Art et culture à travers le monde
Arpi, un graffer qui commence à faire sa marque a vécu dans la marginalité et la précarité pour assouvir sa passion. Le parcours sinueux qu’il a suivi pour vivre son art parle autant que ses oeuvres.gn
Dominic Desmarais Dossier Murales, Arpi, Culture
Décontracté, les cheveux en bataille qui vont de pair avec ses idées qui partent dans toutes les directions, Arpi a une joie de vivre contagieuse. Son côté artistique, il l’a développé dans sa façon d’aborder la vie. En voulant tout goûter, tout expérimenter.
Comme bien d’autres, cet éternel curieux s’est cherché à l’adolescence. Attiré par le dessin, il observe le graffiti pendant plusieurs années avant d’oser s’y frotter. À 17 ans, l’âge des décisions, il doit choisir sa voie. Son intérêt pour le dessin le dirige vers le graphisme au cégep. Mais Arpi déchante. Il ne se sent pas à sa place. Il n’a pas complété une année qu’il s’absente de plus en plus de ses cours. «J’ai compris qu’à l’école, ce n’est pas ta passion qui paie, c’est d’être dans le moule.»
Le jeune homme est confronté à la réalité du monde adulte en observant ses enseignants. Certains sont des artistes frustrés devenus professeurs par dépit, pas par choix. Arpi commence à décrocher. Il s’évade en pensée vers la Colombie-Britannique. Il aimerait travailler dans l’industrie du skateboard à Vancouver.
C’est lors d’un cours d’infographie qu’il se réveille. La vie lui envoie un signe. Il aperçoit ses confrères rivés à leurs écrans, comme s’ils se faisaient bronzer devant l’ordinateur. «Personne n’avait conscience des autres. Ils n’existaient que pour leur ordi. J’ai réalisé que le graphisme, c’est peut-être de l’art mais le gros du travail se fait devant l’écran. Alors, avoir ça comme profession… Même la peinture, quand tu ne fais que ça au quotidien, tu développes des lésions professionnelles. En contrepartie, plus tu t’exposes à la nouveauté, plus tu apprends vite», dit-il en connaissance de cause.
À partir de ce moment, sa vie prend le virage de l’inattendu. Il rêve de grands espaces, de liberté. Il exprime ses frustrations à la maison. Avec sa mère, tout devient prétexte à engueulade. Un jour, il lui demande si elle souhaite qu’il quitte le foyer familial. Elle répond oui. Arpi casse son petit cochon, va coucher chez un ami le soir même et achète un billet d’autobus pour Vancouver dès le lendemain. Il a 18 ans. Il quitte le seul monde qu’il connaît.
Départ pour l’inconnu
En chemin pour la Colombie-Britannique et son industrie de la planche à roulettes, le jeune Arpi profite de sa liberté nouvellement acquise. Il débarque à Calgary pour une petite escale de deux jours. Objectif: le Millenium Park, le plus grand skatepark extérieur en Amérique du Nord à l’époque. Vancouver peut bien attendre 48 heures! Finalement, il y accrochera ses roulettes pendant 2 mois.
Il dort où il peut. Dans la rue ou chez des amis qu’il rencontre. «C’était la première fois de ma vie que je couchais n’importe où. Que je n’avais pas d’argent dans mon compte en banque et dans mes poches. Et j’étais encore en vie! Je me disais: je n’ai pas besoin de cash! Ça ne me stressait pas, au début. C’était l’aventure. J’étais émerveillé de voir que c’était possible de vivre sans un sou!»
Arpi se nourrit dans les organismes de soupe populaire. Il savoure sa passion du skate la nuit. Le jour, il dort dans les parcs pour éviter les policiers. Après deux mois, il se lasse de cette vie. «Quand j’allais manger dans les refuges, j’étais toujours avec des itinérants et des fous. Je les voyais boire des bouteilles de parfum. Dès qu’ils se levaient, ils s’intoxiquaient. Je voulais vivre autre chose.» Bien qu’il vit comme un itinérant, Arpi ne se sent pas l’un des leurs. Comme il commence à le réaliser, la vie lui fait signe. Un Haïtien, originaire du Québec, l’invite à l’accompagner travailler sur une ferme biologique à Creston, en Colombie-Britannique. L’appel de l’ouest refait surface.
