Que signifie le mot subversion?
Ce mot «subversion» est facilement lancé par les instances gouvernementales chinoises à toute personne qui menace la prétendue harmonie de leur système. Sa signification? Action visant à saper les valeurs et les institutions établies. Ainsi, ce que l’on comprend dans un premier temps, c’est que ce gouvernement s’abroge le droit de penser correctement, lui seul, et dans un deuxième temps, de punir toute personne qui pense différemment. Il y a de la peur là-dessous. Détruire très fort pour ne pas être controversé.
L’être humain est fait pour penser librement. S’il n’a pas d’opinions, c’est son droit. Mais s’il en a, c’est aussi son droit de les exprimer.
Un autre procès pour Ni Yulan et son mari Dong Jiqin
J’ai été profondément attristée de voir aux nouvelles de TV5 la militante chinoise des droits de l’homme, Ni Yulan, sortir péniblement de la tente qu’elle occupe avec son mari Dong Jiqin et qui leur sert de résidence depuis leur détention du printemps dernier. On pouvait voir Madame Ni Yulan pliée en deux, incapable de se tenir droite, avancer péniblement. Son mari l’aida à prendre place dans un fauteuil roulant. Le couple se rendait à leur procès.
Madame Ni Yulan ne s’est pas encore remise de sa première incarcération en 2002 où elle est sortie un an plus tard très diminuée. Elle souffre depuis de sérieux problèmes respiratoires, et selon Amnistie, ses pieds et ses rotules ont été brisés suite aux mauvais traitements subis en prison. En 2008, elle est enfermée de nouveau pendant deux ans.
Le procès du couple s’est tenu le jeudi 28 décembre 2011 – quelques jours avant la nouvelle année – à Pékin. Après plus de quatre heures de procès, aucune sentence n’a été prononcée. Le verdict a été repoussé à une date non-précisée. Il faut dire aussi que ce procès s’est déroulé sous haute surveillance. Même les sympathisants les plus chers au couple ont vu leur accès au tribunal bloqué. Certains des pétitionnaires et militants qui se sont déplacés ont été enfermés le temps du procès dans le commissariat le plus proche! On imagine la mise en scène complexe déployée par les autorités chinoises pour éviter tout contact entre les accusés et les citoyens favorables à leur cause!
MAIS QU’ONT-ILS FAIT?
Depuis le printemps dernier, le couple a été jugé pour plusieurs délits. Écoutons un porte-parole du tribunal nous énumérer la liste des méfaits. «Mme Ni et M. Dong ont été accusés de «provoquer des troubles», de «détruire des biens publics et privés» et «d’abuser d’autres personnes de manière répétée avec des circonstances aggravantes.» «Ni Yulan a également été accusée de fraude et de fabrication de faits.»
Remontons dans le temps jusqu’en 2002, au moment où Ni Yulan, avocate et militante du droit au logement, se débat contre les expropriations à Pékin, d’abord pour sa propre maison, et celle d’autres personnes. Elle n’est pas la seule d’ailleurs à résister. Elle encourage les autres petits propriétaires à se défendre.
Alors qu’en 2002, elle filme la démolition d’une maison à Pékin, elle est amenée par les autorités au poste de police le plus proche et torturée pendant plusieurs jours, lui brisant les pieds et les rotules. Ses blessures sont si graves qu’aujourd’hui encore elle est en chaise roulante, tel que mentionné ci-dessus dans l’article. Par la suite, lorsqu’elle a essayé de déposer une requête auprès des autorités au sujet des coups qu’elle avait reçus, elle fut arrêtée, et rendue coupable d’«entrave à l’action des agents de l’état», et condamnée à une année d’emprisonnement. Son mari ne fut pas autorisé à assister au procès. Ni Yulan est rayée du barreau. Plus tard, on lui reprochera de se faire passer pour avocate et d’inventer des histoires de persécution pour attirer la sympathie à sa cause. Dans les villes, la terre relevant de la propriété de l’État, Ni Yulan, avocate luttant contre les expulsions de la vieille ville de Pékin, est accusée de porter atteinte à la propriété de l’État. Dong Jiqin dénonce l’absence de compensation ou de négociation et l’absence de jugement public.
