Archives quotidiennes : 7 février 2010

De victor Jara à Guantanamo : la même CIA (36)

Et puis, le 2 décembre dernier le couperet tombe… pour Eric Prince. Un article vengeur du Vanity Fair déballe tout : Eric Prince, ancien Navy Seal ayant créé Blackwater, s’il avait été autant vu en compagnie de gens de la CIA, et si à de nombreuses reprises ces hommes avaient semblé bénéficier d’une étrange sollicitude de l’administration, surtout en cas de massacres intempestifs, c’était pour une raison simple : Eric Prince était bel et bien un agent de la CIA ! Ce qu’on pressentait depuis pas mal de temps dans cette série ! Attention cependant au scoop : selon Prince, interviewé par Adam Ciralsky, s’il l’avoue aujourd’hui, c’est que cela s’intègre dans sa nouvelle stratégie de défaussement. « Je me suis mis à a a disposition de la CIA pour certaines missions risquées » dit -il, « mais quand il est devenu politiquement pratique de m’évincer, quelqu’un m’a envoyé sous un bus (*1) « . Eric Prince tente-t-il avec ses révélations de sortir la tête un peu plus haute qu’il ne l’espérait ? En tout cas, son aveu mine le système élaboré par un seul homme : au travers de ces aveux, c’est l’effondrement du rôle de Dick Cheney qui se fait jour. L’homme qui pousse les autres sous les bus, après les avoir utilisés. Retour sur ce qui est déjà là-bas un énorme scandale.

Car le pouvoir précédent en place à du mouron à se faire, avec les possibles révélations à venir d’Eric Prince. Cet interview lui vaudra certainement une convocation pour venir s’expliquer devant une commission sénatoriale, si une enquête est déclenchée, sur ces actes délictueux notamment. ll a déjà témoigné pour ses employés, il risque d’avoir à le faire pour lui-même. Notamment lors de ces dernières semaines, où l’on avait appris le 10 novembre dernier que Blackwater avait tenté de soudoyer le gouvernement irakien après le massacre de Nisoor. Prince, protégé de la CIA avait-il crû que l’on pouvait acheter un ministère irakien dont la réputation de corruption n’était plus à faire ? En tout cas, la tentative a bien eu lieue !

Dans cette interview fleuve on y apprend beaucoup sur les liens entre Blackwater et la CIA, ce qui rend sa déposition du jour crédible. On y apprend aussi qu’Eric Prince avait aussi failli disparaître en septembre 2008. Selon ses dires en effet, il a échappé de peu à l’attentat dévastateur de l’hôtel Mariott à Islamabad. Or, cet aveu tardif et intempestif nous a tout de suite interloqué : selon Eric Prince, cet évangéliste, c’est « Dieu » qui l’aurait sauvé en lui trouvant un avion direct vers sa destination finale sans arrêt à Islamabad ! Nous, nous dirons autre chose : bizarrement, cette explosion imputée aux islamistes nous avait intrigué, comme nous avait intrigué la présence dans l’hôtel de forces spéciales américaines la veille encore de l’explosion. Nous avions alors cité le 717 Special Operations Squadron de Floride sur la base de Tarbella, présent pour entraîner les Frontier Corps... ces mercenaires pakistanais chargés de faire la chasse aux talibans. L’explosion elle-même, où des traces de poudre d’aluminium étaient partout présentes respirait le coup monté par des services secrets reproduisant le contenu d’une Daisy Cutter. Hamid Gul, l’ancien responsable de l’ISI avait fait part lui aussi de ses doutes sur l’attribution aux seuls talibans de l’attentat. Aujourd’hui qu’Eric Prince nous évoque le rôle de la main de Dieu pour lui sauver la vie ce jour-là, pensez bien que le doute reprend. Si ce ne sont pas les talibans, il ne reste, comme auteurs potentiels de l’attentat, que l’ISI… ou la CIA !

