Suite à mon dernier billet dans lequel je rapporte les intentions du Président Obama d’exercer une surveillance accrue sur l’économie afin de contrôler la formation de bulles dans l’économie, j’entend vous exposer l’absurdité de cette proposition en vous donnant une explication de comment ces bulles sont formées. Chose que M. Obama et ses conseillers économiques semblent ignorer.
Une seule théorie en économie peut expliquer convenablement la cause de ces bulles: la théorie autrichienne des cycles économiques développée par Ludwig Von Mises et Friedrich Hayek. Je vais essayer de vulgariser le plus possible, mais ce n’est pas une mince affaire, alors j’apprécie votre patience de le lire jusqu’au bout. Je sais que ce n’est pas tout le monde qui s’intéresse à l’économie à ce point et je ne peux pas vous blâmer, mais s’il y a une théorie que vous devriez comprendre de nos jours, c’est celle-ci.
Introduction
La compréhension actuelle du phénomène des cycles économiques par la population en général nous vient de Karl Marx, qui le premier nota que depuis le début de la révolution industrielle, l’économie a commencé à montrer des phases cycliques de boums et de crises qui n’existaient pas avant. Marx en a donc conclu que ces cycles faisaient partie intégrale du libre-marché capitaliste. Même encore aujourd’hui, cette vision est largement acceptée, même par quelques-uns des plus éminents économistes. Pourtant, rien dans la théorie générale de l’économie de marché n’explique ces phases, puisque l’offre et la demande de produits sont toujours supposés tendre vers l’équilibre. Alors pourquoi ces cycles seraient-ils inhérents à l’économie de marché?
Un autre petit détail est qu’une économie de marché est supposée être un système qui punit les mauvais entrepreneurs en leur faisant subir des pertes et en les poussant vers la faillite (si le gouvernement n’intervient pas pour les sauver, bien sûr). Alors on s’attendrait à ce que la grande majorité de ceux qui restent dans le jeu sont raisonnablement bons à anticiper les demandes du marché. Alors comment expliquer qu’un si grand nombre d’entre eux se retrouvent dans la merde lors d’une récession?
Une autre chose qui est observable lors d’une récession, est que les secteurs de l’économie les plus touchés sont les biens capitaux, c’est-à-dire, la machinerie industrielle et agricole, la construction, les matières premières ainsi que les biens de consommation durables comme l’immobilier et l’automobile, plutôt que les ventes au détails? Si les récessions étaient causées par un déficit de la consommation, comme le prétendait Keynes, Ce devrait être le secteur du détail qui serait le plus touché.
Si on veut développer une théorie des cycle économiques qui se tienne, il faut qu’elle puisse expliquer tout ça.
C’est votre intérêt qui compte…
Avant d’entrer dans la théorie des cycles comme tel, je tiens à rafraichir votre mémoire sur le rôle du taux d’intérêt dans l’économie de marché. L’économie de marché réagit à des signaux: les prix. Ces prix communiquent aux différents acteurs du marché des informations sur l’offre et la demande de divers biens et services et guident leurs décisions. Le taux d’intérêt est également un prix. C’est le prix du temps. C’est à dire que c’est ce qui nous coûte de se procurer un bien maintenant plutôt que de le reporter à plus tard. Ce signal nous donne donc de l’information sur les préférences des consommateurs dans le temps. Préfèrent-ils emprunter pour acheter maintenant, ou préfèrent-ils épargner et acheter plus tard. En quoi est-ce important? Si vous êtes un entrepreneur, vous voudrez probablement profiter du temps où les consommateurs épargnent pour faire certains investissements comme du nouvel outillage pour lancer une nouvelle ligne de produits, par exemple, étant donné que les taux d’intérêts sont à la baisse lorsque les consommateurs épargnent. Le fait qu’ils épargnent indique aussi que les banques ont des réserves réelles à prêter puisqu’en principe, c’est cet argent qu’ils sont supposés vous prêter, dans un marché libre, du moins. Le problème est que le marché n’est pas complètement libre.
Les banques centrales et le système bancaire.
