Archives quotidiennes : 26 août 2010

La natalité québécoise se porte très bien

La colère gronde. La population en a plus qu’assez de devoir accueillir une immigration toujours plus nombreuse. « Renvoyez les Tamouls chez eux! » titrait un texte relatif à un récent sondage questionnant les Canadiens et les Québécois sur la meilleure façon d’agir avec les soi-disant réfugiés tamouls (soi-disant parce qu’un sondage tenu privé par le gouvernement démontre que près de 70% des demandeurs d’asile tamouls retournent au Sri Lanka par la suite). Mais il se trouve toujours des âmes sensibles prêtes à nous ressortir le sempiternel argument usé selon lequel « on ne fait pas assez d’enfants » et qu’on devrait ainsi ouvrir encore davantage nos portes.

En fait, ce n’est même plus une question de réfugiés. Nous sommes envahis, littéralement, par une immigration plus nombreuse que la plupart des pays développés. Comme je l’écrivais ici, si le Québec réussit à atteindre son objectif de 55 000 immigrants par année, nous en recevrions, proportionnellement à notre population, 1% de plus que l’Autriche, 15% que l’Angleterre, 18% que la Suède, 22% que la République Tchèque, 26% que la Corée du Sud et la Norvège, 83% que les Pays-Bas, 86% que les États-Unis, 104% que l’Italie, 108% que la Belgique, 111% que le Danemark, 140% que l’Allemagne, 150% que la France, 176% que la Hongrie, 189% que la Finlande, 202% que la Turquie, 391% que la Slovaquie, 539% que le Portugal, 601% que la Pologne, 1003% que le Japon et 1806% que le Mexique! C’est cela, une invasion.

Or, l’argument selon lequel nous ne faisons pas assez d’enfants ne tient pas. Il ne suffit pas de compiler les données du nombre d’enfants par femme pour obtenir un résultat concret. Des pays extrêmement pauvres ont des femmes qui ont en moyenne près de quatre enfants, mais beaucoup ne survivent pas cinq ans et d’autres meurent très tôt par la suite, n’ayant pas la possibilité d’enfanter. Ces chiffres sont au mieux anecdotiques; ce qui compte, ce n’est pas le nombre d’enfants qu’une femme met au monde, mais plutôt le ratio total entre le nombre de naissances et de décès. En extrapolant: si nous vivons extrêmement vieux et en santé, nous n’avons pas besoin de beaucoup d’enfants pour assurer la croissance de notre population.

Observez le graphique ci-dessous.

Ratio naissances/décès des pays à l’indice de développement humain le plus élevé1

Pays Naissances (en milliers) Décès (en milliers) Ratio
Irlande 75 29 2.59
Islande 5 2 2.50
Nouvelle-Zélande 64 29 2.21
Australie 285 137 2.08
Corée du Sud 263 144 1.83
États-Unis 4247 2453 1.73
Québec 89 57 1.56
Canada 381 246 1.55
Norvège 62 41 1.51
France 822 546 1.51
Luxembourg 6 4 1.50
Royaume-Uni 790 560 1.41
Pays-Bas 185 134 1.38
Espagne 495 391 1.27
Suède 112 90 1.24
Suisse 78 63 1.24
Belgique 126 104 1.21
Finlande 60 50 1.20
Danemark 63 55 1.15
Grèce 118 110 1.07
Lichtenstein 0 0 1.00
Autriche 76 77 0.99
Japon 1108 1142 0.97
Italie 569 592 0.96
Allemagne 651 841 0.77

Si on observe ce graphique, on réalise que sur l’ensemble des vingt-cinq pays (incluant le Québec) à l’indice de développement humain le plus élevé, le Québec arrive au septième rang de ceux dont le ratio entre les naissances et les décès est le plus élevé. Concrètement, nous ne sommes pas en train de mourir et nous ne sommes pas en train de nous éteindre. La natalité québécoise se porte mieux que des pays très prospères comme le Canada, la Norvège, la France, le Royaume-Uni, la Suède, les Pays-Bas, le Japon et l’Allemagne. Si nous vivions en vase clos, le Québec verrait sa population augmenter plus rapidement que tous ces pays.

Mais alors, pourquoi nous impose-t-on une immigration aussi nombreuse, sinon pour nous diluer dans un multiculturalisme à la canadienne faisant des Québécois une ethnie comme une autre? Pourquoi devons-nous subir une immigration beaucoup plus nombreuse à la fois que notre capacité d’intégration et que la plupart des pays développés?

