… Khalid Shekh avait pu apercevoir voir entre deux sévices l’origine d’une bouteille de vodka estampillée .pl… (*9) Idema a-t-il torturé en Lituanie, voire en Pologne ? En ce cas, les soupçons sur les prises de vue en Europe de certaines scènes de tortures prises par Idema se confirmerait… à en faire en ce cas un membre effectif de cette même CIA… Nous avions, dans Agoravox TV relevé ses incohérences de décor, en affirmant qu’elles semblaient bien que les séquences avaient été filmées en Europe et non en Afghanistan. Le carrelage au sol, noir et blanc, les prises de courant, la robinetterie et l’évier en inox étant davantage européens qu’afghans (quoique ce sont les allemands qui ont installé les écoles de l’endroit cité). Mais le doute subsiste, car à Salt Pit, tout prêt de Kaboul, dans la prison secrète de la CIA autorisée le 7 février 2002 par G.Bush, le décor est assez semblable (*10). En Thaïlande, le mois suivant ouvrait l’une des toutes premières prisons « déportées ». A l’hôtel Ariana, fief de la CIA à Kaboul, et surnommé « The Pit », même chose : c’est là que leader taliban , Mullah Rocketi avait été détenu huit mois. Et torturé lui aussi.

Deux ans plus tard à peine, Karzaï amnistie notre homme, et en véritable homme des médias, Idema réussit à mettre en scène aussitôt son expulsion à bord d’un Iluyshin 76 quasiment pour lui tout seul…. direction… inconnue, à vrai dire. Selon le blog à son service et à sa gloire « 200 dignitaires afghans seraient venus le saluer avant son départ » : idema en fait une nouvelle fois trop, en citant un général inconnu et des « membres de l’ambassade afghane« … Idema en profitant pour dénoncer « l’absence des grands médias » pour son départ ! On le retrouvera chez lui, aux Etats-Unis, quelques semaines après. A deux pas… de Fort Bragg. Durant son procès, beaucoup avaient été intrigués par la disparition de pièces importantes de son dossier et par la manière plutôt expéditive avec lequel ce procès avait été mené. Idema appartenait-il ou non à la CIA, malgré les dénégations de ses supérieurs ?

Un échange de courrier avec William G. Bokyn, en particulier, avait semé le trouble. Bokyn, l’homme à la tête d »une véritable croisade religieuse évoqué » également ici-même, avait-il fait confiance à une pareille tête brûlée (*11) ? Celui qui avait affirmé que la torture ne présentait aucun problème ? On ne le sait toujours pas à ce jour ; mais avec pareille direction, on peut très bien l’imaginer : si Tora Bora Jack est fou, et s’il travaille pour l’armée ou la CIA, son supérieur hiérarchique ne vaut guère mieux, qui parlait de « musulmans satanistes » ou qui invoquait ouvertement sa « croisade » religieuse personnelle en Irak, alors qu’il était chef des armées ou qui affirmait que Georges W.Bush avait hérité de son poste car c’était « Dieu qui l’y avait placé » !!! Tout comme les mercenaires de Blackwater, des évangélistes déguisés, sous la direction d’Eric Prince, lui-même en croisade religieuse, tout cela se tient en effet. Prince avait des « visions » sur l’Iraq, qui n’avaient pas qu’un aspect militaire…

Mais un autre élément à charge va venir bien après, un élément bien plus troublant démontrant que le cas Idema ne se résume pas qu’à un simple fou furieux incontrôlable lâché dans la nature. Comme d’habitude, dans ces cas douteux, c’est l’argent qui va le trahir. Lui, si avide de gloire mais aussi d’argent, en a en effet reçu, mais par un très surprenant canal, à vrai dire. Le 28 août 2005, alors qu’Idema est toujours emprisonné, aux Etats-Unis, près d’Oakland, à Hayward exactement, on arrête Noor Alocozy, un obscur détenteur de restaurants de Pizzas à domicile. L’homme a envoyé plus d’un million de dollars entre 2002 et 2003 en Afghanistan dont une partie était arrivée au final chez…. Jack Idema. Il est d’origine afghane, et l’a fait selon le procédé très particulier de l’hawala, un système qui ne laisse quasiment pas de trace comptable. Car il fonctionne sans transmission de moyen de paiement réel et repose entièrement sur la confiance existant entre les personnes en relation dans le réseau créé : « un client donne une somme d’argent à l’un de ces agents, qui contacte l’agent le plus proche du destinataire de cette somme et lui demande de lui verser cette somme (moins une commission, généralement) en échange de la promesse de lui rembourser plus tard » nous explique Wikipedia. Le système à la base de l’argent d’Al-Qaida, on le sait, qui repose sur la confiance en l’interlocuteur en face, pas sur un quelconque papier.

Le 26 août, Alocozy sera condamné à quatre mois de probation chez lui, sans plus, son avocat démontrant qu’il ne savait pas à qui au final arrivait l’argent. Selon lui, c’est parce qu’idema avait été client chez lui qu’il avait reçu de l’argent : en voilà un bien sympathique patron de pizza, qui paye ses propres clients ! Son histoire rappelait en tout cas celle de 2002 de Qader Qudus, un joaillier détenu pour les mêmes envois. Le destinataire était Ahmadullah Sais Niazi, via le Centre Islamique d’Irvine, en Californie. Niazi avait été rendu coupable par la justice US d’achats d’armes et de trafic de drogue destiné aux talibans. La mosquée avait été infiltrée par le FBI, grâce à un « espion » ou Confidential Informant (ou « CI »). La petite société montée à Fremont par Qudus ZSQ, avait transféré jusqu’à 600 000 dollars par mois avant le 11 septembre 2001, ce qui était sidérant au regard de sa taille intrinsèque. En septembre 2003 Qudus avait plaidé coupable de trafic d’héroïne et de blanchiment d’argent destiné au terrorisme. Une fois encore, on constate la même chose : de nombreux réseaux terroristes avaient été infiltrés par le FBI, avant l’attentat du WTC, et ce n’est qu’après l’attentat qu’on en a fait la révélation… Tora Bora Jack était-il l’infiltré du lieu, la CIA lui avait-il demandé de faire partie de ce réseau ? A ce jour, nous n’en n’avons pas la réponse. Mais de recevoir de l’argent destiné au départ aux talibans reste une belle prouesse en ce cas, connaissant l’individu et ses écrits. De l’argent aussitôt réclamé par d’autres : en juin 2005, un dénommé Bill Hagler, originaire de la même ville qu’Idema, ancien associé d’Idema, lui intente un procès pour détournement de 650 000 dollars. Il a le droit évidemment à toutes les diffamations imaginables sur le blog de Jack Idema…

Au final, l’effet de pareils guignols est effectivement désastreux sur la population et surtout sur les forces spéciales elles-mêmes. Tout se passe comme si d’aucuns voulaient entretenir la haine. A montrer les tortures, a être toujours les premiers en ligne pour montrer les horreurs. Car ce n’est qu’un exemple du mépris le plus total pour les populations locales, ayant provoqué en fort peu de temps une inversion dans les sentiments de la populace. En quelques années, les libérateurs de l’emprise talibane son devenus des occupants barbares, pas moins, et aujourd’hui, il leur est impossible de revenir en arrière. Le mal est fait, ils ont laissé derrière eux une image désastreuse. Les « opérations spéciales » tortueuses visant à approvisionner en drogue la CIA n’ont rien fait pour améliorer les choses, bien au contraire : les autochtones savent aujourd’hui tous distinguer un Mil MI-8 de l’armée afghane, quand ils arrivent à en voir un, des Mil des « black-ops » venus jouer les interlocuteurs privilégiés des chefs de guerre locaux qu’ils sont censés combattre (et à qui ils distribuent des billets verts). Car le fond du problème est là : même si chez Jack Idema il est difficile de prouver une quelconque appartenance réelle à la CIA, de forts soupçons subsistent, spécialement sur l’usage qu’il a pu faire d’un matériel de montage vidéo, d’un studio de production, et non pas pour ses frasques de frimeur ou ses exploits de tortionnaire. L’homme a participé, consciemment ou non à une manipulation. Personnellement, j’aurai tendance à dire inconsciemment, tant l’individu se noie dans son site dans sa propre vantardise, sa folieses injures et ses exploits, pour la plupart imaginaires.

Chez d’autres, comme nous allons le voir demain, ce ne sont plus de simples soupçons. La CIA a effectivement eu recours à ces têtes brûlées, et on en a la preuve cette fois, qui ont conduit à un jugement et une condamnation, aux Etats-Unis cette fois. Sans que les médias ne lui fassent grand écho, pour autant (ce qui n’est pas vraiment pour nous étonner !). Mais de ceux-là nous parlerons demain, si vous le voulez bien.

(1) « One witness, taxi driver Ahmad Ali, testified that the Americans repeatedly dunked his head under water, beat his abdomen and feet, and fed him only two pieces of bread for an entire week. He said the Americans kept showing him photographs – presumably of resistance fighters – and asked him if he knew them ».

(2) « I’d like to make clear, the United States did not and does not employ or sponsor these men, » Boucher said July 21. « Our embassy’s made that very clear in Afghanistan, as well. » The U.S. military and NATO officials in Afghanistan have also repeatedly denied they were connected in any way with Idema’s group. But today, Major Jon Siepmann, a spokesman for coalition forces in Afghanistan, admitted that the U.S. military held for a month an Afghan man who had been handed over by Idema. But Siepmann denied Idema had been working for the U.S. military. Siepman said the detainee was someone the Pentagon had identified as a potential terrorist. Siepmann gave no details of the detainee’s identity, alleged crimes, or current status ».

(3) « Idema wore sunglasses in the courtroom, completing a look that once fooled even NATO peacekeepers, who sent explosives experts to help him with three raids before realizing they had been duped into thinking he was with U.S. special forces ».

(4) « Qu’il est grand, le djihad, qu’elle est belle, la guerre sainte musulmane, vue de la « route des Cinq Cols » ! Tout au long des années 80, des milliers d’islamistes venus du monde entier usent leurs rangers de militants sur ce chemin muletier suspendu entre Peshawar, la base arrière du Pakistan, et les vallées insurgées de l’Afghanistan. Ils volent au secours de leurs frères en religion envahis par les communistes impies. Treillis flambant neufs et sacs de couchage bleus, ils tirent par la bride des chevaux chargés de roquettes et de mitrailleuses, brûlant de devenir les héros de la cause islamique. Prêts à mourir pour la Oumma, cette mythique communauté de l’Islam dont l’unité sacrée s’est dégradée au fil de l’histoire en une multitude d’Etats indignes. Ici, plus d’Arabes, de Persans ni de Turcs : dans la lumière aveuglante de la guerre sainte, il n’y a que des musulmans ».