Dans mon billet «La fraude à grande échelle», il y a une vidéo qui explique assez bien comment les banques, de concert avec la banque centrale, créent de la monnaie à partir de rien, grâce aux réserves fractionnaires. Ce fût les économistes classiques David Hume et David Ricardo qui furent les premiers à établir un lien entre cette institution, qui a émergé en parallèle avec l’économie de marché, et les cycles économiques. La théorie Ricardienne se résume à ceci: Lorsque les banques font de l’expansion de crédit sous forme de notes bancaires et de chèques, au-delà de leur réserves physique d’or, le surplus de monnaie crée une illusion de prospérité qui alimente un boum. Il en résulte de l’inflation qui fait monter les prix des produits locaux. Cette hausse des prix locaux favorise l’achat de produits importés qui deviennent moins chers. Les marchands étrangers n’étant pas intéressés à conserver la monnaie de papier locale, la convertissait en or, faisant ainsi baisser les réserves de banques et ainsi de suite, jusqu’à ce que les banquiers commencent à s’inquiéter de ne pas pouvoir remplir leurs obligations. Les banquiers rappellent alors leurs prêts pour réduire la quantité de billets de banques en circulation. Le boum s’effondre et une récession suit. Pendant la récession, les prix locaux baissent entrainant une hausse des exportations et une baisse des importation et l’or recommence à rentrer au pays pour regarnir les réserves des banques. Lorsque les banques se sentent plus sécures, le bal recommence. C’est déjà une explication plus plausible que l’esprit animal de Keynes, mais ça n’explique pas tout ce qui est observé des récessions, notamment, pourquoi le secteur des biens capitaux est plus durement touché.
Arrivent les autrichiens…
Pour la raison ci-haut, l’économiste autrichien Ludwig von Mises et plus tard son élève Frederich Hayek, n’étaient pas satisfaits de l’explication de Ricardo. Ils entreprirent donc d’approfondir la question. Leur travail nous a donné la théorie autrichienne des cycles économiques. Largement oubliée des économistes « populaires », elle n’a cependant jamais été discréditée et reprend maintenant de la popularité depuis le début de la présente crise.
Nous avons vu plus haut le rôle du taux d’intérêt dans une économie de marché. Nous avons aussi vu que ce taux avait la fonction d’un prix dans le marché. Comme un prix, il tend à rechercher l’équilibre entre l’offre et la demande, dans ce cas-ci, l’épargne et le crédit. Ce point d’équilibre est appelé le taux naturel. Si une influence extérieure vient pousser le taux au-dessus ou en dessous du taux naturel du marché ça provoque une réaction de la part du marché. C’est ce qui arrive avec la politique monétaire des banques centrales. Lorsque celles-ci commencent à créer de la monnaie additionnelle, au-delà de ce qui est requis pour les ressources présentes sur le marché, les fonds additionnels crées à partir de rien se retrouvent dans le système bancaire, multiplié par les réserves fractionnaires. Ce surplus est interprété par le marché comme de l’épargne et pousse le taux d’intérêt vers le bas. Mais comme ce n’est pas vraiment de l’épargne, adossée à la production, cette baisse du taux est artificielle. Et elle induit les acteurs du marché en erreur. Puisque le taux est poussé en dessous du taux naturel, les entrepreneurs interprètent ça comme un signal qu’il est temps de faire des investissement capitaux, croyant que les consommateurs ont maintenant une préférence à l’épargne et donc, reportent leur consommation à plus tard. Les entrepreneurs se retrouvent donc à investir dans le développement de nouveaux produits, alors que la demande pour les produits existants n’est pas encore en déclin. En d’autre mots, ils investissent leurs ressources dans les mauvais produits. La baisse artificielle des taux d’intérêt peut aussi faire paraitre plus rentables des activités qui ne seraient pas rentables au taux du marché et elle encourage aussi la spéculation. Les banques aussi, en se retrouvant avec beaucoup plus d’argent à prêter, sont portées à réduire leurs exigences pour les prêts et prendre plus de risques. Avec les consommateurs et les entrepreneurs qui s’endettent et consomment en même temps, un boum s’installe. Le party commence. C’est là que des bulles commencent à se former dans certains secteurs. Les bulles sont tout simplement de l’activité économique qui a lieu dans un secteur en particulier qui n’aurait pas été profitable sans le boum. Puisque le boum est artificiel et insoutenable, lorsqu’il finit, les bulles éclatent.
Pourquoi les boums sont-ils insoutenables?
