Image Flickr par Ciccio Pizzettaro
Jean-Pierre Bonhomme
Les autorités américaines ont annoncé, la semaine dernière, que les projets de construction de trains rapides,- les TGV – pour transporter les personnes, sont abandonnés sur tout le territoire. Que voilà une décision décevante; que voilà une décision qui peut annoncer le début d’un vrai déclin de l’Empire des USA
Dans les circonstances présentes l’économie américaine est fondée sur l’automobile. Cela représente au moins le tiers des activités économiques du pays voisin. C’est ce qui est convenu dans la plupart des discours informés. Ceci sans tenir compte des autoroutes américaines, dévoreuses d’argent et de territoire. Lorsque nous visitons les USA nous avons souvent l’impression que la démesure du réseau routier n’a pas de cesse de s’élargir; cela dépasse le bon sens, il devrait y avoir moyen, nous disons nous, de transporter les personnes à meilleur compte : les autoroutes à douze voies sont effectivement déraisonnables.
Comme le dit si bien Richard Bergeron, le conseiller municipal et l’activiste (dans son Dossier noir de l’automobile) : «l’industrie automobile et celle du pétrole, qui lui est intimement liée, sont (également) partout aux commandes des économies nationales».
Le programme des autoroutes, lui, est largement financé par l’État central. Les voitures particulières circulent ainsi sur du terrain gratuit; on ne le dit pas trop aux USA, car le principe capitaliste de base veut que l’État central n’intervienne pas dans les affaires. L’entreprise privée devrait se débrouiller seule….
Mais cela ne vaut pas pour l’automobile. Celle-ci a du reste bénéficié des largesses de l’État américain, lors du dernier crash boursier : des milliards ont été versés par la populace américaine pour dépanner la voiture particulière.
Rappelons ici que le gouvernement du Québec, dans sa mansuétude provinciale, n’avait pas fait autrement lorsqu’il a donné des millions de beaux dollars canadiens à la très mauvaise compagnie General Motors! (pour son usine de Sainte-Thérèse; 25$ millions si nous ne nous abusons pas); donc à une compagnie privée américaine qui a pris la poudre d’escampette sans payer son hypothèque. Nous n’avons pas lu récemment que l’État américain ait remboursé cette dette à la pauvre Nouvelle-France que nous sommes!
Toujours est-il que le président américain, M. Obama avait bien promis, durant sa campagne électorale récente, dur comme fer, de construire des chemins de fer rapides. Ce n’était pas sa principale promesse, mais c’était bien la promesse la plus prometteuse; l’État central devait ainsi accorder des fonds importants pour lancer quelques projets de TGV modestes, mais qui promettaient de stopper une bonne fois la folle dépense de la voirie. C’est ainsi, par exemple, qu’on devait relier deux villes de la Floride où les embouteillages sont fréquents. Il y avait cinq ou six projets comme celui-là.
Or ce sont ces «petits» projets ferroviaires qui tombent à l’eau… et dont les subventions tombent dans la besace des routes et de l’industrie automobile. Notons que l’État fédéral américain n’a pas prévu de plan général et rationnel pour desservir ainsi son territoire. Il n’est pas prévu de relier bientôt New York et Chicago par TGV, par exemple. Rien de transcontinental non plus à cet égard. Cette affaire des TGV s’ajoute aux autres promesses non tenues par le président Obama. Celui-ci semble s’affaisser devant les incursions de la droite républicaine, laquelle estime que le financement des services publics par l’État, pourtant pratique courante et raisonnable partout dans l’univers, est équivalente au péché mortel!
Il est évident pour l’auteur de ces lignes, que le transport des personnes est un service public. Et que l’entreprise privée dans les domaines de l’aviation et de la voiture particulière, est débordée. Rien ne va plus; le train est le soulagement assuré des embouteillages et des inconforts et il faudrait s’en priver pour de folles raisons idéologiques? Cela n’est pas raisonnable. Et cela est plus que dangereux. Car les USA se font ainsi damer le pion par la Chine et par l’Europe.
Est-il nécessaire de signaler que la construction d’un TGV est très «labor intensive» et que la construction des rails et des wagons, destinés à l’univers entier, pourrait intéresser les millions de chômeurs d’Amérique du Nord? Québec compris?
L’annonce faite la semaine dernière d’une reddition américaine aux hurluberlus de la pensée individualiste confine au tragique. Elle polluera le continent entier par la consommation excessive du pétrole; elle consommera trop d’espace territorial; elle augmentera le chômage d’ici et elle fera passer les États-Uniens comme des traînards de l’environnement.
Le président américain n’est-il pas passé à côté du plus beau projet qui soit : celui de mettre les États-Unis au travail par un projet rassembleur; un projet rassembleur du type de celui de la construction des chemins de fer du 19e siècle, mais à la moderne?
La tournure des événements montre que les Américains ont peur de la Ville. Le TGV relie des centre-ville; il est ainsi parfaitement urbain et il conteste la dispersion banlieusarde. Il aurait favorisé la reconstruction de la ville américaine, de la ville en son centre, la ville amochée et vide de sens et cela aurait été civilisateur. Tant pis.
A notre avis l’empire romain s’est effondré quand les riches ont cessé de vouloir contribuer au maintien des infrastructures impériales. Il faut payer pour vivre ensemble!
Avec cette décision de surseoir aux projets de TGV les États-Unis montrent qu’ils rejettent l’esprit communautaire et ils en payeront certes le prix fort.