(5) « Après l’invasion soviétique en 1979, les islamistes afghans rentrent chacun dans sa région d’origine pour y mener la guérilla grâce au soutien logistique pakistanais. Là, les divergences sautent aux yeux. Hekmatyar, qui jouit de la préférence voyante de l’ISI, reçoit le gros des armes et des troupes. Son homologue du Nord, Massoud, ne récupère que des rogatons. Derrière ce favoritisme affiché se profilent des discordances tactiques Hekmatyar a été entièrement récupéré par l’ISI, alors que Massoud tient à son indépendance – ainsi que de nettes nuances idéologiques : Hekmatyar est un islamiste radical dur, Massoud, lui, reste un modéré. La vraie division est ailleurs : Hekmatyar est pachtoune, Massoud tadjik. En surface, la résistance contre l’ennemi commun a occulté les rivalités séculaires héritées d’une longue histoire de zizanie ethnique. Entre les Tadjiks et les Pachtounes, le grand voisin pakistanais a toujours choisi les seconds. Pourquoi ? Parce que les Pachtounes d’Afghanistan ont des cousins au Pakistan où, bien que minoritaires, ils trustent l’élite, l’armée, les services publics et surtout les services secrets ».

(6) « The décor reflects Idema’s decades-long quest to fashion himself an action hero. He joined the Army in 1975 and qualified for the Special Forces, but his performance was often lacking. In an evaluation report dated July 7, 1977, Capt. John D. Carlson described him as « without a doubt the most unmotivated, unprofessional, immature enlisted man that I have ever known. » In 1978 he transferred to a reserve unit where he served until 1981, when he was relieved of his duties, in part for his « irrationality » and « tendency toward violence. » His military records indicate that he never saw combat. »

(7) « Whatever Idema was up to, it was always entertaining to listen to his stories of “black ops” and derring-do around the world, and he generally found an attentive audience. With more than a third of the country declared a no-go area by the United Nations, few journalists or aid workers ventured out of Kabul and they loved to hear his stories. He in turn adored conspiracy theories ; he was a keen reader of The Da Vinci Code ».

(8) “We are fed up with all these adventurers,” said one. “No Afghan is going to trust us that we are who we say after this. And if he really is working for the Pentagon, then it looks like he is going to fall on his sword.”

(*9) « Khalid Sheikh Mohammed later told a team from the International Red Cross, who questioned him in late 2006, that he thought he had probably been held prisoner in Poland. « I think the country was Poland, » he said, according to the Red Cross report. « I think this because on one occasion a water bottle was brought to me without the label removed. It had (an) e-mail address ending in ’.pl’. The central-heating system was an old-style one that I would expect only to see in countries of the former communist system. »

(10) « The White House was undeterred. By Jan. 25, 2002, according to a memo obtained by NEWSWEEK, it was clear that Bush had already decided that the Geneva Conventions did not apply at all, either to the Taliban or Al Qaeda. In the memo, which was written to Bush by Gonzales, the White House legal counsel told the president that Powell had « requested that you reconsider that decision. » Gonzales then laid out startlingly broad arguments that anticipated any objections to the conduct of U.S. soldiers or CIA interrogators in the future. « As you have said, the war against terrorism is a new kind of war, » Gonzales wrote to Bush. « The nature of the new war places a A high premium on other factors, such as the ability to quickly obtain information from captured terrorists and their sponsors in order to avoid further atrocities against American civilians. » Gonzales concluded in stark terms : « In my judgment, this new paradigm renders obsolete Geneva’s strict limitations on questioning of enemy prisoners and renders quaint some of its provisions. »

(11) « General Boykin’s connection to the torture in Iraq goes far beyond the merely theoretical level. According to investigative journalist Seymour Hersh, General Boykin himself was involved in the design of the military policies that allowed for the use of torture against Muslim prisoners. Through General Boykin, the fundamentalist belief in a Christian holy war against Islam is linked with the use of humiliation and pain to break prisoners.The faith Boykin and Bush is one that is based upon a vision of a world populated by good guys and bad guys. This vision is revealed in Bush’s insistence that « You either with us or your against us, » and Boykin’s belief (uncontradicted by Bush)

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Classé dans Six de l'Hexagone, Stéphane Bouleaux

Crise à la Cour Suprême des USA

Jean Gagnon Dossier Actualité économique

Bien que les crises à gérer ne manquent pas présentement, Barack Obama s’attaque maintenant à la Cour suprême en dénonçant sa plus récente décision et en promettant de faire tout en son pouvoir pour la contester.

Le cas concerne une décision de la Federal Election Commission (FEC) d’empêcher un groupe conservateur appelé Citizens United d’utiliser ses propres fonds pour financer et promouvoir le film < Hillary:The Movie>, un documentaire très critique à l’endroit de la sénatrice qui tentait alors d’obtenir l’investiture du parti démocrate à l’élection présidentielle de 2008.

Par une décision de 5 voix contre 4, la Cour suprême a réfuté l’argumentation de la FEC qui veut limiter dans certains cas les contributions de sociétés américaines ou étrangères aux campagnes électorales.

Depuis la retraite en 2005 de la juge Sandra Day O’connor, qui assurait un fragile équilibre entre libéraux et conservateurs au sein de la cour, et son remplacement par le juge Samuel Alito, ainsi que le décès la même année du juge en chef William Rehnquist remplacé par le juge John Roberts, deux nominations de Georges W. Bush, la Cour suprême des États-Unis est majoritairement républicaine.

Les 5 voix conservatrices ont fait valoir le premier amendement à la constitution des États-Unis, soit celle qui garantie la liberté d’expression, pour justifier qu’il soit permis à quiconque en tout temps de financer un projet qui peut avoir comme conséquence de modifier l’opinion publique à la veille d’une élection.

Les 4 voix libérales insistaient pour leur part sur la nécessité de mécanismes pour empêcher que le résultat d’une élection à un poste public soit déterminé par la participation démesurée à la dernière minute d’un groupe d’intérêt, ce qui fausserait le jeu de la démocratie.

En somme, la question était de savoir si la sacro-sainte liberté d’expression permet à quiconque de s’ingérer dans le processus électoral au détriment peut-être de la démocratie elle-même ? La Cour suprême a répondu oui, ce qui a rendu Barack Obama furieux.

John Paul Stevens

Les décisions de la Cour suprême s’accompagnent généralement d’une opinion des juges qui ont voté contre. Dans le cas de FEC c. Citizens United , c’est le vénérable juge John Paul Stevens qui a rédigé l’opinion minoritaire. Le juge Stevens aura 90 ans en avril.

La bi-partisannerie de la Cour suprême est perçue par plusieurs comme un danger pour la démocratie américaine, et ce jugement en fournit sûrement un bel exemple. Dans son opinion, d’une grande sévérité à l’endroit de ses pairs, John Paul Stevens commence ainsi (je n’ai pas voulu traduire le texte afin de m’assurer de ne pas modifier le ton et le fond des propos du juge. ” The Court’s ruling threatens to undermine the integrity of elected institutions across the Nation. The path it has taken to reach its outcome will, I fear, do damage to this institution.” Et il poursuit:” Five justices were unhappy with the limited nature of the case before us, so they change the case to give themselves an opportunity to change the law.

Le juge Stevens explique qu’il voit dans ce jugement un danger pour l’individu. ” The Court’s blinkered and aphoristic approach to the First Amendment may well promote corporate power at the cost of the individual and collective self-expression the Amendment was meant to serve. It will undoubtedly cripple the ability of ordinary citizens, Congress, and the states to adopt even limited measures to protect against corporate domination of the electoral process.

Dans les années antérieures, la Cour s’était penchée à deux reprises sur une question similaire, soit les cas connus sous les  noms de Austin et McConnell. Dans les deux cas, la Cour avait tranché dans l’autre sens. John Paul Stevens conclut alors :” The only relevant thing that has changed since Austin and McConnell is the composition of this Court ”.

Si le jeune président des États-Unis veut s’attaquer à la Cour suprême, son meilleur allié est probablement le vieillard qui y siège.

 

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Classé dans Actualité, économie, Jean Gagnon

Haïti – Je me souviens

L’hypocrisie générale des médias et des politiciens dans le cas des tenants et des aboutissants – de l’Histoire – d’Haïti, est tout simplement répugnante. On s’émeut de la catastrophe qui s’y est produit sans jamais parler du contexte dans lequel se trouve les Haïtiens depuis le début de l’arrivée des premiers empires colonialistes. Cette mise en contexte de la condition d’Haïti est non seulement absolument nécessaire pour comprendre pourquoi ce pays et sa population sont pris dans cette misère endémique, mais aussi par respect pour eux.

Il n’y a pas plus irritant que de voir ces politiciens occidentaux et médias se demander de façon condescendante pourquoi est-ce que les Haïtiens semblent être incapables de s’autodéterminer et se sortir une bonne fois pour toute de cette misère cauchemardesque. S’ils possédaient ne serait-ce qu’une once d’honnêteté, ils se regarderaient dans le miroir et feraient un retour substantiel sur l’Histoire pour comprendre comment un pays et son peuple peut être détruit, anéanti, subjugué et dénié.

La tragédie d’Haïti

Tel se nomme le chapitre du livre de Noam Chomsky intitulé L’an 501, La conquête continue: La tragédie d’Haïti. Parce qu’il s’agit bel et bien d’une tragédie. Crée de toute pièce, par l’homme. Le dernier tremblement de terre n’a que révélé dramatiquement à la communauté internationale et mis sous les projecteurs une situation accablante qui perdure depuis des centaines d’années. Si Haïti n’avait pas déjà été dans une situation des plus tragique, ce tremblement de terre n’aurait pas eu des effets aussi dévastateurs que présentement.

La république d’Haïti fut proclamée le premier janvier 1804, après qu’une révolte d’esclaves eut chassé les dirigeants coloniaux français et leurs alliés. Les chefs révolutionnaires abandonnèrent l’appellation française de « Saint-Domingue » en faveur du nom utilisé par le peuple qui avait accueilli Colomb en 1492, au moment où il arrivait pour créer la première colonie européenne du Nouveau Monde. Les descendants des premiers habitants ne purent pas fêter la libération. En moins de 50 ans, leur nombre avait été réduit à quelques centaines, à partir d’une population précolombienne dont l’évaluation varie de quelques centaines de milliers à huit millions d’âmes, selon la source.

Il n’en restait plus un seul, d’après les savants français contemporains, lorsqu’en 1697, la France enleva à l’Espagne le tiers occidental d’Hispaniola, qui s’appelle à présent Haïti. Le chef de la révolte, Toussaint Louverture, ne put pas célébrer la victoire non plus. Il avait été capturé par fourberie et envoyé dans une prison française où il mourut « de mort lente de froid et de misère », pour reprendre les termes d’un historien français du XIXe siècle.