Lorsque la banque centrale fait baisser les taux d’intérêts artificiellement en injectant de l’argent neuf dans l’économie, plusieurs choses se produisent. Tout d’abord la demande de crédit augmente puisque les taux sont bas. Puisque le marché est à la base autorégulateur (malgré ce qu’en pensent certains), cette augmentation devrait pousser le taux d’intérêt à la hausse. Si la banque centrale continue à pomper de l’argent dans l’économie pour maintenir le taux d’intérêt artificiellement bas, c’est comme retenir un ballon sous l’eau. Aussitôt qu’on le relâche, il remonte violemment vers la surface. Or les dirigeants de la banque centrale sont très conscients qu’au fur et à mesure qu’ils injectent de l’argent neuf dans l’économie, la valeur de l’unité monétaire est diluée parce que la quantité de biens disponibles dans l’économie n’a pas augmenté en conséquent. Les prix commencent à grimper, particulièrement dans les secteurs de l’économie où il y a surchauffe grâce au boum. Alors pour maintenir le « contrôle » de cette inflation, la banque centrale doit éventuellement freiner son expansion pour éviter une inflation trop rapide des prix. Et le ballon remonte. Malheureusement, il remonte trop vite et la demande de crédit nécessaire à soutenir le boum ne s’ajuste pas immédiatement. Nous avons donc une crise de crédit. C’est la même chose quand on essaie de maintenir le prix d’une marchandise trop bas. Ça crée une pénurie. Lorsque la banque centrale cesse d’imprimer de l’argent, les banques doivent recommencer à prêter à partir de l’épargne accumulée dans leurs comptes, au lieu de l’argent neuf. Sauf que les réserves d’épargne sont sévèrement diminuées parce que les consommateurs n’épargnaient pas, ils étaient stimulés à dépenser par les taux maintenus artificiellement bas. Nous constatons donc maintenant toute la bêtise du contrôle des taux d’intérêt par les banques centrales et du système de monnaie fiduciaire qui crée de l’argent à partir de rien. Les banques n’ayant plus d’argent à prêter, serrent la vis et les activités qui dépendaient de l’abondance du crédit se retrouvent sans financement. Le party est fini, on retourne sur terre. C’est la récession.
La récession
Si on en croit les théorie de Lord Keynes, les récessions sont causées par une baisse de la consommation aggrégée, due au manque de confiance des consommateurs et des investisseurs dans les prospect économiques futurs. Ils paniquent. Pourquoi? Sais pas! Ce doit être « l’esprit animal ». Toujours est-il que pour compenser le manque de dépenses des consommateurs, il faut que le gouvernement dépense pour continuer à faire rouler l’économie. Mis à part le côté ridicule de ce raisonnement. On constate que Keynes ignorait complètement la cause sous-jacente des récessions, et donc prescrivait le mauvais remède. Mais puisque lorsque l’économie va mal, les gens ont tendance à réclamer l’intervention des politiciens et que Keynes leur a envoyé un os en prescrivant une solution qui donnait un rôle au gouvernement, ça ne devrait être une surprise pour personne pourquoi les théories de Keynes sont populaires auprès de la classe politique. Et comme la classe politique contrôle l’éducation, on ne devrait pas s’étonner que ce soit ces théories qui ont la cote dans nos universités. Que Keynes ait été complètement « à côté de la track » n’avait aucune importance. Dites aux pouvoir de l’état ce qu’il veut entendre, et vous serez une vedette. Faites le contraire, et vous serez enterrés.
La réalité, aussi impopulaire soit-elle auprès de la classe politique, c’est que la récession est plutôt ce que j’appellerais « la revanche du marché » qui nous punit pour nos excès. Loin d’être la panique causée par un esprit animal irrationnel, c’est la tentative naturelle du marché de se ré-équilibrer. Lorsque le boum se termine, les entrepreneur réalisent qu’ils ont mal investi et que cet investissement n’est pas profitable. Si vous faisiez face à ce même choix, vous feriez exactement la même chose. Vous liquidez pour récupérer tout ce que vous pouvez de votre investissement et vous le réinvestissez dans quelque chose de plus profitable. Pour leur part, les consommateurs se retrouvent avec un surplus de dettes et aucune épargne et des paiements d’intérêt plus élevés. Il est donc parfaitement sain et normal qu’ils réduisent leur consommation pendant un certain temps et qu’ils repayent leurs dettes et regarnissent leur compte de banque. Certaines compagnies feront faillite ou feront des compression à cause des pertes qu’elle auront subies en prenant trop de risques pendant le boum et beaucoup de gens perdont leur emploi. Les ressources de ces compagnies en faillite seront récupérées par d’autres qui n’avaient pas pris autant de risques et qui ont continué d’être productive. L’économie se débarasse ainsi de son « bois mort ». Il devrait aussi être apparent à n’importe quelle personne sensée que ce processus doit suivre son cours, si nous voulons que l’économie reparte sur des bases solides, sinon nous ne ferions que balayer la poussière sous le tapis pour qu’elle revienne nous hanter plus tard.
Mais, les banques privées ne font-elle pas partie du libre-marché?
Les banques ont beau être privées, mais leur pouvoir de créer de l’argent leur vient du gouvernement qui leur en a attribué le monopole. Dans le billet « La fraude à grande échelle », nous avons vu comment les gouvernements ont sanctionné et légalisé la fraude qu’est le système de réserve fractionnaire, mais en instituant une banque centrale et en lui donnant le pouvoir exclusif d’émettre des billets de banques, et en forçant les autres banques à y déposer leurs réserves, comme c’est le cas à la Réserve Fédérale américaine, on leur a conféré la faculté de faire de l’expansion monétaire de concert avec toutes les autres banques. De facto, elles forment un oligopole protégé par l’état et dans le cas de la Fed, qui n’a aucune supervision provenant des autres branches du gouvernement. Imaginez le pouvoir que ces banquiers tiennent dans leurs mains.Croyez-vous un instant qu’ils voudront qu’on leur enlève?
