Archives quotidiennes : 8 mars 2011

Le chaos de l’aménagement et les éoliennes

Jean-Pierre Bonhomme

Image Flickr par Mr.freak

Cette semaine deux compagnies privées ont annoncé leur intention de construire des éoliennes dans la Plaine de Montréal, près des villages et sans la permission des conseils municipaux.

Il ne s’agit pas d’une affaire dont la gravité équivaut à celle de la guerre en Lybie. Elle ne concerne, au total, qu’une douzaine ou deux de ces grands moulins à vent. Alors pourquoi des villageois descendent-ils dans la rue pour protester?

L’affaire est symptomatique car elle montre jusqu’à quel point l’État, au Québec, fait fi de l’intérêt public et démissionne devant les intérêts privés.

Il faut rappeler que, dans les pays les plus évolués, les services publics sont justement cela…publics. C’est le cas pour la poste, le gaz, et l’électricité, notamment… sans parler de l’aménagement territorial.

Or l’établissement de systèmes de production de l’électricité par le moyen du vent, est un service public. Dans le cas présent, la protestation des deux villages situés non loin de Montréal, fait ressortir l’absence de structures d’aménagement au lieu souverain en la matière, soit le gouvernement du Québec.  L’État,  maintenant, permet à des intérêts privés de harnacher les puissances naturelles pour le profit de particuliers pas toujours connus et de disposer les systèmes n’importe où au gré du vent et des prébendes fournies à des maires complaisants.

L’absence d’un ministère de l’aménagement, au Québec, est coupable. La petite affaire de cette semaine l’illustre abondamment; selon votre serviteur cela suffirait à renverser un gouvernement.

S’il y avait une structure de l’aménagement territorial, au Québec, le gouvernement, directement ou par le moyen d’Hydro-Québec, aurait déterminé des lieux où implanter des éoliennes. Il aurait circonscrit des parcs publics où les éoliennes pourraient être construites. Après quoi des intérêts privés auraient pu être mis à contribution, mais sous la gouverne de l’intérêt public.

Actuellement la ruine environnementale de certains villages de la région de la Gaspésie est un fait établi. Qui voudra monter sa tente sous le ronron d’une gigantesque éolienne ou admirer un clocher ayant pour fond de scène une usine électrique aux pales géantes? Où est-il parti le charme gaspésien?

La controverse de cette semaine montre que la gangrène s’étend jusqu’à Montréal. Rappelons que la production de l’électricité par le vent, au Québec, est une infime proportion – et sera toujours une infime proportion – de l’électricité produite par la force de l’eau. Le scandale, en l’instance, c’est que l’État risque de ruiner la vie – et les paysages – de citoyens établis en douceur dans des cadres naturels en permettant à des entrepreneurs de faire des profits avec un service public dont la nécessité est pour le moins….douteuse. Qui pis est, l’État se met la corde au cou en fixant à l’avance le prix ce cette électricité «écologique».

Les principes, dans cette affaire sont les mêmes que ceux relatifs au domaine des gaz dits de schistes. Le gaz, comme l’électricité hydraulique, est un service public. Il doit relever de l’État. Et le forage doit n’être permis que dans des lieux fixés à l’avance par l’État; le forage doit être exclu des périmètres municipaux; il doit se faire hors de la vue des citoyens.

Mais où est-il donc parti l’État? Il est parti dans les copinages libéraux et conservateurs et l’opposition fait attendre désespérément que sa pensée soit formée sur le sujet.

Je fais remarquer ici que les hommes politiques, à Québec, qui passent à côté de cette question de l’aménagement territorial d’État, passent à côté de la politique et que s’ils n’ont pas de pensée à cet égard ils n’ont pas d’affaire dans l’Assemblée nationale.

Je viens de relire l’ouvrage fétiche de Ian McHarg sur le design territorial. Il me convainc davantage, si cela est possible que notre société doit composer AVEC ses paysages, pas s’y opposer ou les détruire.

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