J’en ai marre des mous. Sérieux. Pour vrai. Je ne suis plus capable. Ils me sucent mon énergie vitale et m’obligent à leur remettre à la face toutes leurs contradictions. Un mou, c’est toujours entre deux mondes, entre deux positions. Ça dit blanc quand ça fait noir, ça pense noir quand ça dit blanc. Un mou, ça ne mène à rien. Du vent, de la distorsion, du bruit de fond, des idées qui s’envolent et que n’agrippent jamais ceux qui auraient le pouvoir ou le talent d’en faire quelque chose de concret.
Tenez, prenez ce type. Il parle à qui veut l’entendre, depuis quelques mois, de République. La République ceci, la République cela. Tu manges République, tu baises République, ton étron c’est le divin joyau de la transformation du pouvoir citoyen en merde républicaine. Nous sommes tous des citoyens, des enfants de la République en attente de LA CONSTITUTION qui saura concrétiser ce désir.
Or, le type, ce grand Républicain parmi les enfants de Républicains souhaitant la République, me contait à quel point il s’empressait de parler anglais à une de ses amies américaines vivant actuellement au Québec. Pourquoi? Pour pratiquer son anglais, quoi donc. Voyez-vous, le type qui ne peut débiter trois mots consécutifs sans le mot République se dépêche, au même moment, de parler une langue étrangère sur le territoire du Québec. Vous y comprenez quelque chose?
Oh, mais n’allez pas lui reprocher. La République, elle est ouverte, la République, elle est grande, la République elle est fine. Et le type de me citer son amour des républicains irlandais, ces grands patriotes oeuvrant à la constitution d’une société leur permettant d’assurer la survie de leurs idéaux. Sauf que… Les Irlandais ont perdu leur langue. Ils ne sont plus que 3% à avoir le gaélique irlandais comme langue principale. Le français se porte mieux en Saskatchewan que le gaélique en Irlande. Oh oui, elle est belle la République, elle règle tout la République!
De tout temps, les idées magiques ont eu bonne presse. L’humain aime rêver. Ça fait partie de nous. Les idées complexes, on déteste – trop compliqué! Alors amenez-nous un truc simplet, genre la-République-qui-règle-tout et on embarque. On oublie nos réels objectifs, on s’enterre un peu, et on embarque sur le Titanic d’une idée en apparence merveilleuse mais qui, dans les faits, ne règle absolument rien.
Qu’on me comprenne bien: la République n’est ni bonne ni mauvaise. C’est une idée, un concept. Mais la vraie réalité derrière ce concept et cette idée ne doit pas être occultée: on doit vouloir la République pour assurer notre survie collective et non pas comme un simple apparat pour ourler d’or la jupe de notre disparition. Que vaut une République où notre langue deviendrait l’équivalent du gaélique, une langue-morte parlée seulement dans quelques foyers retardés?
Ces mous, ces Républicains prêts à écrire une CONSTITUTION mais incapables de concevoir l’objectif réel – assurer la survie du peuple québécois – font-ils réellement avancer notre cause? Que vaudrait un pays indépendant et une République si elle avait l’anglais comme langue réelle principale?
À un moment, dans l’histoire d’un peuple, il faut en finir avec les mous, avec les carriéristes, avec les opportunistes. Tourner le dos aux malotrus qui se proclament patriotes mais qui nous tirent dans les jambes à grand coup de locutions anglaises. Il faut oser se tenir debout, contre la tempête, et affirmer que notre combat est celui de l’identité, de la langue et que rien – pas même la République – ne saurait nous en distancer.
Les mots veulent dire quelque chose. Et mieux vaut un système imparfait où nous obtenons des gains concrets pour la survie de notre langue et de notre identité qu’un système imaginaire rose-bonbon consacrant notre fin et drapant d’un linceul républicain notre existence collective en terre d’Amérique. Mieux vaut une saine dose de radicalisme qu’une mollesse n’ayant de finalité que la disparition finale.
L’indépendance, la République, oui. Mais le français et l’identité d’abord. Toujours, et à jamais.
Louis Préfontaine