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SIDA de Civilisation – Science et scientisme (3 de 3)

Yan Barcelo, 19 juin 2010
Le scientisme – cette prétention qu’ont certains scientifiques de transformer la science en métaphysique – prend de plus en plus les couleurs du darwinisme et de son avatar le plus pernicieux, le darwinisme social. Sous des dehors de « vérité » et « d’exactitude » scientifique, cette écoles de pensée introduit une vision essentiellement brutale et réductrice de l’existence humaine. C’est l’attitude dont la pensée se résume par l’expression, entièrement fallacieuse d’ailleurs : « La survie du plus fort ».
C’est qu’il y a deux niveaux au travail de Darwin : un premier, strictement scientifique, et un deuxième, pseudo-métaphysique (ou pseudo-philosophique). Au plan scientifique, on ne peut que saluer et applaudir le travail d’enquête irréprochable de Darwin. Sans avoir inventé la notion d’évolution, il est celui qui lui a donné ses lettres de noblesse. Il est certain qu’on ne peut plus penser l’histoire de la planète Terre hors du cadre évolutionniste.
Mais au darwinisme strictement scientifique s’est greffé dès le départ un immense débat métaphysique où l’évolutionnisme affrontait et contredisait la tradition biblique qui souscrivait à l’idée de la création de l’univers par Dieu en sept jours. Aujourd’hui, ce débat est bien révolu : il ne fait plus de doute pour tout esprit un brin instruit que ce monde et sa multitude d’espèces ont évolué.
Tout le débat s’est désormais déplacé vers une question cruciale : l’univers n’est-il que le fruit d’une série de transformations aléatoires qui ont résulté dans ce qui semble être un ordre incroyable, mais totalement fortuit ? Ou est-il le résultat d’un acte créateur, d’un propos divin qui, par tous les détours de l’évolution de la matière et des espèces, a imprimé à sa création un sens et une finalité ?
Le débat demeure totalement ouvert et il est certain qu’il ne peut pas être résolu sur le terrain de la science. Seulement sur celui de la foi. Au niveau de l’observation scientifique, pas de contestation possible : l’évolution est un fait. Mais chercher à savoir si cette évolution suit un parcours totalement laissé au hasard ou emprunte une ligne mûe par une finalité, un « dessein intelligent », alors là, on passe à un autre plan : celui de la métaphysique. Et sur ce plan, les propositions d’un scientifique n’ont ni plus ni moins de poids que celle d’un philosophe ou d’un prêtre.
Évidemment, les défenseurs de l’« a-métaphysique » darwinienne, défendent bec et ongles leur position matérialiste et athée. Et pour le faire, ils font appel à des constructions et des échafaudages dont les envolées imaginatives ne sont pas moins prodigieuses que les spéculations de théologiens. Un échange que j’ai eu dans ce site avec un représentant de cette école en donne un exemple éloquent.
L’échange tournait autour de la question de l’émergence de cette merveille de l’évolution : l’œil. Voici comment mon interlocuteur expliquait les choses…

Les organismes d’avant l’apparition de l’oeil n’étaient pas “aveugles”. Ils captaient et réagissaient aux ondes lumineuses (photons) tout comme les plantes dont ils sont issus et qui s’en nourrissaient déjà (photosynthèse). Les cellules qui captaient ces ondes les identifiaient à partir de la “signature” de la fréquence de l’onde (qui peut se traduire en une formule mathématique). Puis des cellules captèrent la signature de la lumière réfléchie sur les objets ambiants, identifiant ainsi la signature de fréquence d’une géométrie particulière (carré, triangle, etc…).
Plus le nombre de cellules spécialisées à identifier les fréquences d’ondes lumineuses augmentait, plus la formation de l’oeil se préparait en symbiose de la formation du cortex visuel qui lui se spécialisera dans la conversion de ces milliers de fréquences (formules mathématiques) enchevêtrées en “images” qui seront identifiées instantanément par la conscience. Ainsi, l’animal identifie un environnement d’un seul coup d’oeil, à grande distance et y identifie instantanément la forme qui peut le nourrir ou le tuer.