L’appel de la terre
Arpi passe l’automne et le début de l’hiver à Creston. Il fait la récolte, vide les champs avant l’arrivée de la neige. Il entrepose, lave et trie des carottes, des oignons, des patates. «Il neigeait et on lavait des carottes. Les mains me gelaient», se souvient-il en s’esclaffant. À cette époque, il loge dans une maison abandonnée, sans eau ni chauffage. Les fondations sont en ruine, les fourmis infestent le sol, les murs. L’expérience de la rue, à Calgary, lui sert. Il sait qu’il est capable de supporter des conditions de vie misérables. Aux fêtes, il retourne chez lui. Mais il a encore des choses à vivre en Colombie-Britannique. Il y retourne en janvier. Il n’a pas d’argent, pas d’emploi. «Je connaissais une boulangerie qui jetais son pain dans une poubelle. Pendant une semaine, je n’ai mangé que ça. Je trouvais ça excitant d’être capable de subvenir à mes besoins grâce à ma débrouillardise. Mais je me disais que si j’étais capable de me démerder, pourquoi ne pas faire autre chose?»
Le jeune homme se trouve un emploi la semaine suivante sur une autre ferme. Il quittera la Colombie-Britannique en avril pour mieux se retrouver sur une ferme familiale au Québec. «J’étais épanoui, en santé. J’ai vu le cycle de la terre. J’ai appris à opérer des tracteurs, des moissonneuses-batteuses. Je ne faisais que travailler. Pas de dessin, pas de grafs. J’étais heureux d’être en contact avec la terre. Mais j’étais encore éloigné de tout.»
En six mois, il ne prend que 5 jours de congé. À la fin de la récolte, en octobre, Arpi tourne le dos à la ferme le coeur léger. «Partout où je suis allé, j’ai rencontré des gens, j’ai tissé des liens. Même si je sais que je ne les reverrai plus jamais, je quitte toujours un endroit avec le sourire. J’emmène avec moi une partie d’eux, des moments que nous avons partagés», dit-il en parlant de ses endroits de vagabondage.
L’appel de l’art
Depuis qu’il a quitté le cégep, Arpi n’a pas dessiné. Il a vécu au contact de la terre, il a appris à se connaître. Le hasard de la vie le ramène à sa passion pour l’art par l’entremise d’un emploi de nuit, dans un entrepôt. Il y travaille avec des membres du groupe de graffers K6A. À leur contact, il passe du côté contemplatif à la création. «J’étais pourri en graf. Dès que j’avais de l’argent, je m’achetais de la peinture. Je graffais partout pour les rattraper en terme de talent et de notoriété. C’était mon premier contact avec la scène des graffers.»
Arpi ne connaît qu’une façon: s’abandonner de tout son être. Il met toutes ses énergies dans sa passion retrouvée. En trois semaines, il tapisse les murs d’une ville de banlieue et se fait arrêter. Loin de le décourager, il en est motivé! Il s’exile dans la métropole. C’en est terminé des fermes, de la terre.
La peinture prend toute la place. Il vogue d’un petit boulot à l’autre. «Quand ma bouffe et mon loyer étaient payés, je quittais mon emploi pour me consacrer à la peinture.» L’artiste en devenir s’exerce sur des trains, dans une gare de triage. «C’était mon trip! C’est spontané, c’est de l’art gratuit. Le meilleur moyen de s’exprimer. Ça n’affecte en rien le train, il se promène. Et ton dessin voyage. Il se rend à la grandeur du continent.»
Arpi travaille de nuit sans être dérangé. Il s’applique à apprendre sa technique: l’éclairage, les trois dimensions, les contrastes. S’il est conscient que des artistes vivent de leurs graffitis, lui ne se considère pas encore de ce calibre lorsqu’il regarde ses oeuvres.
