SIDA DE CIVILISATION : Les grandes hypothèses – 7

Yan Barcelo, 28 août 2010
Quels sont les grands fruits de l’Occident tributaires du message évangélique du Christ? Nous les connaissons tous (et, bien sûr, plusieurs sont contestés), mais leur insertion dans la tradition chrétienne ne saute pas nécessairement aux yeux.
Démocratie – Il peut sembler abusif d’associer démocratie et théologie chrétienne, mais il ne fait pas de doute que sans la matrice chrétienne, nos grands systèmes de démocratie politique n’auraient pas vu le jour. Car la démocratie – un système par lequel la volonté populaire s’exprime via le vote individuel – avait besoin pour naître de la matrice de la notion d’âme individuelle, telle que l’a pensée le christianisme.
Avant même qu’émerge l’idée du citoyen – l’entité politique fondamentale des systèmes démocratiques – il fallait penser la valeur de la personne humaine individuelle. Et avant de penser cette individualité sociale, il fallait penser la valeur incontestable de l’individualité, l’idée que l’âme de chacun vaut absolument, que chaque personne est sacrée. C’est ce que le christianisme a permis de penser à partir du message du Christ. De là, nous en sommes arrivés à donner valeur à chaque individualité et à la l’expression de chaque individualité.
Il est remarquable que c’est en Angleterre, principal réceptacle du mouvement protestant et de son affirmation du lien direct de l’âme individuelle à Dieu, sans l’intermédiation des prêtres, que s’est produite la première révolution démocratique sous la forme très embryonnaire de la monarchie parlementaire. Puis, c’est dans les colonies britanniques d’Amérique, encore là tributaires de la ferveur protestante, que la première grande révolution démocratique a pris forme, avant même la révolution française de 1789. Ne nous méprenons pas, cependant : le protestantisme est simplement venu fixer un ensemble de lignes de force qui avaient déjà été mises en place par le catholicisme.
Aujourd’hui, nous baignons littéralement dans l’individualisme de telle sorte qu’il semble une évidence absolue. Mais cette évidence est loin d’être… évidente. Elle constitue une nouveauté récente dans l’histoire intellectuelle et spirituelle du monde. Il est notable que cette notion, si fondamentale à l’Occident, échappe encore à la majorité de l’humanité (en Inde, en Chine, dans tout l’extrême-orient et en Afrique). Certes, dans ces zones géographiques, on préserve à divers degrés la notion d’une certaine sphère d’autonomie individuelle, mais elle est très secondaire. Ce qui prévaut, c’est un impératif « communautariste » dans lequel l’individu se définit essentiellement par sa fonction dans le groupe, nullement par une valeur intrinsèque. Dans ces systèmes de pensée, la partie n’a que très peu de sens et de valeur; elle est rapidement subjuguée par la logique de la totalité du corps social. Il est difficile pour un occidental de soupeser la profondeur à laquelle plongent le conformisme social de ces systèmes où l’individu n’a de valeur que par les devoirs qu’il assume.
Et cette façon de penser qui caractérise la plus grande part de l’humanité aujourd’hui domine aussi la quasi-totalité de l’histoire humaine. La notion de la valeur sacrée de la personne, de ses attributs de créativité uniques, de ses dons particuliers susceptibles de l’entraîner dans un parcours social qui peut traverser toutes les classes sociales, cette notion est une conquête occidentale qui n’a triomphé qu’au cours des 200 ou 300 dernières années. C’est un acquis extrêmement fragile.
On voit d’ailleurs cette fragilité dans la frénésie hystérique qui caractérise cette notion aujourd’hui, où l’individualisation et ses liens nécessaires à la communauté donnent lieu à une atomisation croissante d’individus isolés, parcellaires, déstructurés. Nous souffrons de plus en plus de formes aberrantes de l’individualisme, pourtant il demeure que cette notion est une des conquêtes fondamentales de l’Occident.
(La semaine prochaine, j’enchaînerai avec le thème suivant de la science et de la technologie comme fruits privilégiés de notre héritage occidental et chrétien.)