Voilà tout un charabia très habile qui donne l’impression « d’expliquer » comment l’apparition de l’œil est issue d’une série d’accumulations : additionnez photosynthèse, fréquence d’ondes, géométrie des fréquences, brassez le tout et, abracadabra, nous avons l’œil. Cette approche est typique de tous les réductionnismes, notamment le matérialisme darwinien : un nouveau phénomène dans l’ordre naturel, dans ce cas-ci l’œil, se résume à une combinaison quantifiable d’éléments déjà donnés. L’œil et surtout la conscience visuelle ne représentent pas un saut qualitatif totalement original qui ne peut pas être ramené à un ensemble de composantes préexistantes. Non-non. L’œil n’est que cette addition d’éléments déjà connus, mais dans un assemblage inédit. Cette formule : « n’est que » est centrale à tous les réductionnismes.
Or, la réduction darwinienne manque justement de rendre compte de l’absolue originalité de l’œil et de la vision. Notre interlocuteur finit avec ces mots : « l’animal identifie un environnement d’un seul coup, à grande distance… » Mais voilà, c’est justement cette synthèse totalement inédite que la vision permet et qui n’était donnée dans aucune composante précédente de la photosynthèse, de la sensation cutanée aux ondes infrarouges ou de la « géométrie » des fréquences lumineuses.
Cet argument offre une lecture parfaitement déterministe et réductionniste de deux phénomènes qui échappent totalement à une telle lecture et qui constituent des sauts prodigieux de la vie: la vision et la conscience du « contenu » de la vision. Entre la roche et le végétal, il y a déjà un saut qualitatif qu’aucune équation quantitative ne peut combler. Nous faisons un saut quantique au-dessus d’un abîme qu’aucune linéarité ne peut remplir. Puis, de la plante à l’animal, le saut est plus prodigieux encore. Et ce saut se réproduit dans le passage qui va de la sensation cutanée à la perception visuelle.
Toute cette lecture mathématico-géométrique est fort habile, mais elle demeure un écran de fumée qui masque l’essentiel : le prodigieux saut, d’ordre inédit, mystérieux, créatif, qui fait passer la matière de l’ordre minéral à la vie végétale, puis à l’autonomie animale et enfin à la sphère humaine. Certes, chacun de ces ordres contient et synthétise tous les éléments de l’ordre précédent, mais chacun introduit un saut quantique et totalement original qui ne peut être « réduit » à ses éléments constitutifs.
Chercher à gommer ce saut en s’auto-anesthésiant avec diverses incantations mathématico-ésotériques, c’est ce que j’appelle la foi du Hasard, qui est une non-foi ; c’est la religion du scientisme, qui est une non-spiritualité. Victor Hugo avait une expression très juste pour stigmatiser cette prétention des scientistes qui commettent constamment la méprise suprême de « prendre l’exact pour le vrai ».
Or, je juge que cette non-foi du darwinisme, comme de tous les matérialismes dont il est une manifestation particulièrement virulente, est un mensonge pernicieux qui court dans nos cultures. Et les résultats de ce mensonge sont tous les stigmates d’une civilisation sidatique que j’ai dénoncée au fil des chroniques de ce site.
Malgré toutes ses prétentions à se présenter comme un nouvel humanisme athée, le darwinisme n’est qu’une autre idéologie de la force et de la domination du plus fort, un monde où l’existence humaine, son originalité et sa spécificité sans égales, sont niées et rendues absurdes.
Si on suit la logique du darwinisme, l’organisme le mieux adapté à l’univers de brutalité et de violence aléatoire qu’il nous propose, ce n’est certainement pas l’humain. Pas même l’orang-outan ni même la tortue. C’est le caillou. Ah, cette paix profonde et insondable du minéral ! Pourquoi diable aller se soumettre à tous les tourments et les tortures de l’évolution ? Vivement la carapace indestructible du rocher, auprès de quoi l’hypersensibilité de la peau humaine paraît… une singerie.

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