Ou a-t-on plutôt cherché ce jour-là à faire payer aux américains une aide à l’entraînement de ces « proxy xarriors » de l’armée pakistanaise ? En tout cas, elle en emploie aussi, des mercenaires. Blackwater aurait-t-il servi à entraîner les mercenaires pakistanais ? Très certainement dirons-nous, au vu des sources diverses que l’on possède. Ce qui est aussi mettre le doigt dans un dangereux engrenage : là-bas, on les appelle des « lashkar » (*2) (groupe armé de volontaires ou milice armée). Or des « lashkar », on en connaît d’autres, au même endroit. Celui du Lashkar-e-Toiba, notamment, de sinistre mémoire ici-même. Sachant qu’on a trouvé sur eux les mêmes téléphones Turaya qu’utilise Blackwater en Irak et en Afghanistan, on se dit que les opérations de Mumbaï, qui ont parait-il été « suivies par la CIA » qui aurait « averti » l’Inde sans qu’elle ne prenne la menace au sérieux, là encore sonne bizarre aujourd’hui avec les aveux tardifs d’Eric Prince.

Blackwater a été recruté par l’armée US après l’attentat contre l’USS Cole (*3), pour remettre à niveau les membres de la sécurité de la Navy. Puis les autres contrats sont tombés juste après Et puis sont arrivés aussi les incidents : des morts, irakiens, en grande partie oubliés pour la plupart en raison de l’immunité pour ses mercenaires obtenue par Blackwater auprès des gouvernements américains et irakiens. Aujourd’hui, apprend-t-on, Eric Prince paye deux millions de dollars par mois d’avocats pour freiner les enquêtes et les procès en cours sur les meurtres et les exactions de ces employés. Et aujourd’hui également, il a été nommé par Léon Panetta comme responsable d’une unité d’assassins de la CIA pour débusquer et supprimer les leaders d’Al Quaeda, un programme terminé avant d’avoir commencé ou presque, selon Panetta, faute de résultats tangibles. Ce qui, à la lueur de notre enquête et des épisodes précédents est faux. A Shkin, on a bien trouvé des mercenaires déclarés morts au nom de la CIA. C’était la National Resources Division de la CIA qui les avait recrutés en 2004. Dans l’interview, Prince cite William “Wild Bill” Donovan comme exemple de ces activités : or c’est le père de la CIA, fondée par lui sur les bases de l’OSS de la seconde guerre mondiale ! Une admiration pour l’homme qui va jusqu’à lui faire baptiser son plus jeune fis actuel du nom du fondateur : il s’appelle Charles Donovan Prince.

Particularité étrange du business de son père : selon lui, c’est lui-même qui finançait ces opérations de la CIA : on reste interloqué une nouvelle fois. Et on se dit tout de suite que oui, c’est possible, en échange de compensations. Et pas des moindres. Pas piquées des hannetons. Connaissant le prix de ce genre d’opérations et celui des petits avions Casa 212 qui ont servi, on ne voit qu’un moyen de paiement compensatoire, à la barbe du Congrès et du Sénat US. Vous l’avez compris, ce ne peut être que la drogue (*4) . Pour ce faire, Prince a hérité du ravitaillement des postes avancés, de la sécurité de l’ambassadeur Karl Eikenberry … et de l’entraînement à la lutte anti-drogue de la police afghane, apprend-t-on. Si c’est le même schéma que celui appliqué par la CIA en Colombie, ce qui est obligatoirement le cas, on tombe dans le cas de figure d’une police menée aux endroits où… Blackwater n’est pas en train de ramasser l’opium…

Restent les fameuses cibles décidées : Mamoun Darkazanli, le trésorier syrien d’Al Quaeda, vivant à … Hambourg, et arrêté là le 15 octobre 2004. Et relâché faute de preuves l’année suivante ! L’homme aurait été en contact avec Mohammed Atta. Les fonds dont disposait Darkazanli provenaient d’une firme saoudienne, la Twaik Group. Or Darkazanli, pour tous les observateurs, était aussi un agent des services secrets d’Arabie Saoudite, un homme très lié au prince Turki al-Faisal, lui-même à la tête des services secrets pendant 25 ans. Un homme aux deux visages, extérieurement, et farouche partisan de l’existence d’un état palestinien. Ancien ambassadeur de juillet 2005 à décembre 2006 et ancien ministre des affaires étrangères, où il a remplacé le prince Bandar ben Sultan, ce familier de Washington qui n’est pas tendre depuis avec ses anciens amis. Leur rappelant amèrement que les actions menées depuis 2001 n’ont eu de vertu que le radicalisation des mouvements islmistes. Darkazanli aurait été mêlé aux attentats contre les troupes américaines à Dhahran, contre les tours Khobar, le 25 juin 1996. La façade du bâtiment avait été soufflée par une bombe de forte puissance, tuant 19 soldats et en blessant près de 500. La façade détruite faisait penser à…. l’hôtel Mariott ! Déjà, à l’époque, la CIA est déjà remontée jusque Hambourg, grâce à des numéros de téléphone portés par un des terroristes du Kenya, Sadek Walid Awaad (ou Abu Khadija). Quatre ans avant le 11 septembre, la CIA avait déjà tracé de tout le réseau. Et avait décidé alors de ne rien faire : or on est sous Clinton encore, et non sous G..W. Bush… L’autre ciible désignée est A. Q. Khan, le père de la bombe pakistanaise… que l’on tentera d’assassiner à Dubaï. Juste avant que Musharraf ne décide de l’enfermer à résidence… lui épargnant ainsi d’être traqué par la CIA. Pardon, par les hommes de Blackwater !

