Il y a des moments, dans un mois où l’actualité n’est pas trop captivante, où certaines pensées profondes peuvent surgir; pensées qui peuvent tout remettre en question, tout changer les perspectives et les idées reçues. Les journaux, on ne le sait que trop, ne se donnent pas pour mission de propager la spiritualité; ils se limitent bien souvent à l’éclectique et au distrayant.
En ce mois de septembre-ci deux perles rares, deux propos révélateurs ont surgi de la masse des propos superficiels; propos qui pourraient changer le cours des choses si tant est que les lecteurs choisissent en nombre de s’arrêter un moment pour penser.
Le premier propos est venu des États-Unis par la voie – la voix – du magazine Harper’s et par l’instrument d’une relation de livre (des extraits). Cet ouvrage a été rédigé par l’ancien rédacteur en chef de Harper’s, Roger D. Hodge; il est intitulé «The Mendacity of hope : Barak Obama and the Betrayal of American Liberalism. Cette critique paraît dans le numéro d’octobre de l’influente revue; mais celle-ci est arrivée dans ma boite aux lettres le 17 septembre, ce qui en fait une histoire d’été.
Imaginez-vous qu’une revue à pareille diffusion décrit le président Obama comme un prisonnier du complexe industriel et comme un homme politique incapable de librement choisir la voie libérale dont il se dit l’héritier – n’avait-il pas promis la compassion pour se faire élire? Autrement dit l’article du magazine montre que l’argent des possédants, des grands possédants, a la parole, – la seule parole – et c’est pourquoi l’article est titré «speak money» (Parlez, forces de l’argent).
Ce ne sont pas des idées nouvelles : nous nous doutions bien un peu que le capitalisme américain n’a pas l’intention de se taire, lui qui gère encore pour un moment l’économie de la planète. Mais le rédacteur établit que les citoyens américains n’ont pas l’air de se rendre compte que le régime actuel est corrompu en ce sens que les valeurs anciennes, celles d’une république désireuse de pourvoir au bien commun, ne peuvent plus s’exprimer. C’est quand même assez gros!
Les tribunaux américains, montre l’auteur, ont récemment dévoyé la politique américaine en donnant aux corporations une voix (personnelle). Comme si les compagnies avaient une âme et de ce fait la ‘vertu civique’ n’existe plus. Le vote n’a plus son ‘sens’. En réalité il établit que les Américains n’auront plus la capacité de légiférer pour établir un système de financement public des élections. Ce sont les monopoles et les corporations transnationales qui se sont emparées des institutions du gouvernement dit M. Hodge. N’est-ce pas assez pour avoir peur? Et puis si l’on songe que l’actuel président américain a dépensé deux fois plus d’argent que son adversaire McCain pour se faire élire il a fort à parier que M. Obama est redevable aux puissances de l’argent davantage qu’aux idéaux libéraux, laisse entendre l’auteur. Le financement public des élections (par un amendement constitutionnel) est ‘lettre-morte’. Les démocrates, supposément plus portés que les républicains à être civiquement vertueux, ont «démontré que les contributeurs à la caisse électorale seront récompensés pour leurs investissements». Et vlan pour la démocratie américaine!
La seconde perle a roulé des pages très «correctes» de La Presse (de Montréal). Le propos n’a pas la profondeur métaphysique des «readings» de Harper’s, mais il est néanmoins cinglant et, s’il y a un bonne dose de vérités là, les citoyens (ceux qui ne sont pas analphabètes) ont cause à se faire du souci.
M. Pierre Foglia dit la même chose que M. Hodge. Les citoyens sont «manœuvrés»; on (les forces de l’argent) les «persuade selon les méthodes déshonorantes du marketing». En d’autres termes le gouvernement québécois, comme l’américain, «prend le citoyen pour une valise» à remplir de sorte que le vote n’a plus son sens civique. L’opinion du citoyen ne fait dont plus le poids face aux manipulateurs!
Tout cela n’est pas encourageant. Un premier constat c’est que la mentalité du consommateur, au Québec, a du vent dans les voiles et qu’ainsi les citoyens du Québec ont peu de raisons de se sentir «meilleurs» que leurs voisins du sud. Toutefois, et c’est le rayon d’espoir, il se trouve des citoyens, ici dans la vallée du Saint-Laurent qui ont assez de conscience pour ne pas se laisser manipuler, dont l’esprit est éveillé. Il serait bon qu’il s’en trouve davantage parmi nos communicateurs.
Jean Pierre Bonhomme