Archives quotidiennes : 4 décembre 2011

Mon chat est mort; la culture de l’arnaque

 
 

 
 
Aujourd’hui je vais vous parler de ce qui est le plus important au monde. De ce qui nous intéresse plus que tout. Hélas, je vais devoir vous dire que ça ne va pas tres bien sur ce front.  Mais reprenons au commencement.

Quand les Romains flânaient aux bains, testant de l’orteil la température du tépidarium,  ils philosophaient…  Les BHL de l’époque jasaient sans doute des mêmes platitudes qui, 2 000 auparavant, avaient passionné les Sumériens.    « Les femmes ont-elles une âme, et si oui, dites pourquoi ? »   Ou encore : « Quelle est la plus cruciale, la plus captivante la plus accaparante des relations dans lesquelles s’investit l’être humain, faire l’amour ou faire la guerre ? » Qu’est-ce qui est le plus important ?

Pour l’âme des femmes, rien n’a changé. Le débat fait rage, plus féroce que jamais depuis qu’elles en ont elles-mêmes pris charge.  Pour ce qui passionne le plus l’être humain, cependant, j’ai réfléchi.  Je crois que le plus important ce n’est pas de se faire l’amour ou la guerre. C’est plus bête que ça. Je crois qu’on fait tout pour ne pas l’avouer, mais que, ce qui nous  fascine le plus, c’est de rouler le voisin dans la farine, pour se dire que même si le destin nous traite comme des minus, on n’est pas si sot puis qu’il y a plus sot que soi. Comme la fourmi de Lafontaine qui « trouvait le ciron trop petit ».

Tant qu’il y a eu des gros pour se moquer grossièrement des petits à leur face même  – et des petits pour en faire autant des gros dans leur dos, non sans une certaine petitesse – ce grand désir de blouser son prochain est demeuré un divertissement.  Mais la démocratie est venue…

En démocratie, on s’est retrouvé entre sociétaires présumés égaux qui avions besoin les uns des autres et devions nous compléter. Alors on a cessé de seulement s’amuser à s’arnaquer : chercher à profiter les uns des autres est devenu un mode de vie.

Dans une société tertiaire, où presque tout le travail ne consiste plus en production, mais en échanges, tirer plus de chaque échange en donnant moins est devenu le BUT de la vie.  On a créé une société mercantile. On fait du commerce. La guerre est au service du business et l’amour est sa récompense.  On se passe la vie à tenter d’abuser du voisin. C’est le jeu.

Ça peut être une joute de l’esprit, comme acheter un tapis au Bazar à Istanbul ou un Van Gogh chez Sotheby.  Ça peut être une forme de passe-temps pour les gens simples, pour la ménagère qui, promos en main, va de Wal-mart à Carrefour en cherchant « le meilleur prix » comme on chercherait le Graal.   Ça peut aussi être l’obsession du mec qui va rouler une heure pour économiser un euro sur un plein d’essence. Un jeu.

Ça peut être tout ça, mais ça peut être plus grave.  Ça peut être l’omniprésente mise en boîte dont est victime le consommateur qui ne sait vraiment plus comment se défendre, dans un monde ou produire et consommer sont les deux faces du seul jeu qui compte et auquel où nous sommes tous devenus incompétents.

Vivre en société, c’est avant tout pouvoir jouir de la compétence de l’autre en lui offrant la sienne…   Mais qui va déterminer les termes d’échange, quand on ne connaît rien de la valeur de ce qu’offre l’autre, sauf le besoin qu’on en a, et que TOUT LE MONDE ne cherche qu’à en abuser ?