Pour ces cibles, Prince avait monté au sein même de Blackwater une direction parralèle, dont la tête était Ric Prado… ancien de la CIA, déboulé en 2004 chez Blackwater. Aujourd’hui, avec le recul on sent que cette défection et se raccolage sent le téléguidé. Prado aurait débarqué avec ce projet tout ficelé… envoyé par l’homme qui tirait en douce les ficelles de toutes ces opérations douteuses : Dick Cheney bien entendu. En cas de problème, raconte Prince de façon candide, « l’ambassadeur serait venu nous sortir du pétrin »… (*5) C’est bien la preuve d’un implication de la CIA et de l’Etat, tant on a vu des ambassadeurs couvrir des actions plus que douteuses. Rappelons-nous les relations pendables d’Ephraïm Diveroli, marchand d’armes a vingt ans, fournisseur de l’armée fournissant aussi les talibans, avec l’ambassadeur d’Albanie !!

Autre dernière révélation de Prince : Blackwater aurait aussi été de l’aventure ratée contre Abu Ghadiyah (Badran Turki Hishan Al-Mazidih) en Syrie, en octobre 2008. L’incursion en territoire Syrien de quatre hélicoptères Blackhawk noirs, sans aucun signe distinctif, avait fait grand bruit à l’époque. Donald Rumsfeld avait promis un jour de privatiser la guerre : on vient de constater avec cet interview-aveu que la CIA l’est aussi devenue. On s’en doutait un peu, depuis plusieurs épisodes, Eric Prince, désavoué, et qui s’estime aujourd’hui trahi, en est l’exemple parfait !

(1) « I put myself and my company at the C.I.A.’s disposal for some very risky missions,” says Erik Prince as he surveys his heavily fortified, 7,000-acre compound in rural Moyock, North Carolina. “But when it became politically expedient to do so, someone threw me under the bus.”

(2) « Another tribe in Khyber Agency Friday raised lashkar (armed volunteer squad) to purge the area of miscreants. Elders of the Kalakhel decided to raise an armed lashkar to assist security forces in maintaining law and order in the area, also decided to demolish the houses of those found sheltering the militants. The jirga also decided to impose a fine of five millions on those violating the agreement. It is decided that the volunteers would patrol the area alongside security forces. They also decided that the personnel of the armed lashkar would also be deployed at the security check posts ». Shafeerullah Khan, political agent, Bajaur Agency, briefed the media about the role of tribal Lashkars of Salarzai and Utmankhel tribesmen against the militants. The elders of Salarzai and Utmankhel tribes also informed the media about the activities of their respective armed Lashkars against the militants. »

(3) “I was looking at creating a small, focused capability,” he says, “just like Donovan did years ago”—the reference being to William “Wild Bill” Donovan, who, in World War II, served as the head of the Office of Strategic Services, the precursor of the modern C.I.A. (Prince’s youngest son, Charles Donovan—the one who fell into the pool—is named after Wild Bill.) Two sources familiar with the arrangement say that Prince’s handlers obtained provisional operational approval from senior management to recruit Prince and later generated a “201 file,” which would have put him on the agency’s books as a vetted asset.

(4) « Since 2006, Prince’s company has been conscripted to offer this “turnkey” service for U.S. troops, flying thousands of delivery runs. Blackwater also provides security for U.S. ambassador Karl Eikenberry and his staff, and trains narcotics and Afghan special police units ».

