Yan Barcelo, 31 juillet 2010
Petit interlude estival.
Ne disposant pas du temps nécessaire pour produire ma suite de chroniques en cour, je propose à ceux qui en ont le goût (ou la patience) deux poèmes de ma composition, le premier écrit il y a un an à peine, l’autre il y a plus de quarante ans. La poésie n’est certainement pas dans le ton habituel du site des 7 du Québec, mais pourquoi ne pas faire un petit détour alors que ce si bel été nous invite plus à la contemplation qu’à l’argumentation?
Je renoue avec le fil de mon chapitre sur « Les grandes hypothèses » la semaine prochaine. Merci à ceux qui ont manifesté jusqu’ici l’intérêt de me suivre.
VOYAGE MARIN
D’où venons-nous si ce n’est de la mer
Tant pour le premier voyage, et pour le dernier?
Si lointain et si proche, si distant et intime
L’appel marin en nous murmure et mugit,
Résonne et s’éteint, et renaît et fait rage.
L’écume de ses vagues nous dit notre ivresse,
Et chante dans ses marées une ode si dense,
Où toutes les épopées du monde résonnent,
Comme autant de clameurs toujours répétées;
Où tous les secrets de la vie se résorbent,
Comme en un puits sans fond, une fosse abyssale,
Là où l’âme repose, et plonge et s’abîme.
D’où venons-nous si ce n’est de la mer
Tant pour le premier voyage, et pour le dernier?
Entendez le cri des mouettes qui exalte l’azur,
Voyez leur envolée si blanche, si vive, si pure,
Sur la mer émerveillée tendue vers l’horizon,
Caressée par la chair sablonneuse des plages,
Embrasée, excitée, éperdue, enflammée
Par la morsure solaire, mâle et aimante.
Ce soleil qui danse à la crête des vagues,
Chevelure lumineuse où s’emmêle la mélopée du vent,
Qui s’enfle des odeurs de varech et d’algues,
Et chante une élégie à la parfaite vie.
D’où venons-nous si ce n’est de la mer
Tant pour le premier voyage, et pour le dernier.
Mais dans tes profondeurs, océan, appellent aussi
Des créatures sans nom, les ombres de cauchemars,
Les nuits d’encre sans lune, les naufrages sans retour,
Tous les monstres que nous n’osons regarder
Qui pourtant nous dévisagent, nous attendent.
Comme nous attendent des galions légendaires
Et leurs trésors engloutis dans un silence de glace.
O mer, tous les désirs de l’homme sont lovés en ton sein,
Ses répulsions aussi, l’envers grimaçant de ses rêves,
Mêlés en une étreinte muette au creux de tes gouffres noirs.
D’où venons-nous si ce n’est de la mer
Tant pour le premier voyage, et pour le dernier?
RENAISSANCE
Quand j’aurai caressé mes montagnes
jusqu’au ventre de leurs vallées torrentielles,
Quand j’aurai remonté le cours des tempêtes
jusqu’en leur antre noir,
Que je serai dilaté dans le souffle auroral
sur les rampes solaires,
Je parlerai avec des mots de fleurs,
des colères de fauves,
des haleines de nuit,
Mon sang brûlera dans mes doigts,
fera frissonner la pierre
et sculptera mes déesses,
Tout mon corps reconstruira le lit de la nature
pour y étendre mon vaste amour.
Quand je fermerai l’horizon autour du soleil,
comme une bouche sur un fruit,
Que mes yeux retraceront la courbe
qui créa la Terre et ses moissons,
Que j’enduirai mes bras de nuit,
au reflet d’un lac,
Quand j’ouvrirai mes veines
au frisson d’un printemps,
Que le jour émerveillé pénétrera
mon abondante respiration,
Que mon pas coulera en fleuve extasié
vers une aube gonflée de silence,
J’aurai recommencé l’aventure de ma naissance.