La colère gronde, mais elle n’est pas encore entendue. Nous pouvons accueillir de nombreux immigrants, leur offrir la chance de vivre dans une société pacifique et hautement développé, les aider à se réaliser parmi nous, mais à plus de 50 000 immigrants par année, nous n’arrivons ni à intégrer ces gens ni à nous offrir la chance de protéger notre langue, notre culture et nos valeurs.

Il serait peut-être temps, au Québec, de réaliser que notre natalité se porte très bien et que nous n’avons pas besoin du fardeau d’une immigration trop nombreuse pour notre capacité d’intégration.

Et si on osait accueillir un nombre d’immigrants plus restreint – peut-être 15 000 par année – et qu’on se permettait ainsi de mieux les intégrer?

Les Tamouls doivent repartir. Mais qu’ils nous permettent d’avoir un sain débat sur le rôle de l’immigration et sur la pertinence de diluer encore plus une société plus en quête de sens que jamais.

  1. Les données sont pour l’année 2009 et proviennent d’Eurostat, sauf pour le Québec et le Canada, dont les données proviennent de Statistique Canada, l’Australie, les États-Unis et le Japon, dont les données sont pour 2008 et proviennent de l’INED et la Corée du Sud, dont les données proviennent d’une estimation de l’ONU pour la période 2005-2010. []

Louis Préfontaine

http://louisprefontaine.com/2010/08/23/natalite-quebec-naissances-deces

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Dossier Santé (1ere partie): La Suisse

Je continue ma série d’articles qui explorent différents systèmes de santé à travers le monde. J’ai sélectionné naturellement des systèmes qui fonctionnent mieux que le nôtre, notamment au niveau des listes d’attentes. En fait, dans tous les systèmes de santé que je vous présenterai, les listes d’attentes sont virtuellement inexistantes. Voyez-vous, qu’un système de santé ait des temps d’attentes de traitement médians de 17.3 semaines est extrêmement anormal, particulièrement considérant que nous avons le cinquième système de santé le plus dispendieux au monde. Le problème n’est pas tant ce que nous dépensons, mais le fait que nous en ayons très peu pour notre argent. Sans plus tarder, je vous présente la Suisse.

Pourquoi la Suisse?

Malgré qu’il est classé 20e par l’OMS, le système suisse est beaucoup plus performant que bien d’autres pays pourtant plus hauts cotés. Il est un peu unique dans son approche. Contrairement à notre système, les temps d’attentes sont inexistants. En fait, lorsque Joanne Marcotte, réalisatrice du documentaire «L’illusion tranquille», est allée faire une présentation de notre système de santé à un groupe d’assureurs suisses au printemps dernier, ils furent horrifiés par les temps d’attentes de notre système. Vous pouvez écouter son récit de sa présentation dans cette entrevue à la radio.


La Suisse en chiffres.

Canada Suisse
Population (2007) en millions 32 876 7 484
Âge médian 39 41
PIB par habitant ($ PPA int.) 35 310 43 870
Dépenses de santé % du PIB (2006) 10,0 10,8
Dépenses de santé par habitant ($ PPA int.) 3 673 4 179
Espérance de vie à la naissance (2007) 81 82
Nbre de Médecins par 10 000 habitants 19 40
Nbre d’infirmières et sages-femmes par 10 000 habitants 101 110
Nbre de lits d’hôpitaux par 10 000 habitants 34 55

(Source: OMS)

On dit que les suisses paient cher pour leur système de santé, mais en réalité, ce n’est guère plus que ce que nous payons ici au Canada. La différence est que les suisses exigent l’excellence et ils l’obtiennent. Comme vous avez pu le constater en écoutant l’entrevue ci-haut, les suisses n’attendent pas. Lorsqu’ils ont besoin de voir un spécialiste, ils peuvent en voir un en l’espace de quelques jours et ils n’ont aucune attente pour être admis à l’hôpital. Leurs hôpitaux sont plus modernes, mieux équipées et ils ont plus de médecins, d’infirmières et de lits. Le système suisse est aussi orienté pour offrir le maximum de choix au patient. Le gouvernement fédéral suisse et les gouvernements de cantons jouent un rôle de régulateur et subventionnent les moins bien nantis pour assurer l’universalité d’accès. Dans le cas des cantons, ils gèrent un réseau d’hôpitaux publics. Le gouvernement suisse ne détient le monopole ni du financement du réseau de santé ou de sa gestion, ni de la prestation des soins.