(5) « As Prince puts it, “We were building a unilateral, unattributable capability. If it went bad, we weren’t expecting the chief of station, the ambassador, or anyone to bail us out.” He insists that, had the team deployed, the agency would have had full operational control. Instead, due to what he calls “institutional osteoporosis,” the second iteration of the assassination program lost steam ».

(6) « As a Financial Times article on Turki’s op-ed notes, « The prince’s article recalls the letters that King Abdullah, as crown prince, sent to George W. Bush in 2001, warning that the kingdom would review relations with the US unless the administration adopted a forceful push for Middle East peace. The letters rang alarm bells in Washington but were soon overshadowed by the September 11 attacks, which involved a group of Saudis. It was only after Riyadh launched its own campaign against terrorism two years later and started addressing the root causes of radicalism that ties with the US improved again. » In other words, we’ve been down this road before, to little effect ».

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De victor Jara à Guantanamo : la même CIA (35)

La CIA a donc travaillé étroitement avec Blackwater ; on l’a vu dans les épisodes précédents. Son ancien dirigeant est aujourd’hui visé par une action en justice. En attendant des jours meilleurs, Eric Prince, qui a fait fortune avec Blackwater, et s’est retiré depuis de la société, peut aussi compter sur l’argent personnel de sa mère, Elsa Prince Broekhuizen, l’héritière de l’immense fortune de son mari, fondateur de Prince Automotive, une société de pièces détachées de voitures. Celle-ci s’était faite remarquer en Californie en accordant des dons faramineux à une association contre le mariage gay intitulée « Proposition 8 ». Quarante millions de dollars avaient ainsi été collectés, grâce surtout aux trois donneurs essentiels : Elsa Prince, l’Eglise Mormone des Saints des Derniers Jours de l’Utah et… les chevaliers de Colombus !!! Dont nous avons déjà parlé ici-même (comme étant étroitement liés à la famille Bush). On retombe à nouveau sur les mêmes, en effet !

Blackwater nageait donc bien dans le milieu de la droite réactionnaire des chrétiens ou des évangélistes fondamentalistes ! La famille Prince étant même à l’origine financièrement de la droite religieuse américaine : Edgar Prince avait fourni l’argent à Gary Bauer, ancien conseiller du président Ronald Reagan, pour créer l’ultra-réactionnaire Family Research Council, et toute la famille avait pour ami Chuck Colson, un des évangélistes parmi les plus virulents, ancien bras droit de Nixon pour les coups fourrés durant le Watergate (c’était lui derrière dans les enregistrements où Nixon sortait des vannes antisémites !). Dans l’entreprise, on trouvait aussi Joseph Schmitz, leader d’un mouvement de suprématie blanche, « Restoring the American Dream, » raciste et ouvertement homophobe, formé à la John Birch Society qui avait aussi été inspecteur général du Pentagone, chez Donald Rumsfeld. Marié à une sœur de la femme de Jeb Bush, Columba : le monde de W.Bush est bien petit ! Joseph Schmitz, comme par hasard lui aussi Chevalier de l’Ordre de Malte, membre de la Federalist Society, un groupe de conservateurs, et d’une famille assez singulière... question sexualité. Un individu en fait plombé par une sombre histoire d’abus sexuel sur bébé de 13 mois datant de 1982 : sa carrière politique s’était arrêtée ce jour-là sur cette terrible accusation. Sa propre sœur, Mary Kay Letorneau, ayant écopée elle-même d’années de prison pour actes sexuels sur mineur en 1996 (institutrice, elle avait 34 ans et son amant 12, elle a eu entretemps deux enfants avec et a été libérée en 2004). Plutôt glauque, la famille.

