Archives quotidiennes : 28 juillet 2010

La « réalité » à la manière Ikea

Image : Udner Blogspot

La réalité, c’est ce qui continue à s’imposer à vous quand vous cessez d’y croire.

Philip K. Dick

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J’jusqu’alors, se croyant éperonné par l’action, il ne s’était accordé que des accointances sensuelles qui laissaient la tête libre. Mais maintenant il lui fallait connaître les subtilités du cœur qui après tout aiguisent l’esprit.
P. Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie, 1939, p. 205.

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« Affordable solutions for better living »

Slogan Ikea

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Ikea a fait fortune en donnant à chacun les pièces et les plans pour « bâtir » ses propres meubles. Tournevis fournis, dans bien des cas. Au point ou la formule, aujourd’hui, est si répandue qu’il est difficile d’acheter une bibliothèque sans avoir à la monter nous-mêmes…

En tant qu’individus, nous sommes tous un peu Ikea…

Je ne cherche pas à définir une « réalité cosmique », mais plutôt à nous questionner sur notre perception de la réalité de nos sociétés, et du grand vent des intellectuels, dont les gaz, après un bon repas du bric-à-brac,  prend l’ascenseur et s’en va ballonner le cerveau.

Et c’est comme ça depuis près d’un demi-siècle puisque l’on n’a pas produit que des choux, des ordinateurs, ou des armes sophistiquées… C’est comme ça depuis que l’on a distribué à tout le monde des morceaux des « savoirs ».  Ce qui a permis à monsieur et madame tout le monde de se monter un beau meuble de « connaissances » qui, un peu attisé par la somme des pièces, des visses, et des plans tout faits, de se tracer « une idée »… De la vie, de l’Univers, des sociétés, des « grands »…

On a des opinions « rationnelles » sur tout…

Rationnelles…

Leurre et drame…

Les piranhas gris et le perce-oreille

Si vous vous jetez dans l’eau d’un site pour commenter ou pour écrire,  souvenez-vous des scènes de films dans lesquelles les piranhas dévorent un humain en quelques minutes.

Ces piranhas du net se nourrissent de toutes les eaux qui polluent maintenant la « connaissance humaine » sur la toile.  À se demander ce qu’elle a d’humain – cette connaissance – si elle ne sert pas à l’humain?

Une autre accointance entre la civilisation nombriliste du « Me, Myself and Die » (sic).

On ne meure qu’une fois. Les fabricants de déluges foisonnent, mais peu  d’élus  pour fabriquer des arches.

Les « destructeurs » d’humanité ne sont pas bien nombreux… Mais ils disposent d’un pouvoir dangereux : l’argent. Ils peuvent donc se payer deux variétés de la race humaine : les pauvres et les vaniteux. Comme dirait l’anglophile : The big piece of cake…

En fait, nous voilà à l’ère de la méthode du perce-oreille :

Contrairement aux grands animaux et aux humains qui produisent généralement peu de rejetons mais leur prodiguent ensuite des soins, les insectes optent presque tous pour une stratégie différente qui consiste à produire davantage de descendants, mais à ne pas investir d’énergie pour s’en occuper. Infestation.ca.

Réalité et perception : la Tour de Babel

Cette histoire est parfois vue comme une tentative de réponse des hommes au mystère apparent de l’existence de plusieurs langues, mais est aussi le véhicule d’un enseignement d’ordre moral : elle illustre les dangers de vouloir se placer à l’égal de Dieu, de le défier par notre recherche de la connaissance, mais aussi la nécessité qu’a l’humanité de se parler, de se comprendre pour réaliser de grands projets, ainsi que le risque de voir échouer ces projets quand chaque groupe de spécialistes se met à parler le seul jargon de sa discipline. Ce récit peut aussi être vu comme une métaphore du malentendu humain; où contrairement aux animaux, les êtres humains ne se comprennent pas par des signes univoques, mais bien par l’équivocité du signifiant. Tour de Babel

Après avoir passé une journée pédagogique – la meilleure, sans doute, de ma « carrière »-  nous sommes sortis tous ébranlés par cette expérience qui consistait,  à partir d’un texte ou d’une image, à donner notre version de ce que nous pouvions percevoir. Et les mettre en commun…

Pénible.

Les plus secoués furent les mathématiciens. Sans doute parce que plus on verse dans la rationalité, plus les résultats sont certains et concrets, voire vérifiables.

Et là, ils étaient perdus…

Le syndrome de la porte fermée…

Il est évident que l’on peut tout comprendre dans un système où on a choisi les pièces pour procéder à un montage et se  bricoler un résultat.

