Archives quotidiennes : 19 juin 2011

Le Réseau de la Vérité

N.B:  Ce texte a été publié en 1998. Je crois qu’il est temps de le diffuser plus largement, car à mon avis le mensonge sur la situation en Libye et la censure presque totale sur ce qui se passe aujourd’hui en Grèce et en Espagne et les crises nucléaires signifient que le danger qu’il annonçait est désormais imminent. On ne peut espérer que le Système continuera longtemps à permettre que l’Internet sabote les efforts des médias quasi unanimement engagés dans la phase finale de la désinformation. Il est temps d’être tous prêts à nous informer les uns les autres.

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Les avancées de la science et de la technologie nous étonnent souvent, nous déçoivent parfois mais, paradoxalement, elles nous rendent toujours un peu plus vulnérables, puisqu’elles nous rendent chaque fois un peu plus dépendants des nouveaux outils qu’elles nous offrent et de ceux qui savent les manier.

Il ne faut pas s’en plaindre, car c’est cette interdépendance accrue que nous avons les uns envers les autres dans un système complexe qui rend indispensables de nouvelles catégories de travailleurs, ceux-ci acquérant du même coup une égalité sociale qui resterait un voeu pieux si cette indispensabilité ne leur apportait la force de la faire respecter. C’est ainsi que viendra la démocratie, avec cette interdépendance qui rendra un large consensus incontournable. Vivement le progrès, donc, mais il ne faut jamais oublier cette fragilité croissante d’un système qui devient de plus en plus complexe, ni la vulnérabilité de chacun de nous à l’intérieur de ce système.

Prenez l’Internet, par exemple. En 1992, quand je proposais de mettre en place un système qui permettrait au « monde ordinaire » de diffuser la nouvelle que le Système occultait et les opinions qui n’avaient pas droit de cité (Texte 124), les moyens qu’il fallait déployer pour donner à chacun son droit de parole étaient encore bien compliqués. Aujourd’hui, tout le monde, grâce à l’Internet, peut avoir son tour au micro et il est même tout à fait concevable que le plus clair des communications entre l’État et le citoyen soient désormais acheminées par ce canal.

Merveilleuse, l’ubiquité de l’Internet, mais potentiellement dangereuse puisque la structure technique qui sous-tend l’Internet n’est pas un cadeau divin mais un outil que le Système a bien en main et qu’il contrôle à volonté. Il ne faut jamais oublier que le supposé anonymat des communications sur Internet est un leurre et un piège à cons.

Il n’est pas ridicule de penser que la grande liberté des communications sur Internet ait, entre autres buts, celui de débusquer, d’identifier et de ficher à l’échelle planétaire l’ensemble des séditieux et des contestataires même les plus vélléitaires du Système. Quand ce but aura été atteint – disons quand d’un milliard d’utilisateurs réguliers, dans 10 ans, *on aura trié le million qui pensent vraiment et les cent millions d’insatisfaits qui pourraient leur prêter l’oreille – il y a fort à parier que la « liberté » de l’Internet deviendra officiellement une liberté surveillée.

Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas profiter au maximum de l’Internet pour diffuser aujourd’hui des idées de réforme; mais il faut être bien conscient qu’il s’agit d’un risque calculé et que les jours pour le faire sont comptés. Comment le Système traitera les contestataires quand il les aura identifiés reste à voir, comme il serait évidemment inopportun de discuter « hic et nunc » des moyens dont pourront alors disposer ceux-ci pour se prémunir. Il n’est pas trop tôt, cependant, pour établir une solution de rechange à l’Internet comme voie de communication.

La solution de rechange à la voie hypertechnique de l’Internet doit naturellement être, autant que faire se peut, une solution simple, à l’abri du sabotage et du contrôle de ceux qui gèrent l’infrastructure technique de la société. Il faut en chercher le modèle loin dans le passé, au temps de l’Eglise des catacombes

Il faut établir un Réseau de la Vérité. On peut garantir la diffusion efficace de toute nouvelle et de toute idée de changement que le Système veut cacher en assumant, chacun de nous, la responsabilité d’informer dix (10) personnes de tout ce qui apparaît politiquement signifiant mais n’est pas couvert par les médias. Des faits, d’abord, mais aussi les opinions qui sont systématiquement occultées. Transmettre la vérité à dix personnes. Aujourd’hui par courriel, mais aussi, à la moindre défaillance du Web, quelle que soit l’excuse alléguée, par téléphone et demain par l’ancestrale méthode du bouche à oreille. Ce qui vaut pour les rumeurs les plus folles ne vaut-il pas au moins tout autant pour la vérité? Et personne ne peut arrêter le message qu’un nombre suffisant d’individus décident ainsi de transmettre.

Attention ! Il ne s’agit pas ici de créer un club-pyramide de la conspiration. Il s’agit de transmettre indéfectiblement la vérité significative qu’on apprend et qui ne fait pas les manchettes à des gens qu’on connaît bien, à des gens qui peuvent nous faire confiance. Il s’agit que ceux-ci fassent de même, le plus vite possible. Il s’agit de recevoir et de transmettre le plus rapidement possible les faits et les idées que le Système ne veut pas que nous sachions.

