Archives quotidiennes : 25 janvier 2011

Quand les gouvernements ne sont plus aimés

Jean-Pierre Bonhomme

Image Flickr par AaronBBrown

Nos voisins des États-Unis n’aiment pas leur gouvernement central. Une récente étude Gallup a montré récemment que 72 p. cent des ‘américains’ ont une perception négative du gouvernement fédéral; le contraire de ce qui se passait en cette époque Kennedy pas si lointaine que ca.
Les intellectuels États-Uniens – il en existe quelques uns; notamment ceux de la revue Harper’s – expliquent cela par la puissance des idéologues traditionnels qui ont favorisé la ploutocratie au détriment des bonnes mœurs sociales, celles du partage et de la compassion. Aux États-Unis il faut choyer les élites possédantes, les laisser accumuler des fortunes afin que celles-ci finissent par retomber sur les pauvres et sur les musées. Ne pas trop taxer les plus riches est devenu une sorte de crédo et même le président Obama – on l’a vu récemment – n’a pu changer cet ordre des choses, cet ordre vertical de l’économie. Autrement dit la sécurité sociale des années Eisenhower n’est qu’un accroc dans la toile de nos voisins. La norme c’est de laisser Andrew Carnegie, le baron de l’acier, et ses semblables s’enrichir et ceux-ci s’arrangeront bien pour donner leurs surplus aux moins nantis et aux institutions indispensables.
Au Québec ce n’est pas très différent, cela ressemble au syndrome Chagnon, ce système en vertu duquel un riche, après avoir vendu un monopole de la communication, peut se permettre de redistribuer son argent aux bonnes œuvres, mais à sa guise et selon son bon vouloir. L’État, après tout, n’est pas le meilleur déversoir, le meilleur lieu pour déterminer comment faire le partage de la richesse! Il faut laisser la ploutocratie décider.

Oui mais il y a un hic. La revue Harper’s laisse entendre qu’il n’est pas si bon que ça, pour la classe moyenne, de se comporter en serviteur des possédants. Il se pourrait, laisse-t-elle entendre, que certains riches n’aient pas le sens du partage bien aiguisé et que leurs vues n’embrassent pas un horizon bien large. S’il était bon, par exemple, que les États-Unis aient un nouveau réseau de trains rapides, est-ce que les industriels de l’automobile n’auraient pas la tentation de tergiverser et de conserver leurs profits pour eux-mêmes? Ne faudrait-il pas les taxer un peu pour ‘le bien de la nation’?
L’auteur de ces lignes, quant à lui, n’est pas loin de penser que les «inégalités sociales» d’Haiti et la misère du lieu ont un lien direct avec la ploutocratie locale et internationale qui n’a pas vu que «ce qui est bon pour tous, en définitive, est ce qui est bon pour chacun». Et de penser qu’un gouvernement réellement démocratique, saurait, mieux que les possédants mener la barque sociale à bon port…
Ce même auteur a vu comment, à Bangkok, par exemple, les ploutocrates ont failli à la tâche de bien planifier certaines villes et de laisser le domaine social dans un état de délabrement spectaculaire. En maints lieux, c’est un combat acharné de l’automobile contre le piéton que les possédants mènent actuellement. Un combat contre la beauté et contre l’équilibre des formes. Il n’y a pas d’autre explication : les commerçants puissants, ont, là, une ascendance évidente, au point où il n’y a pas de limite à l’intrusion de la publicité. Certains panneaux publicitaires, (comme ceux que le gouvernement du Québec autorise le long des autoroutes) prennent, là des proportions gigantesques; c’est au point où les paysages disparaissent complètement.
N’est-il pas utile, ainsi, que les classes moins possédantes aient une voix dans les affaires d’aménagement urbain, une voix par la voie des ministères appropriés et dont la liberté est relativement bien assurée? Évidemment un gouvernement n’est pas bon parce qu’il est un gouvernement; mais c’est un instrument. Et si un instrument brise on le répare; on ne le jette pas en en faisant un démon!

La «démonisation» de l’appareil gouvernemental américain, qui se poursuit actuellement et qui touche le territoire québécois est dangereuse car elle est contraire à tous les principes démocratiques. Elle a pour objet de donner à des intérêts particuliers le contrôle sur la chose commune.
Si un gouvernement Charest, par exemple, devait céder ses droits politiques à des Carnegies, il ne serait pas intelligent de vouer l’institution parlementaire aux gémonies; il vaudrait mieux réparer l’instrument afin que celui-ci réponde mieux aux intérêts nationaux.

120 Commentaires

Classé dans Actualité, Jean-Pierre Bonhomme