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Lecture athéologique 3

Yan Barcelo, 18 septembre 2011

 (J’ai entamé la semaine dernière une critique du Traité d’athéologie, du philosophe Michel Onfray, dont je poursuis ici le troisième volet).

Ce que Michel Onfray et ses acolytes athéologues d’obédience matérialiste manquent de comprendre, c’est qu’un des premiers attributs du plaisir est son impatience, car il est dominé par la pulsion. L’appel du plaisir exige sa pitance, et vite. Et c’est la tragédie fondamentale du credo athée (ou est-ce une myopie voulue) : l’exigence immédiate du plaisir exercée par une minorité contribue à miner la possibilité de plaisir pour la majorité.

La crise financière et économique qui sévit depuis 2007 en est l’illustration exaltée. L’avidité grotesque de Wall Street et de presque tout le monde financier s’affiche comme la fable morale de notre époque athée. Le frein de la conscience morale est grippé et ne fonctionne plus. À quoi avons-nous alors affaire? À une bande d’adolescents attardés incapables de retenir leur pulsion de plaisir et prêts à toutes les contorsions intellectuelles et morales pour le satisfaire. Et quelle est le garant ultime et « sacré » de la satisfaction du plaisir? L’ARGENT. Voilà l’« impensé impensable » d’une morale athée.

Lisez bien les écrits de Nietzsche, à la fois Christ et Saint-Paul de l’athéisme contemporain. Nous avons affaire là à une pensée foncièrement élitiste, une idéologie qui se rattache au vieux monde païen et pré-chrétien où la vertu première était la force. Et comme par hasard, c’est la vertu cardinale à laquelle souscrit Nietzsche. Ce dictat de la force appelle un ordre simple et cohérent : le faible doit être tout en bas de la pyramide sociale et surtout ne pas troubler les élites qui, elles, se donnent les moyens de leurs plaisirs en accaparant avidement tous les moyens de production de l’argent.

Consciemment – et plus probablement inconsciemment – le programme athéologue d’Onfray est celui d’élites oligarchiques qui ne veulent plus s’encombrer de freins moraux ou religieux, qui veulent être auto-justifiés de s’emparer de tout ce qui leur passe sous la main.

Entretemps, les fondements de notre civilisation s’émiettent et celle-ci s’enfonce imperceptiblement, inexorablement. Pour ma part, c’est dans les traits de caractère et les vertus des citoyens eux-mêmes que je vois les signes de cette lente destruction.

Aucune civilisation ne s’est construite sur des visions à court terme. Les « arrière-mondes » que tente de démanteler Onfray peuplaient l’horizon et justifiaient les efforts à long terme des peuples. On était prêt à sacrifier le plaisir immédiat pour un plus grand bien : l’éducation des enfants, la recherche d’un médicament, la mise en place d’un système politique plus juste, etc. Cette multitude d’actions, fruit d’un labeur patient et dévoué, trouvait son point d’ancrage dans un horizon très lointain, un ciel promis, qui justifiait ultimement tous les sacrifices et les douleurs du parcours. La culture privilégiait forcément les vertus de la longue durée : la persévérance, l’effort, l’endurance, la patience, l’humilité, la tempérance, le stoïcisme, la charité.

Enlevez cet horizon, il reste quoi? Le présent? Ce serait formidable, mais très-très peu de gens ont la force et l’endurance du réel présent. Non, ce qui reste, c’est le court terme, la revendication du plaisir ici et maintenant, et avec cela, toutes les nouvelles « vertus » que les cultures traditionnelles voyaient comme des faiblesses : le refus de l’effort, le mépris de l’intellectualité, la mollesse, l’obésité, l’indécision, l’indignation revendicatrice, l’avidité et la compulsion.

Le programme athéologique d’Onfray est un leurre. Il ne fait finalement rien de plus que saccager les monuments du passé en se réclamant de nouvelles valeurs et de nouvelles vertus qui n’en sont pas, ou qui sont d’autant plus illusoires qu’elles sont, dans ses propres termes, « impensées et impensables ». Voici déjà 100 ans que l’Occident s’est engagé sur la voie athéologique tracée par d’autres, dont Onfray n’est qu’un arpenteur tardif, et elle nous mène à la ruine.

Le salut ne repose pas dans cette stratégie de terre brûlée qui ne dit pas son nom. Il est dans la redécouverte de Dieu et de notre héritage chrétien, qui demeure l’héritage le plus original et le plus unique à avoir surgi dans toute l’histoire humaine.

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