Archives quotidiennes : 26 septembre 2010

Les hommes de confiance

Je vois évoluer l’affaire Bastarache et tout ça me met un goût de cendre à la bouche.  La situation me rappelle une époque post-référendaire où l’on se demandait  « à quoi bon » ?  On était alors déçu de nous, maintenant, nous sommes déçus d’EUX .. C’est peut-etre moins grave,  mais ce n’est pas la fête pour autant.   EUX ?   Tous ceux à qui l’on faisait confiance… Le Québec n’a pas seulement été appauvri et exploité par la corruption. il a surtout été trahi.

Presque tout le monde connaît Dante et sa fameuse vision de l’enfer. C’est en son « honneur » qu’on qualifie de « visions dantesques » les grandes fresques du cinéma de l’horreur, du type « Apocalypse Now » ou « Débarquement en Normandie ». Ce qui ne veut pas dire que l’on a tous lu la Divine Comédie, ou qu’on s’en souvienne.

Tenez, par exemple, savez vous quel groupe de pécheurs Dante a jugé les plus ignobles de tous et a mis dans son dernier « cercle », au plus profond des enfers, dans les bras de Satan, si on peut dire? Les meurtriers?, les violeurs d’enfants?… Non. Pour Dante et son époque, l’être le plus infâme était celui qui, « feignant l’amitié et ayant obtenu avec malice la confiance d’autrui, lui était félon et usait de cette confiance pour le mener à sa perte ». Le modèle « Judas », quoi.

Aujourd’hui, il semble que les temps ont changé. Traîtrise, félonie…? Mais non, voyons! Disons plutôt: « astuce », « sens des affaires », « ré-alignement », « mise à jour »… Heureusement que les temps ont changé, sinon Satan en aurait plein les bras…! Mais les gens, eux, ont-ils vraiment changé leurs valeurs? Pas sûr, parce que, vous n’avez peut-être pas remarqué, mais les groupes professionnels qui ont plongé au niveau le plus bas des sondages d’opinions ont tous quelque chose en commun: ce sont ceux à qui, traditionnellement, la population faisait confiance.

Ce n’est pas des « capitalistes » ou des « banquiers » dont la population à la plus piètre opinion. Même s’il est évident que c’est bien par eux que le plus clair du mal arrive, le monde ordinaire ne le prend pas « personnel », selon l’expression courante, quand les riches et les forts le dépossèdent, car il en a toujours été ainsi. Les plus mal-aimés, ce sont ceux qui ont feint d’être ses amis et l’ont mené à sa perte: les politiciens, les avocats, les leaders syndicaux, les journalistes…

Ce qui met le monde ordinaire sérieusement en rogne, c’est quand il s’aperçoit que le journaliste qui devrait lui dire la vérité ne lui dit que ce qui fait bien l’affaire du système. C’est quand il voit que les défenseurs de la classe ouvrière ne défendent que leurs cotisants et se recyclent en investisseurs. Quand il comprend qu’il vaut souvent mieux ne plus même parler à un avocat que de risquer une facture dont le montant pourra dépasser la valeur des droits en litige. Quand il doit se résigner à choisir ses gouvernants parmi des candidats interchangeables, qui ont tous pour programme de défendre le système tel qu’il est et de voir à ce que les choses ne changent pas.

Le monde ordinaire souffre de ne plus faire confiance à personne. Et politiciens, avocats, leaders syndicaux et journalistes ne sont que les quatre Rossinantes vedettes de la parade des félonies. Le monde ordinaire, de mémoire d’homme, a vu ses curés défroquer… et accusés en masse de molester les enfants, ses médecins faire la grève… et mis en demeure de ne pas faire des heures supplémentaires, ses enseignants se réfugier dans une convention collective… et astreints à dire des insignifiances devant trop d’enfants pour qu’ils puissent même se souvenir de leurs noms.

On a vu nos militaires commettre des atrocités et des bassesses en Somalie, nos policiers coupables d’agression et de corruption, nos fonctionnaires s’acharner à NE PAS faire justice, quand ils refusent d’obtempérer à des jugements de cours ordonnant que soient dédommagées les victimes de la mauvaise foi et du crétinisme administratif. On a vu un premier ministre en accusation, des sénateurs en prison, des juges démis pour des écarts de langage… ou blamés pour avoir pris le parti des enfants.

Tous ceux qui d’office servaient de balises à la société et de confidents à la population ont soit trahi massivement la confiance qu’on mettait en eux, soit été eux-même calomniés au point de ne plus offrir un refuge tranquille. Et quand Monsieur ou Madame tout-le-monde va se blottir auprès de son ou sa conjoint(e), il doit encore prendre garde d’oublier que la majorité des mariages finissent en divorces et que le partage obligé du patrimoine est une embuscade qui se prépare de longue main…

Maintenant, c’est le pouvoir judiciaire qui est compromis à son tour et il ne reste plus rien. Inutile de regarder au-delà des frontières.  Aux USA, la gouvernance d’Obama a été une terrible déception et ce qui pourrait suivre semble encore pire. En France,  tout un jeu se déroule dont on ne voit rien de bon sortir qu’un appauvrissement croissant et un refus de vivre ensemble.  Il n’y a plus de modèles, seulement des exemples d’échecs. Sauf  la Chine, mais pouvons-nous nous penser Chinois ?

