Archives quotidiennes : 22 mars 2010

Une démocratie pour rire




Louis Préfontaine nous a parlé récemment de la métamorphose du Parti Québécois. Je me suis d’abord demandé pourquoi cette épopée se terminait de cette façon, sans même de véritables protestations… Puis je me suis souvenu qu’on s’était bien amusé à Shawinigan…

À l’été 2004, j’ai été candidat du Nouveau Parti Démocratique dans St-Maurice-Champlain. J’avais prévu en juin un pèlerinage vers Saint-Jacques de Compostelle, mais ma conscience citoyenne a pris le dessus sur le salut de mon âme et j’ai bifurqué vers une campagne électorale.

Pour faire acte de présence, car le NPD faisait 2 à 3% des intentions de vote dans le vieux comté de Jean Chrétien… mais j’ai eu la coquetterie d’y faire plus et je suis allé y marcher 500 000 pas, faisant de cette marche le thème de ma campagne et en tirant le même exercice vivifiant que m’aurait procuré le pèlerinage. Un sain divertissement…

Avec le recul du temps, je me demande si cette campagne- divertissement que j’ai faite alors dans St-Maurice n’était pas emblématique de la politique que vit le Québécois. Une politique qui n’est ni plus bête ni plus méchante que celles qu’on trouve ailleurs, mais qui est peut-être un peu plus folichonne et qui, entre deux référendums… ne suscite pas de grandes passions.

On se marre bien durant nos campagne électorales au Québec; elles mènent à changer sans heurts des gouvernements interchangeables. Mais ce n’est pas la Révolution d’Octobre…Les Québécois- ne veulent pas vraiment la guerre.

Or, la grande aventure de la quête pour l’indépendance s’est tout de même développée dans le contexte de la politique québécoise. Ce qui explique peut-être à quoi jouent l’ADQ, le PQ et tous nos politiciens. Ils jouent à ne pas faire la guerre…

Naturellement, l’idéal de l’indépendance a eu ses purs et ses engagés, des felquistes qui y ont donné des années de leur vie…. Mais le lambda Québécois qui a finalement dit non deux fois, lui, est-ce qu’il y a vu autre chose qu’un divertissement ? Quand le péquiste moyen, aujourd’hui, perd si facilement la foi, est-ce que ce ne serait pas qu’au fond il n’y a jamais vraiment cru ?

Mon billet d’aujourd’hui peut servir d’introduction à mon « Journal de bord » durant cette campagne de 2004 dont j’ai fait hier une section de mon site et dont je vous invite à lire ensuite quelques textes… Emblématique, car il n’y a pas eu de « guerre » dans Saint-Maurice en 2004… Juste un peu de théatre.

Voyons d’abord le dramatis personae.

Pour les libéraux, du tohu-bohu qui avait suivi le départ de Chrétien, avait finalement émergé comme candidate une adorable jeune femme que j’aurais volonté adoptée comme sœur à ma fille. Intelligente, répartie facile, elle faisait bonne figure. Mais personne – et surtout pas les Libéraux – ne pensait qu’elle pouvait gagner cette élection. Cette élection était déjà concédée au candidat bloquiste.

Un candidat bloquiste bien sympathique, bien représentatif de la mouvance nationaliste largement majoritaire dans la région et que nul brutal défi ne poussait donc à se faire pousser des griffes. Il aurait pu être élu in absentia… Les conservateurs avaient leur candidat, produit du terroir, aussi fermement limité à la petite fraction du vote de tradition conservatrice que je pouvait l’être à celle encore plus infime dévolue au NPD.

Au demeurant, le candidat conservateur était un perdant tout aussi aimable, dans sa défaite annoncée, que le gagnant bloquiste l’était dans sa victoire… qui l’était tout autant. Il y avait un Vert, aussi, dans la course, issu des marches éloignées du « comté »… Vert typique, fait sur mesure, tout aussi gentil que les autres, mais avec en plus une cause sympathique.

Un candidat Marijuana aussi. Ai-je dit que le Vert était typique ? Ce candidat l’était également. On pouvait croire sans peine que, au contraire d’Attila, l’herbe pousserait toujours partout où passerait sa monture… Et enfin, bien sûr, il y avait moi, qu’on aurait pu dire typique des candidats atypiques que peuvent produire des partis idéalistes, comme le NPD.

Voyez ci-haut la photo de notre petite famille de candidats. L’ami vert, est arrivé trop tard des grands bois pour y être, mais que je le vous présente ici en débat animé avec le Conservateur. Une petite famille, je vous dis. On n’allait tout de même pas se faire la guerre… !

Alors la « bataille » pour Saint-Maurice a été un ballet, une chorégraphie plutôt qu’une bataille. Deux (2) débats bien polis, des contradictions sans surprises, par médias interposés. On a vécu une messe pour la démocratie, comme ces enterrements où l’on arrive tard à dessein, pour rester sur le parvis, puisque le corps est déjà froid et que l’important est de saluer les parents et les potes.

Ce élections étaient un folklore amusant, mais qui ne suscitait tout de même pas l’intérêt du Festival Western de St-Tite Nous tous, les candidats, aurions pu être mêlés, tirés d’un énorme chapeau et distribués au hasard entre les partis, sans que les résultats du vote ne changent d’un iota.

Pays superbe, population accueillante… J’ai bien aimé l’expérience. Mais était-ce sérieux ? Le constat à faire, dans le modèle électoral que nous avons, est que ces campagnes sont inutiles. Les candidats sont inutiles – car on ne vote que pour les partis – et les députés eux-mêmes sont inutiles, puisque, lorsqu’ils sont élus, ils n’ont d’autres fonctions que de suivre les directives de leurs partis respectifs.

Une élection pour rire. Toute notre pseudo démocratie est à repenser et l’un des éléments majeurs à revoir est le rôle du député comme représentant des citoyens. Je parle ailleurs des changements à faire à notre démocratie. Dans les textes de la section à laquelle celui-ci sert de préambule, vous trouverez quelques idées, mais j’ai surtout voulu montrer le caractère bon enfant d’une élection en province, au Québec.

Est-ce que dans cette démocratie pouvait naître et se développer une conscience révolutionnaire ? Et la plus grande astuce du système n’a-t-elle pas été le piège de cette démocratie pour rire, dans lequel le PQ est tombé pour finalement y mourir ? Mes 500 000 pas en Mauricie, avec le recul du temps, m’apparaissent comme le symbole de ce système…. qui nous a fait bien marcher.

Voir: Une guerre en Mauricie

Pierre JC Allard

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