Des économistes parlent d’une « main invisible » qui, d’essais en erreurs, mène aux ajustements du lit à Procuste ou de Procuste au lit, mais le processus est long et n’est pas sans coût ni douleur…

Il y a d’abord les ajustements qui déterminent finalement le prix de vente de tout  « sur le marché », en optimisant le rendement pour le vendeur qui est fonction de ce prix et du volume de la demande rendue effective a ce prix.   Vraiment ?  Mais il faut se demander à quel jeu lubrique se livre parfois la « main invisible »…

Est-ce qu’elle ne triche pas quand, pour tirer un max de tous, elle segmente le  sacro saint « marché » en mini-marchés, de sorte qu’un médicament puisse  se vendre 5 ou 10 fois plus cher aux USA  ou en France qu’au Mexique ou au Congo par exemple ?  Ou que le type qui occupe le siège à côté du vôtre dans l’avion puisse l’avoir payé trois fois moins cher que vous ? Le marché triche

Le marché triche, mais ce n’est pas le plus grave.   Le  plus grave, c’est l’inconscience et l’irresponsabilité  nonchalamment revendiquée de quidam lambda qui a accepté, comme un acte de foi, que le but de la vie dans une société mercantile est de blouser tout le monde.

Car il n’y a  pas que le prix des choses, il y a leur qualité sur laquelle on triche. Et c’est plus facile, surtout quand on parle de services plutôt que de biens.   Plus facile, mais aussi plus grave s’il y a des dangers liés à l’utilisation d’un bien ou d’un service et que le vendeur, tout occupé à vous soutirer tout ce qu’il peut, néglige de vous en faire part.

Exemple récent, qui a fait du bruit sur Internet.  FULGATOR un fabricant de pesticides, a vendu un produit réputé anodin pour  se débarrasser des puces à une acheteuse de bonne foi … dont les deux chats sont morts dans les deux jours suivants !   Émoi, protestation… Réponse du fabricant qu’on interpelle : « à vous de vous renseigner sur les effets du produit que vous achetez… »

Les Romains avaient déjà ce principe que c’est à l’acheteur de se protéger. CAVEAT EMPTOR !  L’admission brutale que chacun est là pour abuser de vous et que c’est à vous de prendre garde. Mais cette attitude est bien dangereuse.

Dangereuse ici pour les chats, mais dangereuse aussi pour les irresponsables qui vendent ce genre de choses et donnent ce genre de réponses, car seul un long investissement dans la prière et le yoga  peuvent faire que le propriétaire des chats n’ait  pas à lutter contre la pulsion de rendre immédiatement indispensable l’usage d’une double prothèse dentaire à celui qui lui a fait cette réponse.

Dangereuse pour tout le monde, car l’irresponsabilité et l’absence de toute conscience professionelle sont les fléaux de notre société de consommatiom.  Le consommateur est continuellement arnaqué à l’extrême limite de ce qu’il peut l’être.

Se protéger soi-même… Mais dans le monde complexe où nous vivons, cela n’est plus possible.  Puis-je surveiller les relations de mon médecin avec toutes les compagnies pharmaceutiques ?   Celles de mon avocat avec toutes les entreprises avec lesquelles je pourrais faire des affaires ?  Est-ce que je puis vérifier ce qu’ont mis dans mes aliments tous ceux qui y ont eu accès ?

La main invisible  ne nous protège pas du désir universel de tous d’abuser de nous… Alors on demande à l’État de le faire. J’ai expliqué déjà en détail, comment ce serait possible. On le fera sans doute. Mais ça ne règlera pas tout.  On ne sera jamais à l’abri du psychopathe qui ne voit pas comment vous pouvez éprouver un sentiment pour un chat, ni pourquoi ce sentiment pourrait interférer avec son désir, legitimé par notre société, de vous prendre tout l’argent qu’il peut.

Est-ce que nous voulons  vraiment que l’ultime résultat de notre tradition judéo-chrétienne soit cet affrontement cauteleux, hypocrite, incessant entre tout le monde et chacun pour arracher à l’autre un dernier centime ?

Le pourrissement de la relation entre nous tous est exponentiel et cette question ne restera donc pas sans réponse bien longtemps. Si notre civilisation n’y apporte pas la bonne réponse notre civilisation disparaîtra. Et elle l’aura mérité.

Pierre JC Allard

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Les prisonniers qu’on ne voit jamais

Les fantômes de nos prisons

Au pénitencier fédéral, il y a quelques prisonniers qu’on ne voit pratiquement jamais. Il évite de sortir de leur cellule sauf en cas de nécessité, uniquement.

