Archives quotidiennes : 23 octobre 2010

[kon-klu-zion] : La peur

(NDLR    Marc Lafontan  prend la relève de Yan qui a du subir d’urgence une grave intervention chirurgicale.  Inversant la procédure avec laquelle les lecteurs ici sont familiers, ceci est le troisième d’une série de trois (3)  textes  dont les deux premiers ont été publiés  sur Cent Papiers les 16 et 18 octobre) Votre éditeur

De même que la chenille ignore le papillon tant qu’elle est chenille, le papillon, une fois qu’il sera devenu papillon, comprendra ce qu’était la chenille, mais pas avant. ( Autres Dimensions)

Conclusion et fin :

j’aurais pu prendre probablement 10 thémes différents et en faire un exposé aussi glauque que ceux que j’ai fait … la surveillance électronique, l’industrie de la guerre, la malbouffe, les banques centrales, la pauvreté, c’est pas les horreurs qui manquent pour faire du contenu et nous laisser la langue pendante devant l’ampleur du mur à abattre …Si j’ai choisi les armes de répression, c’est qu’il y a là un choix, où on peut fonctionner dans l’action/réaction ou dans le choix conscient et éclairé … on a le choix de continuer sans fin à examiner toutes les facettes de la prison qui nous entoure, en connaitre ses mécanismes et ses méandres , ses maîtres et ses esclaves, et penser qu’on peut changer quelque chose de ce monstre à 10 000 têtes de psychopathes … ou on a le choix de prendre sa vie en main en examinant objectivement ce qu’on fout ici bas et examiner les répercussions sur notre vie de ce type de choix concret…

La Bête a peur de notre mécontentement …utilisant notre production, elle en profite pour mieux s’armer et se protéger au cas où… en plus, on nous apprend par toutes sortes de leviers à éviter cette rogne à cause du questionnement qui en découlerait, comme une putain d’écharde dans le talon qui serait toujours là mais qu’on met pas le doigt dessus ….en nourissant ce questionnement jusqu’à ce que l’étincelle devienne une flamme et qu’on soit perpétuellement mécontent de tout – du travail, de la famille, de la traditionnelle course à l’argent, à la situation, des religions,du pouvoir – là on se mettrait tous vraiment à penser, à découvrir.

Or, en vieillissant, on se rend compte qu’il est très difficile de maintenir cet esprit de mécontentement. La crise d’adolescence achéve plus ou moins tard …On a des enfants à nourrir, et les exigences de notre boulot ( quand on en cherche pas ) à prendre en compte, l’opinion des voisins, de la famille, du boss, de la société qui se referme sur vous, et très vite on commence à perdre cette flamme ardente du mécontentement…on en jase, ça défoule. Alors, on se confirme qu’on vaut quelque chose en vérifiant auprès des autres, de l’exterieur, on allume les gadgets électroniques, on lit sur des gourous, on commente dans des blogs ou des forums, on s’inscrit à Facebook ou Twitter, on boit ou on se dope, on prie Dieu, on court après les femmes les hommes les chêvres – tout est bon pour étouffer la flamme.Pis on meurt, dans un soubresaut en ralant sur l’injustice de cette chienne de vie …Yééé

Or, sans cette flamme du mécontentement, on n’aurait jamais l’initiative qui est le commencement de la créativité. Pour découvrir la vérité, il faut être en révolte contre l’ordre établi.


Alors, que faire de cette révolte ? Qu’est ce qui définit votre réalité ? d’où viennent ces définitions ?

Cette réalité n’est qu’un espace où tout le monde pisse de peur, l’odeur doit monter jusqu’à Alcyone dans la constellation des trouillards …En réalité, nous avons pratiquement tous peur. Nos parents ont eu peurs, nos ancétres ont eu peur… les gouvernements et les religions ont aussi peur que vous deveniez un individu à part entière, car ils veulent tous qu’on reste bien à l’abri au sein de la prison que sont les influences de l’environnement et de la culture. Mais seuls les individus qui brisent le carcan des schémas sociaux en les comprenant, et qui cessent par conséquent d’être prisonniers du conditionnement de leur propre esprit – seuls ceux-là sont en mesure de faire éclore une nouvelle civilisation, un fort de résistance, et non ceux qui ne font que se conformer aux schémas en place, ou qui résistent à un moule donné parce qu’ils ont été moulés dans un autre. La quête de Dieu ou de la vérité ne consiste pas à demeurer dans la prison, mais plutôt comprendre la prison et à s’en échapper et ce mouvement vers la liberté crée une nouvelle culture, un monde différent.

