En vedette hier, à la Une du journal citoyen CentPapiers, un article de Alexandre Latsa qui m’a touché. Une critique calme, factuelle de l’insensibilité des médias occidentaux, face à la tragédie des milliers de kilomètres carrés qui brûlent cet été en Russie. Tsunamis en Asie, séismes aux Antilles, le monde s’émeut. On a facilement une larme – et hélas, souvent rien d’autres à y ajouter que quelques bonnes paroles – pour les malheurs des pauvres, mais même cette sympathie fait cruellement défaut quand il s’agit des Russes. Insensibilité… ou pire ? Comme si on ne se résignait à ne pas avoir quelque part vers l’Oural un ennemi tout prêt pour en découdre.
Comme si pour faire profession de l’atlantisme, hors duquel la France sarkozyste n’imagine pas de salut, il était de bon ton de reprocher aux Russes leurs malheurs comme leurs succès. Et de mentir, de mentir… Pour les mensonges et les demi-vérités, voyez l’article de Latsa. Je veux parler d’autre chose
Je veux parler de cette bonne conscience à donner la nausée, des Occidentaux qui veulent bien s’excuser d’avoir colonisé et asservi des Noir et des Bruns, des Jaunes et des Rouges chaque fois que l’histoire leur en a fourni l’occasion, mais qui prétendent encore avoir fait ouvre pie en sabotant l’URSS, en intoxicant sa population des mensonges de Voice of America et en dévoyant ses gouvernants.
L’Amérique a gagné la guerre froide. Elle y est parvenu par la corruption et la propagande. C’était de bonne guerre – puisque toute guerre gagnée est dite bonne – mais prétendre que cette victoire en a été une du bien sur le mal ne résistera pas au jugement de l’Histoire. Il serait bon que l’Europe regarde le passé – et les Russes – avec des yeux neufs. Elle y verra peut-être son avenir.
Je connais un peu la Russie. C’est un peu pour le dire que j’ai mis cette photo, la première de moi, sauf en avatar, que je mette sur un site. Cette photo veut dire un peu « j’y étais », mais elle est là surtout pour cette femme à mes côtés. C’est elle qui est intéressante.
Cette femme, je ne sais pas son nom, mais je sais son histoire. C’est elle, et des millions comme elle, qui n’ont pas abandonné Leningrad pour se réfugier dans quelque ville de province. C’est d’autres millions comme elle qui ont résisté dans Stalingrad. Les médailles sur sa poitrine, c’est pour ça et pour les enfants qu’elle a faits, dont les deux qui sont morts en héros en arrêtant les panzers dans la banlieue de Moscou au lieu d’aller s’installer dans une ville d’eau. C’est cette femme, pas les Tommies ni les G.I, qui nous a vraiment gagné la guerre. Cette femme nous a fait du bien. Nous lui avons fait bien du mal.
Nous devons des excuses à cette femme. Dans la Russie dite méchante et sauvage de Gagarin et du Bolshoi, elle avait une petite pension. Assez pour des choux, des betteraves et du pain noir. Elle avait un toit sur sa tête, un médecin qui la voyait pour son arthrite et ses petits enfants allaient dans une école où l’on apprenait quelque chose. Ils pouvaient rêver de devenir cosmonautes… ou académiciens. Ou simplement de vivre heureux avec un espoir que demain serait mieux Elle, elle avait eu une petite tâche : garder l’entrée d’une niche où l’on montrait à de jeunes Russes émerveillés des trésors de l’histoire de la Russie.
Puis, ON a apporté la démocratie. On les a libérés, elle et les autres. Plus de logement, plus de médecin, plus d’éducation supérieure gratuite qui vaille la peine d’en parler et une pension en roubles qui désormais ne valaient plus rien. Alors elle est revenue, à 80 ans passés, montrer ses trésors à des touristes indifférents. On a jeté à la rue les mères et les veuves des héros pour enrichir les collaborateurs des nouveaux envahisseurs…
J’ai vu la Russie des années qui ont suivi sa « libération » se désagréger. Se gangrener et se détruire aussi sûrement que si la Wermacht avait atteint la Place Rouge. C’est Poutine a sauvé la mise. Poutine a arrêté les collaborateurs et ralenti l’invasion des « libérateurs ». Il mérite du respect. Ce sont les médias payés pour encenser Sarkozy, l’atlantisme, la corruption institutionnalisée et le saccage de la France sociale pour maintenir un gouvernement bling bling – par et pour les copain pipoles – qui n’en méritent pas.
J’ai souvent appelé de mes vœux l’accueil de la Russie dans une Europe unie. Et quand je dis Russie, je pense aussi Ukraine et Belarus. Si la France veut des amis, elle devrait en chercher qui ont une tradition de loyauté. Aujourd’hui, il y en a plus à l’Est qu’a l’Ouest… et il y a aussi les chiffres.
Avec la Russie, l’EU quintuple sa superficie, sa population passe de 500 à 700 millions d’habitants – plus du double des USA – et son PIB tend vers 40 % du PIB mondial, en faisant de loin la première puissance commerciale et industrielle du monde. Cette Europe élargie a une parfaite autosuffisance en hydrocarbures, elle est le plus vaste réservoir de matières premières de la planète et elle a une force militaire crédible
L’Europe ainsi agrandie est autarcique. Je ne dis pas ici qu’il faudrait en fermer les frontières – c’est un autre débat – mais il n’est pas mauvais de faire le constat que ce bloc n’aurait vraiment besoin de rien ni de personne. Bon pour l’évolution et bon pour la paix , car on n’aime sincèrement que quand on aime gratuitement. Sans dépendances.
Le bloc ainsi créé ne serait pas un agglomérat disparate : il est le cœur de la civilisation occidentale. Il est au bout de la filiation « Athenes, Rome, Byzance, Renaissance, Science, Droits de l’Homme et Liberté». Il y a eu des moments noirs dans le cheminement de l’Occident, des croisades à la colonisation, mais ce qui en résulte aujourd’hui s’exprime dans une culture postchrétienne laïque qui se réclame de la tolérance et de la raison. J’en suis fier. La Russie devrait être invitée à y prendre sa place, car la Russie lui manque et l’Europe ne vivra pas son destin sans elle. Je ne crois pas au désintéressement de ceux qui jouent de la calomnie pour qu’on ne l’y invite pas.
Pierre JC Allard
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