Yan Barcelo, 9 janvier 2011
(Image: www.visipix.com, Fra Angelico, Transfiguration)
Dans les dernières chroniques, j’ai tâché de démontrer que l’Occident a été animé par quelques grandes hypothèses qui lui sont totalement uniques et originales. Dans les premiers passages de mon argument, je mettais de l’avant l’idée qu’il est impossible de prouver la justesse d’une hypothèse de vie individuelle. La valeur d’une telle hypothèse ne peut être que subjective et relever d’un acte de foi. Le fait qu’une hypothèse soit partagée par un grand nombre de gens ne lui donne pas plus de poids.
Toutefois, au plan d’une civilisation, je laissais entendre qu’il en est peut-être autrement… Mais c’est un leurre. Pas plus que pour l’hypothèse individuelle, l’hypothèse collective d’une civilisation ne peut être approuvée et certifiée par aucun sceau de validité cosmique. Il tient à ceux qui y participent de l’intérieur, ou à ceux qui y assistent de l’extérieur, de lui donner leur approbation ou leur désapprobation.
Or, rien ne « prouve » la valeur et la validité de l’hypothèse occidentale, hypothèse que j’ai appelée Christ-Dieu, et de ses fruits que j’ai identifiés : œuvres sociales, démocratie, science-technologie-industrie, socialisme, affirmation des femmes.
Cependant, il est impossible de nier que, dans l’histoire humaine, cette civilisation est celle qui se détache avec le plus de distinction et dont les œuvres s’avèrent les plus marquantes. Ancrée dans le message du Christ, cette civilisation marque la plus radicale révolution de l’histoire, ayant transformé toutes les sphères de l’activité et de la culture humaine : société, économie, philosophie, politique. D’une certaine façon, toutes les autres sociétés non-chrétiennes, tant antiques que modernes, se ressemblent plus ou moins : même économie, même structure sociale, même régime politique, même traitement des femmes. Seule la chrétienne se détache et se distingue complètement du lot.
On peut bien sûr ne pas approuver cette civilisation et ses résultats les plus probants. Par exemple, on peut juger que la science et la technologie sont des viols des secrets de la nature et y préférer une alternative quelconque dont l’idéologie Nouvel Âge nous abreuve abondamment : « holiste », « sacralisante », etc. On peut croire que la démocratie est une contrefaçon et y préférer un autre processus politique : aristocratie, anarchie, monarchie, etc. On peut même juger que les œuvres sociales sont une erreur et ne font que contribuer à déresponsabiliser les gens et les empêcher d’affronter leurs insuffisances.
Tous ces jugements ont cours à l’endroit des fruits de l’Occident et il y en a une multitude d’autres. En fait, c’est la constatation première de cet essai : l’Occident ne croit plus du tout en lui-même et procède inexorablement à son auto-sabotage, pour ne pas dire son auto-destruction, d’où le titre général : SIDA de civilisation. Il faut bien que le mot « Occident » s’applique d’abord et avant tout à un concept, à une notion de civilisation. Il se confond aussi avec une certaine zone géographique qui recoupe grosso modo une grande partie de l’Europe et les deux Amériques.
Toutefois, si on ne peut mesurer la validité de l’hypothèse d’une civilisation, on peut certainement mesurer son succès. Et à ce chapitre, force est de constater que l’Occident connaît un succès immense, retentissant, gigantesque. La planète entière veut en récolter aujourd’hui les fruits. Au premier chef, que ce soit en Chine, en Inde, en Turquie, en Indonésie, au Nigéria ou en Côte d’Ivoire, la très grande majorité des pays de la planète veulent s’emparer des richesses que procurent la science, la technologie, l’industrie et le capitalisme. Au plan politique, bien que l’assentiment des pouvoirs en place ne soit pas enthousiaste, il est indéniable que la démocratie et les œuvres sociales articulées par la notion d’État-Providence exercent un attrait croissant et de plus en plus profond sur les populations. Et, bien sûr, la révolution de l’affirmation des femmes effectue un travail de transformation inexorable sur toutes les structures sociales traditionnelles.
Or, pourquoi l’Occident ne croit-il plus en lui? C’est ce que j’explorerai au début de ma prochaine chronique.