7 Commentaires

Classé dans Actualité, Yan Barcelo

7 réponses à “SIDA DE CIVILISATION : Les grandes hypothèses – 7

  1. sopadeajo

    « Il est remarquable que c’est en Angleterre, principal réceptacle du mouvement protestant et de son affirmation du lien direct de l’âme individuelle à Dieu, sans l’intermédiation des prêtres, que s’est produite la première révolution démocratique sous la forme très embryonnaire de la monarchie parlementaire.  »

    Vous semblez faire une véritable apologie du protestantisme. Le terme « révolution démocratique » est très ambigu. Si vous voulez dire que ce fut un changement sans grandes convulsions cela pourrait passer. Si vous voulez dire que ce fut un grand chamboulement du spectre politique par rapport à la stricte-monarchie, je ne suis pas d´accord. Voter tous les 4 à 7 ans n´est en aucune façon une garantie du pouvoir- à-tout-le-monde, de démocratie. Et le contraire, le fait que le pouvoir soit occupé par une même équipe pendant une longue période sans consultation ¿populaire? (remarquez l´ intérrogation à populaire: qu´est-ce populaire?) ne prouve en aucune façon que cette équipe dirigeante ne soit pas juste et/ou équitable et/ou n´apporte point de prospérité.
    Puisque vous parlez du Christ, remarquons que les juifs demandèrent sa mort par acclamation populaire ( c´est à dire, que ceux qui gueulent plus fort que les autres l´emportèrent et determinèrent la mort et la torture du Christ, et que cependant, il me semble que ce choix ne fut pas démocratique (l´était-t-il?)).

    Quand à la différence entre les deux options de vote que les démocraties nous offrent (les démocraties n´offrent jamais que 2 options, quelque soit le système mathématique de votation, pas plus, quel que soit le système social en place; la troisième option n´a jamais aucune chance) je dirais qu´en prenant l´exemple des étatsunis , Obama fait presque exactement les mêmes choses en politique extérieure et intérieure que Bush. A quoi cela sert de voter? Sur le plan moral, je ne sais point s´il ya de grandes différences entre Obama et Bush, ni sur le fait qu´il faudrait urgemment corriger la dérive des télévisions et des médias (aux étatsunis et dans le reste du monde) vers une information et des spectacles nuls et/ou amoraux et/ou uniquement sexuels (comme si la sexualité fusse le tout, le seul but de l´homme…et des médias).

    Ainsi donc, il me semble que la démocratie n´est en elle même pas suffisante et pas essentiellement différente d´autres formes de gouvernement. Je ne veux cependant pas détruire votre argument que le christiansme est positif. Il l´est très probablement. Mais le christianisme anglois n´est-il pas un christianisme sans l´intermédiation des prêtres et aussi sans l´intermédiation de vrais chrétiens ?

    Si vous voulez faire une défense du christianisme, les arguments ne sont pas mauvais, mais ne faites vous pas, ¿sans le vouloir?, une défense du protestantisme , d´un christianisme sans chrétiens , ou Dieu ne se trouve plus que sur les billets de banque ?

    Ecoutez ce que disait le grand Johnny Cash de ce qu´il avait pu voir,

  2. yanbarcelo

    @Sodepajo
    Non, je ne fais pas une apologie du protestantisme; je le vois simplement comme un développement particulier, une branche de l’arbre du christianisme, bien qu’il s’agisse d’une branche particulièrement fertile.
    Que la première monarchie parlementaire n’ait pas été une forme particulièrement accomplie de la démocratie, j’en conviens tout à fait. Mais il reste que l’émergence d’une telle forme de gouvernement représentait une percée majeure, aussi modeste fut-elle.

    Évidemment, on peut comme vous le faites, remettre en question nos régimes démocratiques. Ils sont très manipulés, cela va de soi. Mais malgré tous leurs défauts, ils demeurent nettement une avancée comparativement aux régimes aristocratiques qui les ont précédés. À l’époque, un aristocrate avait droit de vie et de mort sur un « manant ». S’il ne donnait pas suite à un geste meurtrier, c’est probablement parce que le « manant » qu’il visait appartenait à un autre aristocrate.
    Vous allez dire qu’aujourd’hui, les riches ont d’autres moyens de détruire des individus. Sans doute. Mais convenons que c’est un peu plus compliqué, quand même.
    Finalement, comme disait Churchill, la démocratie n’a qu’un avantage: elle est le moins mauvais système politique. Le système politique idéal demeure celui du « despote éclairé », mais alors toute la question est de savoir comment assurer que le despote qui accède au pouvoir est un individu éclairé?

  3. Denis G

    La dictature éclairée n’est-elle pas justement l’aristocratie, aristos et kratos ‘gouvernement des meilleurs’ dans le sens étymologique?

    Rendez-vous avec votre thème suivant; la science et de la technologie. C’est passionnant.