Politiquement, la famille de Prince était liée au représentant du « House Permanent Select Committee on Intelligence » (HPSCI, un organe consultatif seulement), Peter Hoekstra, qui a fait longtemps pression pour que les gens du HPSCI intègrent la CIA. Les liens étroits de Blackwater et de la CIA sont donc dus à Peter Hoekstra, d’origine hollandaise, très influent au Congrès. Lors de sa nomination au HPSCI, il avait remplacé à ce poste … Peter Goss, nommé à la tête de la CIA ! En juin 2006, Hoekstra avait clamé un peu vite que 500 armes chimiques avaient été trouvées en Irak : il n’y avait aucune preuve, mais un sénateur conservateur, Rick Santorum, pro-guerre, s’était engouffré dans la révélation. Santorum, violemment anti-homos (pour lui ils sont, je cite, « dans le même groupe que les incestueux, les polygames ou les zoophiles« ), et Hoekstra étaient de vieux amis, qui ont ouvert en septembre 2007 un site informatique où l’on pouvait voir tous les détails de la réalisation d’une bombe nucléaire ! Etonnant !

Selon Rick Santorum, les infos provenaient de documents irakiens, saisis sur place. Le même coup que les fameuses armes chimiques. Une information révélée par le New-York Times, qui avait obligé les deux larrons à fermer rapidement le site au nom du Homeland Security. Qu’avaient-ils cherché à faire avec exactement ? Quels étaient leur liens avec la CIA ? Aucune réponse de leur part : les amis de Blackwater étaient souvent bien étranges… et participaient clairement à une belle entreprise de désinformation complète sur l’Irak… le but qui était visé en 2006 étant l’Iran déjà : Santorum et Hoekstra, en « démontrant » la facilité à faire la bombe irakienne voulait bien entendu « démontrer » que l’Iran avait déjà la sienne ! Sur le net, des bloggeurs s’étaient déchainés à l’égard de Santorum, en introduisant adroitement une « bombe Google », amenant tous ceux qui tapaient le mot « santorum » vers une définition d’un goût euh… douteux (ça fonctionne toujours ! ). Dans la liste des « Google Bombs », l’acte revendiqué tient toujours son rang de 5 eme meilleur détournement... et Rick Santorum subit depuis tous les jours la honte de sa vie. Santorum est depuis à jamais ridicule. Que ce soient ses vues archaïques sur l’enseignement (il hait Darwin), le comportement de ses proches en opposition avec ses dires ou des ses principes, ou sa façon de gérer l’argent public, tout lui est reproché désormais. Voilà comment sont les amis d’Eric Prince, une clique de religieux évangélistes ou de polticiens ignares, ne s’intéressant qu’à leur propre personne, au comportement en inadéquation complète entre leurs idées et leurs actes : à l’image de leur leader, serait-on fort tenté de dire…

Et ce n’est pas fini côté famille : la propre sœur de Prince, Betsy Devos, est elle aussi une activiste républicaine prônant les mêmes idées réactionnaires, c’est la dirigeante du Michigan Republican Party, et elle est mariée à Dick Devos, un des hommes les plus riches du monde. Devenu richissime avec un procédé de vente assez sidérant. Le directeur d’Alticor, maison mère d’Amway (et de Quixtar, la réincarnation d’Amway, ou d’Amivo, son nom en Europe) société de vente directe présente en France. Allez donc voir leur histoire, façon maison, sur leur site français, c’est entre Microsoft et les évangélistes, tout simplement. Tout en anglais, aucun effort de traduction, même pas pour les slogans simplistes assénés. On a du mal à y croire, mais non ça existe encore ce type de société. Leur idée de base est toujours la même : faire croire que le distributeur qu’ils souhaitent engager va devenir riche en vendant des matériels de nettoyage.

Dans un schéma pyramidal classique (ou « multi-level marketing » et donc « MLM ») , c’est la maison mère qui en bénéficie le plus, car c’est elle qui vend d’abord au distributeur, obligé d’acheter par contrat, qu’il vende ou pas au particulier. Le procédé est connu et répertorié comme escroquerie à la vente, si le système purement pyramidal est démontré. Vu de l’autre côté… cela peut devenir très différent : derrière le rêve de devenir riche se cache un véritable endoctrinement vers « l’argent facile » et « l’enrichissement personnel ». Selon tous les organismes de consommateur , « un système pyramidal peut ne pas subsister dans le temps sans imploser, c’est pour cela l’entreprise de fondation récente est douteuse« . Or, chez Amway, on a l’art de changer régulièrement de nom d’entreprises, ce qui montrerait par l’exemple que le procédé est bel et bien pyramidal !

