Archives quotidiennes : 7 août 2011

La dette ? Mais payez-la, Bon Dieu !

 

 

On vit dans un monde d’images et de symboles, de croquemitaines et de fantômes. Ainsi, les USA sont à vivre une terrible déprime, parce qu’on leur dit qu’on ne croira plus qu’ils peuvent rembourser leur dette… Ah bon ! Vraiment ? Avec les nouvelles règles qu’ils se sont eux-mêmes imposées, après un psychodrame télévisuel loufoque qui a duré des jours, les Américains vont sans doute bientôt devoir environ USD $ 15 000 000 000 000, (que j’appelerai ci dessous 15 trillions (15 T), n’en déplaise à l’Académie qui voudrait que je parle de milliers de milliards)

Revenant aux choses sérieuses, 15 trillions est beaucoup d’argent, bien sûr, mais ne disons pas de bêtises. On évalue les actifs des USA à 59 trillions de dollars. C’est environ 4 fois le montant de sa dette. On ne fait pas faillite parce qu’on est endetté du quart de son patrimoine. C’est sans doute le moment, toutefois de se demander à quoi on joue. Aux USA, aujourd’hui, on joue a nier la réalité et à se faire peur.

Il faut comprendre d’où sort cette dette. Le systeme capitaliste américain, basé sur la production et la consommation d’un masse de biens industriels, a compris depuis Roosevelt qu’il ne survivrait pas sans que les consommateurs aient l’argent nécessaire pour acheter ce qui est produit. Il n’était pas possible de permettre une concentration de la richesse qui ne garderait plus la demande effective.

De « libéral » au sens strict, le système est donc devenu « néolibéral », reprenant et donnant aux « Perdants » du jeu de la production la part de l’argent des Gagnants nécessaire pour que les roues continuent de tourner. Après l’échec d’abord du Fascisme puis du Communisme, on en a fait autant dans tous les autres pays développés. Par la fiscalité, les services sociaux et autres mécanismes de « péréquation » au sens littéral du terme, on a ajusté l’offre et la demande de biens et services pour que cette dernière soit effective.

Évidemment c’est du socialisme, mais aux USA on préfère ne pas le dire trop fort, pour ne pas choquer la population qu’on a convaincue de ne PAS vouloir partager. On a donc mesquiné plus qu’ailleurs sur la part du travailleur au moment du partage du revenu découlant de la production. On a calculé sa part au plus serré, de sorte qu’année après année, on ne lui a pas donné ce qu’il fallait pour que sa demande soit parfaitement effective.

Il n’en fallait pas moins que la production soit entièrement vendue, sans quoi ce n’est pas seulement la valeur de l’excédent non vendu que perdrait le producteur; c’est son captal investi dans la production qui ne vaudrait plus rien s’il apparaissait que la demande serait insuffisante pour que ses produits s’écoulent à profit.

Comment rendre la demande effective ? La réponse qui saute au yeux est de payer davantage les travailleurs qui sont l’essentiel des consommateurs. Mais les Capitalistes ne voulaient pas du tout. Les payer plus ? Vous rigolez ! Si on ne va pas chercher tout ce qu’on peut, on ne s’amuse plus !

Comment concilier, alors, que le revenu du consommateur reste bas, mais qu’il achète de plus en plus ? Simple. ON LUI OFFRE UN CREDIT ! Au lieu de rémunérer justement son travail, on va PRÊTER de l’argent aux consommateurs jusqu’à ce que leur demande soit effective. On va leur faire crédit.

Cet argent qu’on leur prête vient naturellement de ceux qui ont plus d’argent que de besoins à satisfaire. Les « Gagnants » du jeu… Comment convaincre les Gagnants de prêter leur argent ? En leur offrant un intérêt; en leur disant qu’on leur donnera plus dans un an ou dans dix ans. Le Gagnant inscrit sa créance dans ses livres et il est heureux: il a gagné plus !

Il a sacrifié un pouvoir de consommer immédiat dont il n‘avait pas besoin, en échange d’un bout de papier qui confirme qu’il a gagné davantage. On passe dans un monde d’IMAGES ET DE SYMBOLES. La dette que crée le credit passe à la Banque, puis à l’État et le jeu continue…

Mais il y a un os. Les biens consommés ne sont plus là. Le travailleur à qui l’on a prêté les a VRAIMENT consommés, car il en avait besoin. Si le débiteur remboursait sa dette, le créancier verrait qu’il n’y a plus rien à acheter avec cet argent. On peut compliquer indéfiniment l’équation – on enseigne comment le faire à Harvard et ailleurs – mais si on la simplifie et qu’on supprime les parenthèses il ne reste que des biens réels qui ont la valeur de leur utilité…. Et du papier.

