Archives quotidiennes : 11 janvier 2011

La grande décision des chinois

Par Jean-Pierre Bonhomme

Image Flickr par chribou

La semaine dernière les Chinois ont pris une décision qui constitue un tournant dans l’histoire du monde moderne. Ils viennent de limiter à 250,000 le nombre de voitures particulières que les citoyens de Péking peuvent acheter (ou vendre) dans  l’année.

C’est le premier pays à affronter ainsi le complexe industriel de l’automobile (qui mène le monde ou à peu près).

Ce n’est pas que le chiffre est apaisant. L’arrivée annuelle d’un pareil parc automobile dans une ville ne peut passer inaperçu. Mais c’était davantage auparavant; l’auteur ne se rappelle plus des chiffres exacts à cet égard; mais il se souvient d’avoir été victime d’embouteillages monstres dans la capitale de l’Empire du milieu;  les autoroutes de huit voies –suspendues – ne suffisaient déjà plus il y a cinq ans. On se souviendra du fameux embouteillage – de dizaines de kilomètres sur la route qui mène au Tibet – blocage qui a fait souffrir les automobilistes et les camionneurs et qui a coûté cher à la nation. Il se souvient aussi des longs embouteillages sur la route qui mène de Boston à Cape Cod par ces beaux weekends d’été.

La décision chinoise vient défier les lois du marché. Elle désespère les commerçants garagistes dont certains – on le  craint – feront faillite. C’est un geste louable et que les États dits riches ne pourront poser car, chez eux, les lois du marché sont plus inflexibles que les décrets gouvernementaux. Soit. Mais ne félicitons pas trop les Chinois. Il est vrai que la Chine, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis est en train – le mot est juste – de construire divers réseaux de trains rapides et que cela pourra décongestionner la cité; un peu. Mais c’est dans la conception même de la ville que la Chine aurait pu donner l’exemple. Au lieu d’imiter en tous points les Américains et de laisser le marché privé concevoir exclusivement l’urbain en fonction de l’automobile, elle aurait pu aménager la cité un peu plus pour les piétons et pour les véhicules à deux roues.

Dans l’état actuel des choses les piétons, à Péking, ont l’impression de marcher sous un chapelet d’ «échangeurs» Turcot. Et cela s’avère partout… à commencer par la ville de Bangkok qui vient de se donner des «échangeurs» gigantesques tout bétonnés qu’ils sont en plein dans le centre ville. Cela juste au moment où Boston, avec son Big Dig, vient, à coups de milliards et pour des raisons esthétiques, a éliminé ses voies suspendues au cœur de la cité.

Il n’est pas dit que les aménagistes, les architectes et les urbanistes régleront tout cela.

Il se trouve, parmi eux, des banlieusards qui ne pensent qu’à se rendre rapidement à la maison de périphérie pour aller couper du gazon. Mais si nous voulons devenir heureux dans la vie et ne pas pourrir dans les embouteillages il faudra bien, un jour, faire agir la raison. Le raisonnable se trouve certes – au moins un peu – dans les universités.

Choisir les bons universitaires, les laisser libres, paraît être mieux que de laisser toutes les décisions aux mains des promoteurs privés.

N’est-il pas évident que la popularité de la maison particulière – y compris celle des «monster houses» – tient au fait qu’en périphérie les terrains, les terres sont sous-évalués?

Rappelons à nouveau que, pour régler cela, l’ancien premier ministre René Lévesque, dans son premier programme, avait proposé la municipalisation des sols. Il en aurait ainsi coûté plus cher d’aller s’installer dans les champs de patate et moins cher pour rester en ville. Pour cela les politiques, conseillés par les aménagistes et les architectes, auraient usé d’imagination pour construire des appartements (en copropriété de préférence) plus amènes pour les familles et où la qualité de vie aurait été au moins aussi intéressante qu’en banlieue. Il est évident qu’il se crée, en périphérie, de riches réseaux vitaux intéressants. Mais le coût social d’une fuite généralisée des familles vers l’excentricité parait trop lourd à porter. Il peut paraître snob de le dire, mais dans une majorité de cas urbains, la civilisation se développe dans les murs de la cité. Cela est facile à voir. Les interactions interpersonnelles sont plus faciles à établir. L’auteur de ces lignes, en tout cas, a, depuis 60 ans choisi de vivre dans les murs et, pour lui, les avantages dépassent les inconvénients.

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