De la beauté du métro de Montréal

Jean-Pierre Bonhomme

Il y a un petit moment un organisme international a donné une bonne note à notre cher réseau métropolitain souterrain montréalais sans doute pour les méthodes administratives de la direction et pour l’efficacité du système roulant. Un bon point pour les ingénieurs donc. Et il est vrai que le réseau ne s’est pas brisé et qu’il n’y a pas eu de gros accidents comme ce fut le cas à Toronto par exemple.

Mais les examinateurs du système ne se sont manifestement pas promenés dans la station Berri, la station centrale, car ils auraient eu un choc. Ce lieu symbolique d’importance a été saccagé par une multiplication éhontée de la publicité, une invasion qui a détruit une œuvre architecturale de belle qualité et qui a jadis donné à Montréal une image prestigieuse. L’architecture elle-même a été attaquée par de multiples interventions de mauvais goût.

La station principale de la ville, donc, a été plastronnée d’affiches publicitaires de toutes sortes, certaines illuminées violemment, et les corridors, les plateformes et les grands murs disparaissent dans ce désordre. Parfois, au gré des publicitaires, ce sont des murs entiers, ou des trains entiers qui sont enveloppés dans les messages des promoteurs de la consommation.

Il y a deux décennies l’auteur de ces lignes s’était plaint, dans les journaux, de cette contamination visuelle. Il avait compté le nombre – astronomique – d’affiches qui déparaient les corridors. Les autorités avaient indiqué, que cet auteur était un empêcheur de tourner en rond et avaient fait fi de ses remarques. Cela en dit long sur le pouvoir de la presse… et des citoyens ordinaires. Le même auteur peut affirmer qu’aujourd’hui le nombre des affiches a doublé, au moins, et que rien n’indique que les choses changeront.

Cela serait un moindre mal si tout ce branle-bas commercial ne s’était pas attaqué au design même des espaces. Car les murs sont maintenant courus de fils électriques – parfois même des murs entiers ont été coupés – pour fournir les panneaux publicitaires en électricité.

Il y a tellement d’affiches dans cette station que la valeur même des messages en est fortement réduite. Qui plus est, certaines entrées principales extérieures ont été cédées à des entreprises privées, de sorte que les clients ne savent plus s’ils entrent dans le métro ou dans une bijouterie.

Les usagers du métro montréalais ne se rendent pas très bien compte du mal qui est fait car cette contamination bien réelle s’est effectuée graduellement, insidieusement. L’auteur de ces mêmes lignes se souvient de l’émotion qui l’avait envahi lorsque la station Berri-de Montigny avait été inaugurée. C’était une belle émotion que l’architecte-chef, le surveillant de toutes les stations, Jean Dumontier, le partageait sans réserve. Nous contemplions ces œuvres; des oeuvres au même titre qu’un tableau ou une sculpture au musée d’art contemporain. Cela touchait l’âme. La station Berri, elle, était l’œuvre des architectes Longpré-Marchand.

Le design de la station Berri a été défait, brisé, déchiqueté; il n’en reste que des traces. Pourquoi cela, parce que les autorités responsables du métro ne font pas une priorité du service public. Elles sont au service de ce qui est privé et qui rapporte de l’argent. Pas beaucoup d’argent du reste car la publicité ne rapporte que 2 p.cent du revenu total.

C’est bien ce que nous a dit récemment une formation politique municipale, Projet Montréal, qui s’est opposée «à la commercialisation du métro».  Elle a noté que le société gérante du système, a créé une filiale qui «gère» la commercialisation justement. Puisque le propre des administrations c’est de se gonfler, de s’agrandir, il arrive que la direction du métro envisage même d’aller jusqu’à  «vendre» les stations à des entreprises privées; et c’est ainsi que nous pourrons, bientôt, nous rendre à destination en empruntant la station Hamburger X ou la station Cola Y au lieu des stations actuelles portant des noms symboliques communautaires. La direction va donc au bout de sa logique commerçante.

Comment ne pas insister pour dire que les espaces réservées aux services publics doivent rester «neutres»; montrer que les lieux publics sont issues de la volonté publique de rendre service et que dans le cas de la station Berri et de quelques autres c’est le contraire qui est affiché. Signalons que les espaces publics de la Poste fédérale, par exemple, sont «neutres» du point de vue publicitaire. Les usagers de la poste sont ainsi respectés comme des correspondants, pas comme des consommateurs. Il devrait en être ainsi du métro qui doit respecter ses usagers comme des voyageurs, pas comme des consommateurs.

Dans cet ordre d’idée il s’impose que l’organisme responsable du métro la STM cesse d’être l’actionnaire principal d’une société particulière, la Transgesco, dont l’objectif est justement de répandre la publicité partout dans l’espace public,  dans l’espace commun.

Et puis, tant qu’à y être,  l’État pourrais s’assurer que la direction de la STM soit élue, ou au moins qu’elle soit composée de membres qui ont assez d’humanisme pour respecter les commettants et les œuvres d’art.

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