Heureusement, il existe encore des gens qui se souviennent:

Haïti est le pur produit du colonialisme et de l’impérialisme, de plus d’un siècle d’utilisation de ses ressources humaines aux travaux les plus durs, des interventions militaires et de la ponction de ses richesses.

Cet oubli historique ne serait pas aussi grave que le fait réel qu’Haïti constitue une honte de notre époque, dans un monde où l’immense majorité des habitants de la planète continue d’être exploitée et mise à sac. – FIDEL CASTRO
http://www.legrandsoir.info/La-lecon-d-Haiti.html

Colomb décrivit le peuple qu’il avait découvert comme étant « très sympathique, accommodant, paisible, aimable, digne » et son pays riche et accueillant. Hispaniola était un des endroits qui comptait une des plus hautes densité de population au monde de cette époque. Ils étaient décrit comme étant des gens « les plus dépourvus de fourberie, de méchanceté et de fausseté ». En 1552, soit soixante ans après leur arrivée, les Espagnols réduiront cette population indigène à environ 200 personnes par tous les moyens: en les tuant, les terrorisant, les faisant souffrir, les torturant et au final, les détruisant complètement.

Les Espagnols échouèrent dans leurs tentatives de piller les richesses de l’ile, car le peuple qu’ils avaient réduit à l’esclavage mourrait trop vite, allant même jusqu’à commettre des suicides collectifs pour échapper à cet enfer. C’est alors que dès le début du 16e siècle, un grand nombre d’esclaves africains seront expédiés alors qu’on instaura l’économie de plantation.

« Saint-Domingue était la plus riche possession coloniale européenne dans les Amériques », écrivit Hans Schmidt; en 1789, elle produisait les trois quarts du sucre du monde et elle était le plus grand producteur de café, de coton, d’indigo et de rhum. Les esclavagistes fournissaient à la France une richesse énorme, grâce au travail de 450 000 esclaves, autant que dans les colonies antillaises britanniques ».

Ainsi, la révolte des esclaves montera progressivement pour atteindre des proportions sérieuses à la fin de 1791, inquiétant bien l’Europe et ses avant-postes. En 1793, la Grande-Bretagne envahit l’ile lui assurant un monopole sur les ressources prisées s’y trouvant.

Les États-Unis, qui avaient des liens commerciaux avec la colonie française, envoyèrent aux dirigeants français 750 000 dollars d’aide militaire ainsi que des troupes pour aider à réprimer la révolte. La France expédia une armée énorme, comprenant des troupes polonaises, néerlandaises, allemandes et suisses. Son commandant écrivit finalement à Napoléon qu’il serait nécessaire d’anéantir pratiquement toute la population noire si on voulait imposer la domination française. Sa campagne fut un échec et Haïti devint le seul exemple dans l’Histoire « d’un peuple asservi qui brise ses chaines et contraint par les armes une grande puissance coloniale à battre en retraite ». (Farmer)

En dépit de tout cela, l’indépendance sera proclamée en 1804.

« L’aide humanitaire » et « l’intervention désintéressée »

Entre 1849 et 1913, des navires de guerre américains vont entrer dans les eaux territoriales haïtiennes 24 fois, au nom de protéger des vies et des propriétés américaines. On accorde bien peu d’importance à l’indépendance d’Haïti et de considération pour les droits de ses habitants. Cette mentalité interventionniste et colonialiste se poursuit sous le gouvernement de Woodrow Wilson qui adopta rapidement une politique d’invasion et d’instauration d’un gouvernement militaire américain.

En 1915, Wilson envahit de nouveau Haïti et ses troupes assassinèrent, détruisirent, rétablirent pratiquement l’esclavage et liquidèrent le système constitutionnel.

Les États-Unis resteront au pouvoir pendant 20 ans et le laisseront ensuite aux mains de la Garde nationale qu’ils avaient créée et de ses dirigeants traditionnels. Au cours des années 1950, la dictature de Duvalier prit la relève, pour mener le jeu à la manière du Guatemala, toujours avec le ferme soutient des États-Unis.

Sous le joug de la dictature de « Bébé Doc » Duvalier, les multinationales et sociétés américaines s’implantent en sol Haïtien et s’orientent souvent à l’exportation des richesses naturelles. Au cours des années 1980, c’est le FMI et la Banque Mondiale qui commencent à prendre leur tribut sous le choc des programmes d’ajustement structurels qui firent baisser la production agricole tout comme les investissements, le commerce et la consommation. La pauvreté devint encore plus terrible. On prête de l’argent en Haïti pour rembourser les intérêts et les dettes encourues (n’oublions pas que Haïti a acheté son indépendance de la France à grand frais); ayant pour seul résultat d’augmenter sans cesse les dettes du pays et asservir le pays.

Les conditions du FMI furent en sorte que pratiquement tous les employés d’État, les enseignants et autres durent être congédiés et accepter les politiques néolibérales de « libre marché ». Ces politiques auront pour conséquence d’inonder le marché haïtien de riz, de sucre ainsi que d’autres produits agricoles américains hautement subventionnés, ce qui a ruiné les fermiers haïtiens qui ne pouvaient plus faire compétition, détruisant donc la capacité de ce pauvre pays à se nourrir lui-même.

Dans les années 1990, c’est les États-Unis qui continue la conquête et le contrôle de Haïti. Washington appuie deux coups d’État et par deux fois envoie des troupes militaires en Haïti. Les deux coups d’État furent montés pour renverser Jean-Bertrand Aristide, le premier président haïtien à être démocratiquement élu par un vote populaire. Les coups d’État de 1994 et 2004 ont fait environ 13 000 victimes haïtiennes.

En 1994, suivant trois ans de règne militaire, une force d’occupation militaire de 20 000 troupes et de « forces de la paix » sont dépêchés vers Haïti. L’intervention militaire américaine de 1994 « n’a jamais eu comme but de restaurer la démocratie. Au contraire: elle a été mise en place pour prévenir une insurrection populaire contre la junte militaire et sa cohorte néolibérale ».

Durant le pouvoir militaire (1991-1994), le FRAPH passa (non officiellement) sous la juridiction des forces armées, prenant ses ordres chez le commandant en chef, le général Raoul Cedras. Selon un rapport de la Commission des Droits de l’Homme des Nations unies, daté de 1996, le FRAPH avait bénéficié du soutien de la CIA.
Sous la dictature militaire, le trafic de drogue fut protégé par la junte militaire qui, de son côté, était également soutenue par la CIA. Les dirigeants du coup d’État de 1991, y compris les commandants paramilitaires du FRAPH, figuraient sur les feuilles de paie de la CIA. (Voir Paul DeRienzo, Voir également Jim Lobe, IPS, 11 oct. 1996).

A ce propos, Emmanuel Constant, alias « Toto », confirma, dans l’émission « 60 Minutes » de la CBS, en 1995, que la CIA le payait environ 700 dollars par mois et qu’il avait créé le FRAPH alors qu’il était sur les feuilles de paie de l’agence. (Voir Miami Herald, 1er août 2001). Selon Constant, le FRAPH avait été constitué « avec les encouragements et le soutien financier de la Defense Intelligence Agency [la DIA] américaine et de la CIA » (Miami New Times, 26 février 2004). Michel Chossudovsky, Haïti, un coup d’État financé et orchestré par les États-Unis

Les troupes américaines et alliées demeureront dans le pays jusqu’en 1999. Les forces armées haïtiennes seront démantelées et le Département d’État américain engage la compagnie de mercenaires privés DynCorp pour fournir des « conseils techniques » concernant la restructuration de la Police Nationale Haïtienne. (Michel Chossudovsky, The Destabilization of Haiti, Global Research, February 28, 2004)

Le coup d’État de février 2004

Durant les mois menant au coup d’État, des forces spéciales américaines, avec l’aide de la CIA, entraînaient des escadrons de la mort composés d’anciens tonton macoutes de l’ère de Duvalier. L’armée rebelle paramilitaire traversa la frontière séparant Haïti de la République Dominicaine au début de février 2004, explique Michel Chossudovsky. Il s’agissait d’une unité paramilitaire bien entraînée et équipée, intégrée par d’anciens membres du Front pour l’avancement et le progrès d’Haiti (FRAPH). Ces escadrons en habit civil ont été impliqués dans des tueries de masse de civils et d’assassinats politiques durant le coup militaire sponsorisé par la CIA de 1991, qui avait renversé le gouvernement démocratiquement élu de Bertrand Aristide.

Des troupes étrangères furent envoyées en Haïti. La force onusienne MINUSTAH a été mise en place suite au coup d’État soutenu par Washington en février 2004. Le président Bertrand Aristide sera enlevé et déporté par les forces armées américaines, à la pointe du fusil. S’il refusait, c’était une balle dans la tête. Ce coup a été organisé par les États-Unis, avec le soutient actif du Canada et de la France.

Haïti est ainsi donc sous occupation militaire étrangère depuis février 2004. Le contingent de forces américaines sous SOUTHCOM, combiné aux forces étrangères apportées par MINUSTAH, assure une présence d’environ 20 000 troupes pour ce pays de 9 millions de personnes, un taux comparable à celui des troupes étrangères présentes en Afganistan.

Janvier 2010: Invasion militaire d’Haïti déguisée en aide humanitaire d’urgence

Ce n’est plus d’une aide humanitaire gérée par la société civile dont il s’agit, mais bel et bien d’un déploiement et d’une occupation militaire d’Haïti en règle. L’armée US et le Pentagone contrôlent de facto Haïti. Et on s’y préparait: Un scénario de secours aux sinistrés d’Haïti était prévu par les militaires étasuniens un jour avant le tremblement de terre. Cela est exposé à merveille dans cet autre excellent article de Michel Chossudovsky:

La militarisation de l’aide d’urgence à Haïti : opération militaire ou invasion?

Le but n’est pas de travailler à la réhabilitation du gouvernement national, de la présidence et du Parlement, tous décimés par le tremblement de terre. Depuis la chute de la dictature de Duvalier, le dessein des États-Unis a constitué à démanteler graduellement l’État haïtien, à restaurer les tendances coloniales et à obstruer le fonctionnement d’un gouvernement démocratique. Dans le contexte actuel, l’objectif n’est pas seulement d’abolir le gouvernement, mais aussi de réorganiser le mandat de la MINUSTAH, dont le quartier général a été détruit.

« Le rôle consistant à diriger les secours et à gérer la crise est tombé rapidement aux mains des États-Unis, dans l’absence, à court terme du moins, de toute autre entité compétente. » ( US Takes Charge in Haiti _ With Troops, Rescue Aid – NYTimes.com, 14 janvier 2009)

Avant le tremblement de terre, il y avait, selon des sources militaires étasuniennes, quelque 60 personnels militaires en Haïti. D’un jour à l’autre, une escalade militaire s’est produite instantanément : 10 000 troupes, marines, forces spéciales et employés des services de renseignement, etc., sans compter les forces mercenaires privées sous contrat avec le Pentagone.

