L’État grec, après avoir essuyé la dette privée des banquiers; après avoir subventionné les armateurs endettés; après avoir épongé le déficit de l’industrie touristique; après avoir dilapidé 160 milliards de dollars pour acheter de l’armement se trouva fort dépourvu lorsque la crise monétaire fut venue (1). Plus de revenus pour fournir les services convenus (pourtant moins de 4 % du budget grec est consacré à l’éducation) et d’immenses besoins financiers pour rembourser ces dettes privées soudainement étatisées. Qu’à cela ne tienne, le peuple grec fut inculpé de duplicité, accusé de frauder le fisc et soupçonné de se traîner les pieds pour renflouer les riches affamés.
Le premier ministre « socialiste » Papandréou se prosterna au guichet de l’assistance internationale afin d’obtenir un prêt de la nouvelle pythie du FMI. Après remontrances, celle-ci s’exécuta non sans exiger – les dettes privées étant maintenant socialisées – que les actifs étatiques soient dorénavant privatisés. Le cerbère promit de sévir et de matraquer sans pitié tous ceux qui refuseraient de rembourser de leurs deniers cette dette collectivisée. La guerre de classe venait de s’envenimer.
Ici à Athènes – Place Syntagma – l’avenir du monde capitaliste est remis en cause. Le travail et le capital s’affrontent sans fard, sans utopie « démocratique » bourgeoise, directement, face à face, et l’un des deux devra peut-être disparaître pour que l’autre survive.
La révolte populaire pourrait tourner à la révolution, non pas parce que quelques « bobos » sont venus crier leur émoi et leur effroi devant le soulèvement acharné des classes opprimées face aux banquiers indifférents au sort fait aux petits-bourgeois chagrinés de perdre leurs privilèges momentanés – ces « bobos » irrésolus à sacrifier leurs biens pour sauver la société « démocratique » qu’ils ont tant aimée et qui les a reniés. La grande bourgeoise a autre chose à faire que de sauver ces sous-fifres dociles. C’est aux petits-bourgeois de marquer leur allégeance et de manifester leur foi indéfectible dans ce système « démocratique bourgeois » qui leur a tant donné et qui aujourd’hui menace de tout reprendre.
Alors les « bobos » font leur travail et crient au rétablissement de leurs privilèges usurpés. Il y a quelques années l’Argentine a vécu ce calvaire et aujourd’hui encore elle peine à rétablir les privilèges des « bobos », des aristocrates syndicaux et de toute cette coterie de collaborateurs chargés de protéger le système capitaliste de la colère populaire. Tous ceux-là, la grande bourgeoise les récompensera s’ils parviennent à apaiser la grogne de la rue. Le pourront-ils, le sauront-ils ? Ils s’y emploient pourtant, déclenchant une grève de ci de là (la moins longue possible), mais la conscience de classe est ici trop aiguisée pour que les « bobos » puissent se déliter en toute tranquillité. Les jeunes et les travailleurs sont enragés; ils s’attaquent aux temples de la renommée et s’en prennent au cénacle de la propriété privée (2).
Les ouvriers, les jeunes, les travailleurs salariés, même ceux qui ont été dupés par des bureaucrates syndicaux vendus, se laissent de moins en moins berner par les discours pour réconcilier. Tous comprennent que la grande échauffourée, l’ultime bataille, est engagée, non pas à Benghazi ni à Tripoli, non pas au Caire ni à Tunis, mais ici, à Athènes, où le prolétariat grec fait face seul, mains nues, à toute la réaction mondiale impérialiste, non pas pour obtenir le droit ridicule de « voter » pour le polichinelle qui liquidera leurs revendications de classe, mais pour s’emparer des rênes du pouvoir d’État afin de construire un autre monde, radicalement différent du précédent. Nous sommes ici au cœur de l’affrontement entre le monde du travail et le monde du capital, l’ultime contradiction, sans fard, sans retenue, sans faux-fuyant, la confrontation suprême entre deux univers irréconciliables, irréductibles, antagonistes, une révolution pour la vie ou pour la mort du peuple grec.
C’est ici à Athènes que cette nouvelle altercation historique commence par une bataille sur le front économique. Sauront-ils en faire une lutte politique révolutionnaire pour la conquête du pouvoir d’État ? Qui représente ici le futur ? Le capital décadent et ses sbires élus « pseudo démocratiquement » ou le travail et ses représentants populaires, issus de ses rangs, et prêts à mourir pour le futur, pour la classe ouvrière et pour le peuple grec ?
Le roi est nu, il s’expose ici à Athènes, en plein cœur de la patrie de l’esclavagisme libertaire et de la démocratie aristocratique; il dévoile son vilain visage d’exploiteur et de spoliateur esclavagiste. Il n’est pas étonnant que l’histoire ait décidé que la révolte populaire de masse – en Occident – débuterait ici au Pirée, la patrie des penseurs esclavagistes du siècle des lumières aristocratiques. Comme la petite bourgeoise leur tiendra rigueur à ces jeunes de ne s’inspirer ni de Socrate, ni d’Aristote, ni de Sophocle, ni de Démosthène, ni de leurs Dieux vengeurs !