Financement

Contrairement au système à payeur unique canadien, le système suisse fonctionne à 100% avec des assureurs privés, mais qui sont sévèrement encadrés dans un marché contrôlé. On ne parle pas ici d’un système libertarien, même si c’est un système basé sur un marché relativement libre comparativement aux autres. Il existe en fait deux volets d’assurance. Un volet de base obligatoire qui comporte des primes uniformisées, négociées à chaque année entre le gouvernement suisse et les assureurs. Les suisses sont donc tous couverts par une assurance. Dans ce volet, il était interdit aux assureurs de faire un profit, mais cette restriction a été éliminée en 2002. Tout de même, les différents assureurs se font surtout concurrence sur les prix variant selon le montant des franchises annuelles et co-paiements afin d’attirer la clientèle. Les primes du volet de base sont partiellement remboursables par le gouvernement au prorata des revenus pour ceux dont le coût des primes d’assurances dépasse 10% de leur revenu imposable. Ceci compte pour 30% de la population. Le terme assurance de base est toutefois trompeur car la couverture est quand même très extensive, elle couvre des soins qui ne sont même pas couverts au Québec par la RAMQ, comme les soins dentaires par exemple. Afin de diminuer leur coûts d’assurance, les suisses préfèrent avoir un haut déductible, quitte à payer certains soins de leur poche. Il existe aussi un volet étendu qui offrent des services non-couverts par l’assurance de base. Par exemple, alors que l’assurance de base n’offre l’hospitalisation que dans des chambres à 4 ou 6 lits, les assurances complémentaires offrent des chambres semi-privées ou privées. 40% des suisses souscrivent à une assurance supplémentaire. Les assurances suisses ne sont pas liées à l’employeur. Dégagés de ce coût d’embauche non-négligeable, les employeurs suisses paient généralement mieux qu’à des endroits où le coût des assurances maladie sont défrayés par l’employeur.

La prestation des soins.

En Suisse, les soins sont prodigués dans l’un des nombreux hôpitaux publics, opérés et financés par les Cantons, ou dans des hôpitaux privés. Le remboursement des frais hospitaliers est négocié entre les compagnies d’assurances, les Cantons et les hôpitaux privés. La plupart des soins primaires sont prodigués par des médecins en pratique indépendante. Les médecins offrant un service ambulatoires produisent une facture détaillée au patient qui est ensuite remboursée en tout ou en partie par l’assureur selon les termes de la police. L’avantage de ce système est que le patient est sensibilisé à tous les coûts des soins et peut utiliser cette information pour guider ses choix de vie. Ainsi, en consultant les statistiques de l’OMS, on constate que l’obésité est quasi-inexistante et le taux de tabagisme est aussi relativement bas. Les suisses ont en principe un choix quasi-illimité de médecins, mais règle générale, ils en choisissent un régulier. Trouver un médecin de famille n’est pas un problème. Il n’y a pas de pénurie de personnel infirmier non-plus et d’ailleurs, beaucoup d’infirmières québécoises choisissent d’émigrer en Suisse, où elles trouvent des meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires. Les hôpitaux sont modernes et bien équipés. La Suisse possède plus du double des CT Scan et MRI du Canada entier en rapport avec sa population. Quand un médecin veut poser un diagnostic, il a tous les outils pour le faire. De quoi faire rêver les médecins québécois.

Conclusion.

En donnant une liberté de choix aux patients et en assurant une compétition saine entre les compagnies d’assurances, la Suisse a réussi à se donner un système de santé d’une efficacité pratiquement sans pareil au monde. Il y a certainement des leçons que nous pouvons tirer de leur expérience. Le plus grand désavantage est que les suisse doivent défrayer un plus grand pourcentage des coûts de leurs soins de santé, mais en ciblant directement les moins nantis dans le subventionnement des soins, le gouvernement fédéral et les gouvernements de Cantons arrivent à maintenir l’universalité d’accès au soins aux plus pauvres de ses citoyens. La semaine prochaine, je revisiterai Singapour.

Sources:

The Swiss Healthcare System (2002)

The Grass Is Not Always Greener: A Look at National Health Care Systems Around the World.

In Switzerland, A Health Care Model For America? : NPR

OMS: Statistiques Sanitaires Mondiales 2010

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