Selon toute probabilité, l’opération humanitaire sera utilisée comme prétexte et justification pour établir une présence militaire étasunienne davantage permanente en Haïti.

Il s’agit d’un déploiement massif, d’une « escalade » de personnel militaire assigné aux secours d’urgence.

La mission tacite de SOUTHCOM, avec son quartier général à Miami et des installations militaires étatsuniennes à travers l’Amérique latine, est d’assurer le maintien de régimes nationaux serviles, à savoir des gouvernements étatsuniens par procuration, dévoués au Consensus de Washington et au programme de politique néolibéral. Bien que le personnel militaire étatsunien sera au départ impliqué activement dans l’aide d’urgence et les secours aux sinistrés, cette présence militaire étatsunienne renouvelée en Haïti servira à prendre pied dans le pays ainsi qu’à poursuivre les objectifs stratégiques et géopolitiques des États-Unis dans le bassin des Caraïbes, objectifs largement dirigés contre Cuba et le Venezuela.

L’aide humanitaire d’urgence et la sécurité sont devenus le lieu d’un nouveau racket profitable pour le Pentagone et sa cohorte de mercenaires privés. Les désastres naturels et l’aide humanitaire deviennent un prétexte et un couvert pour les compagnies de la reconstruction et de mercenaires privées déguisés en forces de sécurité d’opérer dans ce marché extrêmement lucratif, mais combien inhumain. Tout cela, au détriment des haïtiens qui ne sont manifestement pas chauds à l’idée de voir une aide humanitaire être apporté par des militaires et mercenaires armés jusqu’aux dents. Cela rappelle le cas de Katrina où 70 000 soldats et mercenaires privés avaient été déployés dans les rues de la Nouvelle-Orléans, avant même de penser à apporter de la nourriture et de l’aide aux victimes.

Les États-Unis préparent une occupation à long terme à Haïti. Avec le « déferlement » des militaires US à Haïti, un officiel US a indiqué que Washington prépare une occupation de longue durée de la nation caribéenne pauvre et dévastée par le tremblement de terre.

Il se trouve donc plusieurs motifs soutenant ce déploiement militaire massif en Haïti. À ceux-ci pourraient certainement s’ajouter les ressources naturelles encore disponibles, tels que le pétrole en grande quantité, semble-t-il, d’or, d’iridium, d’uranium, sans compter la masse de travailleurs bon marché qui travaillent pour quelques dollars par année.

Alors, la prochaine fois que vous entendrez quelqu’un se demander pourquoi Haïti a tant de misère à se relever,  se sortir de cette pauvreté cauchemardesque et de ce marasme politique éternel, vous leur pointerez ces quelques faits saillants historiques et un miroir…

Longue vie au peuple haïtien!

François Marginean

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De Victor Jara à Guantanamo : la même CIA (24)

Il y en a eu d’autres, de dérives, en effet, dans cette partie du monde : un belle bande de paumés complets jonchent les terrains de ces deux guerres, celles de ces mercenaires ayant ou non fait partie d’opérations secrètes et ayant ou non été recrutés un jour par la CIA. Parmi ceux-ci, un cas assez exceptionnel, proche de celui de Philip Sessarego, venu mourir piteusement en Belgique, à Anvers, après des années passées à avoir escroqué tout le monde. Celui que je vais vous décrire est plus symptomatique encore, car, visiblement, à plusieurs moments de sa vie il a été manipulé pour servir une administration qui peinait à promouvoir son « choc de civilisations » qui lui tenait tant à cœur. Les zones d’ombre de la vie de notre mercenaire du jour sont nombreuses, en particulier sa propension à réaliser des vidéos qui se retrouvent en ce moment encore diffusées paraît-il par Al-Quaida, et qui versent de plus en plus dans le grotesque achevé. Ici, notre homme agit en parfait amateur, en poseur déguisé constamment en militaire, alors qu’il ne fait plus partie de l’armée américaine depuis 18 ans, dans laquelle il s’était distingué par son goût pour la violence gratuite et son incapacité notoire à obéir aux ordres. Bienvenue dans le monde des psychopathes manipulés, des soldats ratés et des têtes brûlées si pratiques pour les basses besognes de déstabilisation. Le terrorisme a ses kamikazes, la CIA a aussi les siens avec ces hommes prêts à tout pour quelques milliers de dollars, venus sur place uniquement par l’appât du gain, L’administration Bush ayant mis la tête des dirigeants d’Al-Qaida à prix, l’Afghanistan et l’Irak se sont effectivement transformés depuis 8 ans maintenant en gigantesque western.

L’histoire de « Tora Bora Jack », de son vrai nom Jonathan Keith Idema, est là pour servir en exemple édifiant.. le jour où on l’a arrêté, dans sa maison del Kaboul, cet ancien mercenaire devenu bistrotier au Mustafa Hôtel, les militaires américains dépêchés ont eu un choc : au mur de son salon trônait en bonne place deux horloges : l’une donnant l’heure locale, l’autre celle de …. Fort Bragg ! (*1). En avait-il fait partie un jour, c’est ce qu’il clamait, en tout cas. Son cas est exemplaire : en janvier 2002, il avait tenté de vendre aux médias un reportage de sept heures d’enregistrement sur les camps d’entraînement de Ben Laden en Afghanistan au magazine « 60 minutes » (*2). Des journalistes, dont le célèbre Dan Rather, doutant de l’authenticité des documents, les feront examiner par des spécialistes qui auront des avis assez différents : pour certains ils étaient authentiques, pour d’autres pas du tout. Dan Rather lui-même se fera piéger en 2002, en croyant finalement à leur authenticité. Certaines chaînes les achetèrent, pour dit-on environ 150 000 dollars, montant minimum figurant sur un fax envoyé par l’avocat du détenteur des vidéos : « Tora Bora Jack » est devenu riche à ce moment là, et une figure respectée au sein de la ville. Il l’était déjà dans les médias américains, ayant hanté les studios de télévision après le 11 septembre comme « conseiller spécialisé », comme le montre les captures d’écrans ajoutées ici en fin de dossier.

Idema a toujours été flou sur ses sources, à propos de ces vidéos, indiquant qu’il les a avait trouvées à Mir Bacha Kot, un centre d’entraînement abandonné de Ben Laden (devenu terrain scolaire depuis, ou dispensaire, une fois déminé !) ou les ayant reçus de talibans : or le centre de Mir Bacha Kot avait été passé au peigne fin par l’armée US bien avant son arrivée. Les documents fournis participent donc très certainement à une opération d’intox de la CIA, qui a apporté son soutien pour qu’ils paraissent davantage authentiques, très certainement en puisant dans ses propres réserves cinématographiques, celles du temps où elle entraînait elle-même les troupes de Ben Laden… De vieux documents mêlés à des mises en scène assez grossières, où certains « talibans » font dans le Yamasaki parfois, façon Besson, et se promènent avec des masques de plongée comme lunettes contre les tempêtes de sable. L’important étant de bien cacher les visages, on ne sait jamais. Sur certains documents observés par Dan Rathers, les démonstrations montraient ces fameux « talibans » parler entre eux en anglais ! Selon le commentateur, un peu benêt sur ce coup-là, cela prouvait seulement « qu’ils voulaient séduire l’Ouest » !!! Le mercenaire présomptueux est en fait l’ instrument de déstabilisation de la presse, tout simplement. La presse souhaite avoir des talibans à l’entraînement, à défaut de les prendre à l’œuvre même ? On lui propose servi sur un plateau. Avec de sérieuses incohérences que relève un général américain : le maniement des armes est celui que l’on montrait en 1970 mais qui ne se fait plus depuis longtemps, les personnes montrées sont mal encadrées et parlent américain entre elles, etc. Ça sent le fake à plein nez. Idema, lui, va voir dans ce soutien médiatique un blanc seing à sa démesure fondamentale : à partir de là, il va, comme on le dit « péter les plombs » et avoir un comportement de plus en plus incontrôlable. En quelques mois, la marionnette Idema va échapper au contrôle de la CIA, obligeant même le pouvoir afghan à l’arrêter, au final. Celui qui avait aidé le pouvoir commençait à lui nuire : il fallait lu trouver une porte de sortie, la moins compromettante possible. Une arrestation, et un enfermement dans une prison bien spéciale d’où il pouvait téléphoner comme bon lui semble ou faire des interviews de plusieurs heures… au pays enchanté d’Idema, tout était faisable semble-t-il.

En quatre mois peine seulement de présence afghane, il va en effet ruiner lui-même tous ses efforts pour devenir célèbre. Non sans avoir auparavant hanté tous les studios de télévision comme « ancien béret vert » ou comme « conseiller militaire ». Il avait été invité en effet partout au lendemain du 11 septembre pour délirer en racontant en fait les thèses officielles attendues :  « oui, il y a bien un lien entre Saddam Hussein et Al-Quaida », « oui, Ben Laden s’est fourni lui aussi en armes de destruction massives quand il était au Soudan »….(*3) Tout est bon alors pour charger la barque du terrorisme et de Saddam Hussein… exactement ce que souhaite entendre le pouvoir ! C’est exactement la même chose que le cas de Philip Sessarego, avec lequel il présente bien des similitudes. On se doute bien qu’il est complètement givré, mais on le laisse occuper les écrans, car sinon on a peu de personnes pour venir tenir des propos aussi grotesques avec un tell aplomb. Idema est le jouet d’une idéologie. Incapable de s’apercevoir lui-même qu’il est manipulé : de 2002 à 2004, il va fanfaronner partout sur tous les plateaux télé, puisque qu’il a le champ libre. Quand les télévisions n’ont rien à se mettre sous la dent, elles font venir Idema sous les projecteurs et le font passer pour un « spécialiste » : en fait le spécialiste du discours officiel de W. Bush, à propos de Ben Laden « qu’il traque » ou de l’Afghanistan, « où Ben Laden se cache bien à Tora Bora ». Un Ben Laden que d’aucuns disent avoir été aidé pour s’échapper de Tora Bora : « la pêche est meilleure quand l’eau est trouble », dit pour résumer un chef de guerre afghan interviewé, qui a été empêché de capturer ce même Ben Laden… alors que le COS français l’avait « ciblé » semble-t-il, plusieurs témoignages recoupent l’idée. Mais les américains ont bel et bien décidé de le laisser filer… « Eaux troubles« , l’expression ne décrit pas le marigot dans lequel baigne cette histoire depuis le début.