Le danger des gens dits « intelligents » est qu’ils finissent par croire – tient,  une foi n’est pas coutume – que tout peut être compris.

Devant un candidat souffrant du syndrome, j’ai rétorqué, un jour :

– Quand tu ne comprends pas, tu acceptes.

– Qu’est-ce que tu veux dire par là?

Il n’avait pas compris.

Je voulais simplement signifier que toute connaissance est une série de gommages d’ignorances passagères. Mais plus encore : tout n’est pas saisissable.

Pour moi – c’est une conception personnelle – un être intelligent  c’est quelqu’un qui a une poignée d’eau dans la main et un océan d’ignorance devant lui. Son érudition consiste en la prise de conscience de la vastitude de cet infini et à constater avec une certaine fierté ce qu’il a pu cueillir dans sa vie. Avec une certaine humilité…

Surtout devant une « poignée » de mains sèches…

Amour et acceptation

Déjà qu’avec le mot « amour », on devient confus : attirance affective et principe d’union universelle.

C’est là ou se piègent le plus aisément les adeptes dudit « rationnel ».

Pas d’ouverture. Pas de ventilation.

Exaltés, frénésiques, (sic), fiévreux.

Il n’y a qu’une potion : le doute.

Le doute est la congélation des notions ou des idées. C’est la raison pour laquelle vous vous retrouvez parfois devant une sorte de pierre morte…

On n’évolue pas sans ce doute nécessaire pour parfaire son « idée », sa vision.

Sans lui, nous sommes morts.

Bref, évoluer.

Et que faire de l’amour quand il n’y a ni attirance affective ni union universelle? C’est qu’il n’existe pas de volonté ni de compréhension- ni désir de comprendre ou d’accepter dans cette dormance d’esprit solide.

Une pierre en dormance, mais solide dans sa rationalité. Si dans la chanson country le cowboy fait le tour de la montagne, les dépeceurs d’idées en sont que des bouchers pour la race humaine, et ils font sans cesse le tour de leur nombril.

Belle chanson!

Sainte-Anne-de Beaupré

Il y a eu un reportage, ce soir sur la Basilique Sainte-Anne-de-Beaupré, où des milliers pèlerins,  venus de tous les coins du monde hurlaient leur foi devant les caméras.

Risible!

Les « rationnels » ne comprennent pas. Et ils n’acceptent pas… Ils n’acceptent pas le ridicule qu’ils voient.

C’est qu’ils sont victimes de la méthode Ikea qui consiste à ne vivre que dans un montage Ikea.

Ils appellent cela la foi…

Qui peut juger de la démarche d’un humain? Qu’a-t-il de si singulier et hautain ce« j’ai raison » devant un tel phénomène?

Posez-vous la question…

Un intellecto-ikea… Ça sert à quoi?

Il n’y a pas de morceaux ou de pièces en dehors de son « achat » …

Dieu en trois personnes

On en arrache des neurones… Ouach! Ça écorche l’ego, au point d’éviter la question.

Mais nous vivons avec chacun notre  Dieu,  et nous sommes toujours dans une bouillie qui nous stérilise.

Il y a trois paliers :

  1. La connaissance pour soi, de notre développement spirituel, par notre singularité. Non partageable.
  2. L’élaboration d’une vision de la Vie dans une tentative de se situer dans l’Univers en tant qu’unicité, tout cela barbouillé d’émotions, de craintes, d’effroi face à la survie après la vie… Semi-partageable.
  3. La volonté d’être participatif à un « bonheur océan » avec sa petite poignée d’eau. Obligatoirement partageable.

Finalement, notre amateur de meubles Ikea est pire que celui du meuble Dieu en trois personnes. Il a foi en son système rationnel…

Alors, il mène  une guerre de religions terroristes avec deux personnes : lui et son nombril.

L’athéisme est une foi.

Elle est sans doute née d’un montage de formules rationnelles « choisies ».

D’où l’expression revue et corrigée : mauvaise foi.

C’est juste qu’avec sa poignée d’eau il croit détenir l’océan.

Il est dommage que l’on mélange religion et société.

Dans le doute, il vaut mieux faire abstinence d’une certitude morte que d’un doute mouvant.

Les piranhas ne savent pas d’où provient l’eau dans laquelle ils nagent. Ils ignorent également qu’ils sont le produit de cette eau.

Ce serait une belle histoire que de raconter celle de la goutte orgueilleuse. Car une fois l’océan éteint, dans quoi vivront-ils?

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Classé dans Actualité, Gaëtan Pelletier