Transmettre à des amis, à des gens qu’on respecte et dont on sait qu’ils ont une conscience politique, sans égard à leurs opinions. Il serait contre-productif, en effet, de chercher à n’inscrire à la liste des 10 personnes que l’on informe que des gens qui partagent les mêmes idées que soi: on ne ferait qu’accélérer le travail du Système pour identifier tous ceux dont la pensée n’est pas « correcte ». Au contraire, il faut informer impartialement – mais tout de suite et sans solution de continuité – les dix personnes dont on croit que, quelles que soient leurs opinions actuelles, elles ont l’honnêteté, l’intelligence et l’intérêt requis pour apprécier les faits, former leur propre jugement et agir selon leur conscience.

Quand le Système commencera à s’écarter de plus en plus grossièrement de la vérité, ce sont ces gens de bonne volonté qui aujourd’hui « donnent la chance au coureur » qui s’inscriront en faux contre le Système et, discrètement, commenceront à poser les gestes nécessaires pour que les choses changent.

Il est possible qu’une Nouvelle Société advienne incessament dans le sillage d’une crise financiére irrépressible; il est possible, aussi, qu’elle naisse à court terme d’une action politique ou d’une prise de conscience, par ceux qui en ont le pouvoir de le faire, de la necessité de modifier radicalement les règles du jeux. Cette prise de conscience arrivera d’autant plus vite que sera mis continuellement en évidence le fossé entre la réalité et le discours politique dominant actuel.

Contribuez à la diffusion de la vérité. Prenez la résolution d’avertir IMMÉDIATEMENT dix (10) personnes – toujours les mêmes – de chaque mensonge du système et de chaque nouvelle escamotée par les médias, demandant à ces dix personnes de relayer cette information vers dix autres personnes de leur choix et de vous en aviser si elles-mêmes connaissent de quelques faits significatifs ou d’idées porteuses de changement. De se questionner, aussi, si vous cessez brusquement de les informer sans explications.

En prenant cette résolution et en la respectant, vous créez aujourd’hui, et surtout pour demain, un réseau infrangible d’information. Un réseau efficace, car si vous réagissez en dix minutes et de même ceux que vous avertissez et ainsi de suite, c’est en principe un million de personnes qui ont été informées dans l’heure qui suit !

Il faut assurer la transparence de l’information et doter la société d’un réseau de communications qui ne puisse être brisé. Ç’est là une condition essentielle, non seulement pour qu’arrive une Nouvelle Société mais aussi pour que cette société soit soumise dès le départ, comme il se doit, à l’examen vigilant et constant de la population. .

Pierre JC Allard

* NB:  Ce texte a été publié  en 1998. Le milliard d’utilisateurs a été atteint en 2006


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Pari de Dostoïevski

Yan Barcelo, 19 juin 2011

J’ai traité dans les quelques chroniques précédentes de deux paris : celui, fameux, de Pascal, et celui que j’ai appelé le pari de survie. Ces deux paris opèrent en quelque sorte sur le modèle du « quitte ou double ». Dans le pari de Pascal, si je mise sur Dieu, j’ai un bien infini à gagner : la béatitude divine. Si je ne mise pas sur Dieu, je suis quitte : je me replie sur mes quelques jouissances terrestres en tâchant de m’épargner autant que faire se peut les souffrances qui sont aussi le lot de nos pérégrinations terrestres.

Dans le pari de survie, si je mise sur le parcours secret d’une âme en cette vie et après cette vie, j’ai tout avantage à sonder la conscience morale et à adopter des façons d’être et d’agir irréprochables, car des choix malveillants que je ferai maintenant peuvent porter à conséquence fort longtemps. Par ailleurs, si je ne mise pas sur un tel parcours, suis-je quitte ? Est-il suffisant et cohérent de penser que le parcours d’une vie, bouclé par une mort radicale et définitive, me laisse quitte ? Je fais ma petite affaire tant bien que mal, en tâchant de faire mieux que mal, et je veille à extraire de cette vie le plus de bons moments possibles en évitant, autant que faire se peut, les mauvais moments ? Suis-je quitte ?

Pas certain. Notre époque a fait le pari de non-Dieu et de la non-survie. Bien sûr, les préoccupations de Dieu et d’une après-vie ne sont pas, aujourd’hui, complètement effacées, mais elles ont définitivement été mises à la marge. Notre époque fait un autre pari, celui que le grand écrivain Fyodor Dostoïevski formule dans son roman Les frères Karamazov : « Si Dieu n’existe pas, alors tout est permis », dit un des personnages principaux. Dostoïevski ne le précise pas, mais on peut soupçonner que lorsqu’il dit « tout est permis », il veut surtout dire que « le pire est permis ». Et je vais aller plus loin que Dostoïevski : si Dieu n’existe pas, il ne peut que nous rester le pire, de plus en plus.