Le reportage visible ici a de croît effrayer en effet…. et on est bien sur les mêmes méthodes que les évangélistes ! Effrayant, très, TRÈS effrayant !!! Finalement, à regarder ces images incroyables de manipulation des esprits, on se dit qu’il n’y a que très peu de différences entre les mercenaires de Blackwater et les franchisés d’Amway, appelés assez cyniquement des « volontaires ». Un véritable scandale de manipulation des esprits ! Il y a bien une unité « familiale » disons, chez les Prince : celui de la décérébration de leurs employés. Notez bien la technique pour faire y arriver chez Amway : bruits, musique, pleurs, émotions, mouvements de foule, cassettes à enfourner et à apprendre par cœur, travail 24H sur 24, rabaissement psychologique des adeptes mauvais vendeurs, et pour faire signer à la convention de recrutement : la privation de sommeil… !!!

Voilà qui nous ramène indirectement et incroyablement à ….Guantanamo, et au programme du SERE, adapté à la vente… d’aspirateurs ou d’autres objets d’entretien ! Très inquiétante découverte ! Au milieu du reportage, on découve avec effroi l’arrestation d’un des endoctrineurs de Quixtar pour détention de cocaïne… le show est alors complet. Rideau, là ! Il y en a assez pour remplir tout un portail ! Le voici,d’ailleurs. Et pour couronner le tout, ou boire la coupe jusqu’à la lie, le 8 août dernier une congressiste américaine, Jan Schakowsky, de l’Illinois, demandait à l’administration de cesser immédiatement de travailler avec Xe, le nouveau nom de Blackwater, alors qu’un nouveau contrat de 20 millions de dollars venait juste d’être signé par l’administration… d’Obama ! C’en était fini de l’ère Blackwater et des prétentions d’Eric Prince, qui ne devait son succès et son ascension météoritique qu’à la proximité de la famille Bush. Et ses accords fort particuliers avec la CIA.

Prince, pour se défendre, fait jouer à fond depuis les ressources de la justice américaine, à savoir le travail de sape que sa fortune personnelle lui permet de s’offrir. Or le 24 octobre dernier, un juge fédéral, le juge T.S. Ellis III, a rejeté les arguments proposés par Eric Prince dans le cas de cinq meurtres d’irakiens, tout en demandant à ses mêmes parents de victimes d’apporter davantage de preuves pour requérir. Des cas qui s’ajoutent à ceux de Nisoor. Eric Prince est dans de forts mauvais draps depuis début 2009. Les mercenaires dont Cheney avait tant besoin pour ses vues personnelles sur la façon de mener une guerre, à savoir en en couvrant tous les excès, se retournent contre lui chaque jour un peu plus. La chute d’Eric Prince, si proche du pouvoir comme nous venons de le montrer, pourrait bien sonner l’heure des comptes pour Dick Cheney et G.W.Bush.

Et comme on en apprend tous les jours, dans le genre incroyable le 10 novembre dernier, on apprenait que lors du massacre de Nisoor perpétré par une équipe de Blackwater, le premier souci de la firme avait été de proposer de l’argent au gouvernement irakien pour qu’il étouffe l’affaire ! Le massacre avait fait 17 morts, dont des enfants. Un million de dollars d’apportés, sur décision express d’Eric Prince ! En cash ! De l’argent vite apporté par jet d’Amman, en Jordanie, à Gary Jackson, alors président en exercice ! Au même moment, Cofer Black était en train de négocier argent au nom de l’ambassade américaine et les familles ! Les cinq employés inculpés attendent eux leur procès, qui devrait commencer en février 2010. A Bagdad, c’est aujourd’hui Triple Canopy qui a remplacé Blackwater. Triple Canopy est une entreprise elle aussi de mercenaires, mouillée au Honduras, avec sa filiale Your Solutions... le Honduras, fief traditionnel… de la CIA ! On n’en sort décidément pas !

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Yes, we can’t (2)

Yes, we can’t (2)

Yan Barcelo, 4 février 2010

Je poursuis cette semaine avec les changements législatifs, réglementaires et structuraux qu’il serait nécessaire d’effectuer pour s’assurer qu’une crise financière et économique comme celle qu’on a connue ne se reproduise pas.

