Archives quotidiennes : 7 mars 2011

La crise de la production… en 1 000 mots

La crise de la production, c’est que, quand l’industrialisation  a apporté l’abondance à notre société occidentale,  nous avons fait un mauvais choix.  L’efficacité croissante des machines pour produire tous les biens matériels suggérait que la capacité de production et la main-d’œuvre soient réorientées vers les activités inprogrammables, celles exigeant créativité, initiative et entregent.

Concrètement, il fallait former la main-d’œuvre à faire ce que les machines ne peuvent pas faire et automatiser au plus vite tout ce qui pouvait l’être : c’etait la voie vers un enrichissement indéfini, simple suite, d’ailleurs, du processus qui nous avait enrichi au cours des deux derniers siècles.  Mais il se posait un grave problème…

Avec une production de plus en plus complexe, finie la masse des travailleurs interchangeables !  Optimiser la production des biens et surtout des services exigeait des travailleurs complémentaires, dont chacun  pouvait devenir rare à trouver. Le rapport des forces était donc en voie de s’inverser entre capital et travail.  La valeur relative de l’équipement baissait au rythme de sa désuétude, accélérée par la vitesse des changements, alors que celle du travail augmentait, pour refléter  la capacité de l’homme d’apprendre et de s’adapter à une demande en évolution.

En fait il était évident  que l’importance relative du capital matériel, comparée  à celle du capital humain, allait progressivement  tendre vers zéro, même sa valeur résiduelle apparaissant  de plus en plus clairement, à peu de chose près, comme la simple sommesdes coûts du travail requis pour sa transformation en capital fixe !

Le capital investi devenu capital fixe et immuable, qui avait eu  l’avantage aussi longtemps qu’il avait eu à satisfaire les besoins de masse d’une population en manque,  serait à la merci d’une demande qui tendrait à être saturée. La survie  du capital deviendrait dépendante de sa capacité à s’exprimer dans de nouveaux projets, pour satisfaire de nouveaux besoins… avec la collaboration de la créativité, de l’initiative et des connaissances nouvelles, tous apports du facteur « travail »

 

La valeur économique de la machine  allait donc devenir insignifiante à côté de celles de la ressource humaine nécessaire pour créer l’équipement et du coût de formation nécessaire pour en tirer parti au mieux… ce qui changerait ait totalement le rapport des forces entre le capital et le travail. Or c’est sur ce rapport qu’est bâtie notre structure sociale.

 

À l’origine, avant les machines, celui qui possédait la ressource naturelle – et la force pour la défendre – avait le pouvoir. Avec l’industrialisation, c’est le propriétaire de la machine, la grande mutiplicatrice qui était en position dominante.  Position défendue par les forces de l’ordre d’une gouvernance préférablement démocratique, puisque alors infiniment corruptible.

Dans une société complexe et essentiellement tertiaire, c’est le travail – appelons-le désormais compétence – qui allait avoir le gros bout du bâton. Tout le monde n’accepterait pas de bonne grâce ce changement.

Dans cette situation, le capital a eu un choix à faire. Il pouvait accepter cette inversion des rôles et devenir le simple adjuvant de la compétence. Il semblait inévitable que  la compétence, qui est en constante progression, devienne plus importante que le capital qui n’est que la représentation de l’apport du passé. Cela eut été la voie normale de l’évolution.

On aurait alors une société d’économie tertiaire de travailleurs professionnels essentiellement autonomes agissant comme entrepreneurs…  mais ce serait tout l’ordre social qui aurait basculé, avec les travailleurs au pouvoir, même si ces « travailleurs » autonomes, hyperqualifiés et irremplaçables auraient été  alors bien loin du prolétariat de l’imagerie marxiste.

Mais le normal n’est pas toujours le plus probable. Le capital, plutôt que de se trouver une nouvelle utilité – ce qu’il avait les atouts pour faire – a choisi de rejouer plutôt la même donne sur un autre tapis vert, avec des conditions similaire à celles qui lui avaient donné son succès : un marché en demande, une main d’œuvre de travailleurs  interchangeables, une capitalisation discrétionnaire, puisque la demande est parfaitement contrôlée par le crédit et le coût de la main-d’œuvre déterminé par les seuls besoins d’une demande effective maintenue par l’assistanat.

Il a choisi de reproduire les conditions de l’Occident du XIXe siecle, quand les besoins  étaient simples et pouvaientt être satisfaits  par une production en masse . C’était la situation désormais des marchés émergents, d’Asie d’abord, puis du reste du monde. Il y avait ce choix à faire. On a fait ce mauvais choix.

Au lieu  d’orienter  la production du matériel  en Occident vers un mécanisation totale et de garder la main-d’oeuvre «humaine » pour le travail inprogrammable, ce qui aurait été la voie de l’évolution,  nos sociétés ont  obéi aux diktats du capital.

Elles n’ont rien fait pour faciliter le passage de la main-d’œuvre aux fonctions de haut niveau du secteur tertiaire pour lesquelles il existait une demande criante en Occident ; elles n’on rien fait pour mécaniser la production industrielle au-delà des impératifs immédiats de la consommation. On n’a rien voulu prévoir.

Nos économies, au contraire, ont exporté la capacité de production industrielle de l’Occident vers le tiers-monde.  Non seulement pour que le tiers-monde satisfasse ses besoins, mais qu’il satisfasse aussi les nôtres. Ce faisant, elles ont créé des structures économiques viciées, irrationnelles, les rendant  infiniment vulnérables dans le cas, hélas certain, d’un éventuel conflit avec d’autres entités culturelles.

Elles l’ont fait en  dirigeant la main-d’œuvre devenue excédentaire du secteur industriel de l’Occident  vers des emplois du tertiaire inférieur ne nécessitant AUCUNE compétence. On a remplacé une  main-d’œuvre de techniciens et d’ouvriers professionnels, par une main-d’œuvre de vendeurs de hot-dogs et de démarcheurs de fonds de placements.  Une population de fonctionnellement inutiles et d’assistés sociaux

Je suis incapable de trouver dans l’Histoire  un précédent, pour ce suicide à froid d’une civilisation, décidant, les yeux grand ouverts, que ce qui viendra après l’espérance de vie des dirigeants en place ne mérite pas le moindre effort. On peut en chercher la cause dans une destruction  systématique des valeurs, mais l’examen  de cette hypothèse devrait faire l’objet d’un autre article… et n’aurait aucun impact sur la suite des événements. Les dés ont été jetés.

 

Pierre JC Allard

http://nouvellesociete.wordpress.com/historique-69/

http://nouvellesociete.wordpress.com/production-structure-51/

 

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