Yan Barcelo, 26 février 2010
La semaine dernière, je faisais état des échafaudages financiers qui sont inquiétés par la crise grecque. Je poursuis cette semaine avec un bref tour d’horizon, cette fois, de l’endettement des pays.
À présent, voyons un peu la géographie d’endettement dans laquelle circulent tous ces actifs de la finance virtuelle. On nous parle de pays où le taux d’endettement est immense, par exemple en Italie, où la dette du gouvernement s’élève à 115% du PIB. Mais ces chiffres « officiels » qu’on nous lance à la figure sont passablement aseptisés. Car le vrai niveau de la dette en Italie n’accapare pas 115% du PIB de ce pays, mais bien plutôt 364%, comme le révèle une étude de 2009 du National Policy for Financial Analysis, à Washington (http://www.ncpa.org/pdfs/st319.pdf). Ce que les chiffres habituels négligent d’indiquer c’est tout l’endettement dénué de provisions que représentent en Italie les fonds de pension, les systèmes de santé et quoi encore. C’est ainsi qu’en Allemagne, l’endettement total atteint 418% du PIB, en France, 549%, en Grèce, 875%, en Pologne, 1500%! Aux Etats-Unis, l’endettement total, tel que le calcule la firme de Toronto Sprott Asset Management, s’élève à 110 trillions $US, soit environ 730% du PIB. Quel sera le prochain pays à ne pas pouvoir honorer la part de ses dettes venant à échéance à court terme?
Peut-être qu’un prochain choc ne viendra pas d’un pays souverain incapable d’honorer ses dettes. Peut-être que ce choc viendra de la Chine, par exemple, où plusieurs observateurs voient une bulle immobilière et financière de proportion homérique se gonfler depuis quelques années déjà. Et c’est sans compter la course d’investissement dans laquelle le gouvernement chinois a lancé son économie avec des rendements qui vont décroissant de plus en plus. C’est ainsi qu’on trouve en Chine une ville comme New Ordos, construite pour accueillir environ 1,5 million de citoyens, mais où personne n’habite. On trouve aussi le South China Mall, un centre commercial à peu près dix fois plus gros que n’importe quel centre commercial dans le monde – pratiquement désert. Toute cette frénésie de construction a contribué à tenir dans la stratosphère la croissance du PIB chinois, mais il viendra inévitablement un moment où les coûts de soutien de ces installation et infrastructures inutilisées vont faire imploser les finances chinoises. Ce jour-là, un choc venant d’Orient se répercutera dans des réseaux bancaires et gouvernementaux surendettés. Par exemple, la Chine n’achètera plus les bons du Trésor américain, forçant la Réserve fédérale à augmenter démesurément son taux directeur, un geste qui enfoncera l’économie américaine dans un gouffre plus profond encore.
Pour l’instant, ces montagnes de dette sont bien dissimulées, et peuvent le demeurer un bon moment encore. Mais un jour, elles ne pourront qu’éclater au grand jour. Le jour, par exemple, où quelques gouvernements, en Europe ou aux Etats-Unis, s’avéreront incapables de payer les versements de pension de leurs citoyens. Ou qu’ils devront hausser les taxes de façon prohibitive simplement pour continuer à faire fonctionner quelques services publics devenu rachitiques.
Allons-nous passer au travers de tous ces écueils qui s’accumulent à l’horizon? C’est possible. Mais très-très peu probable. Nos jours d’abondance sont comptés.