La meilleure du genre des prestations télévisuelles délirantes de Jack Idema, ce sera le coup des talibans qui empoisonnent la nourriture des afghans, déversée par l’aviation américaine. Il tiendra des semaines sur les plateaux télés avec cette idée sans fondement aucun. Jusqu’au jour où Colin Powell en personne demandera une enquête officielle sur ses racontars. Une enquête où l’on découvrira que les talibans n’y étaient pour rien et que américains avaient encore une fois fait dans la dentelle dans leur « aide » aux démunis. Désireux de venir en aide l’hiver aux afghans affamés, ils leur déversaient en effet des tonnes de rations de l’armée, normalement jetées sans autre formalités, à très basse altitude normalement. La paranoïa des lance-missiles ayant fait son chemin, les colis étaient toujours jetés, mais de plus de 2000 m de hauteur parfois, les pilotes de C-17 ayant une confiance toute relative dans leurs lance-leurres. Les colis largués arrivaient au sol, explosaient et mélangeaient nourriture et… produit desséchant, mis à l’intérieur des colis, comme on peut le faire aujourd’hui pour des meubles d’origine chinoise (et dont on a vu les ravages chez les gens)… Sur les boîtes, des étiquettes en anglais, espagnol ou chinois…. indiquaient de ne pas ingurgiter le contenu des sachets desséchants. Aucune en pachtoune, évidemment. Résultat, les afghans arrosaient de ce qu’ils croyaient être du sel les plats largués, quand ceux-ci, explosés ou broyés à l’impact, n’avaient déjà pas tout mélangé eux-mêmes… Les afghans en tombaient malade, obligatoirement, surtout les enfants. Non pas d’une action talibane d’empoisonnement mais bien de l’incurie caractérisée des largages américains. Décision fut donc prise de retirer les sachets desséchants, et les envois se firent à nouveau à basse altitude avec davantage de précaution. Idema avait raconté de parfaits bobards, mais personne n’est venu expliquer après lui aux américains, à la télévision, que les méchants talibans n’étaient pas des empoisonneurs de population… ça, il l’avait fait pendant des semaines, et c’était bien ce que souhaitait le pouvoir en place ! Mentez, mentez, il en restera bien quelque chose…

En 2004, attiré par les scoops annoncés par Idema, notamment l’arrestation imminente par lui d’un caïd d’Al Qaida, CBS envisage alors de se rendre sur place, quand elle apprend que « Tora Bora Jack » vient d’être arrêté et condamné sur le champ à 10 années de prison par la police afghane pour séquestration et tortures. Dans la cave de son établissement, on vient de retrouver huit personnes vivantes, scotchées de la tête aux pieds et une chambre de torture à côté de laquelle Abou Ghraib passe pour un havre paradisiaque. Parmi les huit détenus, pas un seul membre d’Al-Quaida, mais des personnes capturées contre rançon par Idema, ses deux « assistants », un ancien militaire et un cameramen, formant avec quatre interprètes afghans un groupe d’allumés appelé « Task Force Sabre 7 ». Le gag, dans l’histoire, c’est que pour vérifier et authentifier les bandes du soi-diant entraînement de’Al-Quaida fournies par Idema, CBS avait fait appel… à la CIA. Les siennes, à l’origine, sans doute, qu’elle ne pouvait que difficilement ne pas affirmer être « authentiques  » !!! Quant à savoir comment Idema avait pu pendant des années se faire passer pour un militaire, alors qu’il n’avait fait qu’un ancien séjour dans les forces spéciales, qu’il avait quitté depuis 1986 (il avait été versé dans la réserve en 1981 avec de très mauvais rapports de ses supérieurs le concernant !) , se promener dans les ambassades et visiter un camp d’entraînement de la police en Lithuanie, mystère. Le pays est devenu un tel far-west, abandonné à tellement de contractants privés tous déguisés en militaires, qu’il est devenu impossible de savoir s’il s’agit de vrais ou pas (*4). Idema était un autre Philip Sessarego/Tom Carew, tout simplement. Et il n’est pas le seul comme nous le verrons un peu plus loin…

En fait l’armée et la CIA manquaient sérieusement d’archives le concernant. En 1992, de retour du Kosovo et de Lituanie, il avait pourtant déjà défrayé la chronique en clamant lors d’un conférence publique qu’il possédait la preuve de l’existence de bombes atomiques miniaturisées, celles qu’il aurait justement vues en Lituanie lors d’un de ses séjours de mercenaire (déjà). Evidemment, le discours étonnant à peine terminé, deux hommes étaient venus le voir en douce : un du FBI et un de la CIA en lui tenant un discours simple : « ok, bel exposé, c’est très possible, mais il nous faut maintenant les sources ». Idema s’étant refusé à les donner, avait alors été envoyé directement en prison pour fraude et trahison…. pendant trois années ! On ne rigole pas avec la fausse dissémination nucléaire, visiblement, à la CIA ou au FBI. Et pourtant : Idema avait pourtant réussi à harponner une chaîne de télévision sur le sujet, qui en avait fait plus tard une émission (*5). Intitulé « Le pire cauchemar« , il évoquait ses fameuses « bombes-valises » pakistanaises jamais vues, dans l’émission 60 minutes, diffusée le 15 octobre 2000, qui n’avait rien vérifié des dires d’Idema. Quelques années auparavant, il avait déjà fait dans le mensonge, avec une escroquerie sur de la vente de matériel militaire cette fois, sans que personne n’aille ressortir le premier… à peine sorti de prison, il avait foncé vers l’Afghanistan, pour y rejoindre le camp paraît-il de l’Alliance du Nord, où personne ne se souviendra de lui, en se faisant passer pour membre d’une ONG, et en se retrouvant ainsi à Kaboul…. via l’Inde, en train de créer un autre personnage comme durant son enfance… (*6). Un grotesque personnage.

En épilogue de se parcours désastreux, en avril 2007, sur on ne sait quelle pression, le président Hamid Karzai commue sa peine et le libère au bout de trois ans après d’emprisonnement. Pour quelles raisons, nul à ce ce jour ne le sait… à part ces liens évidents avec l’ancien ministre afghan Yunus Qanooni, (et rival de Karzaï) qui était un de ses proches semble-t-il. Le gouvernement afghan lui ayant subtilisé ses armes et ses ordinateurs lors de son arrestation, il se verra offrir 500 000 dollars en compensation (certains disent que cela a été réduit à 13 000 dollars seulement)… En quoi consistait cet équipement… c’est une bonne question, car cela ressemble assez à l’argent nécessaire à un studio de production informatisé qu’autre chose. Les jeunes afghans restés sept ans à Guantanamo sortant sans le sou…. ce qui peut paraître plus qu’inacceptable, en comparaison, pour sûr. Les bandes vidéos lui appartenant lui furent rendues, mais avec des portions effacées. Son avocat le fera logiquement et facilement remarquer (*7). Qu’avait-on cherché à masquer ce faisant ? Son implication réelle avec l’armée, qu’il embarrassait ? A qui il servait pourtant régulièrement de figurant ? Ce cow-boy mercenaire ? Un ces nombreux cow-boys d’opérette qui sévissent toujours là-bas ? Pourquoi un tel cadeau de sortie ? Quelle tâche exacte lui avait-on confiée là-bas ? En quoi consistait son suréquipement informatique ? La carrière et le comportement de Tora Bora Jack ne cessent de questionner, tant toute sa trajectoire est confuse.

Visiblement, Idema connaissait du monde dans le pays… que venait-il faire par exemple en compagnie du vice-président Khalili à Bamian ? Pour qui travaillait-il exactement, cet allumé notoire ? La réponse on s’en doute un peu : Idema, incontrôlable, a bien dû être manipulé, tout simplement, par des gens qui en avaient besoin pour fabriquer les images qu’ils n’avaient pas, où qu’ils ne pouvaient eux-mêmes fournir aux télévisions sans passer pour des manipulateurs. On songe obligatoirement… à la CIA, et à ses fameux « NOCs » (voir épisode précédent). L’homme est effectivement un affabulateur de première, se faisant passer pour un membre des troupes américaines en « mission spéciale ». Dans le civil, aux USA, une fois démobilisé, il tenait en réalité une boutique de Paint-Ball et de surplus militaires, chez qui venait parfois Robin Moore, l’auteur de « Green Berets » et de « La traque de Ben Laden« ….. A son contact, il avait appris beaucoup de choses et surtout se les avait appropriées, comme cet autre affabulateur Philip Sessarego : les deux cas sont assez similaires en défintitive. Ayant déclaré qu’il venait de découvrir tout un réseau de taxis américains prêts à poser des bombes partout, le voilà parti en Afghanistan remonter la filière, paraît-il. En réalité, ayant passé trois ans en prison pour avoir tenté de tromper le FBI il était depuis longtemps interdit de séjour dans les troupes américaines, il ne pouvait donc qu’embrasser la carrière de mercenaire et graviter autour des soldats véritables, un lot commun en Afghanistan étant donné le nombre de mercenaires sur place. Comme en prime ils ont tendance à s’habiller pareil, la confusion devient… totale.

Les liens de Jack avec l’auteur Robin Moore (décédé en 2008) étaient devenus étroits, au point que pour son éditeur le livre « La traque de Ben Laden » avait été écrit aux deux tiers sinon davantage par Idema seul : Moore, auteur âgé, était alors atteint de la maladie de Parkinson, n’écrivait plus lui-même et dictait ses aventures. Evidemment, au final, dans le livre un véritable héros émerge, qui ressemble comme deux gouttes d’eau à… Jack Idema ! Il en avait profité pour s’enrichir le portrait, et fabuler, la chose qu’il sait visiblement le mieux faire. Le livre avait fait un carton, plus de 150 000 exemplaires dès sa sortie, et longtemps quatrième meilleure vente au New-York Times. Sur la couverture, au milieu, il y avait… Jack Idema.

Et surprise encore, alors qu’on le croyait sorti de prison et rangé des coups tordus, on le retrouve par hasard ses derniers temps sur Internet, et cette fois, ça commence par un une vidéo proposée par… Agoravox TV, le 25 septembre dernier, une vidéo reprise de Daily Motion. Intitulée « La CIA torture un civil afghan : info ou intox ? », elle propose une scène dite de torture qui serait celle d’un « taliban interrogé par la CIA ». C’est le Scoop assuré, parlez-donc : la vidéo a déjà été mise en ligne pourtant en septembre 2008 sur le Net, et vient juste à nouveau de figurer dans un long document fourni paraît-il par Al-Quaida a ses filières habituelles de diffusion américaines.. En fait de scène « d’info », on est bien en face d’un scène d’intox… car très vite on découvre l’évidente supercherie : jamais la CIA n’a interrogé de la sorte, il existe des directives strictes chez elle de conduites d’interrogatoires, surtout depuis le rapport Church. Mais pour cela, en dehors des détails qui « clochent », dont principalement une scène de waterboarding sans planche et sans serviette mouillée, il faut chercher un peu plus loin. Mais ce n’est pas pour autant cet épisode qui va nous monter la tromperie manifeste. Sur Daily Motion, la vidéo proposée s’intitule exactement « La CIA torture un civil Afghan en live ! – 2« , ce qui augure donc d’un épisode qui précède : bingo, il y en a bien un à visionner, où l’on a droit cette fois à une scène d’étranglement au lacet de rétention en nylon, du modèle utilisé par les sauveteurs de Bétancourt pour remplacer les chaînes… avec au premier plan notre homme, les cheveux toujours teints pour paraître plus jeune… on y distingue alors un individu proprement et simplement sadique, au comportement contraire à toutes les directives reçues par les militaires en ce qui concerne les interrogatoires de prisonniers, fortement encadrées depuis la commission Church de 1976. (Enfin, c’est ce qu’on pensait jusqu’ici, avant qu’on ne découvre l’horreur des tortures à Abou Ghraib, commises… par des mercenaires pour la plupart !).