Le problème est le même dans le monde entier. L’homme cherche une nouvelle réponse, une nouvelle approche de la vie, car les voies anciennes s’écroulent, que ce soit en Europe, aux Usa ou ici. La vie est un perpétuel défi, et ne faire qu’instaurer un ordre économique meilleur n’est pas la réponse totale à ce défi, qui est perpétuellement neuf ; et quand des cultures, des peuples, des civilisations sont incapables de répondre en totalité à ce défi, ils sont anéantis.On arrive à ce type de transition dans notre civilisation selon ma perception..

Avant que le changement ne se passe dehors, massivement, hors peur, il doit être individuel, en solo, comme un petit enfant qui chemine le long d’un chemin et qui se retourne quand même de temps en temps en se demandant si quelqu’un ne va pas finir par lui prendre la main mais qui avance pareil, sans peur…Lui donner un nom, Eveil, Initiation, Passage, Fin, ne ferait que re-compartimentaliser ce qui Est, tout simplement …

Voilà pourquoi il est si important de comprendre la société, l’environnement dans lequel on vit, et, par ce processus de compréhension, de rompre les liens avec tout cela.Faire un pas en arrière, re-examiner objectivement nos connaissances, notre culture, nos acceptations au nom de… pour mieux plonger sur comment notre perception des choses, souvent dictées par notre ego, nous empeche de voir la porte de la cage, grande ouverte …

Marc Lafontan

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La vie dans une prison

Jean-Pierre Bellemare, prison de Cowansville.

Le sadisme des prisonniers envers les nouveaux arrivants dans les pénitenciers. Quand la violence engendre la violence.

Dossier Chronique du prisonnier, Criminalité

prison-prisonniers-penitencier-bagnard-vie-carcerale Les jeunes prisonniers qui débaquent pour la première fois au pénitencier le font avec beaucoup d’appréhension et pour cause. Secoué par une lourde condamnation, ils doivent tenter de se reprendre en main le plus rapidement possible pour se préparer à un changement de vie radical. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les compagnons d’infortune exercent un sadisme qui dépasse l’entendement.

Les récidivistes, qui connaissent bien le tabac, identifient les plus faibles et s’amusent à les terroriser. Pour y arriver, ils utilisent tous les moyens possibles et imaginables. Ces jeunes, avec des craintes et une imagination déjà enflammées, représentent des proies faciles et vulnérables! Le stratagème le plus souvent employé est la description d’histoires scabreuses de viols collectifs et de meurtres sanglants avec détails. Il ne faut pas s’étonner que certains craquent et se suicident, lamentable réalité carcérale.

Faire son entrée en prison

Lorsque j’ai fait mon entrée au pénitencier, âgé d’à peine 19 ans, beau bonhomme, svelte et blagueur, j’avais beau me préparer psychologiquement à cet enfer, une odeur fétide provenant de mon arrière-train trahissait ma peur. Je me sentais semblable à un morceau de viande accroché, attendant la découpe d’un boucher maladroit équipé d’un couteau mal aiguisé. Des images d’horreur aveuglaient toute objectivité. Je ne voulais qu’une chose, me protéger. Pour y arriver, je pensais m’équiper d’un objet piquant ou tranchant à la première occasion. J’avais la ferme intention de défendre chèrement ma peau contre le premier qui essayerait de jouer au loup avec moi.

Mon second réflexe fut d’effacer mon sourire idiot (nervosité) pour des années à venir. Le remplacer par un masque d’allure patibulaire avec l’espoir que cela découragerait tout carnassier en mal de chaire humaine. Désirant mettre toutes les chances de mon côté, j’ai ignoré mon hygiène, espérant qu’un être dégoûtant en dégoûterait quelques-uns.