Élargir la couverture réglementaire. – Dans l’univers financier, seules les banques commerciales sont soumises à une réglementation élaborée, quoique insuffisante. La crise nous fait constater que plusieurs autres joueurs non-réglementés ou faiblement réglementés, ce qu’on a appelé aux Etats-Unis le shadow banking, ont en fait une portée systémique : banques d’affaires, fonds de couverture, compagnies d’assurance, véhicules d’investissement hors-bilan (Special Investment Vehicles ou SIV).

Certes, une compagnie d’assurance comme AIG (qui était le plus grand assureur au monde avant la crise) est réglementée dans ses activités traditionnelles d’assurance-vie. Pour chaque contrat d’assurance qu’elle souscrit, elle est tenue par la loi de mettre de côté une réserve de capital à fructifier correspondant à un certain pourcentage du capital-vie assuré. Mais cette compagnie, sous le coup d’une prodigieuse myopie intellectuelle, et surtout d’une soif de l’or débridée, s’est aventurée dans le domaine des swaps sur défaut (credit default swaps), pensant qu’il s’agissait d’une activité semblable à ses opérations d’assurance courantes. Catastrophique erreur! Or, pour les contrats CDS qu’elle signait, la compagnie ne mettait de côté aucune provision de capital puisque aucune réglementation ne l’y obligeait!

Cette insuffisance réglementaire entraîne un fuite de l’activité financière vers les secteurs les plus opaques qui échappent le plus à toute supervision. Or, toute réglementation future devrait s’applique non seulement aux banques mais à toute institution financière non-bancaire de façon à éviter « l’arbitrage réglementaire » auquel se livrait les acteurs du shadow banking. « If it quacks like a bank, and walks like a bank, then regulate it like a bank ».

Cet élargissement réglementaire doit également être géographique et englober les notoires « paradis fiscaux ». Le jeu d’arbitrage fait en sorte que plusieurs des activités les plus spéculatives se réfugient dans ces havres à réglementation minimale où elles échappent à toute supervision.

Écraser le levier. – Que ce soit par de simples prêts hypothécaires ou des dérivés financiers de haute voltige, il faut empêcher l’endettement d’atteindre les proportions démesurées qu’il a atteint. Comment? En soumettant tous les acteurs financiers à des exigences de marge ou de collatéral exigeantes de l’ordre de 20%, 25%, même 50%, selon le niveau spéculatif de l’outil financier que le joueur s’apprête à manier.

Car, une autre faute fondamentale à la source de toute la débandade financière tient au fait qu’on n’a jamais imposé aux acteurs un frais de transaction qui réflétait de façon réaliste la vraie mesure de risque que portaient surtout les instruments de haute voltige.

Hausser les ratios de capital. – Les ratios de capital d’environ 8% qu’on exige aux banques sont insuffisants et doivent être revus à la hausse. (Au Canada, ces ratios sont de l’ordre de 12%). Il faudrait implanter un mécanisme, comme on l’a fait en Espagne, qui ferait garantirait que les banques accumulent plus de réserves quand l’économie va bien, quitte à fléchir sous le ratio quand les choses vont mal.

Rémunérer jusqu’à quelle altitude? – Non seulement la rémunération des acteurs financiers est-elle démesurée et liée à des profits à court terme, elle est manchote : excessive quand tout va bien, au pire zéro quand ça va mal. C’est un modèle à revoir. Et l’idée que met de l’avant Obama, c’est-à-dire simplement plafonner la rémunérations, n’est certainement pas satisfaisante. L’impératif est de lier tout bonus à la performance de entreprise à long terme. Ainsi, on peut envisager des bonis qui, au lieu d’être payés annuellement, s’accumuleraient dans un compte sur plusieurs années, rétrécissant ou croissant selon  les rendements à moyen et à long terme des actifs dont l’acteur financier a responsabilité.

 Mais toutes ces mesures que je mets de l’avant ci-haut ne sont que des cataplasmes dont la valeur curative demeure mince. Elles s’attaquent aux symptômes de la crise, aussi éclatants soient-ils, qu’il s’agisse des dérivés et de tous les produits structurés issus de la titrisation. Pour vraiment guérir la maladie spéculative qui étreint nos économies depuis plus de trois décennies, il faut intervenir plus profondément. C’est-à-dire, opérer des changements structuraux dans l’ordre monétaire, à l’échelle nationale et surtout à l’échelle internationale.

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Classé dans Actualité, Yan Barcelo