  4. yanbarcelo

    @Denis G
    En effet, aristocratie veut bien dire, dans son étymologie: « gouvernement des meilleurs ». Mais il faut voir de quels « meilleurs » il s’agit. Dans les sociétés grecques, romaines et européennes, les grandes familles aristocratiques se sont érigées sur des ancêtres guerriers, « aristos » voulant dire aussi « qui ne peut être conquis ». Nous sommes dans des sociétés qui glorifiaient les vertus guerrière: courage, dureté, endurance, adresse des armes. Mais rapidement, ces lignées familiales, comme on le sait, sont devenues des systèmes de privilèges pour possédants ayant surtout les « vertus » de l’exploitation et de la surexploitation. Bien sûr, certains avaient une véritable noblesse de caractère, mais plusieurs autres n’en avaient pas l’ombre.

    Comme ce serait bien que nous ayions affaire au « gouvernement des meilleurs ». C’est ce que voudrait assurer une démocratie axée sur l’avancement des plus méritants. Et je ne suis pas cynique au point de penser que nos politiciens et haut fonctionnaires sont sans mérite. Mais la nature humaine ayant une forte tendance à l’inertie et à l’immobilisme…

  5. Denis G

    ‘ C’est ce que voudrait assurer une démocratie axée sur l’avancement des plus méritants.’

    Je suis de votre avis.

    Je nuancerais en remplaçent ‘méritants’ par ‘compétants’.

    Le corrompu reçoit aussi le mérite de sa corruption, et le succès se prend trop souvent pour le mérite.

    Au plaisir.

  6. sopadeajo

    « Finalement, comme disait Churchill, la démocratie n’a qu’un avantage: elle est le moins mauvais système politique »

    Il ne faut pas tout ramener à ce clown déplorable anglois qu´était Churchill et surtout pas le christianisme. Je n´arrive pas à comprendre pourquoi il est admiré par les colonisés (francophiles ou pas francophiles; bien moins par les propres colonisateurs anglois) alors qu´il n´offrait que sang, sueur et larmes bien après d´avoir (les anglois) permis le développement de l´allemagne nazie dans le jeu double que les britanniquees ont toujours eu envers l´Europe et envers le monde, consistant à affaiblir le plus possible l´ami (la France, L´Espagne et le reste de l´Europe) pour pouvoir ainsi devenir plus forts eux et plus riches aux dépents des autres. Churchill attendit que les Soviétiques mettent sur le tapis 15 millions de morts contre les allemands, pour s´appropier de la possibilité de victoire sur l´Allemagne nazie. Moi cela me fait dégueuller (remarquons que les étatsunis qui n´ont presque pas eu à combattre et n´ont presque pas eu de morts, ont fait pareil: appropriation en exclusivité de la victoire). Dire que ces salopards hypocrites anglois sont les représentants-continuateurs sur Terre du christianisme, c´est ne pas aimer le christianisme, vouloir en fait sa fin, le laissant dans les mains de ces fils de pute dégoutants anglois (sans poils dans la langue; excusez moi). Nommez un pape qui soit anglois, et de plus politique comme Churchill pour en finir avec le christianisme; le faux christianisme anglois, anglican.

    Il est vrai, cependant que le Christianisme en France, est dans une situation encore pire. Il suffit de voir l´acharnement de certains médias sur la pauvre Bettencourt et sur Woerth. Cette mise à mort, comme une corrida cruelle devrait cesser. Les socialistes sont une mafia dégoûtante et cruelle qui prennent avantage de tout, qui salissent tout, et en particulier la France (et l´Europe, et le Monde), pas seulement Bettencourt, Woerth ou l´Oreal. J´ai ajouté ceci, après avoir lu dans les médias les soupçons sur les médecins. Demain ces médias soupçonneront les chats de Bettencourt; demandant toujours plus de sang ; mais je ne connais pas ce dossier, que les médias n´expliquent par ailleurs pas puisque plus les eaux sont troubles plus les corrompus voleurs menteurs socialistes croient qu´ils gagnent en prestige, tout en détruisant la France et les nations d´Europe et du monde.

  7. sopadeajo

    Je m´excuse d´avoir traité Churchill de clown. Je ne sais rien de lui, en fait. Qui était-il ? Je me suis laissé porter par la constatation, basée sur l´examen de l´Histoire, que l´Angloiterre, a presque toujours été un pays perfide, qui n´a jamais vraiment fait une guerre que lorsque les autres nations d´Europe se fussent détruites, eussent donné le gros du combat et les milliers de morts. A ce moment là , les anglois attaquaient et se proclamaient vainqueurs. Ils ont toujous fait la politique de la división, pour mieux règner, eux, en Europe et dans le monde. On leur doit la plupart des guerres fratricides.

    Mais, que l´Angloiterre soit un cirque (pas l´Ecosse, ni Galles ni l´Irlande), ne signifie pas que tous ses habitants soient des clowns.

    Comme l´affirmait Shaw, les rats anglois peuvent avoir les épaules tout à fait normales…

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