Graffiti illégal à graffiti légal
Arpi et un ami proposent au propriétaire d’une lunetterie de peindre son mur délabré et rempli de tags. Ils dessinent des personnages en noir et blanc avec des lunettes en couleur. «Les passants me voyaient et disaient wow, j’en veux une! Quand je faisais des grafs illégaux, j’étais toujours seul. C’est plaisant d’avoir un contact avec les gens.» Ces rencontres le sensibilisent à leurs inquiétudes envers les tags, ces signatures qui enlaidissent les murs. Mais c’est en travaillant pour l’organisme de sensibilisation Y’a quelqu’un d’l’aut bord du mur qu’Arpi commence à se métamorphoser. Il doit enlever des tags sur les murs de commerces, faire de la prévention dans les écoles. «J’expliquais aux jeunes que l’autre bord du mur, il y a un être humain. C’est lui qui paie, qui vit un stress. Pas le système.»
Arpi a alors un pied dans l’illégal, un autre dans le légal. «Mes amis me haïssaient parce que j’enlevais des tags. Mais moi, je trouve ça con de faire un tag sur une maison. N’importe qui peut aller donner un coup de peinture sur un mur. Ça ne m’impressionne pas. Moi, j’en faisais à des endroits pour faire réfléchir les gens. Pour avoir un impact. Ça a toujours été mon approche. Je veux susciter un questionnement. Surtout chez les gens qui font du 9 à 5, en habit, qui pensent que la vie, c’est juste le travail, l’argent.»
Pour provoquer les gens, Arpi passe ses messages à des endroits inusités. En faisant des grafs sur des immeubles abandonnés, délabrés, sur des ponts, sur les hauteurs. Il interpelle les gens. Il les force à regarder des édifices qu’ils ne voient plus. À jeter un nouveau regard sur des paysages qu’ils ne remarquent plus. À sortir de leur petit questionnement routinier. Pour qu’ils prennent du recul sur leur vie comme lui quand il a vu ses confrères en graphisme rivés sur leurs écrans comme des robots.
Arpi prêche par l’exemple. Il prend du recul sur la peinture afin d’expérimenter de nouvelles possibilités. Il apprend à communiquer ses messages sous d’autres formes. Aujourd’hui, il dépense ses énergies sur la vidéo. Il apprend à maîtriser la caméra et les techniques du montage. Une façon différente de s’exprimer et de toucher les gens.
Il développe aussi d’autres aptitudes. Lors d’un contrat important avec Desjardins, il a supervisé une équipe de 14 graffers pour réaliser une murale de 11 étages dans un escalier. Il n’est plus seulement un artiste mais un gestionnaire.
Arpi a arpenté des chemins peu communs. Il a appris à se découvrir. Il est allé à la rencontre de gens de différents horizons. Il se sent privilégié, libre. «J’apprécie la vie que j’ai. Je me sens riche d’être capable de tout quitter pour aller vivre ce que j’ai envie. Sauf que parfois, je me demande si je peux donner autant de bonheur que ce que la vie m’a offert.»
C’est cet état d’esprit qu’Arpi partage à travers son art. Le bonheur de s’abandonner à la vie en toute conscience. Plus que les mots, pour l’artiste, c’est l’action qui parle. Et grâce à son dernier contrat, une publicité pour un concessionnaire automobile, Arpi reprend la route de l’aventure. Cette fois, c’est en Inde qu’il élargira ses horizons.
Deux premières photos: François Laplante Delagrave. Autres photos gracieuseté Café-Graffiti.
Photos de Murales et fresques urbaines.
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Mural de Michael Jackson au Festival de Jazz avec les graffiteurs Fluke et Omen
Mural graffiti en direct par Fluke
Projet graffiti pour Oakley
Graffiti calligraphie El Seed
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Mot de bienvenue de la nouvelle équipe de CentPapiers
Image Flickr par Paul Worthington
Bonjour à vous tous, lecteurs, auteurs et commentateurs de CentPapiers!
Comme vous avez pu le constater, le 27 décembre dernier, Pierre JC Allard passait le flambeau à la prochaine génération de gestion de CentPapiers. Monsieur Allard aura accompli des étapes cruciales dans la survie du seul véritable journal citoyen du Québec, en lui permettant de grandir de nouveau et de lui permettre de se développer dans le but de lui donner son plein potentiel.
Ce potentiel est énorme puisqu’il n’a de limite que ce que l’Internet permet, avec l’imagination et la participation de tous. Je dois donc, au nom de toute l’équipe de relève, remercier du fond du coeur les efforts et sacrifices personnels que Pierre JC Allard a fait depuis presque un an.