Or, que voit-on dans cette seconde vidéo, en plus des scènes de torture, sinon un studio de montage rudimentaire, composé de deux machines PC chargées de traiter les vidéos et le son… tout le monde a alors en tête le deal passé avec les télévisions américaines : et le fort soupçon de traficotage d’images qui va avec. Les images des fameux « entraînements » avaient été soupçonnées d’être des montages d’archives… et rien d’autre. Le studio de montage de Ben Laden aurait-il été conçu dans l’arrière cour de la maison d’Idema ? C’est bien possible, les vues récentes du studio As-Sahab étant dans de cas celles d’une maison.. américaine ou européenne, avec un Idema libéré de sa prison afghane. Selon beaucoup, cependant, les studios d’As-Sahab seraient en fait situés à … Quetta, au Pakistan, le fief de Ben Laden depuis sa fuite protégée de Tora Bora.

Une fuite racontée de façon bien particulière à « 60 Minutes » par un prétendu colonel des Delta Forces, surnommé « Dalton Fury », venu expliquer en long et en large que Ben Laden avait été quasiment attrapé…. mais que les troupes « amies » de l’Alliance du Nord, à qui on avait versé des millions de dollars, indique le reportage, qui étaient aussi à sa recherche avaient empêché sa capture… en faisant défection un soir. Un joli mensonge de plus, avec d’autres « preuves » comme quoi un Ben Laden « blessé » à l’épaule par des bombardements avait réussi à s’enfuir. L’opération se serait appelée « operation Jackal » (en fait c’est une des cinq opérations « Jailbreaker » !). Une très étrange séquence d’excavation de corps « dans un cimetière dAl-Quaida » avec comme commentaire « nous avons prélevé les doigts pour la recherche de l’ADN » tenterait à appuyer l’idée comme quoi tout avait été tenté pour vérifier qu’il n’était pas mort. Une insistance que l’on trouve bien forcée, avec le recul. Pourquoi montrer le 5 octobre 2008 seulement des images des ces « recherches » ? Dans le reportage, elles sont suivies juste après de la vidéo du Ben Laden à la barbe noire, cette vidéo que beaucoup estiment entièrement trafiquée à partir de la précédente. Un ancien des forces spéciales portant la barbe longue, six ans après encore (c’est là où c’est grotesque !) pour faire plus vrai (« nous étions déguisés en talibans ») venu raconter une énième fable pour faire croire à un Ben Laden encore vivant ? Non, Tora Bora Jack ment, certainement t évidemment, mais il ne semble pas être le seul dans cette histoire !

Avant son arrestation, en tout cas, un phénomène hyper-intéressant s’était produit : les chaînes de télévision qui avaient acheté ses vidéos avaient eu un doute sur leur contenu. Et avaient pour vérifier… demandé l’aide de la CIA ! Qui s’était empressé de le faire, sans porter de verdict franc à vrai dire. Et de fabriquer on s’en doute les doubles nécessaires pour des investigations plus poussées. La CIA détient donc toujours aujourd’hui les images que vous voyons aujourd’hui sur ces deux épisodes, celle des tortures réelles ou simulées d’un fêlé notoire qui se fait passer pour un agent de la CIA. Ce qui laisse également la possibilité à cette même CIA de les réintroduire dans le circuit médiatisé de la grande peur entretenue quand bon lui semble…

Jusqu’ici, ce n’est pas le premier à faire ce genre de choses, via une société de production propre, dont les droits sont détenus par.. sa femme, me direz-vous. Certes, mais ce qui intrigue le plus, en fait, c’est le circuit par lequel ses délires de psychopathe notoire passent. Les voilà aujourd’hui sponsorisées par As-Sahab, soi-disant le studio de réalisation d’Al-Quaida, où un autre gugusse, le célèbre Adam Gadhan avait posé avec un mug ayant comme logo celui d’Al-Sahab, justement. Le tout filmé dans une maison aux confort évident, avec prises de courant aux normes européennes, aux lavabos en inox de supermarché et à la poubelle Ikea en plastique : comment croire un seul instant que ces vidéos puissent avoir été fabriquées au fond du bunker de Ben Laden ? Comme ne tient pas plus debout la version avancée de « cassettes  » de la CIA trouvées par enchantement et tombées entre des mains talibanes… en fait, les télévisions, à l’époque mordaient à n’importe quel hameçon, à Kaboul ! C’est pourquoi Idema aura ce rôle grotesque, celui du porte parole télévisé d’une équipe qui a déguisé une guerre en épisode des sept mercenaires : demain, je vous propose d’en étudier d’autres ravages, toujours signés « Tora Bora Jack ».

(1) « There was an office with two clocks, one showing the time in Kabul and the other the time in Fort Bragg, North Carolina, where the US special forces have their headquarters. A piece of paper pinned to the wall was headed “Missions to Complete”. Number two was “Karzai”. Number four was “Pick up Laundry”.

(2) « In January 2002, As U.S. Forces in Afghanistan were hunting down Al Qaeda suspects, theCBS news show 60 Minutes II got its hands on some sensational footage : seven hours’ worth of videotape showing Al Qaeda terrorists training in an Afghan camp. »

(3) « He told MSNBC that the link between Iraq and al Qaeda was « common knowledge » on the ground in Afghanistan, and claimed in an interview with WNYC radio’s Leonard Lopate that « Iraq has been involved in supporting al Qaeda and other terrorist organizations with money, with equipment, with technology, with weapons of mass destruction. He told other wide-eyed journalists that there was ample evidence linking « Iraq, Iran, and Saudi Arabia to al Qaeda and to the attacks on September 11, » and professed to have firsthand knowledge of nuclear weapons being smuggled from Russia to all three members of the « axis of evil » – Iraq, Iran, and North Korea. Few in the media questioned Idema’s claims, much to the alarm of some who knew him. « 

(4) « Of all the networks, CBS had the longest-standing relationship with Idema. It had used him as a source or consultant on two projects before his arrival in Afghanistan. The first was the 1995 nuclear-smuggling story, called « The Worst Nightmare, » which was produced by Scurka and aired on 60 Minutes. »

(5) « This is where the longer answer comes in. The war on terror has been a “Wild West” insofar as a loose—and growing—cohort of freelance military subcontractors is concerned. To this day, many veterans are in Afghanistan in the employ of private companies, as volunteer U.S. forces have been depleted or reassigned to Iraq. Even for uniformed soldiers, it can be difficult to tell who is and is not working for the government. »

(6) » In civilian life Idema ran a paint-ball/military surplus store and created the “US Counter-Terrorist Group,” which gave traveling exhibitions. He became friends with Robin Moore, the author of “The Green Berets.” During this time Idema created his “Jack” persona, a no-bullshit, terror-fighting super patriot who can’t even see red tape, perhaps because he always wears shade ».

(7) « When the men were arrested in early July, the tapes were confiscated by the FBI. Caraballo’s lawyer, Michael Skibbie, claims that he was only allowed to access a portion of the tapes weeks after he requested access. Several of the tapes were used ; however, Skibbie said several important tapes were damaged, missing or partly erased after the FBI took custody of them. Some of the footage Skibbie obtained was shown in court. The court tapes showed Idema being greeted at an airport by high level Afghan officials, Idema being thanked by Yunus Qanuni, Qanooni’s troops working with Idema, captured suspects confessing during interrogation, and ISAF forces helping Idema ».

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Classé dans Six de l'Hexagone, Stéphane Bouleaux

De Victor Jara à Guantanamo : la même CIA (23)

Et puis la CIA, on vous l’a dit est présente partout dans le monde et donc aussi en Afghanistan par exemple ; où la aussi, elle est capable de commettre de beaux impairs, par laxisme et absence totale de préparation dans le cas qui nous intéresse. On le sait, les américains, contrairement à ce qu’ils peuvent raconter, ont des contacts depuis toujours avec certains chefs talibans ou certains chefs de village, ne serait-ce que pour garder le contrôle de certains secteurs de la production de pavot ou à une époque pour livrer les dollars réclamés par le commandant Massoud au nom de l’alliance du Nord : cela a commencé il y a longtemps donc. La CIA a toujours arrondi ses fins de mois avec de la drogue, on ne voit pas pourquoi elle agirait différemment en Afghanistan. Alfred McCoy l’a clairement écrit (*1) Encore ça de moins à demander au Congrès. Il fallait donc trouver un moyen de contacter ces fameux chefs de guerre ou ses fournisseurs d’opium le plus discrètement possible : ce ne sera donc pas via des limousines noires blindes ou des SUV 4×4 du même tonneau, même protégés par un cordon de Blackwaters. Non, ce sera par hélicoptère… mais pas les modèles réguliers de l’armée US, les Sykorsky-Boeing YUH-60 Blackhawk bien connus. Non, pour ne pas éveiller les soupçons, ce sera avec d’anciens hélicos russes, des Mil MI-8 ou MI-17. De provenance fort particulière…

Deux de ces hélicoptères étrangers avaient été achetés à la Russie en 2000, dans le cadre des « blacks operations« , à savoir dans le plus complet délire, nous raconte avec humour le magazine Wired : les hélicos avaient été payés en carte bleue (? ??) dans un bar d’El-Paso, au Texas, le reversement de la taxe locale ayant été transformée en déco de bar (aucune trace d’argent laissée), les acheteurs étaient déguisées en personne privées, et l’avion charter qui devait amener le groupe en Sibérie les avait tous laissés tomber en route sans leur visas (*2)… L’acheteur n’était autre que Maverick Aviation, une société dirigée par William « Curt » Childree. La CIA espérait avec eux faire… avant tout des économies et de sacrées même : l’armée US avait payé 5 millions pour les 2 hélicos ramenés en moins d’un mois, contre 322 pour 22 appareils achetés officiellement quelques mois plus tard…. (soit environ 14,6 millions pièce) après des mois de négociation ! (*3). Les 22 hélicos supplémentaires étaient destinés à l’Irak, où à cette heure, on ne les a toujours pas vus sur place….(*4) pour ajouter au grotesque de la situation, l’opération hasardeuse avait été baptisée « Donovan Aerial Surveys ». Un rappel amusé du nom du fondateur de la CIA : William « Wild Bill » Donovan (*5) !