Toute notre démocratie apparait comme un leurre, une entreprise de manipulation médiatique et de corruption pour garantir, sous couvert de choix vides de sens,  la pérennité de la dictature d’une certaine élite cooptée qui exploite tous ceux qui n’en sont pas. On se plaint – et moi le premier – de l’apathie de la population face à son sort, à son évolution sociale, à ses choix politiques… Mais vers qui la population pourrait-elle se tourner? Où sont les hommes de confiance? A quel saint se vouer ?

On rêverait qu’une cohorte d’Abbés Pierre, une légion de Don Quichotte, une armée de gens de bonne volonté, compétents, dignes de confiance et faisant voeu d’altruisme apparaisse à l’horizon en justiciers  comme des moines soldats ou des Croisés de l’an 2000…  Mais jusqu’à maintenant, je ne vois rien venir. Je vois seulement chaque jour apporter sa fournée de têtes qui mériteraient d’être coupées.

Je regarde tous les jours. Regardez bien aussi. Si vous voyez quelque chose ou quelqu’un dites le bien haut. Ce serait une bien bonne nouvelle.

Pierre JC Allard

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SIDA DE CIVILISATION : Les grandes hypothèses – 8

Yan Barcelo, 26 septembre 2010

Je poursuis dans cette chronique avec les grands thèmes qui forment les fruits privilégiés de l’Occident et dont le mûrissement est tributaire de l’héritage chrétien d’une façon fondamentale. La dernière fois, il y a trois semaines, j’avais élaboré sur le science comme un des fruits suprêmes de l’Occident chrétien. Aujourd’hui, je vais traiter des deux petites sœurs de la science :

Technologie et industrie – En établissant une filiation directe qui va de l’héritage du Christ et passe par l’œuvre intellectuel du christianisme pour donner naissance à la technologie et à l’industrie, certains vont sans doute crier au scandale. Y a-t-il rien de plus dissemblable que la haute spiritualité du Christ et… un moteur à combustion interne?

Mais je rappelle les lignes de force de la matrice chrétienne :a) l’enquête rationnelle du monde privilégiée par les grecs et le christianisme; b) la vision linéaire de l’histoire issue du judaïsme par laquelle l’univers est un long processus de dévoilement d’un plan divin cheminant vers son accomplissement; c) et surtout, l’affirmation éthique du monde telle que reçue du Christ et interprétée par le christianisme. Enlevez à l’Occident cette trinité intellectuelle et la technologie, comme la science d’ailleurs, n’auraient pas vu le jour. Dans une bonne mesure, on pourrait dire que l’Occident a reçu, dans l’événement Christ-Dieu la mission – même davantage encore : le devoir! – d’explorer les replis secrets du monde physique.

On va dire que la planète n’a pas eu besoin du christianisme pour donner jour à des techniques. Très juste. Archimède, cinq cents ans avant le Christ, a mis au point une foule machines de guerre ingénieuses. Et les Chinois, si loin de l’Occident chrétien, ont donné jour à une foule de techniques comme la boussole, le papier, l’imprimerie, le séismographe, la poudre à canon, etc. On ne peut nier ces contributions. On peut d’ailleurs en ajouter bien d’autres qui précèdent par plusieurs siècles et millénaires le christianisme : la roue, la domestication du feu, la culture maraîchère, l’écriture, etc.

Mais toutes ces avancées constituent des techniques, des outils individuels et uniques. Ce que l’Occident a mis en place, et il est le seul à l’avoir fait, c’est une technologie, c’est-à-dire une culture systématique de l’invention et une méthode de création de techniques.

De la même façon, on va dire que la Grèce, bien avant l’époque chrétienne, a mis au point la science. Erreur. La Grèce a mis au point un processus d’enquête intellectuelle et un certain corpus de connaissances. Mais elle n’a pas mis en place l’élément essentiel constitutif de la science : la méthode expérimentale. Aujourd’hui, cette méthode semble aller de soi, mais on soupçonne mal l’immense travail de réflexion et l’immense humilité intellectuelle qu’il a fallu déployer pour donner jour à cette avancée, si évidente en apparence : l’expérimentation.

Dans l’Antiquité grecque, comme chez tous les peuples qui ont exercé quelque chose qui ressemble à la science, on procédait à de la science spéculative et on expérimentale. On formulait une foule de postulats et d’axiomes et, une fois qu’on avait atteint à ce qui ressemblait à un corpus cohérent et logique, on arrêtait là. On ne s’occupait tout simplement pas de confronter ces spéculations avec l’expérimentation dans les conditions réelles de la matière.

Un symptôme de cette attitude tient à la proposition d’Aristote qui disait que de deux corps de poids différent, le plus lourd allait se rendre plus rapidement au sol. Il a fallu attendre que Galilée monte en haut de la tour de Pise et laisse tomber deux sphères de poids différent pour constater, expérimentalement, que tous deux arrivaient au sol en même temps! La geste semble tellement banal et évident, qu’il devrait aller de soi. Pourtant il a requis des millénaires de réflexion avant d’éclore.

Or, la technologie est fille de la science et de sa méthode expérimentale. S’alimentant à ces mamelles, elle met au point des techniques qui « marchent » de mieux et mieux et qui livrent des résultats de plus en plus productifs.

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