Nous avons maintenant une base solide sur laquelle nous pourrons, grâce à lui et tous les participants de ce site, bâtir pour vous offrir le meilleur espace d’échange et de partage des idées, d’informations et d’analyses. Nous nous engageons, dans la limite de nos moyens, à vous donner tous les outils nécessaires pour que vous puissiez prendre la parole et être entendus.
À court terme, la nouvelle équipe travaillera à faire augmenter le nombre de rédacteurs de qualité sur le site, pour finalement avoir un journal diversifié pour à peu près tous les goûts. Déjà, plusieurs nouveaux auteurs se sont ajouté à la grande équipe que nous sommes tous et beaucoup d’autres se préparent à entrer en scène, ce qui est excessivement réjouissant. De plus, pour assurer une gestion efficace de cette plateforme qui est en pleine croissance, l’équipe de CentPapiers s’agrandit peu à peu et pourrait compter quelques nouveaux collaborateurs d’ici aux prochaines semaines, au lieu d’une seule personne comme ce fût le cas pendant quelques années.
J’aimerais, par la même occasion, inviter tous les gens intéressés par l’écriture à participer à cette belle aventure; que vos passions et domaines de connaissances soient la politique, l’économie, le sport, les activités à faire et ne pas manquer, les évènements de l’actualité, psychologie, philosophie ou autres.
À moyen terme, nous entendons nous donner les moyens d’offrir une expérience multimédia unique, regroupant non seulement les meilleurs textes du Web francophone, mais aussi une section audio/visuelle. Cela sera à surveiller dans les prochains mois.
Finalement, à long terme, le but est de permettre à CentPapiers d’atteindre son plein potentiel qui est d’être un nexus, un lieu d’échange et de partage autant de l’information que des idées sous toutes leurs formes , d’analyses, de débats de société et dans la mesure du possible, d’expansion de la conscience. Il se peut que l’Internet soit le dernier bastion de la liberté d’expression et nous nous devons d’exercer ce droit fondamental pour le préserver pour les générations futures.
Cette liberté d’expression comporte des responsabilités sur lesquelles nous insisterons, dans le but de lui donner sa pleine ampleur et portée. Nous croyons qu’un site tel que CentPapiers doit fournir un environnement sain et respectueux de tous pour éviter de tomber dans les mêmes pièges qu’a rencontrés le journalisme citoyen dans son enfance de l’Internet. Personne ne grandit, n’évolue ou ne gagne quoi que ce soit en recevant des attaques personnelles et des insultes.
Le contrat commun qu’on se donne ici, c’est de se conduire honorablement et avec courtoisie. De cette façon, nos efforts seront décuplés et porteront fruit. Si chacun s’occupe individuellement de suivre cette simple ligne de conduite, il sera extrêmement facile pour nous de distinguer les gens de mauvaise foi qui ne cherchent qu’à être déplaisants et diviseurs sans rien apporter aux gens autour d’eux. Notre travail sera de protéger tous les lecteurs, auteurs et commentateurs pour que tous sachent que CentPapiers est un lieu où il fait bon vivre. Ce travail sera accompli inlassablement et avec intégrité.
Le résultat visé est d’atteindre une plus grande cohésion sociale et une diffusion sans barrière de l’information, des connaissances et de la sagesse. Il est permis de croire que nous pouvons effectivement apporter notre grain de sel dans l’évolution de nos sociétés et de l’humanité. À chaque jour, nous participons au déroulement de l’histoire. Plus nous serons organisés et unis, plus nous réaliserons que c’est ensemble que nous sommes forts et maitres de notre destin.
C’est dans cet esprit que nous poursuivrons notre chemin tous ensemble et que nous serons en mesure de porter fièrement le flambeau qu’a passé Pierre JC Allard, pour un jour le passer à notre tour à la prochaine génération.
Sur ce, nous retournons humblement les projecteurs et le micro à tous les acteurs de CentPapiers et nous vous souhaitons la meilleure expérience qui soit sur ce journal citoyen fait sur mesure pour vous et par vous!
Au nom de toute l’équipe de CentPapiers,
Mes sincères et cordiales salutations à tous!
François Marginean
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