Bien sûr, notre époque n’en croit rien. Nous croyons que, devant les grandes alternatives métaphysiques que nous proposent les paris de Dieu et de l’après-vie, faire l’évacuation de Dieu et de l’après-vie nous laisse quitte. Il suffit d’effacer ces grandes illusions qui ont tenu l’humanité en sujétion pendant des millénaires et voilà, nous gagnons la Terre, nous tombons dans le programme du philosophe Nietzsche de la transvaluation des valeurs, par-delà le bien et le mal. En fait, nous renversons les termes des paris de Pascal et de l’après-vie. Avec ces paris métaphysiques, nous perdions tout et nous ne le savions pas. En oubliant ces chimères, nous gagnons tout : le sens de l’unicité absolue de cette vie individuelle abolie dans l’éternel recommencement de la Vie.

En réalité, nous oublions combien le programme nietzschéen qui inaugure notre ère postmoderne tient à une vision hautement mystique, qui est aussi exigeante finalement que n’importe quelle ascèse d’un sage hindou ou d’un saint chrétien. Dans une grande mesure, elle est d’une même nature. Mais notre tiédeur nous le fait oublier, commodément.

Bien sûr, nous tenons encore à la morale. Il le faut bien. Sinon, ce serait le bordel, n’est-ce pas ? Mais cette morale est « humaniste », elle est le fruit d’un acte de raison convenu entre nous tous, les humains de bonne volonté. Elle est la mesure de l’homme, mesure de toutes choses. C’est pourquoi, on préfère évidemment parler d’éthique : le code moral semble ainsi délesté des vieilles contraintes et strangulations de la « morale » d’antan. Nous jugeons qu’il suffit de nous rallier autour de quelques valeurs communes engoncées dans des chartes constitutionnelles et des déclarations de droits et libertés : égalité, démocratie, individualisme, universalité. Il n’y a plus de bien ou de mal, il n’y a que ce qui est sain ou malade. Il n’y a plus de justice divine secrète et mystérieuse, il n’y a que le droit, les tribunaux, la poursuite et la défense. Il n’y a plus de communauté spirituelle qui unit les êtres dans des obligations et devoirs dictés par une loi naturelle et un ordre divin, il n’y a que des contrats et des ententes consentis entre des individus libres et autonomes.

Laissez faire que dans ce « monde », sur cette « Terre » encapsulée sur elle-même, 90% des crimes les plus malveillants n’atteignent jamais la « lumière » des tribunaux. Laissez faire que les puissants et les riches sont plus égaux que les autres et ont accès plus facilement à la « justice ». Non, notre credo éthique, hérité du siècle des Lumières, nous mène à croire qu’il s’agit tout au plus de quelques difficultés de parcours, de quelques blocages politiques ou administratifs qu’il suffit de surmonter et d’aplanir entre nous au cours des prochaines années, des prochains siècles, des prochains millénaires. À la rigueur, si quelques-uns s’impatientent, on peut soupçonner qu’ils auront recours, comme ce fut déjà le cas, aux armes de la terreur et des goulags pour forcer le consentement de tous aux béatitudes du grand avènement démocratique…

Or, il est paradoxal que cet idéal d’humanisme qui anime les classes intellectuelles, surtout du côté des agnostiques et des athées, est issu de notre héritage chrétien commun. Les penseurs à l’époque des Lumières (Montesquieu, Voltaire, Diderot, Rousseau) ont en quelque sorte extrait la substantifique moelle de cet héritage et l’ont laïcisé. On a conservé les valeurs précieuses des droits, de la raison, de l’égalité, de l’individu, et on les a mises en éprouvette, bien à l’abri de la terre fondatrice de la foi chrétienne dans lesquelles elles s’enracinaient. On a séparé le bon grain de l’ivraie. Croit-on.

Et maintenant, on vit dans l’attente que le meilleur advienne comme conséquence inéluctable de cette fine distillation des valeurs humanistes. Mais on se leurre. En isolant les valeurs humanistes de leur terre nourricière chrétienne, on les a condamnées à faner et à s’assécher. Devant les grands principes de justice, d’égalité et de vérité acquis par la triple avancée du judéo-gréco-christianisme, la synthèse de ce triple héritage s’étant opérée dans le creuset chrétien, se dresse maintenant le grand principe pré-chrétien et maître du monde avant l’avènement du Christ, un principe dont Nietzsche a été le chantre : celui de la force. Sur la base de ce principe, la vérité est celle du plus fort, l’égalité est dissoute et la justice n’est plus qu’un pugilat entre puissants. Chevauchant ce principe, le pire est à venir. Il est déjà en chemin depuis plus d’un siècle. Il prend tout particulièrement la forme de trois grandes religions contemporaines : l’hédonisme triomphant, la totale marchandisation des choses et des personnes dans la logique du libre marché globalisé où le principe de plaisir est instrumentalisé, et le matérialisme scientiste.

C’est sur la logique de ces trois grands rouleaux compresseurs idéologiques que j’élaborerai dans ma prochaine chronique.

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Classé dans Actualité, Yan Barcelo