Le monde a fait de grand progrès depuis cette époque révolue. Aujourd’hui une nouvelle classe révolutionnaire se dresse face à l’histoire pour réclamer son dû, le pouvoir d’État, le renversement de l’ancienne classe bourgeoise dégénérée qui doit maintenant faire place au nouveau Jupiter populaire. L’oracle aura dit vrai, l’histoire de l’humanité progresse, camarades Grecs « Voici la rose, dansez ». Dansez pour que, juchés sur les barricades de la liberté et de la dignité, nous puissions admirer votre ballet révolté. Quand viendra notre tour, saurons-nous chausser vos grands souliers ?
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(1) De 2005 à 2008, la Grèce a doublé la valeur de ses emprunts pour payer des armes dont elle n’avait pas besoin. Selon une recherche conjointe de juges grecs et allemands, les vendeurs d’armes ont utilisé la corruption pour s’assurer la collaboration d’importants hommes politiques, de fonctionnaires et de chefs militaires. L’argent emprunté pour acheter ces armes vient des mêmes pays d’où proviennent les armes, soit les États-Unis, la France et l’Allemagne. De 2005 à 2008, les prêts consentis à la Grèce pour l’ensemble de ses obligations ont atteint la somme astronomique de 160 000 millions de dollars. Pour un pays de 11 millions d’habitants c’est peu dire. Avec cet argent la Grèce a amplement de quoi payer la facture de 3000 millions de dollars en hélicoptères de combat français, 2000 millions de dollars en avions de combat étasuniens, plus ou moins le même montant pour les avions Mirage français et presque le triple en sous-marins allemands. http://www.legrandsoir.info/l-endettement-de-la-grece-au-profit-des-industries-militaires.html
La «démocratie» serait née en Grèce, et dès son origine elle a fait faillite en permettant aux ploutocrates d’instaurer la dictature de la finance et l’esclavage par la dette…
Cruelle répétition de l’Histoire, la «démocratie» – soi-disant le moins pire des systèmes politiques, comme aime à le prétendre une propagande serinée, avec une constance de bénédictin, aux peuples gavés d’âneries -, qui porte en elle sa propre autodestruction, se rejoue à l’identique le scénario original.
Elle devait libérer les peuples opprimés et permettre l’avènement des lendemains joyeux, rayonnants et pleins de richesses équitablement partagées, elle se révèle être le marche-pied des ploutocrates à la cupidité sans bornes, qui pour être rassasiée demande asservissement et dictature.
L’enfer restera durablement pavé de bonnes intentions, et la «démocratie» un leurre pour les benêts à l’angélisme égalitaire et «altruiste» croyant encore à cette vieille lune qui veut que la richesse se partage, alors que ce n’est que la pauvreté qui se distribue comme les petits pains….
Les grecs ont inventés la « démocratie », la forme modernisé du servage et de l’esclavage des damnés de la terre.
Les Grecs sont les précurseurs de ce que la «démocratie» apporte et apportera toujours à ceux qui persistent à prendre des vessies pour des lanternes, et des promesses pour de l’argent comptant. Elle n’est que le vice de la cupidité drapé dans la toge d’une apparente vertu, car pour que le vice accède au pouvoir et y reste durablement, il doit, comme le loup du petit chaperon rouge, se déguiser en mère-grand, et les moutons de votants qui ne voient pas plus loin que cul des moutons qui les précèdent, suivent aveuglément en bêlant : MACHIN président ! Jusqu’au saut dans le précipice final….
Félicitations pour cet article pertinent et éclairé.
Voici un autre peuple trahi par ses élites et pas seulement les très riches. Par exemple, il y a quelques années les professions libérales (médecins, avocats, architectes) déclaraient moins de revenus annuels que les retraités et travailleurs cotisés à la source. Quant au système capitaliste, s’il n’est pas bridé serré par l’état, il est ce qui se rapproche le plus du banditisme.
Pourquoi certains articles ne sont-ils pas signés? Il faut souvent qu’on aille voir jusque dans les « Tags » pour savoir qui est l’auteur. Celui-ci par exemple, il est de qui? Merci!
Ça sent le Sylvain Guillemette.
C’est un texte de Robert Bibeau.
Merci!
J’étais pas loin. Ça explique l’association assassine entre ‘esclavagisme’ et ‘libertaire’.
Généralement, dans ce type d’affrontement, ceux qui possèdent les meilleures armes gagnent la guerre. Comme les Grecs n’ont aucune arme, on va leur souhaiter bonne chance. Ils vont en avoir besoin.
La confrontation n’est pas une solution. La solution, c’est de cesser de participer au système.
Par ailleurs, pas besoin de regarder bien loin pour voir un pays s’endetter au profit du complexe militaire industriel.
Le Canada est un très bel exemple. La stratégie ‘Le Canada d’abord’ prévoit consacrer 500 milliards $ à la défense au cours des 20 prochaines années. En plus, on prévoit utiliser cette nouvelle capacité au Canada…auprès de la population civile.
Ça promet. Mais continuons quand même à discuter. Passes-moi le popcorn.
Ça va être notre tour bientôt!
80% de la population veulent une enquête sur la corruption et il ne se passe rien!
40 milliards sont volatilisé a la CDP, une enquête très sérieuse devrait avoir lieu et il ne se passe rien!
Les médias sont controlés par 2 groupes, la planète est a la dérive et ils ne disent rien!
Les droits et les acquis des travailleurs sont bafoués et les syndicats ne font rien!
Nos gouvernements gaspille notre argent pour engraisser les banksters, les zélites et personne ne dit rien!
D’ici 4 ans ils vont nous enchainer pour de bons en nous implantant une puce (RFID). C’est ce que vous voulez pour les générations futures. Continuons comme ca et ne faisons rien!