Archives quotidiennes : 18 octobre 2011

Vieillesse à l’horizon!!!

-Salut!

-Salut.

-Tu fais quoi?

-Je me prépare à partir.

-Tu vas où?

-J’sais pas… Dans le nord.

– Tu vas y faire quoi?

-Je verrai bien rendu là-bas.

-Qu’est-ce qui se passe? Tu déprimes?

-Peut-être; mais si c’est le cas, ça fait longtemps que je déprime.

-Ça n’a pas de sens; tu es retraité. Tu es libre de faire ce que tu veux. Tu as deux véhicules, une auto et un camion, pour aller où tu veux. Tu ne manques de rien. Pourquoi déprimerais-tu?

-C’est très exact que je ne suis pas mal barré; mais ça me donne quoi? Je reste dans mon sous-sol, devant mon écran à écrire et lire toute la journée.

-Et ce n’est pas ce que tu veux faire?

-C’est plutôt tout ce que j’ai la possibilité de faire. Je suis comme « mis à l’écart ». J’ai vécu, j’ai travaillé et, aujourd’hui, je dois me contenter de regarder mes enfants se débattre pour faire la même chose que j’ai fait, d’une façon différente, sans pouvoir m’en mêler.

-C’est leur vie à eux. Tu ne peux pas la vivre à leur place.

-C’est bien évident; mais je me rends compte que j’en suis au même point que mon père, et que mes enfants en seront au même point que moi dans quelques dizaines d’années.

-Tu n’es pas du tout au même point que ton père. Lui, il jouait au golf quatre fois par semaine et tu ne joues pas du tout au golf. De plus, je suis convaincu que tes enfants ne passeront pas leur journée dans un sous-sol, à écrire et lire, devant leur écran d’ordinateur lorsqu’ils seront retraités.

-Là tu as parfaitement raison; mais si mon père jouait au golf, c’est parce qu’il n’avait pas autre chose à faire. Autrement dit, il était dans la même situation que moi et il se « désennuyait » comme il le pouvait. Mes enfants feront exactement la même chose que nous, le jour venu. Ils devront trouver quelque chose à faire pour briser leur ennui.

-Mas tu t’ennuis de quoi, au juste?

-Je m’ennuis de…la vie ; je pense.

-La vie??? Mais tu es vivant, en bonne santé et tu fais ce que tu veux. C’est pas ça « la Vie »?

-Je me le demande, justement. J’ai l’impression que ce n’est pas vraiment ça. Il y manque quelque chose.

-Il y manque quoi?

-Je ne sais pas vraiment. Peut-être qu’il y manque l’entourage de mes enfants. Je ne parviens pas à vouloir autre chose que de les voir vivre, d’assister à leur vie et peut-être, même, produire certains moments de bonheur qui les entourent tout en étant là lorsqu’ils passent de mauvaises périodes. Je n’aime pas être relégué « hors de ma famille ».

-Est-ce qu’ils t’ont relégué hors de leur vie?

-Pas vraiment, non. Évidemment, ils sont très occupés à vivre leur vie, à gagner les moyens de survivre et à s’occuper à rendre cette vie agréable. Enfin de compte, ils n’ont pas beaucoup de temps libres. C’est pourquoi, je ne les vois pas souvent.

-Je ne te comprends pas. Tes enfants sont bien installés, ils ont une vie bien remplie, ils performent dans la société, et tu te plaints du manque de leur « présence ». Ils ne peuvent pas être partout à la fois!!! Et, surtout, ils n’ont pas à s’ajouter l’obligation de s’occuper de tes « petites humeurs moroses ».

-Je ne demande pas qu’on s’occupe de mes humeurs « moroses »; en fait, je ne demande absolument rien. Je ne fais que constater que ma vie est « hors circuit ».

-« Hors circuit ». Tu n’as pas d’amis?

-Si; quelques-uns. Mais je les vois très peu eux-aussi. C’est comme si je manquais « d’étourdissement ». En n’étant plus « occupé » à me débattre, je vois les autres « galoper » dans leur vie, en devinant un peu où cela mène.

-Est-il possible que ce soit toi qui te mets « hors circuit » toi-même?

-C’est une possibilité; mais je ne peux certainement pas m’imposer dans la vie de ceux qui m’entourent.  Il y a assez que je m’obstine à téléphoner à mes enfants en ayant l’impression, presqu’à chaque fois, de les déranger, tellement ils sont occupés.

-Je pense que tu fais erreur. Ton rôle n’est plus d’agir pour ceux que tu aimes, mais de les regarder agir en souhaitant qu’ils réussissent.

-Qu’ils réussissent quoi?

-Qu’ils réussissent à vivre selon ce que tu leur as inculqué et ce qu’ils en ont comprit. Tu ne peux pas faire plus. C’est d’ailleurs la seule chose que tu pourrais avoir réussit toi-même dans ta vie.

-Tu veux dire : Leur avoir fournit un apprentissage plus ou moins consciemment, qui leur permet, aujourd’hui, de performer dans leur propre vie?

-Exactement.

-J’espère bien que c’est ce que j’ai réussi. Mais je pense qu’il faudrait le faire comprendre à tous ces « vieux » qui sont relégués dans des « maisons de retraites » et qui ne reçoivent aucune nouvelle, ni aucune visite, de leurs enfants.

-Que veux-tu que l’on y fasse? Les raisons derrière cette apparence de désintéressement envers leurs parents sont innombrables. Ces vieux sont quand même chanceux de pouvoir recevoir l’attention des préposés.

-Donc, en résumé, tu réussis ta vie et tu finis dans une maison de vieux où des « préposés » se fendent en quatre pour te faire bouffer du gruau insipide, t’obliger à porter des souliers rectificateurs pour tes pieds, te refuser de pouvoir mettre ta vieille veste de laine dans laquelle tu te sens bien et te bourrer de pilules pour, soit t’empêcher de déféquer dans ton lit ou, encore, de t’obliger à aller au toilette deux fois par jour.

-Arrête! Les préposés sont là pour s’assurer que les vieillards aient une qualité de vie acceptable. C’est là leur mission.

-C’est bien ce que je disais; mais, « acceptable »…pour qui. C’est là ma question.

-Alors, c’est ça qui te turlupine. Tu as peur de te retrouver dans une « maison de vieux »?

-Ça ne risque pas de m’arriver puisque je m’en vais dans le nord.

-Il y a des maisons de vieux dans le nord; tout comme ici.

-Pas où je vais. C’est trop au Nord.

-Mais tu vas y crever, mon vieux!

-J’ai le droit de crever où je veux et comme je veux, non?

-C’est pas certain.

Amicalement

André Lefebvre

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