Commençons par mettre la table politique. Le Canada s’apprête à choisir un nouveau gouvernement. Ce sera le quatrième en une courte période de temps. Et disons-le, c’est un peu – beaucoup – à cause du Bloc québécois, lequel, par sa forte présence au Parlement a empêché le gouvernement actuel d’avoir une majorité absolue; sans lui il n’y aurait pas l’actuelle campagne électorale. Ce fait – fondamental – n’est pas très exprimé, par les temps chauds actuels; c’est un tabou.
Oui, mais comme les Anglais le disent, «The only way out is through». Il faut voir le problème politique actuel en face. Les Québécois ne règleront rien en passant à côté des vraies choses; et la «vraie chose» du jour, qui devra surgir, c’est que le peuple québécois s’est fait imposer une constitution de force, sans sa participation, sans sa signature par le Canada anglais. Autrement dit il n’existe pratiquement et symboliquement pas beaucoup!
L’enjeu de l’élection actuelle, dans ces circonstances, est d’importance capitale pour la nation québécoise. Selon votre serviteur il est vraisemblable – probable même – que le Canada anglais va se donner un autre gouvernement conservateur. N’oublions jamais que l’opinion publique, au Canada anglais – surtout celle de souche britannique – est fondamentalement conservatrice. C’est elle qui veut vivre dans un régime symboliquement monarchiste; c’est elle qui a refusé le régime républicain de ses voisins au sud; c’est elle qui est ultra nationaliste. C’est au Canada anglais, renforcé par une immigration massive que le statu quo symbolique est le plus collé au ras du sol. Et il faut respecter cela. C’est à chacun de décider de son sort social.
Le problème c’est que la nation québécoise – il parait que l’on a le droit d’utiliser ce terme – a une autre façon de voir les choses. Elle est moins monarchiste, d’abord; elle est plus social démocrate ensuite et il lui reste un peu d’esprit français – avec les qualités et les défauts qui vont avec ce titre.
Jusqu’à ce jour la présence d’une forte députation québécoise au parlement fédéral donnait à notre nation un certain pouvoir de négociation lorsqu’il s’agissait des principaux enjeux nationaux. Or il faut se rappeler qu’à cause de certaines politiques dangereuses, la part relative du Québec est en baisse constante au Canada depuis 1971. Elle était de 28 p. cent en 1971 et elle est tombé à 23 p. cent en 2009. La baisse est constante et inexorable. Et c’est pourquoi le nombre de sièges du Québec, au Parlement, a été réduit. Et c’est pourquoi, vues les entourloupettes des élections, il se pourrait bien que le Québec perde son pouvoir de négociation; qu’il n’ait plus sa capacité d’intervenir collectivement pour se protéger, qu’il n’ait plus assez de votes pour infléchir les politiques.
Malheureusement les commentateurs des grands journaux estiment qu’il n’y a pas, là, de grave problème national pour la nation. Pour eux, du reste, il n’y a jamais de problème. L’immigration ne peut plus être intégré? Celle-ci passe culturellement à l’anglais? Pas de problème! Montréal devient anglaise? «Ya rien là»!
Il me parait évident que le Canada anglais voit venir ce tournant de notre déconfiture historique. Le statut de minorité ethnique «comme une autre» pour définir les Québec ferait son affaire! Le premier ministre du Canada, du reste ne se sent plus obligé d’acheter les votes du Québec en déversant des millions pour les rêves d’arénas des maires!
Mais cette affaire n’a pas que des conséquences locales. Elle a de l’intérêt sur le plan international. La présence d’une nation française bien identifiée en Amérique du Nord donne une couleur au continent tout autant que le Mexique enrichit ce même continent par sa présence espagnole. L’uniformité culturelle a moins bon goût que la diversité.
Quoi qu’il en soit il me paraît évident qu’une disparition ou un affaiblissement du bloc de députés québécois au parlement fédéral sera le signe d’un affaissement de la culture franco-québécoise en Amérique. Ce groupe est en quelque sorte le miroir d’une collectivité certes, mais il est aussi un mur protecteur. Il permet au Parlement de Québec de songer à prendre les mesures vitales qui s’imposent pour stopper la pente glissante sur laquelle la démographie québécoise est engagée.
Je sais que ces opinions semblent radicales. Mais elles sont radicales au sens d’aller à la racine des choses. Pour passer à travers, comme on dit, il faut voir la réalité en face et prendre les moyens qu’il faut pour vivre.