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Prisons et vautours sexuels

Toutes ces années passées, je suis resté sur mes gardes. Aujourd’hui encore, à 43 ans je me sens parfois dévoré du regard par quelques-uns de ces vautours sexuels qui chassent tout ce qui bouge.

Ce qui me ramène très loin dans un recoin de ma tête où j’avais coupé volontairement l’éclairage, un souvenir trop sinistre. J’avais à peine douze ans lorsque mes parents, en instance de divorce, tentaient pour la énième fois de se réconcilier. Mon père, un alcoolique violent et désespéré, n’arrivait pas à s’imaginer refaire sa vie sans ses enfants. La séparation était bien au-dessus de ce qu’il était capable d’accepter. Il mit fin à ses jours.

Avant d’en arriver là, il a commis une grave erreur de jugement aux conséquences désastreuses. Réfugiée dans le joli petit village de Ste-Clothide, ma mère essayait de retrouver un peu de quiétude et de sécurité auprès de sa famille. De mon côté, j’en garde de très bons souvenirs, ce n’était qu’une autre aventure d’enfant. J’étais un premier de classe et sortais avec une belle fille. Je m’amusais souvent à taquiner mes deux adorables sœurs et mon grand frère. La vie normale d’un jeune pré-adolescent qui grandit.

DPJ, centre d’accueil et prison

Jusqu’au jour où, deux fonctionnaires de la protection de la jeunesse (aujourd’hui DPJ) débarquent chez moi. Je voyais ma mère discuter fortement avec eux. Ils m’invitent à monter à l’arrière de leur voiture. Je pleurais tel un veau arraché à sa mère mais rien ne semblait les arrêter. Ma mère, impuissante, me regarde partir. On venait de m’enlever de force, devant ma mère, moi qui n’avais rien fait. Des années plus tard, j’ai découvert que mon père, en guerre contre ma mère, avait inventé une histoire abracadabrante pour qu’elle perde la garde de ses enfants.

Inconsolable, je fus placé dans un centre d’accueil, conçu pour me protéger, m’éduquer et m’aider à compléter mon développement, qui était, selon eux, compromis. C’est là que je fus abusé et agressé sexuellement par ceux qui devaient me protéger et m’éduquer! Trente ans plus tard, ces souvenirs pèsent encore très lourd et compromettent mon épanouissement. Plus jamais personne ne violerait mon intimité sans en payer le prix.

Se préparer à la prison

C’est avec ce genre de bagages que je m’apprêtais à affronter l’enfer de la prison. Les principaux outils utilisés par les rapaces sexuels sont tristement les mêmes que ceux utilisés par les gens qui désirent véritablement nous aider. Les sourires, l’aide apportée, le support offert, toutes ces approches n’avaient qu’un but précis, voir, toucher, posséder ma fragilité d’homme.

La principale conséquence engendrée par cette manière de faire a été la confusion qu’elle fit naître chez moi. Comment reconnaître la bienveillance de la malveillance lorsque quelqu’un s’approche d’un peu trop près? C’est l’élément déclencheur d’une méfiance permanente. Ce qui endommage aussi la plupart des relations affectives que j’ai eues par la suite. Pour moi, tout contact avec des personnes en autorité se révèle souvent catastrophique.

Ce drame a contribué en bonne partie à me rebeller contre toute forme de pouvoir. Incapable de gérer ma propre colère, je la déversais sur les autres. Mon malheur a provoqué beaucoup de peines, de tristesses et de blessures. J’en suis profondément désolé. Mon seul vœu est de donner un sens constructif à ma vie à travers mes chroniques, mes pièces de théâtre et mes projets d’émission de télévision, dans l’espoir de susciter une réflexion. Je ne serai jamais un saint, car c’est aussi sous cette couverture que certains abuseurs se cachent. Je me contente d’aider mon prochain de mon mieux, en respectant mes propres limites.

Grâce au magazine Reflet de Société, je vous renvoie un reflet sans miroitement d’une réalité que beaucoup d’hommes renient. J’espère transmettre aux lecteurs une meilleure compréhension de l’agir criminel.

Puissent les saboteurs de vie prendre conscience un jour des graves conséquences de leurs gestes. Tuer l’âme d’une personne n’est pas moins grave que de tuer le corps humain.

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Classé dans Actualité, Raymond Viger