Du papier qui atteste la propriété d’une richesse fantôme et qui concède le POUVOIR, mais seulement si on maintient la foi du charbonnier qu’ont les débiteurs en ce que disent les médias et la crainte révérentielle envers les riches qui subsiste d’une époque préindustrielle où il y avait pénurie plutôt qu’abondance. Si la confiance disparait, on risque l’anarchie. La société peut exploser en individus dont chacun voudra s’occuper de ces affaires « à la Tea Party », mais aussi peut-être regler ses comptes « à la Kackzynski ». Si ça commence, nos enfants n’en verront pas la fin de leur vivant.

Aujourd’hui, la confiance craque Pourquoi et a cause de qui est une autre histoire, dont nous parlerons un autre fois, mais il y a un problème urgent à régler. La solution est simple et facile : REMBOURSER LA DETTE. Il faut le faire en se souvenant que cette dette représente l’écart entre ce qu’il aurait fallu payer au travailleur pour rendre la demande effective et ce qu’on lui a versé. Doivent la rembourser ceux qui en ont profité.

On rembourse donc la dette en imputant à chaque citoyen ou personne morale sa quote-part de la dette publique, au prorata de sa richesse La dette publique des USA est d’environ 15 T (USD$ 15 000 000 000 000) et la valeurs totale du patrimoine d’environ 60 T. On peut faire les calculs exacts sur Internet, mais on n’en est pas à un milliard près. Si on réclame de chacun 25% de ses actifs, on peut rembourser intégralement la dette. Et ce n’est pas une coïncidence si ceux qui rembourseront seront largement les même que ceux qu’on remboursera..

Les détenteurs de la dette seront remboursés par ceux qui détiennent la richesse. Ceux qui n’ont rien ne payent rien. Injuste ? Simple constat de l’évidence que vouloir réclamer des pauvres est une mauvaise plaisanterie. Ceux qui n’ont rien que leur travail à donner ne rembourseront rien, car tout ce qu’on leur donne pour leur travail est le minimum indispensable pour consommer ce qui est produit et qui doit être consommé. Si on triche, la structure industrielle s’effondre et les riches n’ont plus en main que des monceaux de ferraille pour produire des biens qui ne se vendent pas et des liasses de papiers-créances.

C’est la même classe socio-économique qui remboursera et qui sera remboursée – sauf la dette aux détenteurs étrangers qui exigera une autre négociation – mais il y aura des ajustements. Tous les nantis ne sont pas également exposés à la dette publique, mais ils doivent tous en supporter le fardeau au prorata de leur richesse. Une perte pour certains, mais entre riches on se prête les uns les autres; c’est une partie importante du jeu…. Et ils auront tous une paix sociale qui risquerait autrement de devenir une illusion.

Ceux qui ont beaucoup, bien sûr, feront les frais de l’opération à la hauteur de leur richesse, mais n’oublions pas que cette richesse s’est accumulée en sous-payant le travail…. ce qui a été la cause principale du credit consenti pour équilibrer la consommation a la production. Y a-t-il d’ailleurs vraiment une autre solution ?

Tout se fera en douceur, car la dette est une série d’échéances à rencontrer. Si l’État reprend son pouvoir régalien de battre monnaie – comme il devrait le faire – la perception de la taxe sur le capital pour rembourser la dette n’aura pas à se plier aux échéances de remboursement ce celle-ci. Une inflation sagement contrôlée pourra permettre les ajustements qui semblent opportuns.

De plus, même si l’imputation aux contribuables est immédiate, le paiement de leur contribution à l’État peut être fixé sur 5 ans, 10 ans, voire plus… en échange d’un intérêt à payer sur le solde. Ne serait-il pas jouissif qu’au lieu d’une dette publique sur laquelle les citoyens payent des intérêt, l’État dispose désormais d’une CRÉANCE sur ses citoyens bien nantis qui constituerait pour tous une rente ?

Pierre JC Allard

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Le capitalisme intellectuel – 1

Yan Barcelo, 7 août 2011

Au début du siècle, une compagnie américaine aux prises avec une grosse pièce de machinerie défectueuse avait fait appel aux services de plusieurs techniciens pour la réparer, mais en vain. On décida donc de faire venir de l’autre bout du pays le plus éminent spécialiste de la profession.