Les machines, achetées seulement $1.6 million dollars chacune étaient deux Mil MI-8MTV1 construits en 1991 et immatriculés 95716 (ex-CCCP-25100) et 95747 (ex-CCCP-215131) et ont subi des modifications à Ulan Ude, situé en Sibérie, une société de réparations russe historique. Moteurs plus puissants pour fonctionner en altitude (TV3-117MTV), peinture extérieure mat marron très foncé et marron moyen, avec deux numéros US de peints, N393MA (ex-95716) et N353MA (ex-95747). On y a bien surajouté les moyens de communication US : SATCOM, la chaîne d’infos numérique Harris Crypto KY-58, un GPS et un IFF pour éviter les tirs amis (source Air Forces Monthly, June 2003). Ces engins peuvent évoluer aussi en Irak, pour lequel ils reçoivent des équipements supplémentaires (*6). Comme propriétaire, on trouvait une firme nommée R J HARROFF BUSINESS ASSOCIATES LLC située 7315 WISCONSIN AVE STE 800W à BETHESDA, dans le Maryland… un des prête-noms de la société ARINC, en réalité. La firme en possède d’autres : le N393RH, c/n 95716 est un Mi-8MTV-1, le N52173 c/n 95840 un Mi-8MTV également le N8065R c/n 108M06, un Mi-17, comme les deux suivants N8066L c/n 108M13 et N80652 c/n 108M10. Ceci pour les numéros vérifiés. Pour mémoire, Oboron Prom, la firme d’Ulan-Ude qui retape les Mil fait aussi dans le VIP avec son modèle Mip-171 VIP. Le 3 février 2008, la firme vendait au Pakistan deux MI-171 « destinés à la lutte antidrogue« , le Pakistan en possédant 30 au total… il n’y a donc pas que les Antonov Ruslan qui rapportent à Vladimir…

Ils avaient décollé le 31 décembre 2001 de Sibérie, embarquées dans un de ces fameux Condor dont le rôle éminent dans le transport US a été évoqué ici même. Les 5 millions de dollars payés par l’Armée US l’avaient été au bar du « Cockpit Lounge » à El Paso. Aucun papier n’avait été signé ou presque : quand un journaliste retrouvera plus tard le responsable du deal, Jeffrey Stayton, responsable de l’Aviation Division de l’US Army Test and Evaluation Command, celui-ci l’expliquera par un sybillin « faire le mort », pour lui « dormir, en apnée… » assez éloquent. Pas vu, pas pris. En décembre 2007, les deux signataires, le responsable de l’armée et le directeur de Maverick seront accusés d’avoir tenté de frauder le gouvernement dans cette vente où ils s’étaient bien sucrés à deux, à vrai dire, au passage, Childree ayant reversé deux fois 61 000 dollars à Jeffrey Slayton. Ils seront condamnés tous les deux en 2007, Slayton écopant de cinq ans de prison et Childree de deux.

A quoi étaient destinés ces fameux hélicos ?? A transporter discrètement des milliers de dollars…. en petites coupures dans la vallée du Panshir pour arroser les chefs tribaux du coin pour obtenir leur assentiment et leur absence de réactions à l’arrivée de troupes US en 2001, et leur aide pour arrêter Ben Laden, au cas où ! (*7) . Nom de l’opération : « Jailbreaker ». On comprend mieux, aujourd’hui, pourquoi ça ne peut marcher dans cette région du monde : le coup de l’hélico ça marche une fois, mais la fois suivante, si l’hélico n’a pas de billets verts, il se fait tout simplement tirer dessus ! Quant à savoir pourquoi de tels appareils, et non d’autres modèles… une information intéressante en brouille les pistes : le Pakistan et surtout l’ISI possèdent les mêmes, et s’en serait bien servi en 2007 au plus fort des combats pour ravitailler… les Talibans ! C’est en tout cas ce dont est persuadé Chris Nash, un des responsables des Marines en Afghanistan !

L’opération « Jailbreaker » (en fait il y en a eu 5 du même nom) était destinée officiellement à capturer Ben Laden à Tora Bora. Une opération racontée dans un livre, où l’on découvre que celui qui la dirige de loin s’appelle Cofer Black, le chef de l’antiterrorisme à la CIA. Dans son livre , Gary Bernsten raconte en effet comment il avait repéré et ciblé Ben Laden, et comment il l’a laissé partir sur ordre… venu d’en haut. Nous avions à l’époque déjà raconté les faits (*8) Or, dans cette histoire abracadabrantesque de la fuite de Tora Bora, le nom d’un homme émerge : Cofer Black, celui qui transmet l’ordre du pouvoir de ne pas capturer Ben Laden. Or l’individu, depuis a fait parler de lui. Ayant témoigné à la commission du 11 septembre, en affirmant avoir eu Ben Laden en ligne de mire en 1995 déjà (*9) devenu brièvement « US Ambassador for Counter-Terrorism » du département d’Etat de 2002 à 2004 (sous les ordres de C. Rice, donc), il prend en 2005 le poste de second de la société Blackwater, juste en dessous d’Erik Prince. L’homme qui connaît tous les secrets de la lutte anti-terroriste devient alors responsable d’une société de mercenaires à qui le gouvernement de Dick Cheney propose en 2006 de se charger de la traque d’Al Qaida et de son chef… il y a bien continuité dans l‘externalisation de la lutte anti-terroriste américaine. En 2007, il devient conseiller de Mitt Romney, le mormon candidat à la présidence. Son surnom l’avait précédé : « l’homme qui avait des mouches devant les yeux« … cela provenait d’une de ses sorties théâtrales dont il avait eu le secret en 2004 : selon lui les talibans, dont Ben Laden, pouvaient tous déjà être considérés comme « ayant des mouches sur leur yeux », autrement dit être déjà tous morts, grâce à sa traque ingénieuse en cours. Un peu prétentieux, le Cofer, un peu prétentieux… Jack Rice, ancien de la CIA n’a pas tout à fait la même vision des choses, et surtout de l’efficacité toute relative de Blackwater dans la traque de Ben Laden (*10). Pour ce qui est de l’efficacité propre de Cofer Black le jour du 11 septembre et les mois qui ont précédé… c’est encore plus clair. Il a essayé de se dédouaner de son incurie à plusieurs reprises. Sans jamais réussir à convaincre. L’homme qui n’avait pas su voir venir le 11 septembre incapable d’attraper Ben Laden ? Tout se tient, en fait ! Le lendemain de l’attentat, la seule famille autorisée à quitter le pays alors que tous les avions étaient interdits de vol était celle de… Ben Laden. Même pas interrogée par le FBI. Tout se tient. Merci le prince Bandar, familier de la famille Bush (*11).

Parmi les hélicos obtenus par ce fameux « no bid contract« , l’un d’entre eux était destiné au transport personnel d’Hamid Karzaï. Pas exactement le type d’hélicoptère rustique destiné au soldat : à l’intérieur, l’engin avait été entièrement refait cuir , moquetté de partout (« wall to wall carpeting ») et décoré de larges écrans LCD. L’engin avait été muni d’un réfrigérateur… mais on avait oublié, à l’extérieur, d’y mettre les indispensables éjecteurs de leurres. Karzaï avait déjà pourtant essuyé plusieurs tentatives d’assassinat, mais personne n’avait songé à équiper son hélicoptère de protections anti-missiles ! Résultat, il ne l’a jamais utilisé tel quel. L’appareil avait dû être refait. L’équipe américaine de Hunstville, en Alabama, qui avait traité l’équipement intérieur l’avait oublié dans sa liste de modifications (*12)… et pourtant : son précédent appareil avait été victime le 8 septembre 2004 à Gardez d’une attaque à la roquette… en représailles, les américains avaient déployé dans la région une compagnie originaire de… Fort Bragg.

Trois des hélicos du « no bid contract » avaient été achetés… à une société d’ambulance tchèque ! Qui utilisait il est vrai ce genre d’appareil. Les engins expédiés en Afghanistan étaient trop lourds pour y voler, et peints d’une couleur vert fluo visible à des kilomètres à la ronde : ils furent donc ré-expédiés aux Etats-Unis (imaginons les surcoûts avec l’heure de vol d’Antonov 124 ou de C-17) pour y être transformés et repeints de façon plus discrète. C’est une société du Maryland, ARINC, qui se chargera des modifications.. .une société ne possédant au départ aucune connaissance particulière des Mil Mi-17 : lors d’un redémarrage de moteurs de l’un d’entre eux, ayant oublié de purger les pompes à carburant avant de décoller, et ayant laissé la surpuissance à fond, le pilote avait tout simplement broyé le rotor de queue, endommageant tout l’arrière de l’appareil (c’est la photo qui ouvre ce dossier !). Les transformations avaient été faites au nom du TSMO (Army’s Threat Systems Management Office) à l’intérieur même du camp de Fort Bliss. Pour entraîner les pilotes afghans, les gens de TSMO volaient au bord de la frontière mexicaine : un jour, l’un d’entre eux s’est retrouvé… au Mexique, suite à une erreur de pilotage manifeste. La firme retenue, ARINC, est tout simplement une société du groupe Carlyle : ceci explique cela, on sait qui en est à la tête…. des e-mails retrouvés par des journalistes avaient démontré qu’il n’y avait même pas eu de contrat, en prétextant « l’urgence » de la fourniture. Une urgence commencée en 2006, date à laquelle l’armée avait cherché de nouveaux hélicoptères russes pour l’armée afghane… (*13). Des hélicoptères munis de plaques de blindages, modifiés par un contractant privé travaillant pour la CIA… ARINC, en Colombie fournit le carburant pour les pistes d’atterrissage, aidé par Dyncorp qui se charge des abris et de la logistique. ARINC, Dyncorp, des Mil Mi-17ou des Mi-8... on y est là (*14)…. le monde de la CIA est finalement… très petit. C’est à Fort Bragg et à Fort Bliss qu’avaient été testés les fameux M-Gator John Deere, vus partout depuis, en Irak comme à Ramstein. En juillet dernier encore, des documents découverts par un avocat Vénézuelien révélaient que DynCorp et ARINC étaient les deux firmes avec Lockheed-Martin ayant reçu des sommes considérables du département d’état pour soutenir Uribe : la piste de la CIA pour les hélicos de Bétancourt devient de plus en plus nette (*15). Fleur supplémentaire dans cette histoire : le premier hélicoptère russe débarqué en Afghanistan avait reçu une fausse immatriculation (*16) : le numéro 91101, une référence directe au 11 septembre ! L’humour de la CIA, sans doute…

Au total, nous révèle un article d’Aviation Week, du 31 août dernier, le Pentagone continue même encore aujourd’hui à faire appel à ses entreprises privées contractuelles : 525 encore, pour un total de contrats de 208 millions de dollars. En 2007, le Pentagone a dépensé 2,7 milliards de dollars en contrats dont les bénéficiaires ne sont pas identifiés…. dont 2,4 milliards allant vers le conflit irakien et le reste pour l’Afghanistan. La plupart des contrats non identifiés étant bien pour des opérations « discrètes », celles de la CIA en réalité (*17). A Fort Bliss, en mai 2007, on a eu au moins une petite idée de ce à quoi servait cet argent, lorsque le Maj. Gen. Virgil L. Packett II, commandant de l’ U.S. Army Aviation Warfighting Center inaugurait le 3rd Battalion, 210th Aviation Regiment .. équipé entièrement de Mi-17, mais aussi de Mi-24 Hind et même d’Antonovs Colt… (*18)… des biplans soviétiques ! Fort Bliss, sympathique camp qui avait accueilli en 1945 une si sympathique équipe… celle des ingénieurs nazis de Von Braun. Fort Bliss, ou on apprécie tant les déguisements depuis quelques années… Fort Bliss, l’aéroport préféré des Antonov 124...

