Archives quotidiennes : 3 novembre 2011

Le manifeste d’espoir de Mme David

 
 

La présidente du parti Québec solidaire, Mme Françoise David vient de publier un petit livre, une sorte de manifeste (De colère et d’espoir) qu’il est bon d’étudier et de méditer. C’est le texte d’une personne libre qui donne avec clarté et détermination sa pensée au sujet des choix que le Québec doit faire pour vivre ou, comme certains le pensent, pour ‘survivre’. Car l’avenir de ce peuple québécois est loin d’être assuré : sa proportion diminue par rapport à la population canadienne (il ne compte plus que pour 22 p. cent des citoyens);  la langue et la culture en tout cas ne paraissent  pas faire de grands bonds en avant et les coutumes politiques ne sont pas emballantes (pour le moment du moins).

Il faut méditer le texte car il se pourrait bien que Mme David (qui n’est pas encore élue) et son unique coresponsable  (récemment élu député, lui, à l’assemblée nationale du Québec, ce bouillant Amir Kahdir) pourraient bien prendre le pouvoir.  Mais oui! Si l’on songe que les Québécois ont quasiment pris le pouvoir (d’opposition) au gouvernement fédéral, il y a juste un petit moment, par le moyen d’un parti de gauche canadien anglais (le NPD) on peut croire que tout est possible maintenant. Le changement pour le changement n’est-ce pas?

Le parti de Mme David est effectivement de gauche comme on dit; et de gauche radicale, ce qui a son côté rafraichissant : pensons au flot de paroles creuses qui inonde le paysage politique québécois pas les temps qui courent; aux tergiversations paralysantes de notre temps! Mme David ne passe pas par quatre chemins : ‘le Québec, dit-elle en commentant la question des fameuses écoles dites ‘passerelles’ (vers l’anglais) doit vivre pleinement et s’épanouir jusqu’à se donner un pays’. Son parti, en somme, est ‘de plusieurs couleurs’ il est ‘féministe, de la justice sociale, écologiste et souverainiste’.  Je précise ici que les mots indépendance nationale et république ne sont pas utilisés dans le manifeste, mais passons. Il faudra préciser!

Quant à moi, qui suis un extrémiste du centre, il se peut que je ne sois pas le meilleur juge d’une politique radicale. Toutefois on me permettra quelques réflexions en toute bonhomie. D’abord Mme David, si elle est élue, rendra de grands services au Québec, que celui-ci devienne ‘souverain’ ou pas. En effet, c’est la première fois dans toute l’histoire du Québec qu’un personnage politique aborde la question de la BEAUTÉ. ‘C’est si important, dit-elle, d’avoir accès à la beauté, si inspirant… Ici au Québec, précise-t-elle, accordons nous l’importance qu’ils méritent à l’architecture, à la conservation du patrimoine, aux paysages? Je me désole de l’enlaidissement que nous acceptons tacitement chaque fois que des centres commerciaux, de plus en plus imposants, s’installent à l’entrée de nos villes. Tous pareils, tous laids’. Bravo! Il faut comprendre, ici, que Québec solidaire donnerait de l’importance au planning urbain… ce qui ne serait pas un luxe.

Par ailleurs, Mme David se passionne pour la culture québécoise.  C’est évident dans toutes les lignes et entre toutes les lignes. Il s’agit d’un nationalisme (reconnu) mais ‘inclusif’. L’ouverture de Mme David à la différence, aux différences est sans réserve. Elle accepte l’’interculturalisme (pour se différencier du multiculturalisme) comme un ‘choix québécois’ . Le Québec que j’aime, dit-elle, ‘a peu à voir avec le bon vieux nationalisme de Duplessis’.

Il s’ensuit que l’ouverture à l’autre est sans réserve. La politique d’immigration de la dernière décennie, selon laquelle 50,000 immigrants sont admis par année est pour elle parfaitement acceptable car les ‘personnes immigrantes’ ne forment que 11 p. cent de la population du Québec. Ce serait moins qu’ailleurs notamment en Australie et aux États-Unis. Il me semble que cela est discutable. Car les immigrants ne viennent pas au Québec; ils viennent à Montréal! Et nous savons qu’à Montréal la moitié de ces immigrants parlent anglais à la maison – la moitié des Montréalais, du reste, parle anglais à la maison! Des spécialistes de la démographi e estiment que 50,000 immigrants à Montréal c’est le double du seuil au-delà duquel il devient impossible d’intégrer les communautés. Mais passons, ce problème difficile pourra peut-être se résoudre avec le temps. Il n’en comporte pas moins ici une contradiction : un Montréal anglais ne rendrait-il pas l’objectif ‘de se donner un pays’ impossible à réaliser? Mme David estime, néanmoins, qu’une politique linguistique cohérente pour franciser les milieux de travail’ aiderait les choses… probablement.

Hormis cette question fondamentale les propositions de Mme David emballeront les citoyens qui n’ont pas peur du changement. Pourrions-nous,  ainsi, ’revoir les mécanismes de rémunération des médecins payés majoritairement à l’acte’? Ne pourrions- nous pas investir massivement – pour les vieux – ‘dans la construction de logements adaptés, dans des centres communautaires’. Ne pourrions- nous  pas ‘ramener au secteur public les enfants de la classe moyenne’ et cesser de subventionner – graduellement – les écoles privées? Et le reste….

Au total le manifeste de Mme David est une bouffée de bons sens et d’idéaux louables objectifs dont les québécois ont bien besoin par les temps de leur morne politique. Je ne suis pas d’accord avec elle quand elle nous dit que les ‘collectivités locales’ (les municipalités) devraient obtenir des responsabilités qu’elles ‘assumeraient mieux qu’un État centralisé’.  Cela pourrait s’avérer en certains domaines restreints, mais pour ce qui concerne l’aménagement territorial et l’architecture c’est l’État central qui devra agir. Mais ceci pourrait se régler par des  accommodements, comme on dit, et les portes de la vie ne sont certes pas fermées.

Jean-Pierre Bonhomme

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