Celui-ci se présente quelques jours plus tard avec une toute petite trousse d’outils. Il fait lentement le tour de la machine, écoutant ici, frappant du poing là, collant son oreille contre la paroi ailleurs. Au bout de quinze minutes, il ouvre une petite porte, sort un marteau, donne un coup, referme la porte, et indique qu’on peut remettre la machine en marche, ce qu’on fait aux yeux ébahis de tout le monde présent.

Quelques semaines plus tard, le directeur de la production reçoit une facture du spécialiste au montant, très élevé pour l’époque, de 1000$. Quelque peu contrarié, le directeur retourne la facture en demandant au spécialiste d’expliquer dans le détail ce qui peut justifier une note aussi élevée. Après tout, écrit-il au spécialiste, « vous n’avez été ici que trente minutes au plus et vous n’avez donné qu’un seul coup de marteau ». Quelques semaines plus tard, une nouvelle facture arrive, toujours au montant de 1000$, cette fois avec les détails requis :

  • Coup de marteau : 5,00$
  • Pour avoir su où donner le coup de marteau : 995$
  • Total : 1000$

Voilà exprimée en une facture succincte l’essence de cette nouvelle créature qui prend un peu plus forme chaque jour sous nos yeux : le capitalisme intellectuel.

Il faut dire que la valeur de la connaissance dans l’équation économique n’a pas attendu le troisième millénaire pour se manifester. Voilà des siècles, par exemple, que les cavaliers montaient des chevaux, mais l’individu anonyme qui a inventé l’étrier a permis au cavalier de se dresser sur sa bête et, devenu ainsi indépendant, de décocher ses flèches avec une précision et une rapidité inconnues jusque-là. C’est l’invention qui a permis, par exemple, à Genghis Khan de monter la plus formidable machine de guerre et de constituer le plus vaste empire terrestre que l’histoire ait connus.

Au tournant du siècle, avec l’avènement des laboratoires privés, comme ceux d’Edison et de Marie et Pierre Curie, la connaissance a pris un nouveau tournant : on en a soudain constaté l’immense valeur économique et on a entrepris de l’industrialiser. On a également commencé à mettre en place les grands bureaux de brevets qui permettaient, en quelque sorte, d’ériger une clôture invisible autour d’un territoire de connaissance pour en préserver l’exclusivité.

Pendant tout le vingtième siècle, bien qu’on savait que la connaissance avait son importance, on a continué de croire que le capital financier et les actifs immobilisés constituaient l’essentiel de la valeur économique. Et c’était vrai dans une certaine mesure, car les actifs financiers et les immobilisations étaient les choses les plus rares et les plus chères ; la connaissance elle, était plutôt bon marché.

La fin du XXe siècle et ce début du 3e millénaire nous apportent une nouvelle réalisation : la plus grande valeur, c’est la connaissance. Il en fut d’ailleurs toujours ainsi, mais nous ne nous en rendions pas tout à fait compte. Nous pensions, obscurément, que si la caravelle était supérieure à la galère, l’arquebuse à l’arbalète, cela tenait en quelque sorte à la matière et aux matériaux mis en jeu. Illusion. La caravelle est supérieure à la galère par son concept, et rien d’autre ; l’organisation des matériaux procède ensuite de ce concept.

Cette « illusion matérielle » nous a poursuivis très longtemps. Jusqu’au début des années 1990, c’est à une telle illusion que succombaient, par exemple, les grandes banques canadiennes qui refusaient encore de financer les entreprises de logiciel sous prétexte que leur seul actif véritable était la disquette de 2,00$ sur laquelle le code du logiciel était inscrit. Que le logiciel puisse commander des ventes de dizaines de millions dans le marché ne voulait rien dire.

Mais les entreprises et le monde financier ont commencé à voir de plus en plus la lumière, ce qui donne jour à présent au capitalisme intellectuel. La raison en est finalement fort simple : les composantes conceptuelles de pans entiers de l’économie sont devenues tellement importantes qu’on ne pouvait plus manquer de les voir. Dans l’ancienne économie, il y avait beaucoup d’éléments matériels collés à un peu de connaissance. On pouvait donc comprendre que les gens gardent les yeux fixés sur les éléments matériels et négligent la teneur en connaissance. Aujourd’hui on trouve beaucoup de connaissances collées souvent à un peu de matière. C’est le cas de pilules en pharmaceutique, de puces en électroniques, de réseaux optiques en télécommunications.

(Je vous invite à laisser des commentaires, toutefois, je ne pourrai y répondre avant le 15 août. )

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