Un contrat secret, donc, parmi tous les contrats cachés existants, que vient juste de découvrir Léon Panetta, nouveau directeur de la CIA, et qui provoque de sacrés remous : depuis le rapport Church, les Etats-Unis se sont engagés à ne plus délivrer de permis de tuer à la CIA sans contrôle du Congrès : or, visiblement, le programme Blackwater était bien un accord secret entre Porter, Prince et Cheney dans le but d’assassiner et non de simplement capturer. En résumé aussi, on demandait dans ce programme à celui qui connaissait le plus Ben Laden de le traquer à nouveau, contre espèces sonnantes et trébuchantes, alors que ses services l’avaient laissé filer de Tora Bora : on comprend beaucoup mieux pourquoi on n’a jamais cherché et encore moins trouvé Ben Laden depuis…. le but n’étant pas de le trouver, mais bien de s’en mettre plein les poches avec l’argent du contribuable US en faisant semblant de le chercher…

(1) « In most cases, the CIA’s role involved various forms of complicity, tolerance or studied ignorance about the trade, not any direct culpability in the actual trafficking … the CIA did not handle heroin, but it did provide its drug-lord allies with transport, arms, and political protection. In sum, the CIA’s role in the Southeast Asian heroin trade involved indirect complicity rather than direct culpability. »

(2) « As with many “black” programs, the contract had elements of craziness : Contracting officials paid the multimillion-dollar contract on a credit card at a local El Paso bar and then used the credit card rebate to redecorate their office ; the team traveled under the guise of being private contractors ; and the charter crew transporting the group abandoned the team in Russia in the middle of the night. »

(3) « Maverick Aviation was paid$5 million for two freshly overhauled Mi-17s and spare parts, as well as travel and logistics for team of Army/CIA personnel, and got the helicopters out of Russia in under 30 days. In 2008, ARINC, a major U.S. defense contractor, was paid $322 million dollars to buy 22 Russian helicopters under a U.S. foreign military sales contract. »

(4) « Les 22 appareils russes avaient eux été achetés par la société ARINC, originaire du Maryland. Vendus normalement entre 6 et 8 millions de dollars chaque, ils avaient été payés 14,6 pièce par le Pentagone. Dix exemplaires de plus avaient été ajoutés à la commande, faisant parvenir celle-ci à près de 500 millions de dollars pour 32 appareils. A cette date, en avril dernier encore aucun n’a été livré aux Irakiens, mais la somme a bien été versée entièrement par le Pentagone… à ARINC… Alors que sur Internet, on pouvait trouver directement les mêmes, en 2008, « livrés par Antonov 124″… l’escroquerie est de taille, et le manque de réaction du Pentagone laisse augurer d’une magouille de haut rang. »

(5) « The real question was : Did anyone not know it was a CIA trip ? The CIA team had traveled under the amusingly obvious cover name of Donovan Aerial Surveys (William « Wild Bill » Donovan is regarded as the father of the CIA). The Russians in Ulan Ude were wondering what a group of private Americans were doing in Siberia in the middle of winter buying helicopters ».

(6) « CIA hips spotted in Iraq were equipped with various extra antennae (e.g. Bat-wing SATCOM) and countermeasures such as flare launchers and AN/ALQ-144 infrared jammers ».

(7) « The CIA needed Russian helicopters because of its clandestine operations in Afghanistan. On Sept. 24, 2001, a Russian-made helicopter loaded with $10 million in cash carried a small CIA team into Afghanistan’s Panjshir Valley. Code-named « Jawbreaker, » the mission was to cement support among tribal leaders and pave the way for US military operations. It was the first entry of Americans into Afghanistan after the terrorist attacks of Sept. 11. »

(8) « Berntsen recounts very credibly how he and others pleaded with Gen. Tommy Franks and the Pentagon brass to put in blocking forces so that bin Laden and the remnants of al Qaeda’s leadership could not flee into Pakistan. But for reasons that remain unclear to Berntsen (and, indeed, to this reviewer), the Bush administration or Franks decided to depend instead on local Afghan warlords rather than put U.S. forces on the ground to block bin Laden’s escape. The CIA and Berntsen, who had many years of experience with these militiamen, warned that relying on them, with their many personal agendas and family and tribal ties, would mean letting al Qaeda’s leader cross easily into Pakistan. Ignoring their counsel was a huge blunder — one we continue to pay for as we are taunted by bin Laden, who remains alive and well, probably in the mountains of Pakistan, continuing to inspire jihadists worldwide and helping organize the increasing counterattacks on the fragile democratic government in Kabul. »

(9 ) « When I served in the Sudan from 1993 to 1995 we were certainly well aware of bin Ladin. We watched him closely, his people and his facilities. Some believe that he was enough of a threat by the time he was leaving the Sudan that we should have picked him up. However, the US did not have a warrant. No other country would accept him before he left the country and then he fled to Afghanistan. As an.aside, I will note that speculation suggesting that bilateral political relations could have provided us bin Ladin from the Sudan are simply mistaken ».

(10) « What we know now, if this is true, is that Blackwater was part of the highest level, the innermost circle strategizing and exercising strategy within the Bush administration, » Schakowsky told The Nation. « Erik Prince operated at the highest and most secret level of the government. Clearly Prince was more trusted than the US Congress because Vice President Cheney made the decision not to brief Congress. This shows that there was absolutely no space whatsoever between the Bush administration and Blackwater. »

(11) « Following a secret flight inside the US that is in violation of a national private airplane flight ban, members of the bin Laden family and Saudi royalty quietly depart the US. The flights are only publicly acknowledged after all the Saudis have left. [BOSTON GLOBE, 9/21/2001 ;NEW YORK TIMES, 9/30/2001] About 140 Saudis, including around 24 members of the bin Laden family, are passengers in these flights ».

(12) « Here’s the full list of extras included on the VIP helos

Main VIP cabin :

-Two each leather high-back exeuctive chairs (include seat belts)

-1 each leather sofa with seating for 4 people (include seat belts)

-2 each end tables

-1 each center table

-2 each 17 inch flat panel TV monitors

-1 each DVD player (connected to both monitors)

-1 each sound system (connected to DVD player & monitors)

-1 each small refrigerator

-set of shelves for storing glasses/plates, etc.

-carpeting throughout

-wood paneling throughout

-wood paneled door dividing the forward seating area

-1 each toilet, dry chemical

-Forward Seating Area (behind cockpit but in front of VIP area)

-5 each leather, high backed passenger seats (include seat belts)

-1 each fire extinguisher

-carpeting throughout. »

(13) « One e-mail from ARINC written to Army officials over the summer of 2007 says the ARINC « proposal addresses the requirements you recently identified to us. » The ARINC official, in the e-mail, also helpfully tells the Army about its acquisition by the Carlyle Group, which it promised would be « a tremendous boost for ARINC since it brings to us all the resources and clout of a huge conglomerate corporation…. » In fact, ARINC, according to e-mails it sent, was well aware that other companies were getting price quotes from the Russians. « Other agencies are attempting to get verbal quotes (not formal written quotes) under the guise of a commercial buy, even though the intended purpose is not commercial, » an ARINC official wrote to the Army. « Our team is the only recognized team that is being honored as a military related purchase and that will have reach back into the factories and design bureau for modification and engineering support. »

(14) « Il existe en Colombie des SMP pour tout, la plus polyvalente étant DynCorp, qui fournit jusqu’à des cuisiniers. Arinc construit des systèmes d’approvisionnement en carburant des pistes d’atterrissage. Le Groupe Rendon enseigne aux officiers de la police et de l’armée comment expliquer le plan Colombie. ACS Defense apporte un appui logistique et conseille le personnel de l’ambassade américaine impliqué dans le plan (…). Entre autres prestations, la Lockheed-Martin offre un soutien aux hélicoptères de combat et aux avions de transport de troupes. Northrop a installé et gère sept puissants radars coordonnés avec un puissant système aérien d’espionnage. Cette compagnie entraîne également des militaires et des paramilitaires pour des « opérations spéciales. »
(15) « Deriving 96 percent of its $2 billion annual income from the U.S. government, DynCorp International will gain $164 million to pay for pilots, technicians and logistical support. DynCorp has achieved notoriety for aerial fumigations gone awry. Arinc Company, at a cost of $8 million, provides training, signal-collecting equipment and other espionage devices for the Colombian police. Controlled by the Carlyle private equity group ― a favorite of high Washington officials ― Arinc is, according to its web site, “a world leader in communications, engineering, and integration investment.”

(16) « The first Russian helicopter in Afghanistan was painted with the fictitious tail
number 91101 — a reference to the 9/11 attacks. » NY Post 2009.

(17) « Analysts say the transactions appear be classified or related to intelligence operations and the proper congressional overseers have received the names of the contractors and know the type of work they did ».

(18) « The 3rd Bn., 210th Aviation Regt., owns Russian aviation assets like the M17 and MI 24 helicopters and AN2 Colt airplanes. The primary mission of the 3rd Bn., 210th Aviation Regt., Stewart said, is to conduct training in the M17s for foreign students. The training that will be conducted at Fort Bliss is an extension of what they do at Fort Rucker, where they train U.S. Army and allied forces in U.S. Army helicopters. »

PS : pour les hélicos, les américains auraient pu faire pire et tomber sur des Ukrainiens : certains d’entre eux ont essayé de voler des hélicoptères MI-8 ayant servi à Tchernonbyl : parqués sans trop de surveillance, il atteignent encoe 30 fois la dose normale d’irradiation des engins terrestres. Selon la presse, ce n’était pas pour en faire un objet volant à nouveau, mais pour le transformer en bar.

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Classé dans Six de l'Hexagone, Stéphane Bouleaux