Jean-Pierre Bellemare, prison de Cowansville. Dossier Prison

sexualite-prison-sexe-prisonnier-pénitencierPlusieurs raisons expliquent ce comportement, la plus commune est la peur qu’il porte en eux d’être jugé une seconde fois par un tribunal carcéral qui ne fait dans la dentelle.

Les auteurs de crime crapuleux qui furent sévèrement invectivés par la population, risque un second traitement plus corsé par leurs codétenus car les corrections finissent parfois en véritables boucheries. En gang, les détenus ont la fâcheuse tendance à la compétitivité dans leur méchanceté.

Prison et psychiatrisés

Il existe un autre groupe de détenus qui tentent de passer entre le mur et la peinture, ce sont les psychiatrisés. Ils ne sont pas des auteurs de crimes crapuleux, mais leur crainte incontrôlable de l’univers carcéral les angoisse. Emprisonnés à l’intérieur d’une enceinte de prison, ils en fabriquent une seconde dans leur tête, là ou il est impossible de s’évader.

centre-jeunesse-prison-dpj-systeme-carceral-prisonnier-penitencierUn reportage dénonçant les conditions de détentions qu’aurait vécu Simon Marshall lors de sa détention au pénitencier résume très bien ce phénomène.

Simon Marshall

Solitaire et sans défense Simon fut: battu, volé et agressé de manière presque journalière par ses codétenus. Ce jeune autisme, accusé à tort d’être un violeur en série, fut libéré de toutes accusations après une vérification de son ADN, (très tardive, qui fut exécutée seulement à sa seconde condamnation), ce qui le disculpa de toute accusation criminelle. Il fut libéré d’un pénitencier puis interné en psychiatrie. Il n’y a jamais eu de commission d’enquête sur tous ceux qui avaient participé à cette affaire qui s’est révélé un véritable fiasco judiciaire. Donc, tout est encore en place pour que ce reproduise ce genre d’incident.

Combien de fois j’ai vu un détenu détourner l’attention de sa petite personne, en ridiculisant ou abusant d’un cas psychiatrisé en l’utilisant comme bouc émissaire. Ils sont des cibles idéales pour des détenus aveuglés par leur propre ignorance.

Folie et prison

Qu’il n’en déplaise à l’honorable Pierre-Hugues Boisvenu, plusieurs cas psychiatrisés le deviennent suite à une série d’épreuves qui sont au-dessus de leurs capacités: perte d’emploi, divorce, infidélité, faillite, cancer, deuil, accident. Hé oui! Ces évènements entraînent parfois des gens dans la folie et aujourd’hui la folie est criminalisée.

Qui voudrait défendre ces condamnés, ils ne rapportent rien aux avocats et encore moins à la société. Quel lobby pourrait subsister avec une clientèle aussi peu recommandable? Pour ceux qui vivent avec une sécurité d’emploi en acier, ainsi qu’une immunité relier à l’exercice de leur fonction… ce sont des concepts qui échappent à leur entendement… j’imagine.

Gambler et prison

Il existe aussi ceux qui ont des problèmes de jeux. Ceux-là vivent leur passion jusqu’au bout de leur capacité, mental, monétaire et physique. Ils ne vivent que pour gagner ce qu’ils ont déjà perdu. C’est une course en rond qui ne se termine jamais, semblable au chien courant après sa queue, alors que celle-ci restera inaccessible tant et aussi longtemps qu’il n’acceptera pas de faire la coupure.

Cette compulsion est aussi puissance et vicieuse qu’une drogue dure avec des conséquences tout aussi tragique. Nous ne les voyons jamais. Il s’enferme dans une salle à carte ou à l’intérieur de leur cellule pour s’abandonner à leur vice. Ils s’endettent en empruntant à tous et chacun, souhaitant de toutes leurs forces récupérées leur mise initiale. Cette mise étant un retour vers l’équilibre restera inaccessible tant et aussi longtemps que leur pari sera placé dans une pensée magique que les loteries exploitent aux détriments des plus pauvres, mais cela est un autre sujet.

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Classé dans Actualité, Raymond Viger