Quand les jeunes bobos que le Club Med amene en Grèce pour y retrouver l’esprit de Byron font la croisiere-excursion à Mykonos, on leur fait chanter « Haut-les mains » sur le pont du rafiot, histoire de les préparer au pire, puis les G.O les remettent sur le quai entre les mains palpeuses ou avides des vendeurs de breloques ou de rêves, avec quelques admonestations. « Ne ratez pas les lions de Delos !… Ne buvez pas d’eau fraîche !… Écrivez à vos amis…Le jeune bobo docile visite trois ou quatre boutiques, laisse tomber les lions parce que la houle le fatigue, coupe son ouzo d’eau embouteillée Loutraki, puis écrit des cartes postales… Pour les lions, il écrira qu’il les a vus; quand on a les images, toutes ces vieilleries se ressemblent. Pour les cartes postales ? N’importe quoi, mais dire en P.S qu’il fait beau.
Brel disait que les toros s’ennuient le dimanche… Mais qu’est-ce qu’on fait en France, les dimanches de primaires, pour retrouver l’esprit de Jaures ? Peut-on laisser tomber les éléphants – toutes ces vieilleries se ressemblent – et se risquer à des idées fraîches ? Que non ! Dans un premier temps, il faut bouter hors du frigo l’eau Montebourg et tout ce qui n’est pas stérile et en bouteille. Ensuite, s’en remettre aux Gentils Organisateurs qui conduiront au meilleur vendeur de breloques. Juste ne pas oublier de dire en post-scriptum qu’on est socialiste…
16 octobre 2011, hold-up consommé et passage à la déchiquetteuse de la « pensée de Gauche ». Hollande, c’est un pas vers le Centre et donc un pas vers la victoire. Il fait beau au PS. Mais pour ceux qui font de l’arithmétique, ca laisse un peu songeur…
Songeur, parce que la « Gauche de la Gauche » – qu’on croyait moribonde et que Melenchon devait aller enterrer après un baroud d’honneur – renaît avec Montebourg, qui n’a pas une tronche assez stalinienne pour faire peur, faisant craindre que le vote du PS ne se scinde bien plus également qu’on ne l’aurait cru entre ceux qui ne font que parler de socialisme et ceux qui en voudraient tout de même un peu. Un repartage qui change tout…
Vous pouvez deviner ce qui se passera, en mai 2012, si tous ceux au PS qui sentent que la limite de la Gauche passe entre eux et Hollande votent pour Melenchon et que les Gauchistes en France se répartissent également entre PS et Front des Gauches ?
Si vous avez répondu « Oui », mettez le bonnet d’âne, car on manque encore de données pour résoudre cette équation… Mais on peut déjà identifier deux (2) scénarios, dépendant de deux (2) grandes inconnues qui pourraient faire une différence.
La première inconnue, c’est la possible émergence météorique au Centre d’un candidat présidentiel crédible. On ne réalise pas à quel point, avec l’internet et le discrédit des médias, l’électorat est devenu volatil. Au Québec, il y a quelques mois, 50 % des électeurs ont modifié leur intention de vote dans les deux (2) dernières semaines de la campagne électorale !
Et ça, sans même une événement déclencheur significatif. On a changé pour changer. On manquait d’idées neuves, d’espoirs de progrès, d’admiration et même de respect pour les leaders en place… Une étincelle qu’on ne peut même pas identifier a mis le feu à ce maquis qui était trop sec. L’internet a été le mistral qui a fait le reste. Toute la « sagesse politique conventionnelle » a brulé.
C’EST LA MÊME CONJONCTURE QUI PRÉVAUT AUJOURD’HUI EN FRANCE.
Une occurrence encore plus plausible en France, car alors que le Premier Ministre canadien est ce qui ressemble le plus a un dictateur dans nos démocraties, la séparation des pouvoirs entre l’Assemblée et le Président, en France, permet en principe de séparer ce dernier du quotidien et de l’intendance. De l’élire sur la base de grands principes et donc de voter avec son cœur. De chercher, surtout, un homme qui soit un arbitre au-dessus des partis.
C’est ce que voulait de Gaulle. C’est la création d’un parti comme l’UMP, systématiquement inféodé au Président, qui est un dévoiement évident de l’esprit de la Cinquième République. Il suffit donc d’un moment de réflexion, pour que le citoyen se fasse une toute autre idée de la Présidence et ne cherche plus à la confier à un homme prisonnier d’un idéologie, mais à un libre-penseur politique.
Où vivent les libres-penseurs politiques? Le métacentre de la pensée politique citoyenne en France est au Centre-droit. C’est là que le poids des intérêts acquis intersecte la ligne des pressions sociales. Joly, Bayrou, Cohn-Bendit, Villepin, Borloo, Asselineau, Dupont-Aignan et d’autres… Une campagne médiatique ou un simple engouement découlant d’une déclaration ou d’un geste populaire peut en transformer l’un ou l’autre en une » jument verte« , en un Parsifal, et en faire un favori »: un Golem qui bouffera crû les Sarkozy et Hollande dont le charisme est, disons… imparfait.
La deuxième inconnue, c’est la réaction des Puissants, des « 147 » commanditaires de l’ordre établi qui sont le vrai pouvoir et donc aujourd’hui derrière l’UMP. Si Nicolas Sarkozy ne remonte pas dans les sondages, ON pourrait lui suggérer de prendre – « pour raison de santé », ou cédant aux objurgations de son épouse – la retraite bien méritée à laquelle il ne s’est pas caché d’aspirer.
On verrait alors toute la géniale stratégie de la droite qui, en concentrant depuis des années toutes la critique sur le bouc émissaire-chef Sarkozy et quelques figures emblématiques de la corruption ou de la bêtise, a laissé pratiquement vierge le dossier de l’UMP. Qui est vraiment faché contre Fillon ou Copé … ou n’importe qui de la Droite qui n’est pas mouillé dans un scandale? La seule Droite méchante, c’est Le Pen, tout le monde l’a dit…. Imaginez la superbe ironie si l’UMP organisait des primaires…
Deux scénarios surprenants ne sont donc pas à écarter. a) Celui d’un candidat hors-parti – comme Assalineau apportant sa compétence ou Villepin apportant son charisme – apparaissant de nulle part pour saisir la présidence sur un coup de coeur des Français; b) Celui d’une UMP se donnant un autre candidat … et apparaissant cyniquement comme un « renouveau sans rupture » pour faire suite à la rupture… sans renouveau.
Avec ces scénarios et les inconnues qui les sous-tendent, avec les canons « Segolene » et « Montebourg » en libre déferlante sur le pont, avec son candidat Hollande (rose beige vraiment très pâle), on se demande ce que que va faire maintenant le PS pour demeurer intéressant cet hiver. Sera-t-il même au deuxième tour en 2012 ?
Si j’écrivais ce soir à maman, de Mykonos, je dirais qu’il semble faire beau, mais qu’il y a une méchante meltemi qui pousse les nuages à l’horizon… Je jurerais, surtout, que PS veut dire « Post Scriptum » et pas autre chose. Car au-dela des mots, on ne sent pas de socialisme dans l’air rue Solférino.
Pierre JC Allard