En 2003, libérée, elle continue à militer en faveur des droits des personnes dont les logements risquaient la démolition, et ce, en vue des Jeux Olympiques de 2008! L’envers odieux du décor humain et mirobolant des jeux!
En 2008, juste avant les Jeux Olympiques, Ni Yulan fut arrêtée et incarcérée pendant deux jours après avoir essayé d’empêcher la démolition de sa propre maison. Elle a été victime de torture de nouveau et d’autres mauvais traitements en prison. On lui a également refusé des soins médicaux adaptés. Elle sera de nouveau incarcérée quelque temps après.
Quelques moins passent. À la fin de 2008, le mari de Ni Yulan, Dong Jiqin, doit se rendre à l’évidence. Leur maison sera rasée! Ni Yulan ne le sait pas encore, puisqu’elle est toujours en prison. L’incident se déroule en plein centre-ville de Pékin. Un grand terrain vague s’étend au milieu d’immeubles. Toutes les maisonnettes ont été rasées, sauf celle de Ni Yulan et de Dong Jiqin. Les avis de destruction ont été placardés sur la porte. Son épouse incarcérée depuis sept mois, il est seul à assister au rasage par les bulldozers de sa maison. Il prend quelques clichés. Dong Jiqin pense à sa femme à qui il devra annoncer ce carnage.
À sa libration en 2010, son mari Dong Jiqin et elle n’ont plus de foyer. Ils ont vécu dans un hôtel jusqu’à ce que la police les chasse dans la rue et les empêche de louer un logement ou même de rester chez des amis. En juin 2010, après que des dizaines de personnes ont organisé une manifestation pour exprimer leur soutien au couple, la police a installé Ni Yulan et Dong Jiqin dans la pension de Yuxingong à Pékin. Les autorités ont néanmoins continué de les harceler de différentes manières, notamment en leur coupant l’eau et l’électricité, ainsi que leur accès à Internet, et en les plaçant sous surveillance.
En satellite, gravitent autour de ce couple, d’autres cas pour le moins bouleversants. Des avocats spécialistes des droits humains, des militants, auraient été assignés à résidence ou placés sous surveillance de différentes façons.
Tout ceci, pourquoi? Afin d’empêcher des troubles inspirés de la «Révolution de Jasmin» (nom donné par certains aux émeutes en Tunisie) de se produire en Chine. Car les autorités ont peur, et c’est pourquoi elles étouffent toute forme de protestation. Quelques personnes sont arrêtées, soupçonnées d’avoir commis des infractions menaçant la sécurité de l’état et au moins une personne est envoyée en camp de rééducation par le travail, une forme de détention donnée par la police, et non par les tribunaux.
Enfin, tout à l’honneur du réalisateur HE YANG, un film a été produit en 2011 dénonçant la situation des expropriations, intitulé «Emergency Shelter.» Le film attire l’attention du public sur les persécutions dont Ni Yulan est victime.
Le 22 décembre 2011, le gouvernement hollandais décernait à Madame Ni Yulan la Tulipe des droits de l’homme, pour saluer son courage exceptionnel dans la défense et la promotion des droits des citoyens.
Très humblement, je salue le courage de Ni Yulan et de Dong Jiqin qui dépasse le mien. De tels êtres laissent des traces profondes dans la société et la poussent au changement, à la progression.
D’autres dissidents condamnés en Chine
Malheureusement, le cas de Ni Yulan et de Dong Jiqin n’est pas unique.
Plusieurs autres militants ont été emprisonnés et torturés.
Récemment, quelques condamnations foudroyantes par leur brutalité ont ému la communauté européenne, et les pays d’Occident.
Citons la condamnation contre le cyberdissident Chen Xi, à l’issue d’un procès express. Le 26 décembre 2011, il fut condamné à dix ans de prison pour «subversion de pouvoir de l’État», parce qu’il avait publié sur internet des textes appelant à la démocratie en Chine.
Quelques jours plus tard, l’écrivain Chen Weil fut condamné lui aussi à une lourde peine.
Le Haut commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Navi Pillay, a appelé le 26 décembre 2011 les autorités chinoises «à libérer toute personne détenue pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression.»
Puissions-nous préserver longtemps notre droit à la liberté d’expression.
Carolle Anne Dessureault