Dans un marché véritablement libre, un tel monopole ne pourrait pas exister. Des banques qui doivent survivre dans un environnement compétitif ne pourraient se permettre des prendre trop de risques sans se rendre vulnérable à ses compétiteurs. Si une banque venait à émettre trop de billets, ses compétiteurs pourraient accumuler ces billets et ensuite exiger de les convertir en or, poussant cette banque vers la faillite si ses réserves sont insuffisantes. C’est pourquoi dans un marché libre, les banque ne feraient guère plus que de servir d’intermédiaire entre les prêteurs (les déposants) et les emprunteurs, empochant une commission, soit la différence entre l’intérêt payé aux déposants et celui chargé aux emprunteurs. Ce serait moins profitable, mais plus sûr.
C’est la nature perverse de notre système bancaire qui crée les cycles de boums et récessions et qui perpétue le cycle, puisque typiquement, aussitôt que l’économie reprend, la banque centrale recommencera à faire de l’expansion monétaire et le cycle reprend de plus belle.
Conclusion
La théorie autrichienne est la seule théorie qui explique de façon logique et cohérente les mécanismes qui causent les cycles de boums et récession. Elle explique comment les boums se produisent et ensuite explique pourquoi il y a baisse de la consommation durant la récession et pourquoi les secteurs des biens capitaux, plus sensibles aux fluctations des taux d’intérêt sont plus touchés que le secteur de la vente au détail. Elle explique également la formation de bulles, ce qu’aucune autre théorie ne peut faire.
Mais si vous cherchez quelque chose d’un peu plus concret à vous mettre sous la dent. Je sais que ceux qui me lisent ici qui ont eu une éducation néoclassique sont friands de données économétriques. Je vais donc vous satisfaire. JC Clement est un fréquent contributeur dans les commentaires sur mon blogue, ce qui est très apprécié. Dans ce billet sur son blogue, il discute de signaux qui peuvent laisser prévoir à l’avance une récession. Un des signaux qu’il mentionne repose sur une interprétation particulière de la courbe des rendements des bons du trésor américain. Cette courbe est basée sur le différentiel entre les taux de bons à long-terme et ceux à court-terme et elle indique la préférence des investisseur soit vers des bons à court-terme, soit vers des bons à plus long termes. Un renversement de cette courbe vers le bas signale un retournement de cette préférence vers les bons à long-terme, ce qui présagent qu’ils cherchent à protéger leurs argent en prévision d’une situation économique incertaine. Historiquement, un tel renversement de la courbe se produit toujours peu de temps avant le début d’une récession. Ils appellent cela la théorie des attentes (Expectations Theory). Par contre, si on interroge les partisans de cette théorie sur le pourquoi et le comment que les investisseurs semblent pressentir l’approche d’une récession pour ainsi brusquement vouloir changer leur préférence vers les bons à long-terme, ils n’ont aucune réponse à vous offrir. « C’est psychologique », m’a dit JC.
Personnellement, je crois qu’il y a toujours une raison qui explique le comportement d’un individu ou un groupe d’individus. L’explication que c’est psychologique ne me satisfait donc pas, justement parce que la psychologie enseigne que tout comportement a une raison, qu’elle soit logique ou non. Or, si on reprend la théorie autrichienne des cycles économiques, on peut trouver une explication plus satisfaisante. En premier lieu, si on s’appuie sur cette théorie autrichienne, il existe un lien direct entre les cycles économiques et les fluctuations du taux directeur de la Fed. Or ce taux a une grande influence sur les taux des bons du trésor à court-terme, puisque pour imprimer de l’argent la Fed doit acheter des bons du trésor (à court-terme, bien sûr), les payant avec de l’argent nouvellement créé. Ceci influence directement le rendement des bons à court-terme. Lorsque la Fed cesse d’acheter des bons du trésor, ou décide de réduire la masse monétaire en les revendant, (comme c’est le cas lorsque la Fed veut freiner une poussée inflationniste) les taux de rendement des bons à court terme diminue et la courbe des rendements s’aplatit et commence à plonger. Voyant cela, un investisseur perspicace peu interpréter cela comme un signal propice à placer son argent à plus long-terme, puisque le rendement à long-terme devient meilleur qu’à court-terme. Ce mouvement complèterait le mouvement descendant de la courbe. Donc le véritable déclencheur du renversement de la courbe serait les transactions d’achat et revente de la Fed sur les bons à court-terme, et non le mystérieux sixième sens des investisseurs. Des preuves? Voilà:
Bel effet miroir n’est-ce pas? Des questions?
Pour les néoclassiques, je vous ai déniché un petit modèle du Dr Robert Murphy. Peut-être qu’il arrivera à vous convaincre.